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Empli d’humour et de surprises,
Maison d’autres relate les tribulations d’une maison d’hôtes, depuis la genèse du projet jusqu’à sa gestion quotidienne. Derrière cette bâtisse, vous découvrirez les moments de gaieté, de dépit, de colère, de renoncement et de joie intense de nombreux citadins en quête de reconversion.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Auteur de plusieurs ouvrages à succès, conférencier sur la psychologie et l’accompagnement des athlètes de haut niveau,
Dominique Simoncini ne perd pas une seconde de cette vie qu’il parcourt avec délectation. Voyageur invétéré, il a traversé le monde pour en rapporter une montagne d’expériences folles à raconter.
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Seitenzahl: 223
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Dominique Simoncini
Maison d’autres
ou
Les tribulations quotidiennes
et cachées des maisons d’hôtes
Roman
© Lys Bleu Éditions – Dominique Simoncini
ISBN : 979-10-377-6987-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
50 ans c’est un vrai tournant ! Un moment particulier où il te reste encore un peu d’énergie et surtout l’âge auquel il t’en manque beaucoup pour continuer à t’emmerder dans un job sans intérêt avec des collègues. Job dont tu as fait le tour, managé par un patron absurde que tu ne supportes plus. C’est le moment de changer de vie professionnelle pour beaucoup de quinquas, de jeunes vieux comptables, de vieux jeunes marketers, de vieilles attachées de direction pubères ou encore tout simplement nous, jeunes et déjà vieux qui accordons une importance rare à notre vie.
Une vie après laquelle nous courons maintenant qu’il en reste plus derrière que devant. Donc plus aucune excuse pour rester sur place, pas de regret et vive l’aventure. Lassés de notre vie dans une vallée sublime mais un poil trop étroite, une vallée si étroite qu’elle y concentre toutes les pollutions possibles. Les visuelles avec ses 5 étoiles qui fleurissent partout, ses immeubles locatifs de luxe construits à « la va-vite » sans penser plan d’urbanisation raisonné, ses files de camions qui pénètrent le tunnel du Mont-Blanc dans un coït ininterrompu. Ces olfactives pollutions, lâchant une odeur pestilentielle plus appropriée à une sodomie ratée qu’un coït amoureux tendre. Olfactives, encore avec ce maudit incinérateur sur capacitaire construit en pied de vallée par des ingénieurs mal embouchés qui décidèrent d’envoyer dans l’atmosphère du Mont-Blanc plus de cochonneries qu’un abattoir porcin breton. Olfactive toujours, avec cette usine hors d’âge qui produit de la Cheddite, sorte de minerai noir comme du charbon qui empuantit l’air et les poumons et tue notre avenir dans une insalubrité irrespirable. Nos enfants malades, nos vieux toussoteux et nos poumons noircis imploraient grâce ! Il y avait la pollution auditive aussi ! Une pollution à laquelle nous étions habitués, un vieil acouphène oublié, fait d’un bruit de 40 tonnes en fond de vallée et de voitures par centaines de milliers. Des carrosses toujours plus nombreux qui masquent le klaxonne si doux du petit train du Montenvers quand il escalade la montagne en passant sous les paravalanches. Non, décidément, 50 ans pour voir tout ce changement, toutes ces rides sur ma vallée, sur mon vieux corps déjà un peu fatigué, cette lassitude sur le visage de ma femme et les poumons encrassés de notre fils nous ont poussés à prendre un virage social et professionnel probablement salutaire. Il fallait partir, mais pour cela il fallait tout vendre et tout quitter. Ce nid majestueux que l’on abîme tous les jours, cette famille et ces amis construits sur la durée. Cette fille chérie déjà si grande, amoureuse de sa vallée et des sentiers qu’elle a encore à pratiquer ! Il fallait tout quitter. Ces chemins empierrés qui dévoilaient les glaciers après une belle et bonne suée. Ces crêtes si belles au lever du soleil et tout le reste dont on ne s’est jamais lassé. Nécessité faisant loi, il fallait faire table rase de tout cela pour entreprendre une nouvelle vie. Peu rassuré mais déjà partis nous cherchions ce qui pouvait entretenir notre motivation pour surtout ne pas reculer.
