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Aimer un animal signifie veiller sur lui sans relâche, année après année, quelle que soit la situation : voyages, déménagements, etc. Adopter un animal implique d’assumer la responsabilité de sa vie, de le protéger et de le soigner jusqu’à la fin. Cet amour animalier apporte joie et bonheur, et c’est un engagement pour le meilleur et pour le pire.
Jean-Marc Miquet partage à travers une série d’anecdotes, mêlant humour, émotion, parfois tristesse, mais toujours empreinte de tendresse, son amour inconditionnel pour ses chats. Ils sont pour lui une source essentielle de soutien psychologique et émotionnel depuis son enfance. Il en est convaincu, sans eux, il ne serait peut-être pas en vie aujourd’hui.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Jean-Marc Miquet est un militant actif pour les droits des animaux, impliqué dans plusieurs associations. Il offre son domicile en tant qu’espace d’accueil pour l’association La Patte Normande au Havre. En collaboration avec le collectif Les défenseurs du vivant, il surveille la chasse à courre pour exposer sa cruauté. Son engagement pour la cause animale est clairement démontré dans cet ouvrage, qui appelle à une plus grande responsabilité de la part des humains envers les animaux.
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Seitenzahl: 210
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Jean-Marc Miquet
Main dans la patte
Pour le meilleur et pour le pire
© Lys Bleu Éditions – Jean-Marc Miquet
ISBN : 979-10-422-0668-0
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Parus chez L’Harmattan :
Orangier, ma peluche d’infortune, 2005
La France vue de la route, 2011
L’acharnement, 2021.
À Capucine, Clifden, Félix, Grosminet, Loustic, Mistigris, Mistouflet, Ouititinette, mes chats.
À Cachou, Carambar, Chamallow, Châtaigne, Chaussette, Chocapic, Citron, Fripouille, Gaspard, Mirabelle, Nestor, Prune, P’tit Louis, Riley et Snow.
Aux chats que j’ai eus en famille d’accueil pour le compte de La Patte Normande, association créée voilà plus de dix ans par Élodie sa présidente, qui se bat corps et âmes pour ses petits protégés.
« On peut juger de la grandeur d’une nation et ses progrès moraux par la façon dont elle traite les animaux. »
Gandhi (1869-1948)
« Tu deviens responsable pour toujours de celui que tu apprivoises. »
Le Petit Prince, Saint-Exupéry, 1943
La France est « championne du monde toutes catégories » pour les abandons d’animaux de compagnie. Selon la SPA (Société protectrice des animaux), ce sont 100 000 abandons par an recensés, dont environ 80 000, durant la période estivale de juillet et août. Il s’agit là d’animaux délaissés dans des refuges ou auprès d’associations, qui sont comptabilisés. Ceux attachés à un tronc d’arbre, jetés dans des taillis ou abattus sauvagement ne sont pas dénombrés. Loïc Dombreval, député de la deuxième circonscription des Alpes-Maritimes, dans son livre Barbaries1, compte entre 200 000 et 300 000 animaux abandonnés par an. Même si ces chiffres se relativisent au regard du nombre d’animaux de compagnie dans le pays, il est tout de même colossal. C’est un vrai scandale, une véritable honte. De nombreuses campagnes, contre de tels actes de barbarie, sont pourtant très bien réalisées chaque année avec des vidéos, des affiches et des photos percutantes...
