Manifeste pour gagner la paix - Charles Simone de Mandhiraux - E-Book

Manifeste pour gagner la paix E-Book

Charles Simone de Mandhiraux

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"Manifeste pour gagner la paix – Des Valois à Poutine" explore la culture de la guerre qui s’est imposée à la civilisation de la paix, en février 2022. Il constate que, malgré de nombreuses victoires militaires, la paix a rarement triomphé. Aussi, il alerte contre les régimes totalitaires qui s’efforcent de prendre le guidon de l’histoire tout en soulevant deux interrogations : quelles sont les exigences de la paix ? Comment s’inspirer de ceux qui l’ont gagnée ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Charles Simone de Mandhiraux a travaillé comme attaché d’ambassade et dans l’industrie pharmaceutique sur plusieurs continents. Sa passion pour l’histoire lui a permis de comprendre les enjeux géopolitiques de ces régions. "Dans Manifeste pour gagner la paix – Des Valois à Poutine", il utilise cette expérience pour examiner les conditions nécessaires à l’harmonie dans le monde.

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Charles Simone de Mandhiraux

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Manifeste pour gagner la paix

Des Valois à Poutine

Essai

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Charles Simone de Mandhiraux

ISBN : 979-10-422-1670-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Aux citoyennes, Anne et Sandrine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce ne sont pas les peuples qui veulent la guerre, mais ceux qui ne savent pas, ou ne veulent pas chercher et construire la paix.

 

Jean Jaurès – 1914,

Discours prononcé une semaine avant son assassinat,

le vendredi 31 juillet 1914 à 21 h 40, au Café du Croissant.

Lundi 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France.

 

 

 

Prologue

Des Valois à Poutine

 

 

 

La civilisation avance avec la culture de la guerre

 

Cet essai est une réflexion sur la guerre, que l’on n’a jamais su, ou voulu éradiquer et sur la paix, que l’on a toujours dû protéger.

Un besoin ressenti intimement, suite à « l’opération spéciale », où se mêlent incrédulité, tristesse et exaspération devant une telle tragédie.

 

Quelle connerie la guerre.

 

Jacques Prévert

 

Pourquoi ne pensons-nous à Prévert que lorsque le mal a déjà laissé son empreinte traumatisante ? Une fois les villes bombardées, les réfugiés sur les routes, les familles décimées et l’environnement piétiné ?

Comment apprendre de l’histoire des guerres, et de ceux qui les ont déclarées pour empêcher qu’elles ne reviennent sans cesse ?

Comment reconnaître les régimes belliqueux et s’opposer aux faiseurs de guerres ?

Pourquoi un adolescent, probablement insouciant, devient un adulte qui passe de la guerre froide à la guerre du froid et à la mer de feu ?

Quels sont les rapports de forces menant à la guerre, les exigences de la paix ? Comment nous inspirer des femmes et des hommes qui ont su gagner la paix ? Leurs luttes, leurs actions, leurs convictions.

 

***

 

M. Poutine a ruiné nos espoirs dans la paix à laquelle nous commencions à nous habituer.

La démocratie est de nouveau confrontée à son envers : la dictature.

 

Nous assistons impuissant à la faillite de la civilisation de la paix et au retour d’une partie de l’humanité dans les horreurs de la culture de la guerre, dans le quotidien de l’effroyable.

En temps de paix, nous oublions la guerre, en temps de guerre nous nous rappelons des exigences de la paix.

Légèreté de notre mémoire collective qui nous joue des tours.

On qualifie les guerres de perdues ou gagnées. Mais elles ne sont jamais finies, elles reviennent sans cesse.

Comme si l’histoire avait besoin d’elles pour avancer1.

On ne dit pas que la paix est gagnée.

Le droit international a défini les droits de la guerre, mais pas ceux de la paix. Pourquoi ne la déclare-t-il pas illégale ?

Pourquoi les responsables jouissent-ils d’une telle impunité ?

Pourquoi ne doivent-ils pas répondre de leurs actes, absous de tous les crimes quand ils la font et quand ils la gagnent ?

En février 2022, un homme, un dictateur, déclenche une guerre pour annexer un pays en Europe. Bombardements de villes, destructions massives, odeur de la mort et de la peur, réfugiés, déportations d’enfants.

 

***

 

Toutes les horreurs de la guerre ravivées en quelques jours avec des conséquences humanitaires et environnementales dramatiques.

Un individu, plus ou moins légitimement élu, décide de déclencher une guerre, d’exercer sans scrupule une violence absolue, de disposer de la vie et de la mort de centaines de milliers de gens et tout cela dans l’impunité la plus totale.

Les cauchemars du passé s’infiltrent dans le présent.

Comment une telle tragédie est-elle encore possible à notre époque ?

Notre exposition à la guerre se limitait à des souvenirs de famille et à des culs d’obus en cuivre, toujours bien astiqués.

Des réminiscences entretenues par des livres qui immortalisent des réseaux de résistance, des batailles au nom de rue, des tranchées qui ont connu l’enfer et des films qui mettent en scène l’enfer du devoir et les sentiers de la gloire2.

La violence de la guerre y est pudiquement évoquée.

La bravoure des soldats impressionne. La mort est forcément héroïque : commandos vendant chèrement leur peau pour réussir leur mission, sacrifices d’hommes simples devenus valeureux, déterminés à faire don de leur vie à leur patrie.

Des informations factuelles relatent, pendant quelques minutes, des conflits, qualifiés de régionaux : Corée, Cuba, Vietnam, Irak, Afghanistan. Comme si la mort était régionale.

La guerre faite au loin n’est pas une tragédie, au pire une épreuve, au mieux une simple information, presque un fait divers.

Les guerres paraissaient réservées aux « autres », aux pays en voie de développement politique, aux régimes de petits dictateurs locaux, héritiers d’idéologies du passé, de culture tribale ou de religions ancestrales qui détiennent la vérité. Des guerres à la soudanaise.

 

***

 

En ce mois de février 2022, un coup de tonnerre déchira le silence de la paix. Le conflit régional nous avait rattrapés.

Un an après, aucune paix à l’horizon et le pire reste possible.

Dénazifier et désarmer l’Ukraine reste l’objectif annoncé.

La propagande est à son comble, les crimes de guerre aussi.

On évoque déjà la Moldavie et la Géorgie…

On menace la Lettonie et la Finlande…

M. Poutine déclare : nous avons tout fait pour régler cette situation par des moyens pacifiques. Et ses troupes tirent des missiles détruisant des villes entières, des théâtres, des maternités, des centres commerciaux, des marchés, et ce ne sont pas des dégâts collatéraux, mais des cibles.

M Medvedev annonce en mai 2023 après une attaque du Kremlin par des mini-drones : … Il ne reste plus d’autres solutions que l’élimination physique de Zelinski et sa clique.