D’autres ont traversé l’océan et ont fait fi de la barrière culturelle et de la langue. Certains sont partis sans rien avec juste la volonté et le désir de vivre mieux ou en tout cas pas moins bien. D’autres encore ont franchi tous les obstacles pour entreprendre une vraie vie pleine de nouveautés et de problèmes inconnus. Alors, pourquoi avoir peur ? De quoi avoir peur ? Surtout si nous ne franchissons pas les frontières du pays le plus imposé du monde, aux règles les plus iniques et aux normes les plus drastiques. Non, nous ne risquons rien à aller nous mettre dans la bouse 450 kilomètres plus loin si c’est pour notre bien. La bouse c’est bien connu, c’est bon pour la peau et nous les petits provinciaux, les traitements de grand-mère ça nous connaît ! Nous voilà donc en quête d’un nouveau toit et un nouveau moi sous ce toit. Nous voulons autre chose de notre vie et n’avons plus beaucoup de temps à perdre, alors c’est le moment de partir et d’installer notre petite meute dans un endroit qui nous ravira dans lequel les oiseaux chantent en canon et les fleurs sont belles. Un Eden fait de prairies et d’animaux magiques où les gens sont gentils et les fromages sentent bon. Un endroit où la lavande pousse dans les prés et non pas dans un sachet plastique de mauvaise qualité. Un lieu où il fera bon vivre en respirant un air moins vicié avec des administratifs municipaux au service de la communauté et non de leurs petites chaleurs émotionnelles ou de leur petit pré carré tout racorni ! Nous voulons fuir le harcèlement administratif, la méchanceté et surtout l’incompétence de deux préposées à l’urbanisme des Houches. Un maire incapable de gérer son service et maintenant élu député ? Cela en dit long sur l’avenir de la France avec de telles compétences au plus haut niveau de l’état !
Notre maison en signature de compromis il fallait accélérer les choses ! La fin du bail commercial de notre société locale nous demandait de mettre les bouchées doubles et les mois qui passent à la vitesse de la lumière ne présagent rien de bon. C’est à ce moment que je me suis dit :
Quand tu es jeune le temps perdu c’est juste du temps qui passe, mais lorsque tu vieillis le temps qui passe c’est surtout du temps perdu !
Oui nous voulions un autre lieu de vie avec si possible un avenir. Pourquoi pas en Gaspésie ? À Montréal ou Québec ? Loin en tous cas de ce que nous avions connu mais peut-être un poil plus chaud quand même. Donc nous allons éviter le Canada, l’Islande, la Norvège ou l’Alaska et regarder vers le sud. Pas trop au sud quand même, peut-être alors que le sud de la France trouvera grâce à nos yeux. Oui mais alors… ? On reste en France du coup ? Les choses vont bien finir par s’améliorer. Le gouvernement va changer c’est sûr. Les nouveaux venus feront certainement table rase du passé et ne s’encombreront pas des vieux fonctionnements crasseux dont plus personne ne veut. Peut-être jetteront-ils enfin les technocrates aux orties pour en faire une soupe fertile de bonnes nouvelles ?