En droit français, l’abandon d’un animal est un délit pénal selon l’article 521-1 du Code pénal, de même gravité que les sévices graves ou actes de cruauté. Il est punissable d’une peine allant jusqu’à deux ans de prison et 30 000 euros d’amende. Le gouvernement de Jean Castex souhaitait renforcer les peines encourues en prolongeant l’emprisonnement à trois ans et en augmentant l’amende. Il souhaitait responsabiliser l’adoptant en mettant en place une sorte de certificat de capacité à adopter des animaux. Ceci est inscrit dans la proposition de loi du 9 février 2021 visant à créer un code du bien-être animal. Finalement, la loi du 30 novembre 2021, s’appliquant à lutter contre la maltraitance animale et à conforter le lien entre les animaux et les hommes, prévoit, entre autres, un certificat pour l’acquisition d’un animal de compagnie et le renforcement des sanctions en cas de sévices. Tout ceci est très bien, mais comment faire respecter cette réglementation ? Aujourd’hui, par exemple, l’identification d’un animal de compagnie est obligatoire et bon nombre de propriétaires de chats ou de chiens ne le font pas. Le fichier national de l’I-CAD (Identification des carnivores domestiques) recense chaque année le nombre d’animaux nouvellement identifiés. Même si les identifications sont à la hausse d’année en année, elles ne reflètent néanmoins pas la réalité du nombre d’animaux de compagnie sur le territoire national. La Fondation 30 millions d’amis estimait, en juin 2020, à la moitié les chats non identifiés. L’un des motifs de refus de réaliser cet acte est le tarif, autour de 70 euros. C’est un prix raisonnable au regard de l’acte et surtout du service que cela rend, mais c’est un montant important à assumer pour de nombreuses personnes aux revenus modestes.
Les animaux victimes d’abandon ne comprennent pas ce qui leur arrive lorsqu’ils sont ainsi délaissés. Ils se retrouvent brutalement enfermés dans un box. Ils ne voient plus ceux qu’ils aimaient, à jamais. Certains se laissent dépérir. Ils refusent de s’alimenter. Ils ne font plus leur toilette. Ils subissent une détresse psychologique insurmontable. Il n’est pas rare de voir certains chiens ou chats verser des larmes de tristesse. Cela est régulièrement constaté et relaté sur les réseaux sociaux par des bénévoles de refuges. Les vidéos sont tout à fait émouvantes.
Les animaux jetés à la rue ne peuvent pas se débrouiller seuls. Ils sont vulnérables aux maladies (typhus, coryza…) et à tous les parasites. Ils sont porteurs d’innombrables puces et souvent de tiques qu’il est possible de voir à l’œil nu. Ils ne savent pas se défendre face à des congénères agressifs ni éviter tous les obstacles de leur nouvel environnement, telles les voitures, les trottinettes. Ils ingèrent de multiples poisons qui détruisent foie, reins et autres organes vitaux. Comme ils ont vécu auprès d’humains, ils pensent que tous sont bienveillants et tombent parfois sur de vilaines personnes ne pensant qu’à leur faire du mal. Pour ces gens-là, il s’agit juste d’un jeu.
Un animal de compagnie n’est pas un animal sauvage et ses besoins éthologiques ne sont donc pas les mêmes. Un chien ou un chat a été façonné au fil des siècles pour vivre auprès de l’homme. Sur le site de la SPA, il est indiqué : « Mais on ignore la plupart du temps que l’espérance de vie chez le chat est actuellement de dix-neuf ans pour un chat d’intérieur, et seulement quatre ans pour un chat qui sort en liberté. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. »
J’ai récupéré mon chat, Félix, alors qu’il était en déshérence. Précisément le type de chat trop sociable pour vivre dehors. Ce fut l’exemple même du chat victime de la cruauté des hommes. Lorsque j’ai appris que des personnes lui avaient fait boire de la bière, simple jeu stupide, j’ai décidé de le sortir de cet enfer. Je l’ai pris d’abord sous statut associatif avant de l’adopter définitivement.