Juin 2023, destruction du barrage de Kakhovka : barbarie jusqu’au-boutiste, désastre humanitaire et environnemental.

Véritable crime d’écocide. Des milliers de réfugiés bombardés dans les zones d’évacuation, des milliers de km2 de terres agricoles polluées.

Les limites de l’effroyable, de l’inhumain sont encore une fois repoussées.

On continuait à se raconter des histoires et on discutait des motivations profondes de l’agresseur, des responsabilités éventuelles de pays tiers, comme si, pour se rassurer, on recherchait de bonnes raisons à ce conflit.

Les principaux acteurs des relations internationales s’emparent de ce drame : on condamne, on approuve, on sanctionne, on reste neutre.

Les Nations Unies multiplient, en vain, les résolutions non contraignantes.

Les religions manœuvrent au nom de l’impartialité, de leur alliance avec le pouvoir ou de ce qu’elles pensent être de leur intérêt.

Chacun choisit son camp en fonction de ses ambitions géopolitiques et de son histoire.

L’événement est manipulé, l’intolérable est accepté, l’insoutenable est banalisé.

Seule la justice reste fidèle à ses principes et à la transparence des faits.

Karim Khan, procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI), lance un mandat d’arrêt contre M. Poutine pour crime de détournement d’enfants. Décision immédiatement qualifiée par les Affaires étrangères russes d’insignifiante et ne reposant sur aucun fondement.

300/400 000 morts en douze mois, 10/15 millions de réfugiés, plus de 10 000 enfants déportés, destructions massives d’infrastructures civiles, mais où sont les coupables ?

On hésite pudiquement à qualifier de criminel de guerre les autorités politiques et militaires, individuellement responsables de ces actes.

Les médias analysaient consciencieusement les opérations militaires pour savoir si l’une était une scène de guerre, l’autre un crime de guerre, mais personne ne disait que la guerre était en soi un crime.

Des dirigeants concoctent, dans l’urgence et de toute bonne foi, des plans pour négocier un cessez-le-feu. Hommes de paix, qui refusaient d’accepter qu’il était trop tard, et de reconnaître que la coquecigrue3avait déjà pris son vol.

Nous constations, impuissants, que des dirigeants d’un pays déclenchent à leur guise une guerre, massacrant, bombardant, détruisant, tuant en toute impunité. Comme si faire la guerre était une de leurs prérogatives à laquelle nous devions nous soumettre.

 

Nous avions l’illusion de croire qu’au XXIe siècle, nous étions libérés du pouvoir absolu, de l’ignorance et de la soumission.

M. Poutine nous a catapultés dans la guerre.

Le Président Xi annonce fermement que l’indépendance de Taïwan signifie la guerre.

Kim Jung-Un déclare qu’une interception de ses missiles serait considérée comme une déclaration de guerre.

Le Hamas ouvre un nouveau conflit contre Israël qui se défend. Otages civils, bombardements de Gaza. Tragédies humaines.

Ils nous ont rendus plus modestes.

La paix est fragile comme le cristal et la guerre de plomb rôde de nouveau autour de nous.

Notre mémoire collective se réveille, un peu engourdie.

Elle a du mal à regarder dans les yeux cette nouvelle réalité qui fait peur, tant elle ressemble au passé.

Les causes et justifications historiques des guerres sont multiples : annexions géographiques, schismes religieux, expansion coloniale, révolutions, idéologies, nationalisme…

En survolant notre histoire depuis le XIVe siècle, que les historiens soient indulgents, on réalise que les périodes de paix ont été l’exception et sont courtes.

Chaque siècle a connu ses guerres avec des armes de plus en plus destructrices. On passe allègrement de quelques milliers de morts à quelques dizaines de millions.

Les tragédies deviennent des statistiques.

L’innovation dévastatrice : une flèche des archers anglais prend la vie d’un homme, une bombe atomique en pulvérise cent mille.

Il faut se méfier des ingénieurs4.

 

Gaz moutarde, gaz sarin, napalm, armes chimiques.

Les stukas déchirant les oreilles puis les corps.

Les orgues de Staline et leur musique stridente annonçant la mort.

Les kamikazes japonais : ultime soumission.

Les V1, les V2, les missiles intercontinentaux, hypersoniques…

Des bombardiers avec une signature radar de la taille d’une balle de golf, des sous-marins géants avec des torpilles qui seraient capables de déclencher des tsunamis nucléaires… et après ?

Jusqu’au XVIe siècle, les monarchies absolues déclarent des guerres pour accroître leurs territoires, fondement de l’autorité et de la gloire de leurs princes.

Les guerres se font pour des raisons géographiques, et quelques batailles suffisent pour désigner le vainqueur.

Ignorants et soumis, les peuples fournissaient la sueur de leur front pour les payer et les bras pour tenir les épées.

Ils ne remettaient en cause ni la légitimité du roi ni celle du féodalisme. Ils défendaient leur peau.

 

Un schisme au sein de la chrétienté, et deux révolutions, remettent en cause l’ordre établi, et nourrissent la montée en puissance de la violence des guerres.

La soumission de l’ignorance est remplacée par la soumission à des croyances.

En 1517, Martin Luther publia ses textes fondateurs du protestantisme. Chrétien, mais pas romain.

Les protestants s’attirèrent les foudres de l’évêque de Rome, légitime successeur de Saint-Pierre, qui revendiquait le monopole sur la chrétienté.

Les monarchies sont priées de choisir leur camp.

 

Cette alliance de l’épée et du goupillon ajoute une légitimité religieuse pour déclencher des guerres autrement plus cruelles que les guerres des trônes.

Maintenant, on se battait aussi pour Dieu.

Soumission à son Roi et fidélité à son Pape.

Pour vaincre, la soumission imposait de gagner des batailles, la fidélité oblige de détruire les vaincus : hérétiques et renégats.

 

Deuxième événement clef dans la course à la violence : 1789.

La Révolution française.

Pour la première fois, le pouvoir absolu des monarchies est contesté par une autorité supérieure : la Nation, qui rassemble le peuple dans son histoire, des valeurs et une culture commune et un avenir partagé.

Rupture majeure dans la définition de la légitimité du pouvoir.

L’État-nation prend le dessus sur l’État monarchique.

Le peuple est le véritable détenteur du pouvoir, qu’il délègue à ses représentants, pour l’exercer en son nom.

Idée inconcevable pour des monarques concentrant en leurs mains, tous les pouvoirs, depuis tant de siècles.

République, droits de l’homme, égalité contre privilèges, justice indépendante, liberté, nationalisme émancipateur… si ces valeurs accèdent au pouvoir, la monarchie n’a plus sa place ni le féodalisme.