Allez, va pour le sud et la chanson de Nino Ferrer, je commence à consulter les sites de vente en ligne de maisons. Plusieurs maisons trouvent grâce à nos yeux dont une à…. Grasse justement ! Nous décidons de nous y rendre le week-end suivant afin de la visiter tant la promesse d’une vie ravissante s’ouvre devant nous. Bon OK… On imaginait bien ne pas avoir le bol de trouver du premier coup. Et la visite tourna court, la bicoque étant placée en bord d’une route, certes peu fréquentée, mais surtout difficile à localiser. Je pense qu’une fois installés, nous aurions survécu entre 6 et 9 mois avant de connaître le premier décès familial. Nous visitâmes en famille et seul Tom notre fils fut séduit par l’endroit. Peu conscient des contraintes de l’éloignement et du montant pharaonique des travaux d’aménagement auxquels nous étions contraints. J’écourtais la visite afin de retrouver au plus vite la route du retour et fuir cet endroit qui ne correspondait absolument pas à notre avenir idéal… Sur la route du retour, Nathalie et moi devisions sur le lieu de notre futur. Un futur que nous voulions heureux avec du boulot et surtout une vie ! Une vraie vie avec des poumons propres, des produits frais à manger et des fleurs qui sentent enfin bon. Qui sentent autre chose que le fioul, l’éther, le souffre, la dioxine et les poubelles comme celles du bas de la vallée du Mont-Blanc que nous quittions déjà dans notre esprit. C’est probablement pour cela que nous avions opté pour Grasse en premier choix ? Grasse capitale mondiale du parfum, nous nous étions dit que cela devrait nous convenir au mieux. Sur la route du retour il nous restait Bormes-les-Mimosas, Fougères, Juan les Pins, ou Hyères les Palmiers, pas grand-chose en fait… Nous devions donc revoir cette idée qui avait fleuri trop vite et s’était fanée en moins de deux.
Il nous fallait trouver un endroit attractif, à la situation géographique reconnue. Alors, nous avons commencé à regarder sur les sites internet comment les autres maisons s’étaient organisées. Vers quoi se rapprocher afin de capter une clientèle importante ? Pas question d’aller dans la Beauce même si le tourisme là-bas y est certainement attractif, très attractif ! Nous voulions quelque chose qui parle, un endroit qui crie, voir hurle son potentiel aux yeux et aux oreilles des estivants en goguette. Certaines maisons d’hôtes perdues vantent leurs situations géographiques en utilisant tous les subterfuges possibles. Comme celle-ci, qui annonce se situer dans le Triangle d’or Avignon Carpentras Orange ? Ah bon ? Il y a un Triangle d’or Avignon Carpentras orange ? Connu et reconnu dans le monde entier ou seulement de mon dentier ? Pour nous pas question de tromper nos futurs hôtes en annonçant que nous nous situons dans le Triangle d’or Quimper/Vintimille/Lens et bienvenue à Clermont-Ferrand ! Ou mais alors ou… ? Quel endroit propice à l’installation et surtout au développement commercial synonyme de réalisation personnelle et de trois repas par jour ! Nous ne savions pas encore, open à toutes les destinations même outre-Atlantique encore que… Le Canada, ça pique un peu en hiver et ça pique un peu pendant sept mois quand même ! Donc pas Grasse et pas Montréal. On avance sur la carte ! Hervé, mon ami de toujours, me propose de venir le voir dans sa région d’adoption. Lui a quitté Chamonix depuis quelques années pour atterrir dans le Luberon après un passage à Paris. Il y habite depuis trois ans et souhaite que je vienne faire un tour de vélo avec lui en plein mois de février ? Bon que je veuille me changer les idées certes ! Mais de là à faire du vélo à cette période quand même ! Il doit y avoir au moins soixante centimètres de neige là-bas à cette époque ? Au moins soixante ! Qu’importe, je prends trois jours et j’en profite pour planifier une visite d’une maison d’hôtes à vendre à Cavalaire. Me voilà à nouveau sur la route du sud en direction de Pertuis.