Je peux ici témoigner de l’état pitoyable de certains chats récupérés par les associations. Au Havre, où je suis famille d’accueil (ou FA) pour une petite association locale de protection des animaux, La Patte Normande, nous récupérons des chats, chiens, lapins, furets, dont les gens ne veulent plus. Nous voyons bien que certains de ces êtres sensibles ont connu le bonheur d’un foyer. Ils vont vers l’homme et ne sont pas sauvages du tout. Cependant, ils sont souvent bien mal en point, ni identifiés, ni stérilisés, ni vaccinés, ils sont porteurs de maladies diverses et variées. Nous prenons en charge certaines bêtes dans un état désespéré, avec des insuffisances rénales, hépatiques ou autres… La plupart du temps FIV+ et porteurs de la leucose, autant dire qu’ils sont quasiment inadoptables. Certaines femelles sont gestantes ou ont des chatons qu’elles ont bien du mal à allaiter tant elles sont dénutries. Certains ont des fractures mal consolidées. Des radiographies laissent apparaître de mauvaises surprises. C’est ainsi que j’appris, par hasard, que mon chat Grosminet avait une balle de fusil logée dans le fémur. Ce pauvre chat a vraisemblablement été tiré par un chasseur. Il faut souvent les opérer en urgence pour extraire des abcès à la mâchoire et des dents complètement défoncées. Ces pauvres animaux souffrent le martyre. Pour certains, hélas, nous devons abréger leur supplice. Telle a été la situation du pauvre petit chat tigré et si affectueux, Citron, qui n’a survécu que trois jours après son sauvetage, malgré les soins vétérinaires. Je l’avais récupéré dans une petite ville de l’Eure à la demande d’une association qui ne pouvait pas le prendre en charge. Bref, les tableaux cliniques sont généralement désastreux.
Au-delà de la maltraitance animale que cela implique, se posent aussi les gênes pour le voisinage. Les chats non stérilisés hurlent lorsqu’ils se battent. Les miaulements des matous en chaleur sont particulièrement pénibles. Ces bruits surviennent essentiellement le soir ou la nuit. Par ailleurs, cela crée des problèmes importants d’insalubrité liés aux déjections.
Aux termes des articles L2212 et suivants du Code général des collectivités territoriales (CGCT), le maire est responsable de la sécurité, de la santé et de la salubrité des concitoyens de sa commune. La question des abandons de chats et de leur errance est donc de sa responsabilité. Pour se donner bonne conscience, la plupart des maires allouent une subvention annuelle au refuge de la ville et leur prêtent des locaux et un terrain. C’est bien pour les animaux qui y sont déposés, mais le problème reste entier pour ceux qui sont lâchement laissés sur le trottoir. Des bénévoles doivent alors aller au-devant de ces bêtes terrorisées et les trapper. Les associations hésitent à faire pression sur le maire. Ce dernier pourrait alors décider d’employer la manière forte en les abattants sauvagement, par piégeage, trappage et euthanasie dans le meilleur des cas. Hélas !
Une fois remis sur pattes et après une période d’isolement, il faut retrouver des adoptants fiables. Malheureusement, la plupart des familles préfèrent porter leur dévolu sur de très jeunes chatons. Les chats adultes ne rencontrent pas le succès qu’ils méritent. C’est dommage, car ils sont tout aussi affectueux, voire plus, car reconnaissants d’avoir été sortis d’une mauvaise passe. Par ailleurs, le chat adulte n’offre que très peu de surprise quant à son comportement et son caractère. Un chaton, lui, va évoluer durant la première année. D’une mignonne petite boule de poils, facétieuse, ronronneuse à souhait, il peut devenir une fois adulte, un chat plus réservé, plus indépendant.
Tout ceci n’arriverait pas si chacun assumait ses responsabilités y compris durant les vacances. Je ne comprendrai jamais comment il est possible d’abandonner un animal, quelles que soient les raisons invoquées et ce, d’autant plus quand l’abandon est fait sauvagement, sans respect de l’animal.
Le poète Alphonse de Lamartine a écrit : « On n’a pas deux cœurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a un cœur ou on n’en a pas. » Si l’homme est capable d’abandonner son animal, il est tout aussi capable d’abandonner l’un de ses proches. Aussi incroyable que cela puisse paraître, j’en ai été témoin lorsque j’étais infirmier aux urgences de l’hôpital Cochin à Paris. Je veux ici vous raconter une malheureuse histoire, parmi tant d’autres, dont j’ai été partie prenante.