Les monarques européens s’unissent et déclarent la guerre à l’ennemi commun : la République, soutenue par tout un peuple qui se bat pour rompre les chaînes de la soumission, pour ouvrir le chemin de la liberté, de l’égalité et de la justice.

 

La violence et les destructions des guerres révolutionnaires montèrent d’un cran. La nation républicaine donne naissance au patriotisme, et le fanatisme remplace le fatalisme.

Il n’y a pas de place pour deux. La société, déjà déchirée par l’inégalité, est maintenant fissurée par des idées que tout oppose.

 

Troisième date clef : 1917. La révolution d’Octobre des bolcheviques. Pour la deuxième fois après la Révolution française, une monarchie absolue qui se pensait immuable, le tsarisme, est contestée dans son existence même.

L’autorité supérieure menaçant l’ordre établi n’est pas la Nation, mais le prolétariat.

Les bolcheviques écartent les soviets et s’emparent du pouvoir.

Lénine et Karl Marx font rêver les ouvriers et les travailleurs agricoles dans le monde entier.

La classe des exploités allait pouvoir crier sa colère, assouvir sa vengeance et s’asseoir à la table du maître.

Avec la fiction de la dictature du prolétariat et de l’infaillibilité du parti communiste, la révolution d’Octobre est née dictature.

Lutte des classes pour détruire le passé, censure et propagande pour construire l’avenir.

Le pouvoir absolu du tsarisme a été remplacé par la pensée absolue de l’idéologie communiste.

Cette révolution, confiscatoire de la propriété privée avec la collectivisation des biens de production, et initiatrice de la lutte des classes, fait peur, puis effraye avec son expansion.

Elle se répand comme la lave d’un volcan, parée de l’illusion de la justice sociale et de la paix.

 

Après le tremblement de terre révolutionnaire de Moscou, il y eut des répliques, qui s’appelèrent Mussolini et Hitler.

Alliance objective des démocraties parlementaires avec les fascistes contre les velléités idéologiques et le désordre du bolchevisme.

Bouclier et bâtons du grand capital et de la classe moyenne contre les menaces venant de Moscou.

Les démocraties parlementaires avaient besoin d’un allié sans trop de scrupule pour faire barrage à la marée communiste.

Ceux qui pensaient pouvoir jeter le bâton une fois l’ordre revenu se trompaient lourdement. Les deux dictateurs s’imposent avec une idéologie d’extrême droite ou l’ordre primait sur la liberté, ou le seul droit était celui de se taire et le seul devoir, de se soumettre.

Le « bâton » s’opposa comme prévu au communiste, traita les démocraties parlementaires avec mépris et voulut les éliminer.

Une fois leur pays mis au pas, les aventures guerrières commencèrent. Contre le bolchevisme, les démocraties parlementaires et pour se tailler un petit empire colonial.

Comme les Anglais et les Français, mais avec un siècle de retard.

Avec le combat des idéologies absolues, les guerres civiles et la Deuxième Guerre mondiale atteignent des niveaux de destruction et de cruauté jusqu’alors inconnus.

URSS, Italie, Allemagne, Royaume-Uni, France, Japon, États-Unis, Chine. Le monde s’embrase.

 

À peine le nazisme terrassé et ses principaux responsables jugés à Nuremberg, l’alliance militaire avec Moscou se transforma en guerre d’idéologies, opposant dictatures communistes aux démocraties parlementaires.

Après l’ouragan du fascisme, les cyclones du communisme.

1940-1945, Révolution communiste en Chine, Staline en URSS, famines et champs de bataille : plus de 100 millions de morts.

Ce chaos mondial accoucha de deux superpuissances nucléaires, de l’équilibre de la terreur, de la révolution communiste en Chine, mais aussi des Nations Unis et de deux nouvelles démocraties : le Japon et l’Allemagne.

La guerre froide d’un côté, période de paix impossible et de guerre improbable5, la Révolution culturelle de l’autre, période d’auto-destruction, au service du pouvoir d’un homme et au nom de la dictature du prolétariat.

 

 

Les conflits opposant modèles communistes et démocraties se multiplient, par pays interposés : Corée, Cuba, Vietnam, Cambodge, Nicaragua, Chili… Chacun considère comme inacceptable la présence de l’idéologie honnie dans sa zone d’influence.

La folie destructive sur le compte de l’idéologie ne connaît plus de limite : Corée du Nord, bande des quatre en Chine, Pol Pot au Cambodge, goulag en URSS, coche bomba de Guzman au Pérou.

Février 2022, la petite dernière en Ukraine, déclenchée par une sorte de dinosaure de l’histoire soviéto-russe, élevé au biberon de la guerre froide, drogué du pouvoir, dictateur hybride improbable, voulant restaurer l’influence de l’URSS et l’empire des Tsars.

 

Méthode stalinienne et du KGB, au service d’Ivan le Terrible, de la grande Catherine, de Pierre le Grand, avec le soutien sacré de l’Église orthodoxe.

La Russie blanche avec les méthodes de la Russie rouge.

Melting pot historique hétérodoxe, inspirant l’illusion d’un homme pensant avoir la mission sacrée de restaurer le passé de son pays-empire tel qu’il le conçoit. Pour jouer les premiers rôles, comme avant.

 

Toutes ces guerres ont un point commun : ce sont toujours les peuples qui se massacrent, militaires ou civils, dégâts collatéraux ou cibles. Malheureusement, leur mémoire collective est sélective et leur soumission éternelle.

Les horreurs de la guerre sont oubliées. Le ménage du subconscient.

Contrairement à nos cellules, qui mémorisent les virus et bactéries pathogènes, les reconnaissent et les empêchent de sévir de nouveau, le corps social a la capacité d’effacer les violences et les crimes de guerre de sa mémoire.

Il ne se rappelle que d’actes qualifiés d’héroïques et de morts censés faire don de leur vie. Instinct de survie subliminal.

La guerre a gagné ses lettres de noblesse. Les superbes défilés militaires, les uniformes rutilants et la musique entraînante des commémorations nous donnent presque envie de la faire.

La citation de Paul Valéry traverse les siècles et reste d’actualité :

 

La guerre est un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent, mais qui ne se massacrent pas.

 

Avec ses millions de morts depuis des siècles et sur tous les continents, est-elle inhérente au genre humain ou aux régimes qu’il se donne ? Est-elle dans l’ordre des choses ? Y a-t-il des cycles de guerre alternant des cycles de paix trop courts ?

La violence est omniprésente dans la nature, ou chacun est à la fois prédateur et proie de l’autre. Darwin nous dit que seuls les plus forts assurent la pérennité de l’espèce. Compétition pour survivre, concurrence pour s’adapter ou disparaître.