Je quitte une vallée grise et sombre enfermée sous un couvercle de nuages gris et une cochonnerie glacée qui recouvre tout du sol au plafond. Plus j’avance vers le sud, plus le ciel devient lumineux et le thermomètre montre tranquillement. Grenoble 5°, Valence 11°, Montélimar 14°, Avignon 15° ? Il y a donc un différentiel de 22° entre ma destination d’arrivée et celle de mon départ ! Rien que ça en plein mois de février. J’arrive donc à Pertuis et m’installe chez mon ami. Nous allons manger dehors ce soir, dans un petit restaurant sympa, tenu par deux personnages Rabelaisien. Le lendemain, nous partons tous deux en direction de Cavalaire pour visiter cette belle demeure d’hôtes que j’ai vue en vente sur le Bon Coin. Nous quittons l’autoroute pour emprunter les 40 kilomètres de nationale qui nous séparent du littoral. Une paille qui nous prendra presque une heure et demie ? Une circulation dense, des voitures cul à cul en plein mois de février ? Des camionnettes, des camions, des mobylettes, il ne manque plus que des roulottes et des calèches ! Mais nom de dieu… Barrez-vous on est en février ! Qu’est-ce que c’est que ce bordel sur cette foutue route de Cavalaire ? Bon… On arrive enfin après trois heures de route exténuante et de circulation chaotique. La propriétaire nous accueille chaleureusement tout en servant les petits déjeuners à ses hôtes qui remplissent entièrement le salon d’hiver. La maison est pleine même en février sur le bord de mer. C’est déjà une excellente nouvelle. Une fois les petits déjeuners servis, elle nous emmène visiter les chambres. Cinq chambres, toutes différentes, bien décorées et agrémentées de divers accessoires. Une grande suite comporte même un jacuzzi privé et un sauna ! La maison est vraiment très belle et possède une belle âme. Il y a quelques travaux de rénovation à prévoir tout de même et ma calculette interne les chiffres immédiatement à environ 120 000 euros quand même ! C’est une somme conséquente qui ne m’effraie pas mais qui mérite d’être prise en compte dans la négociation. Une fois la visite effectuée et les questions posées, notre hôtesse nous quitte rapidement laissant sa maison aux mains des deux femmes de ménage. En effet, elle s’envole pour 15 jours vers une destination de rêve. Cela aussi est une bonne indication ! On va donc pouvoir prendre quelques jours de congés même la maison pleine ! Il y a des personnes de confiance qui peuvent subvenir aux besoins immédiats et entretenir l’outil de travail en mon absence ! Bonne nouvelle : je n’ai même pas commencé à travailler que je pense déjà aux moments où je pourrais buller ? C’est grave docteur ?
Hervé et moi décidons de partir en ville pour prendre notre petit déjeuner car nous sommes partis tôt et avons encore le ventre vide ! Et là… c’est le drame ! Cavalaire sur mer en hiver ? C’est juste… Comment vous dire ? Indescriptible ! Tout est fermé, sinistre, le blanc d’Espagne recouvrant toutes les vitrines et quand ce n’est pas du blanc d’Espagne ce sont des panneaux de contreplaqués. Nous tournicotons en ville pour trouver un café ouvert quand enfin une terrasse semble prête à nous accueillir ! Seulement la terrasse car le serveur lui, est déjà prêt à nous mordre sauvagement ! Un cerbère haineux et baveux qui nous regarde comme nous regarderait un Pitbull affamé dans une cave du neuf trois. Il nous montre du doigt une table pour deux afin que nous n’occupions surtout pas une des tables de quatre. C’est vrai que l’affluence est à son comble sur sa terrasse désespérément vide ! Nous attendons que le cabot du fond de salle soit débarrassé de son os afin qu’il vienne prendre notre commande. Le café est idéalement placé, en plein centre à la confluence de deux axes qui traversent la bourgade. Un endroit idéal pour observer la vie de cette ville provinciale. La vie ? Ou plutôt la mort et l’enterrement de la cité. Enfin, au bout de quinze minutes et toujours aucun autre client que nous sur cette terrasse en fête, le cerbère de la porte arrive vers nous.
« C’est pourquoi ? »
« Bonjour Monsieur, nous aimerions prendre le petit déjeuner ! »
« Nous n’avons pas de croissants et il doit rester du pain mais il est d’hier. »
Je me dis qu’il devait y avoir une sacrée vie hier à la terrasse de cet établissement si accueillant.