Nous sommes en 1997. Je travaille la nuit. Vers 23 heures, un homme d’une cinquantaine d’années se présente avec une dame âgée dans le service. Il la pousse dans un fauteuil roulant et tient une valise.
— Bonsoir, ma maman est tombée dans son appartement. Il faudrait l’hospitaliser.
Je prends en charge la personne et l’emmène dans un box de soins.
— Est-ce que vous pouvez vous lever et vous allonger sur le brancard, s’il vous plaît, madame ?
— Mais non, elle ne peut pas, elle est tombée, me répond l’homme agacé.
— Laissez-moi faire, nous allons voir.
J’encourage la dame doucement. Elle se lève et s’allonge sans difficulté. Je remarque beaucoup de mélancolie sur son visage, presque de la tristesse. Elle parle très doucement et très lentement. Je lui prends ses constantes, températures, pulsations, tension artérielle et ne constate rien d’anormal. Je palpe légèrement ses bras, ses jambes, ses côtes. La vieille dame se laisse faire sans montrer le moindre signe de douleur.
— Alors, fait le monsieur nerveusement.
— J’appelle le médecin.
Je relate au médecin mes premières constatations. Ce dernier fait une auscultation très poussée. Il mobilise tous les membres les uns après les autres. Il me regarde, nous nous sommes compris.
— Tout va bien, madame, vous allez pouvoir rentrer chez vous.
— Mais comment ça ? fait le monsieur excédé, ce n’est pas possible, elle est tombée très violemment, elle s’est cognée. Vous ne lui avez même pas fait de radios pour voir si elle n’avait rien de cassé.
— Elle aurait eu une fracture, ou même une fêlure, je n’aurais pas pu bouger ses membres comme je l’ai fait. Elle aurait eu très très mal. Rassurez-vous, tout va bien.
L’homme blêmit. Il avoue :
— De toute manière, ma maman ne peut pas rentrer toute seule chez elle. D’habitude, je m’en occupe, mais, là, je pars en vacances demain. Il faut absolument l’hospitaliser.
Le ton monte entre le médecin et ce fils peu délicat, c’est un euphémisme. Ce dernier doit repartir avec cette pauvre femme et la valise. L’hôpital n’est pas un refuge pour personnes délaissées. Il l’aura appris à ses dépens.
« Quand tu abandonnes un chien parce qu’il ne te sert plus, tu apprends à tes descendants quoi faire de toi quand tu seras vieux. » J’ai trouvé cette phrase sans auteur sur les réseaux sociaux. Qu’elle est juste ! Souvenez-vous des 15 000 morts que la canicule avait provoqués en 2003. J’étais cette année-là infirmier au CHU d’Amiens. Nous recevions des personnes âgées déshydratées. La plupart du temps, nul ne s’était soucié de ces personnes abandonnées, ne serait-ce que pour leur donner à boire. Et c’est à l’hôpital que l’on reprocha son manque de réactivité et son manque de moyens notamment en ventilateurs et en climatiseurs. Chacun reportait la responsabilité des abandons sur les services de santé et le ministre en charge de l’époque.
Évidemment, parmi les nombreux prétextes fallacieux aux abandons, il y a les vacances et les voyages. C’est l’une des principales causes de ce crime généralisé puisque c’est notamment durant la période estivale qu’il y a le plus d’abandons.
Il est pourtant si facile et si agréable de partir en vacances avec son petit compagnon. Je vais vous le raconter à travers mon expérience en compagnie de Mistigris, Clifden, capucine, Grosminet, Mistouflet, Félix et Loustic, mes chats. Tout au long de ma vie, ils ont partagé mes voyages. Je vous parlerai aussi de Bouba, le chien d’un de mes voisins, avec lequel j’ai aussi voyagé quelques fois.
Ce livre est l’histoire du quotidien avec mes chats ; il est aussi celle de mes chats.