Rivalité fatale dès la Genèse : le paisible Caïn tua son frère Abel.

Est-ce notre modèle, notre destin ?

En Mésopotamie, les guerres existaient avant l’écriture. En Chine, Sun Tzu publie L’art de la guerre quatre cents ans avant Jésus Christ. Homère qualifie les guerres de l’Iliade de mal nécessaire.

La guerre a-t-elle pénétré nos gènes, notre condition humaine ?

 

Cette violence s’est perpétuée dans un contexte de misère, de peur, de ressentiment et d’ignorance.

Cette vie de souffrance, réalité quotidienne de la population, fut la cause de nombreuses révoltes, de croyances religieuses censées donner un sens à l’existence et d’idéologies qui promettaient l’ordre et la discipline, l’égalité et la justice sociale. Au choix.

Pouvoir absolu, ignorance et misère sont le terreau des guerres. Religions et idéologies en sont les catalyseurs.

Mélange d’autant plus explosif, que les peuples ont une propension en temps de crise, à se soumettre à l’homme « providentiel » qui rétablira l’ordre et les protégera contre leurs peurs et ennemis du moment.

Le réflexe de Pavlov du peuple qui perd la raison pour entrer dans la déraison : Révoltes-Peurs-Soumission. C’est la guerre.

Certes, la guerre qui se mène pour repousser un agresseur semble juste. Encore faut-il gagner la paix.

On ne gagne pas la guerre avec ses cohortes de destructions, de violences et de morts. Au mieux, on la termine.

C’est la paix qui se gagne.

 

Il est impossible de gagner la guerre, on peut juste gagner une relation interétatique.

 

Clausewitz

 

Israël a gagné des guerres, mais n’a pas pu, ou voulu, établir des relations interétatiques et n’a pas gagné la paix.

 

Construire la paix n’est pas une mince affaire. Il n’est pas facile de prêcher pour un avenir commun après avoir subi les morsures de la guerre, des décennies de soumission, de racisme, de colonialisme, de déportation et d’injustice sociale.

Les souffrances, les rancœurs et les préjugés historiques appellent plus la colère et la vengeance, que la conciliation.

Les blessures infligées par les cavaliers de l’apocalypse laissent des cicatrices et affectent la raison.

Ce n’est pas le résultat d’une négociation convaincante, mais l’instauration de nouveaux rapports de forces entre valeurs démocratiques et pouvoir absolu, entre regards sur le passé qui divise et vision sur l’avenir qui unit.

Elle a ses exigences : institutions démocratiques, indépendance de la justice, libertés individuelles, justice sociale.

Elle peut être intransigeante avec les forces du passé qui alimentent la guerre.

 

Imaginer ce qui unira dans l’avenir, sans que le lourd passé ne se répète, nécessite des qualités humaines exceptionnelles et des convictions démocratiques inébranlables.

Déclarer des guerres ne requiert que l’orgueil d’hommes en quête du pouvoir, qui s’imposent avec ce qui a divisé dans le passé.

Seuls ceux qui visualisent l’avenir, sans l’influence de leurs souffrances passées, sans recherche du pouvoir et capables de conciliation, gagnent la paix.

 

La colère, la vengeance, la recherche du pouvoir, par quelques-uns pour quelques-uns, n’ont pas leur place.

Gandhi, Mandela, Adenauer, de Gaulle, Simone Veil nous ont montré qu’il était possible de construire la paix.

Ils l’ont cherchée, ils l’ont construite, ils l’ont gagnée.

Des convictions démocratiques, une interprétation lucide de l’histoire, la capacité de servir les autres, la recherche de la justice sociale et le désintérêt pour le pouvoir sont les fondations de leurs actions pour ouvrir le chemin de la paix.

Toutes ces guerres et les cas où la paix fut gagnée ont des prérequis, les rendant inévitables pour les unes et réalisables pour les autres : la paix est possible avec la démocratie, la guerre est probable avec les dictatures. Nécessité pour l’une, cause pour l’autre.

Elles la fragilisent avec leur idéologie et leur volonté d’imposer un prétendu modèle social, de supprimer les libertés individuelles au nom de l’intérêt général, pour entrer dans la culture nauséabonde de la guerre. Véritable gaz toxique, s’infiltrant de partout, pour absorber l’oxygène de la paix et étouffer les droits de l’homme.

 

Elles ont besoin d’un ennemi, même fictif, pour exister, pour justifier leur autorité et la totale soumission exigée.

Elles se construisent en manipulant la réalité à leur avantage.

Propagande et censure sont leur moyen pour se justifier et promettre gloire et grandeur.

Elles écartent leurs opposants et s’assurent de l’impunité en contrôlant la Justice.

Mensonges, tromperies, désinformation, déportations, manipulations électorales et interférences avec la justice sont des délits dans le monde démocratique. Ce sont des moyens de gouvernance pour les dictateurs.

Construire la paix devient une nécessité. Les prochaines guerres pourraient être nucléaires. Elles ne sont pas inéluctables, si nous réagissons contre cette gouvernance des dictateurs.

Les réformes n’y suffiront pas, il faut innover avec des initiatives crédibles :

PARLONS – Répondre factuellement aux déclarations de propagande et communiquer avec les forces démocratiques des pays soumis, afin de libérer leur opinion publique du monopole de propagande des dictatures et les accompagner sur le chemin du libre arbitre.

Avoir accès aux faits et penser par soi-même ne sont pas des idéologies « occidentales », mais des droits universels.

JUGEONS – Compléter les crimes de guerre de Nuremberg avec des délits de propagande et de censure, de suppression des libertés et de contrôle de la justice, d’écocide afin d’en finir avec l’impunité des dictateurs. Être soumis à la justice n’est pas un modèle de gouvernance, mais une cause de l’humanité.

INNOVONS – Conférer aux Nations Unies le pouvoir judiciaire pour décider de l’accès au droit de vote des régimes des pays membres : droit de veto, vote des résolutions, des traités. Elles doivent pouvoir remplir le rôle pour lequel elles ont été créées sans être paralysées et manipulées par des régimes totalitaires qui piétinent les valeurs de la Charte.

 

Les Nations Unies des démocraties contre les bastions unis des régimes totalitaires.

 

Rappelons inlassablement la force de ces valeurs qui sont une aspiration universelle : libertés institutionnelles et individuelles, vérité factuelle et indépendance de la justice.

La véritable ligne de fracture du monde est entre ceux qui les respectent et ceux qui les bafouent.

La paix est trop sérieuse pour être confiée à des dictateurs6.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partie I

La guerre des trônes et la guerre de religions

 

 

 

 

 

Monarchie absolue

Cent ans de guerre pour un trône

 

 

 

Durant cette période de l’histoire, la misère, la malnutrition, les souffrances physiques sont le quotidien de la population.