« Et bien deux grands cafés et des tartines de pain d’hier alors ? »
Le type s’en retourne avec sa mine renfrognée. Vous imaginez bien, de foutus clients assis à la terrasse de son café ! Quelle chierie ! Non mais vraiment ces cons ne pouvaient pas aller ailleurs ?
Quinze minutes plus tard, il revient après avoir certainement torréfié le café avec ses fesses. Il nous pose deux cafés à peine plus longs qu’un ristretto, quatre tranches de pain sec et un pauvre petit récipient avec une pâle confiture de fraise. Pour le beurre, il faut se rendre au prochain comice agricole, acheter une vache, la traire, mettre le produit dans un contenant référencé aux normes européennes, le transférer avec une charlotte sur la tête dans une jatte en inox stérilisée à 120° afin de tuer les germes, baratter la crème, tout en respectant les normes et en faire du beurre ! Nous observons la vie active de cette cité balnéaire dont le poumon central se situe exactement là où nous sommes. Un truc de fou ! On entend presque les mouches voler entre deux scooters en échappements libres et trois interpellations de cagoles.
« Hoooo ! Il est raaaaanntré Jean-Pierreu ? »
« Ouieuh ! Il est renntré ! Il n’avait pas queuh sucé des glaçons ! »
Le regard d’Hervé croise le mien et instantanément nous nous comprenons ! On se casse d’ici !
Nous rentrons au plus vite vers Pertuis, enfin si la route le permet. Là, Hervé me propose une sortie à vélo sur la route des châteaux du Luberon sud. Nous sommes en février et je le vois se préparer tranquillement en maillot court et cuissard assorti ? Je fais donc de même afin de ne pas détonner dans un paysage inconnu. Les premiers tours de roue nous éloignent de la ville pour immédiatement nous emporter vers des paysages enchanteurs. Partout, où se porte le regard la nature est belle, soignée bien travaillée, un ravissement. Je sais que dans les Alpes en ce moment il neige et il y fait un froid glacial. Le contraste est saisissant entre cette vie douce en plein hiver et la rigueur de nos montagnes. Là-bas, il n’y a que deux nuances de gris, pas de quoi s’exciter le pistile ! Ici, la lumière est magnifique sur cette nature encore endormie, mais déjà si belle. Je prends, je vole les images pour décrire plus tard à Nathalie ce que je viens de vivre ici. Il se passe quelque chose, un désir plus fort, une envie d’appartenir à cet endroit. Et si mon nouveau jardin c’était lui ? J’appelle Nat dès mon retour et lui dit : « Prépare les valises, le week-end prochain tu viens avec moi ! » Le week-end suivant nous voilà investissant la maison d’Hervé afin de la transformer en camp de base. Les visites se sont enchaînées à un rythme effréné, certaines ne durant pas plus que quelques minutes, d’autres demandant plusieurs allers-retours. L’agence qui s’occupait de nous essayant de nous proposer certains biens invendables et se refusant à nous faire visiter une maison que nous trouvions très chouette en photos. Au bout d’un moment, voyant notre insistance, Christine (la commerciale de l’agence) dut se rendre à l’évidence : il fallait nous la faire voir. Le coup de cœur fut immédiat ! Le coup de bambou aussi ! Le prix ! Beaucoup trop élevé pour nos faibles moyens, mais bon, on regarde et on s’inspire. Cette foutue maison et son charme de dingue va nous hanter pour les mois suivants. À chaque nouvelle visite, nous ne pouvions nous empêcher de la comparer à celle-ci. Il y avait eu un truc qui s’était produit.