Mistigris n’a jamais supporté la voiture !
Nous sommes en janvier 1983. Mes parents décident de m’offrir un chat le jour de mes quatorze ans. Ils savent que j’aime les animaux, que j’y suis attentif et surtout que je les respecte.
Pendant longtemps, avant d’avoir Mistigris, je me suis occupé d’Arthur, le chat des voisins du troisième étage de l’immeuble où nous habitions. J’organisais mes fins d’après-midi en fonction de ce chat noir et blanc. Ses maîtres le laissaient dans le jardin qui joignait deux immeubles à Boulogne-Billancourt. Tous les jours, à la sortie de l’école, j’allais le chercher. Je l’amenais dans ma chambre et, en début de soirée, je le remontais chez lui au troisième étage. Arthur attendait chaque fois mon retour et je ne lui faisais jamais défaut, quitte à renoncer à l’invitation d’un camarade. Mes parents avaient donc constaté que mon amour des bêtes et ma volonté d’en avoir n’étaient pas un caprice passager. Cette grande amitié avec Arthur a duré plus de six ans, de la classe de CE2 – autant que je m’en souvienne – jusqu’à la 4e. À la fin de sa vie, ses maîtres ont décidé de s’en séparer. Ils ne s’en occupaient plus. Un jour, il a disparu et je crois que le pauvre chat a été donné.
Je suis un adolescent écorché vif, trimballant sur son dos une enfance douloureuse due à une maladie orpheline2. Les nombreuses hospitalisations et interventions chirurgicales laissent des séquelles physiques et psychologiques compliquées à gérer. Je ne supporte pas la violence de l’école, les moqueries, les quolibets des collégiens et surtout des adultes. Je ne suis pas comme les autres et j’en souffre. Je fais une fugue assez spectaculaire, durant les vacances de Noël, pour exprimer mon mal-être. Je fais de l’auto-stop jusqu’à Strasbourg. Je rejoins un ami qui a déménagé dans la capitale alsacienne. Je dors dans des canalisations désaffectées, dans des bois, sur des trottoirs, dans des gourbis et dans des hôtels. Je suis arrêté par les gendarmes à Saverne.
Ce chat m’apaisera peut-être… Qui sait ?
La décision est mûrement réfléchie. Nous avons tous conscience qu’il s’agit d’un engagement pour de longues années. Je suis fou de joie lorsque je découvre la surprise.
Nous allons chercher Mistigris avec ma mère, chez un vieux monsieur qui demeure quelques rues plus loin. Une commerçante nous a mis en relation. Nous découvrons un magnifique chaton tigré gris européen. Sa mère est une chartreuse gris ardoise, splendide. La séparation des deux animaux est douloureuse. La chatte et son petit s’appellent. Nous partons vite en remerciant le vieux monsieur. La famille s’agrandit donc avec Mistigris. Il est un peu farouche à son arrivée à l’appartement. Il se cache sous les chaises et nous observe attentivement. Puis, il inspecte les lieux, va dans le salon et les chambres et découvre un endroit excessivement intéressant : la cuisine. Ma mère a acheté une bonne pâtée pour l’accueillir comme il se doit.
L’ancien propriétaire nous a prévenus que le chaton avait des puces. Aussi, avant de nous le laisser, nous a-t-il donné une poudre prévue à cet effet. Mistigris n’a donc pas le droit de dormir dans les chambres. Un carton, garni d’une serviette épaisse, est installé dans la cuisine. Nous caressons une dernière fois le chaton qui va faire sa première nuit tout seul et allons nous coucher. Aussitôt, nous l’entendons miauler de plus en plus fort. Il hurle tout ce qu’il peut. Comment un aussi petit chaton peut avoir une voix aussi forte ? Nous espérons qu’il se fatigue, en vain. Au bout d’un quart d’heure, ma mère m’autorise à prendre Mistigris dans ma chambre, à la tête du lit, mais pas dedans. J’emmène donc le carton et le chaton me suit, la queue en l’air. Il semble ravi d’avoir gagné la première manche. Mais il n’en reste pas là. Il me regarde m’allonger et escalade le lit avec ses petites pattes pour me rejoindre à la tête. Il ronronne très fort, heureux de se lover contre mon cou. Je résiste à son charme et le repose dans le carton, une fois, deux fois, trois fois. Mistigris a gagné la deuxième manche !