L’ignorance et la soumission en sont à la fois la cause et la conséquence. La notion de souveraineté du peuple n’existe pas.

Des familles « royales » se partagent l’Europe et n’ont de cesse de se déclarer la guerre pour accroître leur territoire, leur puissance et leur gloire. Parfois contestées par des « ducs » ambitieux, les alliances se font et se défont. La seule limite à leur pouvoir absolu est leur capacité à financer ces guerres, à recruter leurs soldats et à s’assurer du sort des armes.

Pour ce faire, on invente des impôts en nature, production agricole, ou en argent. Ce qui accroît la pauvreté et l’injustice.

Le peuple, saigné à blanc, doit également fournir les bras qui tiendront les épées et supporter l’arrogance et les privilèges des princes qui ne sont soumis ni à l’impôt ni à la mobilisation.

Les dynasties se succèdent, le sang coule.

Les trônes se transmettent, se contestent où se conquièrent.

Cette réalité du pouvoir est, à l’époque, considérée comme légitime et immuable.

 

Le XIe siècle est rempli de ces luttes entre souverains au pouvoir absolu, quasi divin, qui n’hésitent pas à déclencher une guerre de cent ans pour un trône.

 

La transmission du trône de France à la dynastie des Valois provoque la colère du monarque anglais Edouard III Plantagenêt, fils d’Edouard II et d’Isabelle de France.

Il estime être l’héritier légitime de la couronne de France.

Cette rivalité entre monarques fait éclater la guerre de cent ans : 1337-1453. La guerre des trônes.

Les alliances entre familles royales par mariage sont des sortes de pacte diplomatique, pour mieux préparer la prochaine guerre.

Comme les enfants respectifs des deux branches familiales s’estiment l’un comme l’autre l’héritier légitime, elles débouchent sur d’autres guerres…

Edouard III veut le trône de France. Il possède déjà le duché d’Aquitaine.

Philippe de Valois qui veut reprendre l’Aquitaine accorde sa protection au jeune roi d’Écosse. Le drame se noue.

Le roi d’Angleterre conteste la légitimité du roi de France.

La guerre est déclarée.

Siège de Caen, massacres, pillages. Bataille de Quercy.

Déroute des chevaliers français qui tombent sous les flèches des archers anglais. La fougue des chevaliers est clouée au sol.

La croissance de l’innovation dévastatrice est lancée.

Edouard III devient le plus puissant chef militaire du monde chrétien. Victoire pour l’un, défaite pour l’autre. Personne ne se préoccupe de la paix et l’on pense déjà aux prochaines batailles.

La peste noire prend son tribut et emporte un tiers de la population européenne. L’économie est ravagée, la misère est à son comble, le peuple est affamé, décimé.

Mais la paix n’est toujours pas gagnée.

Pour cela, il faudrait que ceux qui détiennent le pouvoir absolu fassent fi de leurs ambitions et le décident. Malheureusement, négocier la paix est perçu comme un signe de faiblesse.

 

On impose « ses » conditions avec les victoires militaires, on négocie « les » conditions en cas de défaites.

 

Négocier, c’est capituler, et capituler, c’est préparer la prochaine guerre pour recouvrer ses droits.

Bataille de Poitier-1356. Le roi Jean le Bon, successeur de Philippe VI, est fait prisonnier par les Anglais.

1359 : Batailles de Calais, de Reims. Échecs anglais.

1361 : Traité de Brétigny. Le roi d’Angleterre renonce au trône de France, mais garde le duché d’Aquitaine et libère le roi Jean le Bon.

Tout se passe entre gens du même monde. Personne ne conteste le système et l’idée de la paix ne traverse aucun esprit.

La fête continue.

Le Roi Fou et la Pucelle. Le duc de Bourgogne obtient l’aide du monarque anglais pour ses ambitions sur l’Armagnac…

Les armées anglaises débarquent en Normandie. Défaite d’Azincourt.

Les troupes françaises sont décimées. Charles VI et Henry V meurent. Charles VII s’autoproclame roi de France et est rejoint par Jeanne d’Arc.

1453 – Bataille pour l’Aquitaine. Les troupes anglaises sont défaites. L’Aquitaine est française.

Fin de la guerre de cent ans. Mais la paix n’est toujours pas gagnée.

Les XVe et XVIe siècles ne font pas exception : jeux d’alliances, trêves, guerres, traités, noces de sang. L’Europe se bat pour ses rois.

Le Pape entend bien également imposer son autorité religieuse sur toute la chrétienté, au-delà, au-dessus des frontières.

Charles le téméraire, fils du duc de Bourgogne, est en guerre avec le roi de France. Traité de paix de Pérouse. Non respecté.

Il épouse la sœur du roi d’Angleterre et Louis XI donne une armée à sa cousine Marguerite d’Anjou pour reconquérir le trône d’Angleterre.

Traité de paix négocié par Edouard IV et Louis XI qui marie son fils à la fille d’Edouard IV…

 

Les Pays-Bas s’allient avec la Bourgogne et l’Autriche. Louis XI est à nouveau menacé. Guerre France-Autriche. (1478 – 1480).

 

Traité d’Arras : la France récupère la Bourgogne et l’Autriche les Pays-Bas. Mariage du fils de Louis XI à la fille du roi d’Autriche.

Mort du roi d’Espagne. Charles Quint est l’héritier et devient empereur du Saint Empire germanique. Au grand dam de François Ier qui s’allie avec Henry VIII d’Angleterre.

Nouvelles alliances, nouveaux rapports de force, nouvelles guerres.

 

 

 

 

 

Des Valois à la Saint-Barthélemy

Gutenberg et l’ignorance

 

 

 

Pourquoi tout un peuple qui vivait dans la misère et l’exploitation ne refuse-t-il pas de se battre pour une cause qui n’est pas la sienne ? Pourquoi accepte-t-il de se soumettre, malgré les injustices sociales, et de verser son sang sans se révolter ?

La peur de la violence des répressions, sans doute, mais aussi l’ignorance généralisée des populations, réalité indissociable de cette période de l’histoire. Aucun accès à l’éducation qui libère et permet de penser par soi-même. On ne sait ni lire ni écrire.

Il n’y avait d’ailleurs pas grand-chose à lire.

 

La bible était le best-seller des copistes des monastères.

En 1450 à Mayence, Gutenberg met au point le procédé de l’imprimerie. Le premier livre imprimé fut le best-seller : la « Biblia sacra latina », en 300 exemplaires.

La diffusion du savoir se fait toujours essentiellement grâce aux ateliers des moines copistes qui éditent des volumes exclusivement destinés à la haute aristocratie et à l’église.