À la fin, nous finîmes par trouver trois lieux répondant à peu près à nos critères (prix, situation, travaux à prévoir et coup de cœur). Une à Saint-Martin de Castillon, une autre à Murs et la dernière la fameuse maison de Roussillon qui, telle une sirène sur un rocher, nous attirait comme un aimant. Et dans aimant il y a « aimer ! » Dernier voyage dernier retour en voiture pour Nat et moi, cinq heures d’un débrief complet visant à éliminer au moins une maison du dernier trio ! Nous devons faire vite, notre gosse entre en 6e à la prochaine rentrée et nous sommes en juin ! Donc il y a aussi cette priorité, pouvoir l’inscrire au collège et lui assurer une forme de sérénité scolaire. Durant tout le retour nous évoquons les plus et les moins des trois demeures. On sent bien l’arnaque dans celle de St-Martin de Castillon. Une magnifique maison qui, soit dit en passant, devait réaliser selon ses propriétaires un chiffre d’affaires permettant de racheter Airbus et Dassault entreprise. Murs, une bien belle demeure, je dirais même plutôt un hameau perdu rénové avec goût qui a épuisé ses rénovateurs ! Dix ans d’un boulot de colosse pour finalement exploser le couple comme une liberté en période de covid. Reste encore Roussillon, haaaa… ! Roussillon et son prix d’acquisition défiant la raison et surtout notre capacité d’emprunt. Nous éliminons donc Saint-Martin de Castillon et restons sur les deux dernières maisons. Le lundi matin, je fais deux offres en simultanée. Deux propositions presque indécentes tant ma proposition rabaisse les prix au niveau de ceux d’une dernière semaine de soldes d’hiver. Les Moon boots en Roussillon se portent basses et pas souvent alors autant les payer le moins cher possible. Deux heures plus tard, un boiiiing intempestif résonne sur mon Mac et un mail vient de tomber ? La première proposition est acceptée par les propriétaires ? 300 000 euros de moins ! Rien que ça ! Pas une demande ni la moindre restriction, l’offre est acceptée en bloc ! Yahoooo mais en même temps « Bordel il faut y aller ! Merde alors ! C’est parti, on se casse de Cham ! La trouilleeeuuu ! » Nat et moi sommes aux anges et aux démons, partagés entre le bonheur d’avoir obtenu celle qui nous plaisait le plus et la peur d’avoir fait un choix arbitraire trop rapide en raison de la rentrée de notre bambin.
De mon côté, je me demande où se situe la boule de pu ? Comment ont-ils pu essayer de vendre un bien 300 000 euros au-dessus du prix du marché ? Pourquoi ont-ils si vite accepté ? Quel est le nid à merde dans lequel je viens de me planter ? C’est quoi l’anguille sur le pompon ? La cerise sous roche ? Non… Quand faut y aller, faut y aller ! Je commence à plancher sur le déménagement de notre maison et la location d’un garde-meubles pour assurer la transition. Je valide les dates de la vente de notre demeure afin de rendre concomitantes les dates de départ de Cham et d’arrivée en Provence. Pour le moment, on a plus de maisons et une autre en cours d’acquisition ! J’essaie de dormir… J’ai bien dit : j’essaie ! Mais voilà, le sommeil est certainement dans le garde-meubles et je sais plus où je l’ai mis.
Je dors plus donc je réfléchis. Je refais 234 fois le déménagement. Je construis déjà le site internet. Je nomme les chambres, cherche dans mon esprit en ébullition les détails qui m’échappent encore et que je dois absolument contraindre. Pourtant, il est 2 h 34 du matin et je ne ferais pas grand-chose à cette heure-ci. Les nuits sont longues quand on passe son temps à cogiter, pétri par les doutes et la peur de l’erreur fatale. Celle qui va transformer un rêve en une honteuse réalité. Je m’use de ce manque de nuit, je me flétris sur cet oreiller dur comme du bois, les plumes ont laissé la place à un imaginaire problématique qui s’ingénie à me réveiller sans cesse.
Le matin, il faut donner le change, enfiler son costume de responsable et ne rien laisser transparaître au reste de la meute. Alors on emballe, on jette, on garde imaginant utiliser un jour prochain ce qui vient de passer douze ans sur une étagère. On empile les cartons, on cherche de la place partout, on organise déjà la chronologie de la fin. Les meubles vont aller s’empiler dans un box. Ce sont mes excellents résultats au jeu Tetris qui seront à cet instant un gage de réussite. Il ne reste plus un centimètre cube de disponible dans le container et pourtant il y en a encore autant à empiler ?