Mistigris ne met pas longtemps à se détendre et à jouer. Il devient vite un joli petit chaton espiègle. C’est un vrai bonheur de le regarder faire ses facéties. Il se démène face à la glace de la salle de bain, se battant contre lui-même. Il n’a pas encore conscience que le chaton en face de lui, ça n’est que lui. Alors, il fait des pirouettes, se jette, sur la glace et donne des coups de patte. Il est obnubilé par l’eau du robinet. Il interrompt le filet d’eau et essaie de boire, sans se mouiller. Et pourtant, il a une gamelle d’eau à sa disposition. Mistigris est très curieux, surtout dans la cuisine. Il escalade les jambes pour venir sur nos épaules, vérifier que nous n’avons pas quelque chose qui serait comestible. Dans ce cas-là, le port d’un pantalon est très vivement recommandé. À table, il grimpe et essaie de s’emparer d’un morceau de viande.
Mistigris fait la joie de toute la famille. Il apporte de la gaieté et de la bonne humeur dans un foyer dont l’austérité est exacerbée. Ma mère est aux anges devant ce petit chaton. Elle rit de bon cœur et s’attache immédiatement à lui, beaucoup plus vite que je ne l’avais imaginé. Mistigris ne tarde pas à prendre l’habitude de dormir sur son bureau lorsqu’elle corrige des copies ou prépare des cours. Elle enseigne l’allemand au lycée Jacques Prévert de Boulogne. Il vient sur ses genoux lorsqu’elle tricote. Elle adore.
De ce fait, Mistigris obtient rapidement beaucoup de passe-droits. Il devient très vite un chat gâté. Ma mère lui achète du mou au marché – ou poumon d’animaux vendu comme viande de moindre qualité pour les chats. Lorsqu’elle fait revenir le morceau dans une poêle avec du beurre, le chat hume l’odeur. Je le taquine en le prenant dans mes bras. Je l’emmène dans le salon. Il se dégage et retourne à toute vitesse dans la cuisine pour son festin. Il s’en délecte. Une fois le repas avalé, il s’assoit devant ma mère qui le regarde. Il se lèche les babines comme pour indiquer à quel point il a apprécié son menu. Puis il va nonchalamment trouver un endroit confortable pour une petite sieste digestive.
Au début, nous pensons que c’est une femelle. Nous l’appelons Prisca. Lorsque le vétérinaire nous annonce que c’est un mâle, nous allons au plus simple et c’est Mistigris.
Quelques jours après son arrivée, nous descendons Mistigris dans la cour de l’immeuble commune à deux bâtiments face à face. C’est une cour avec un jardin, de beaux arbres, des massifs, des fleurs. L’espace est complètement clos et le chat ne risque rien. Mistigris est tout heureux. À lui la liberté ! Il court partout, renifle les odeurs, s’essaie à l’escalade. Je joue avec quelques branchages. Nous laissons Mistigris mener sa vie et le surveillons de loin. Puis, tout à coup, il n’y a plus de chat. Mistigris a disparu. Nous ne nous inquiétons pas trop, car il ne doit pas être bien loin. Nous le cherchons. Soudain, nous l’entendons miauler désespérément. Comment a-t-il réussi à pénétrer dans l’ancienne scierie juste à côté ? Il a grimpé à un arbre et est entré par un carreau cassé. Me voilà obligé d’escalader la façade et de me hisser sur le toit. J’enlève délicatement quelques tuiles et j’aperçois le chaton. Je l’invite à me rejoindre en escaladant les poutres de la charpente. Heureusement, le chaton est futé et trouve la voie pour me rejoindre. Je le récupère et le maintiens tout en replaçant les tuiles. Je mets le chaton dans la poche ventrale de mon sweat-shirt et redescends. La balade a assez duré pour aujourd’hui !