 

Avec Gutenberg, la bourgeoisie éduquée et laborieuse a accès aux pensées des Lumières. Début d’un long processus, durant lequel les philosophes vont prendre le pas sur les généraux et les révoltes contre la misère devenir des révolutions contre le pouvoir établi.

Les activités agricoles fixent les paysans à leur sol.

 

L’autre commence à la ferme voisine, l’étranger au village d’à côté. La survie alimentaire est la préoccupation principale dans un espace géographique restreint, avec une communication limitée aux membres de la famille et à quelques « autres ».

Dans cette vie isolée de misère, d’ignorance et de superstition, l’obéissance est naturelle. L’instinct de survie nourrit cette soumission, presque rassurante. Ce n’est pas encore du nationalisme, c’est du monarchisme.

Au-dessus de cette souffrance sociale, des monarques au droit divin.

Ils se sont imposés militairement et s’appuient sur une structure de nobles bénéficiant de privilèges et de rentes distribuées généreusement par leur roi.

 

Aucun lien, aucune relation entre ces deux classes sociales qui vivent ensemble, mais que tout séparait.

À commencer par la fiscalité qui contribuait à cet isolement.

Les nobles par leur état avaient le privilège de ne pas y être soumis.

Les paysans devaient payer l’impôt, en nature avec leur production ou en écu sonnant et trébuchant.

Cette fiscalité faisait la différence entre pauvreté et misère.

Fiscalité purement confiscatoire. Non pour financer le bien public, mais pour payer les guerres du monarque, les « coûts de fonctionnement » de la famille royale et les rentes accordées aux ducs et princes locaux. L’église faisait œuvre d’éducation, mais pour les notables de la monarchie. Pour les autres, il fallait accepter son statut, supporter son sort sur terre pour accéder aux promesses du paradis.

La foi et la superstition convolaient allègrement ensemble.

 

***

 

Edouard III, Charles Quint et François Ier n’étaient pas des monstres avides de sang, mais ils n’avaient de cesse de s’imposer l’un à l’autre à la recherche d’un rapport de force en leur faveur.

Les rois lions n’ont pas l’esprit de conciliation.

Leur statut dépend des victoires militaires et le pouvoir absolu ne se contente pas de gagnant-gagnant.

La vie et la mort du peuple ne comptaient pas et personne ne s’en offusquait vraiment.

Les monarques et autres empereurs n’étaient pas les représentants de leur peuple auquel ils avaient des comptes à rendre, mais leur roi de droit divin, au pouvoir absolu et auquel il devait obéissance et soumission.

Infaillibles, nés légitimes et qui transmettaient leur couronne, et leur pouvoir, à leurs héritiers.

Misère, ignorance, instinct de survie d’un côté, pouvoir absolu, richesse, forces armées de l’autre. Les guerres de cette période de l’histoire sont grosses de ces caractéristiques.

Guerre-Gloire-Misère, le trio funeste.

Louis XIV marque l’aboutissement de la monarchie absolue.

Centralisation du pouvoir royal, réorganisation administrative et de l’armée. Absolutisme de droit divin. Les révoltes protestantes, paysannes, parlementaires sont matées.

La France est unifiée dans le catholicisme et le protestantisme interdit.

Les nobles n’ont plus de responsabilité, si ce n’est celle d’être présent à la cour de Versailles.

Le plus grand des capétiens mène ses guerres avec les Habsbourg : guerre de neuf ans, l’Espagne, l’Angleterre, mais aussi dans le monde : Québec, Louisiane, Haïti, les Antilles. Il fallut toute l’inventivité fiscale de Colbert pour financer ces conflits.

Les Français sont dans la misère, mais la gloire des victoires auréole le roi soleil.

Le château de Versailles impressionne toute l’Europe par son architecture et sa taille (2300 chambres).

Les rois de France, la cour et le gouvernement y résidèrent à plein temps de 1682 à 1789.

Une lettre, en 1694, d’un précepteur du duc de Bourgogne : Fénelon, à Louis XIV, témoigne des souffrances de la population, de l’absence d’empathie du Roi et de sa seule préoccupation pour les victoires militaires :

 

… Votre peuple meurt de faim… la culture des terres est presque abandonnée, les villes et les campagnes se dépeuplent, tous les métiers languissent et ne nourrissent plus les ouvriers… et ce pour faire et pour défaire de vaines conquêtes au dehors… La France entière n’est plus qu’un grand hôpital désolé et sans provision…

Vos victoires et vos conquêtes ne réjouissent plus le peuple. Il est plein d’aigreur et de désespoir… Ils croient que vous n’avez aucune pitié pour leurs maux, que vous n’aimez que votre autorité et votre gloire.

Vous êtes réduit à la honteuse extrémité de faire massacrer avec inhumanité des peuples que vous mettez au désespoir en leur arrachant par vos impôts pour cette guerre le pain qu’ils tâchent de gagner à la sueur de leur visage…

 

Cette lettre fut écrite un siècle avant la Révolution. On comprend mieux la suite.

Louis XV. La guerre de sept ans : 1756-1763. La nouvelle France et les comptoirs indiens, c’est fini. L’Empire britannique est à son apogée. Frivole, mais croyant, le roi pense surtout à se faire pardonner ses écarts. La Pompadour règne.

La Prusse de Frédéric le Grand devient une puissance continentale émergente, courtisée par le Royaume-Uni.

Un nouvel équilibre des forces s’installe en Europe. Les acteurs des futures guerres se mettent en place.

 

 

Après l’unité catholique des croisades, la publication en 1517 des écrits de Martin Luther amène la désunion au sein du monde chrétien et va changer la nature des conflits en Europe.

Aux guerres « traditionnelles » entre monarques, à caractère essentiellement géographique, s’ajoute la notion de guerre de religion au caractère divin.

On se battait « avec » l’armée du roi, avec les guerres de religion on se bat « pour » le Pape. Avant, on était de la piétaille et il fallait se battre pour survivre, maintenant on croit savoir pourquoi on se bat, on est des soldats de la foi et on en est que plus motivé.

Prêts à donner sa vie pour une religion, les conflits en devinrent plus radicaux.

 

 

 

 

 

Les guerres de religions

Les Rois, les Papes et Martin

 

 

 

1515-1558, vingt-sept ans de guerre

 

Charles Quint, Henry VIII, François Ier et le Pape.

Puissance incontournable, extraterritoriale avec laquelle il faut compter. L’héritier de Saint-Pierre n’hésite pas à s’immiscer dans les grandes affaires de César pour imposer son autorité sur la chrétienté.

L’un apporte ses fidèles et sa légitimité au pouvoir temporel, l’autre son peuple et ses écoles à la religion.

Représentant de Dieu, le Pape exerce son influence spirituelle sur les croyants qui reconnaissent son autorité et sa légitimité.

Il s’impose comme une partie indispensable à toutes alliances.