Direction la maison familiale et son garage si vide. Rien de grave, j’arrive avec de quoi lui redonner une seconde jeunesse. Maman est enchantée de nous voir envahir son espace et venir habiter quelques semaines avec elle. À 50 ans, se retrouver hébergé chez maman est une expérience ! Surtout quand tu débarques avec tes meubles, ta famille, tes chiens, tes vélos, ta moto et ton histoire sans cesse renouvelée chez une femme qui n’a jamais compris pourquoi tu cherches ailleurs ce qui lui suffit ici. Les cinq semaines suivantes seront une phase tampon salutaire. Un moment de repos et de quiétude dans cette maison protectrice. Je me sens capable d’affronter le monde sans pitié de la Provence. Ces lavandes agressives, ces villages de pierres, cette histoire chargée, ces touristes si nombreux, ces caves vinicoles trop accueillantes ! Oui, j’y suis maintenant préparé. Ce qui me panique encore un peu, c’est la maison et ses vices cachés. Il y en a forcément, le problème réel c’est leur nombre, leur taille, et les moyens à mettre en œuvre pour les circonscrire. Mais bon, nous verrons bien et puis j’ai déjà eu cinq vies autant me faire un peu confiance pour affronter la 6e.
Nous voilà maintenant en train de charger le camion de 24 mètres cubes, le premier car il y en aura deux ! Et en route pour l’avenir là-bas. Nous dépassons le pont Sainte-Marie pour la dernière fois et prenons la route du sud. Nathalie est derrière moi avec la voiture et un pote qui vient nous donner un coup de main à vider les camions sur place. Sans m’en rendre compte, je penche ? Il paraît que je penche ? Que je penche à presque mettre le camion sur le côté tant celui-ci est chargé. Nathalie est terrorisée à chaque courbe trop marquée, moi je ne me rends compte de rien, jusqu’au dernier rond-point avant l’arrivée. Là en effet, je sens que le chargement est vraiment très lourd, très haut dans la cabine de chargement. Et j’ai moi aussi l’impression que je vais basculer. Mais tel un cascadeur, je récupère l’équilibre d’un coup de volant ferme et continue ma route jusqu’à destination. Il ne manquerait plus que je me couche sur le côté à quatre kilomètres de la destination. Nous voilà en train de manœuvrer dans la ruelle d’accès sous le regard écarquillé de la propriétaire. Nous signons demain l’acte définitif, et elle n’imaginait pas que nous allions débarquer la veille avec tous nos meubles. Pourtant, je l’avais prévenue mais manifestement elle avait oublié ?
Elle nous propose de stocker l’ensemble dans la cour arrière et nous accueille avec un jus de citron imbuvable qu’elle nous vend comme une spécialité locale incontournable. Je ne risque plus rien après avoir abordé ce rond-point sur les roues de droite seulement. Ça commence bien mais… je sens un truc, en fait je ne la sens pas. Trop sympathique, trop sûr d’elle, trop gouailleuse et trop parisienne elle parle beaucoup et en fait trop. Elle finit par nous laisser pour cette nuit préalable à la signature de l’acte définitif. Nous ne passerons pas la maison en revue durant cette première soirée, trop confiants ou trop inquiets de la réalité à découvrir. Le lendemain, nous signerons l’acte et deviendrons propriétaires de notre premier grand mas provençal. Nous revenons dans les lieux excités comme des enfants une veille de Noël.
Trop tôt pour commencer les travaux, il nous faut d’abord nous approprier les lieux. Nos vas et viens ne passent pas inaperçus dans le hameau et certains qui n’ont plus emprunté la ruelle depuis une décennie se sentent le besoin irrépressible de passer par là. Il ne faudrait pas manquer le spectacle s’il y a quelque chose à voir et à colporter dans le voisinage. Cela ne nous dérange pas, car l’environnement fermé de nos montagnes provoque les mêmes comportements.