Nous décidons de ne pas stériliser Mistigris. Nous estimons que c’est une mutilation et nous ne voulons pas la lui infliger. Bien mal nous en a pris. Un soir, soudainement, Mistigris se met à miauler. Il tourne dans l’appartement en se faisant entendre. C’est à la fois des miaulements roques, des cris et des pleurs. Il nous implore de le laisser aller dehors. Il en est hors de question. Il ne s’arrête pas. Nous le laissons dans la cuisine pour la nuit, c’est encore pire. Sylvie, ma sœur, essaie la manière forte pour le calmer. Elle est énervée de ne pas pouvoir dormir. Elle a un devoir sur table le lendemain. Mais sa technique ne sert évidemment à rien et cela me fait de la peine. Je reste avec le chat dans la cuisine. Je lui parle, je le caresse. Il se fatigue et commence à s’apaiser. Je le laisse me suivre et nous passons une nuit, certes courte, mais tout de même paisible. Dès le lendemain, nous revenons, à l’unanimité familiale, sur notre décision.
Comme le chat m’appartient, c’est à moi de m’en occuper. J’appelle donc le cabinet vétérinaire le plus proche pour prendre rendez-vous. J’explique que c’est un premier contact pour les vaccins et la stérilisation.
— Très bien, me dit la secrétaire du vétérinaire. Quel est votre nom, s’il vous plaît ?
— Miquet
— Non, pas le nom du chat, le vôtre.
…
Mistigris est stérilisé par le très célèbre docteur Philippe de Wailly, vétérinaire des animaux des présidents de la République et de nombreuses célébrités de l’époque.
Mistigris m’aide à passer le cap de l’adolescence. L’école et le collège sont des milieux extrêmement violents pour qui a eu un passé un peu lourd. J’ai un déficit de la paroi abdominale. Mon ventre n’est donc pas retenu par manque d’abdominaux. Cela forme un arrondi. Je suis gros. Les enfants peuvent être très cruels entre eux, quolibets et moqueries sont nombreux. Mais le pire est le sarcasme des enseignants. Un professeur d’anglais n’hésite pas à me prendre en exemple pour expliquer le mot fat – gros en anglais. Elle me désigne du doigt et dit :
— « Jean-Marc is a fat boy. »
Évidemment, cela fait rire tout le monde. Cette même année, en 4e, le professeur de dessin est très cruel avec nous et les remontrances sur le physique sont chez lui habituelles. Après des journées d’extrêmes tensions, de bagarres souvent, je rentre à la maison accueilli par Mistigris. Le petit chaton, insouciant de ce qui se trame à l’extérieur me sollicite pour jouer. Je m’occupe de lui, je le caresse, je le brosse. La tension tombe lentement, mais sûrement grâce à mon chat.
Nous emmenons régulièrement Mistigris à la maison de campagne, mais il est malade à chaque fois qu’il est dans sa caisse, et ce, depuis son plus jeune âge. Il ne supporte pas la voiture.
J’ai pourtant pris soin, très tôt, avant ses cinq mois, de le mettre dans le véhicule à l’arrêt pour le familiariser à l’habitacle. Il s’est baladé de siège en siège et sur la plage arrière. Il a inspecté les moindres recoins avec intérêt. Je me dis que tout va bien. Mistigris n’est pas inquiet par cette découverte. Je suis rassuré.
Mais le premier voyage est une catastrophe ! Au bout de cinq minutes, Mistigris vomit, urine et défèque. Il miaule à s’en rompre les cordes vocales. Nous devons nous arrêter en urgence pour nettoyer sa caisse et pouvoir respirer autre chose que ces odeurs terriblement nauséabondes.