La guerre paraît incompatible avec les valeurs chrétiennes.

Non seulement elles ne seront pas prescrites, mais le schisme entre protestant et catholique leur apportera une justification additionnelle. Les guerres à venir n’en seront que plus violentes, plus cruelles.

Les fanatiques font leur devoir.

À la lutte entre Monarques pour des raisons essentiellement géographiques s’ajoute la motivation religieuse, beaucoup plus radicale.

Le Pape est une première entorse au pouvoir absolu des monarchies. Héritier de Saint-Pierre, monarque extraterritorial, disposant à son gré de la menace fatale, à l’époque, de l’excommunication.

Son autorité absolue sur la chrétienté est aussi menacée.

Marthin Luther publie ses œuvres, qui deviendront le fondement de la religion protestante, en 1517.

Henry VIII se proclame chef de l’église d’Angleterre ne tolérant aucune autorité supranationale, fût-elle de Rome.

Surtout si elle refuse d’entériner son divorce.

La religion chrétienne marque une reconnaissance de l’importance de l’individu, à la fois unique et universel, centre de l’univers et au destin guidé par Dieu. Si sur terre, la souffrance et la misère sont de règles, Dieu reconnaîtra les siens et les accueillera au Paradis.

Acceptez votre destin, voulu par Dieu, pour y accéder.

Les monarchies y gagnent en légitimité, le Pape en autorité et le peuple existe, même si c’est dans l’autre monde.

Les alliances tournent au gré des victoires militaires et des traités de paix, punissant le perdant, qui n’a de cesse de reprendre les armes pour faire oublier la défaite et rétablir ses droits.

François Ier s’allie au Pape avec la république de Venise et Milan contre Charles Quint. Défaites successives, le Pape est fait prisonnier.

François Ier épouse la sœur de Charles Quint puis s’allie de nouveau avec Henry VIII d’Angleterre.

 

1537

 

La France et le Saint Empire sont ruinés, leur peuple décimé.

Les guerres coûtent cher.

Changement de génération, jeux de dames et guerre de religion.

Henri II, fils de François Ier, s’arroge le droit sur la couronne d’Écosse et fiance son fils à la Reine Marie Stuart.

Les générations changent, mais pas les stratégies ni les ambitions.

Guerre contre les Anglais. Calais est repris avec le duc de Guise. L’Angleterre rompt avec l’Écosse.

Charles Quint abdique en faveur de son fils Philippe II d’Espagne qui épouse Marie Tudor, reine d’une Angleterre catholique.

Des princes allemands protestants signent un traité pour renverser Charles Quint.

La demi-sœur de Marie Tudor, Elisabeth, devient l’emblème de la révolte protestante.

La guerre gagne en légitimité et en violence. Maintenant, on se bat pour Dieu, pour ou contre Rome. Durant les guerres des trônes, les bras armés devaient tuer pour ne pas être tués.

Avec les guerres de religion, on y croit, on est motivé…

La violence se radicalise, les combattants se fanatisent.

Au XVIe siècle, l’Europe s’embrase avec le massacre de la Saint-Barthélemy en 1572.

Les guerres qui avaient une justification essentiellement géographique se transforment en luttes entre partisans de Rome ou du protestantisme. Elles deviennent saintes.

Guillaume d’Orange et Wolfgang de Bayer soutiennent la révolte protestante des Flandres.

Les protestants attaquent le duc d’Anjou.

Catherine de Médicis se rapproche d’Elisabeth d’Angleterre excommuniée par le Pape, la déclarant illégitime.

Les dynasties historiques sont contestées, sous couvert des guerres de religion. Mariage de Margot, fille de Catherine de Médicis avec le protestant Henri de Navarre.

Les Valois avec les Bourbons, les catholiques avec les protestants.

22 août 1572, attentat contre l’Amiral de Coligny, chef des protestants. 24 août, massacre de la Saint-Barthélemy. 3000 morts en une nuit à Paris, plus de 10 000 en France.

Léon X excommunie Martin Luther qui brûle la bulle papale sur la place publique. Véritable déclaration de guerre.

La rupture est consommée et les exigences de conformité dans l’exercice de la foi s’imposent aux valeurs spirituelles.

Quand la croyance religieuse se fanatise, les valeurs morales individuelles, le respect de la vie humaine s’effacent derrière l’horreur collective.

Écraser les incroyants devient un devoir, qui justifie toutes les cruautés.

La violence fanatisée est pour un temps incontrôlable et va au-delà des colères des émeutes et révoltes traditionnelles.

Avec les guerres du trône il y avait soumission du corps, avec les guerres de religion il y a soumission de l’esprit.

Le fanatisme religieux, sorte de nationalisme divin, a été plus violent et plus radical que l’allégeance aux Rois.

 

 

 

 

 

Religions et Guerres

Les guerriers de la foi

 

 

 

Les relations, apparemment contradictoires entre principes religieux et guerres, ne sont pas réservées au monde chrétien.

Les religions transmettent un message divin. Elles enseignent le respect de la vie des autres, des valeurs d’éthique morales, d’humanisme.

Leurs « églises », réceptacle de la parole de Dieu, codifient la foi et la pratique religieuse. Interprétation humaine des messages célestes qui portent en elle des justifications guerrières.

Les textes fondateurs de l’hindouisme (le Ramayana), du judaïsme (le Tanakh), l’Ancien Testament, le sabre du prophète et la shari’a contribuent à la croyance que la guerre est dans l’ordre des sociétés humaines. Œil pour œil…

 

L’interprétation eschatologique de la guerre ne peut être exclusive, mais religions et guerres sont étroitement liées et rares furent les périodes de l’histoire des guerres ou elles s’y opposèrent frontalement. Elles en furent plus souvent les catalyseurs ou les complices.

 

Elles ont remplacé les superstitions par la foi, transformé les païens en croyants et les croyants en guerriers de la foi.

On ne peut être à la fois chrétien catholique et protestant, sunnite musulman et chiite ou haredim juif, pas plus que monarchique, républicain ou communiste et fasciste. Il faut choisir son camp.

Les idéologies et les croyances religieuses ont opposé les monarchies et fragmenté les sociétés devenues irréconciliables.

Un Dieu, son Dieu ne peut être qu’unique : omnipotent, omniscient, juste et miséricordieux.

Les autres adressent leurs prières au même, mais les messages divins reçus et interprétés par les hommes deviennent dissemblables.

Monothéisme, mais croyances différentes.

Abraham, Jésus et Mohamed sont séparés par des siècles et les synagogues, les cathédrales, les temples et les mosquées, tiennent à marquer leurs différences et imposer leur unicité.

Faire la guerre aux croyants en une autre religion est une preuve de loyauté à son Dieu. Ce sont des hérétiques, impies, des félons qui ne veulent pas renier leur croyance, qui refusent d’être purifiés.

Le Nouveau Testament n’a pas effacé des siècles d’épopées mythologiques la mettant en scène.

Tendre la joue n’est pas à la portée de tout le monde.

Les relations des Églises avec les régimes totalitaires du XXe siècle ont été conflictuelles : de l’opposition frontale à l’alliance calculée.

Ostracisées par les régimes communistes, qui n’acceptent pas la moindre influence autre que leur idéologie, et qui veulent libérer la société ce qu’il prétendre être une superstition féodale bourgeoise elles subissent également les violences des régimes d’extrême droite qui voulaient à la fois profiter de leur légitimité tout en leur imposant la neutralité.

Comme les États, les religions ont subi l’agression de ces régimes et ne furent pas épargnées par leurs mises au pas.

 

Quand César devient trop fort, les religions doivent composer.

Leur influence spirituelle les rend incontournables.

Avec leurs cathédrales, elles sont sensibles aux divisions militaires et leurs extrémistes conservateurs les poussent dans les bras des ultranationalistes.

Elles peuvent légitimer les dictateurs ou mettre leur influence au service des forces de la paix et des droits de l’homme.

Responsabilités majeures dépendant des rapports de force.

Les accords de Latran en 1929 sont un succès politique pour Mussolini, et une bonne affaire pour Pie XI. Chacun se bat pour ce qu’il n’a pas.

La papauté qui bénéficiait d’une légitimité internationale conforta son indépendance avec la création de l’État cité du Vatican.

Les relations entre l’État fasciste et le Saint-Siège sont normalisées par un concordat : statut de religion d’État, enseignement religieux et interdiction du divorce contre la reconnaissance par la papauté de l’État unitaire italien et le soutien des catholiques italiens.

Cet accord constitue un succès majeur du régime fasciste, qui a gagné en légitimité et en honorabilité pour l’exercice de son pouvoir absolu. Le Pape reçut en échange un État et des écoles.

L’évêque de Rome a composé avec Mussolini et a choisi le camp de la papauté : le pouvoir pontifical avec le fascisme contre les bolcheviques.

 

Avec Hitler, ce fut plus compliqué. Les nazis ne toléraient pas l’influence spirituelle du Vatican. Ils signèrent un concordat, mais les SS ne s’embarrassaient pas des valeurs chrétiennes pour leurs solutions finales.

Citadelle assiégée, le Vatican résiste dans la solitude au nom de l’impartialité, à l’exclusion de toute neutralité.

 

1942

 

Pie XII reçoit de nombreux lettres et rapports ne laissant guère de doute sur les activités nazies :

 

… Nous sommes dans une situation dramatique, pouvez-vous nous aider à en sortir ?

 

1943

 

Les alliés bombardent Rome, occupée par les armées d’Hitler.

Les forces allemandes sont au bord du Vatican.

La déportation des juifs de Rome à Auschwitz s’organise.

Pas de dénonciation, mais les ordres religieux et bâtiments pontificaux accueillent des milliers de juifs y compris dans la résidence d’été de Castel Gondolfo.

Une opposition frontale aurait-elle contribué à éclairer la véritable nature du pouvoir à Berlin et permis de réveiller une partie de l’opinion publique ? La cité du Vatican aurait-elle été occupée par les SS et le Pape capturé ? L’église d’Allemagne aurait-elle entériné un schisme ?

Pape silencieux, au regard de la guerre et de la solution finale.

Dilemme entre silence et dénonciation ?

Incontestablement, l’ombre recouvrait le Vatican alors que le nazisme brillait de mille feux.

 

… Là où le Pape voudrait crier haut et fort, c’est l’expectative et le silence qui lui sont imposés.

 

Pie XII

 

L’encyclique d’octobre 1939, Summi Pontificatus, condamna explicitement le nazisme, le racisme et les violences faites aux juifs.

Mais cela ne réveilla pas le peuple allemand entièrement dévoué à son führer et déclencha des représailles immédiates : les écoles catholiques sont fermées, les couvents saisis et les religieux expulsés.

Le même jour, Adolph Hitler annonce la création d’un territoire à l’est de la Pologne pour les trois millions de juifs polonais.

Les nazis veulent éliminer l’influence de l’Église dans l’esprit même de la population. Les nombreuses notes de protestation contre des violations du concordat sont jetées à la poubelle.

Complaisant avec le régime nazi pour protéger le pouvoir pontifical ou stratège discret pour mieux l’éliminer et sauver des vies ?

 

… Nous avons dû mener la guerre contre les puissances du mal. Nous étions confrontés à des forces diaboliques.

 

Pie XII

 

Il n’y a pas de réponse simple à cette question et probablement plusieurs vérités. Le nazisme a pris le Vatican à la gorge.

L’histoire a démontré qu’il n’y a pas d’alternative pour l’Église à la transparence, mais être inflexible et visionnaire dans l’incertitude de la tourmente des événements n’est pas facile.

 

Nous, chrétiens, sommes spirituellement des sémites.

 

Pie XII

 

Jean Paul II s’est opposé frontalement au régime communisme en Pologne. Inflexible sur les droits de l’homme, il a répondu à Staline : il n’a pas besoin de divisions.

Son voyage historique de juin 1979 est un véritable défi pour les autorités communistes polonaises.

Après 35 ans d’un régime qui prône l’athéisme et qualifie les religions d’opium du peuple, la Pologne est restée un des pays les plus catholiques au monde.

Près de 2 millions de fidèles célébrèrent la messe du 10 juin 1979, à Cracovie et scellèrent le sort du communisme en Pologne.

Jean Paul II mit, sans relâche, toute son influence au service des forces de la démocratie et des droits de l’homme.

Il fut l’un des principaux acteurs, au côté de Lech Walesa, pour son rétablissement en Pologne.

 

Aujourd’hui, les relations des religions avec les pouvoirs temporels restent conflictuelles.

Elles sont la cause de conflits, d’alliances extraterritoriales ou légitiment ceux qui les déclenchent.

Sunnite, chiite, alaouites, salafistes en Irak, Iran, Syrie, Liban, Arabie Saoudite, Yémen…

Hindouisme, musulman et juif en Inde, Pakistan, Israël et Palestine. Orthodoxes de Serbie et la politique de purification ethnique de Slobodan Milosevic contre les musulmans albanophones du Kosovo.

Orthodoxes de Russie approuvant l’opération spéciale en Ukraine et louant Dieu pour avoir donné Poutine à la Russie.

L’Église Orthodoxe russe, après un siècle d’ostracisme communiste a recouvré son influence avec Poutine, qui la courtise pour consolider sa légitimité moralisatrice, ses illusions hors du temps et sa propagande :