Marée blanche à Biarritz - Bertrand Hourcade - E-Book

Marée blanche à Biarritz E-Book

Bertrand Hourcade

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Beschreibung

Au beau milieu de l'été, la Côte basque se trouve confrontée à une flambée de violence aussi soudaine qu'inattendue. Que se cache derrière tout cela ? Une série de meurtres dans la tranquille station balnéaire de Biarritz se propage à la ville voisine où va se dérouler une chasse à l'homme haletante en plein coeur des fêtes de Bayonne.

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Du même auteur

Dictionnaire de l’anglais des métiers du tourisme, Pocket, Paris, 1995

Cours de pratique du français oral, Messeiller, Neuchâtel, 1996

Dictionnaire du Rugby, La Maison du dictionnaire, Paris, 1998

Dictionnaire des verbes français, La Maison du dictionnaire, Paris, 1998

Le Village magique, roman, Les Iles futures, Pully, 2001

Les Roses du château, nouvelles, Les Iles futures, Pully, 2004

Pratique de la conjugaison expliquée, Voxlingua, Leysin, 2006

Comment écrire une composition, Voxlingua, 2006

Explanatory Dictionary of Spanish verbs, Voxlingua, 2006

Práctica de la conjugación española, Voxlingua, 2006

Le Don du pardon, pièce de théâtre, Voxlingua, 2006

Voyage au pays des couleurs, conte, Voxlingua, 2008

Anthologie de théorie littéraire, Voxlingua, 2009

Anthologie de poésie française, Voxlingua, 2009

Marée blanche à Biarritz, roman policier, Voxlingua, 2013

Fatwa, roman policier, Bibracte, 2019

Comment étudier, BOD, Paris, 2019

Sommaire

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Chapitre 25

Chapitre 26

Chapitre 27

Chapitre 28

Chapitre 29

Chapitre 30

Chapitre 31

Chapitre 32

Chapitre 33

Chapitre 34

Chapitre 35

Chapitre 36

Chapitre 37

Chapitre 38

Chapitre 39

Chapitre 40

Chapitre 41

Chapitre 42

Chapitre 43

Chapitre 44

Chapitre 45

Chapitre 46

Chapitre 1

Juan se réveilla en sursaut. Il venait de faire un horrible cauchemar. Il fuyait dans un labyrinthe un danger invisible. Le labyrinthe lui paraissait peu à peu se refermer sur lui comme une toile d'araignée sur sa prise.

Il se leva, alla boire un verre d'eau fraîche à la cuisine. Dehors, la rue blafarde était éclairée par de rares lampadaires.

Il vit, par la fenêtre, deux jeunes malfrats en train de briser une chaîne cadenassée qui retenait une grosse moto noire. Lentement, il retira de dessous son lit une mallette d'où il sortit une carabine au canon scié montée d'une lunette infrarouge. Il épaula l'arme vide et visa consciencieusement, attendant que les jeunes voyous abordent le virage du bout de la rue. Alors il appuya sur la gâchette prenant comme point de mire le cou du pilote. Un clic retentit alors que Juan souriait malicieusement : Pauvres imbéciles pensa-t-il en reposant l'arme dans sa mallette.

Il était nerveux depuis qu’un beau matin, l'ordre était venu d’exécuter un certain Martin. Il avait déjà tué deux hommes : le premier sans préméditation, en état d'autodéfense. Un facteur imprévisible avait surgi, compliquant la mission et menaçant Juan. Il avait tiré. Tout s'était passé très vite et même assez facilement à sa grande surprise.

La légitime défense l’avait en fait aidé à accomplir son geste.

Son deuxième meurtre avait été plus délicat. Il fallait éliminer un opposant. Juan avait été choisi par le groupe. Longtemps il avait médité sur la scène de la Condition humaine de Malraux dans laquelle le héros, penché sur la moustiquaire derrière laquelle dort sa victime, est soudain assailli de doutes au dernier moment. Lui-même avait dû faire un gros effort pour mener à bien cette mission-là. Il avait cependant fermé les yeux au moment de tirer. Mais personne ne l'avait su ni ne le saurait jamais.

Et maintenant, il en était à échafauder son troisième meurtre. Il voulait marquer cet événement d’un sceau qui en ferait un modèle du genre. Fini la légitime défense ou la peur qui oblige à fermer les yeux. Il espérait, cette fois-ci, aller au meurtre les yeux grands ouverts et agir d’une manière flamboyante. Oui, flamboyante, c’est exactement cela qu’il recherchait : agir avec style et avec classe. Il fallait y mettre la manière et il avait trouvé, il savait comment il allait procéder.

Il avait commencé à élaborer un plan et avait mentalement répété des dizaines de fois chacun des gestes qu'il devait accomplir, inventant des incidents imprévisibles à chaque étape du projet. Il s'ingéniait à les résoudre sachant très bien que la réalité ne serait jamais semblable au plan qu'il imaginait. Il avait décidé d’intégrer à son projet un élément hors-norme, un détail qui frapperait et dont on se souviendrait, celui qui allait le faire connaître et le faire respecter.

Il était certain que la manière dont il allait s’y prendre ne serait pas du goût de ses chefs s’ils savaient la façon dont il comptait procéder. Mais il ne leur dirait rien. La façon brillante dont il allait mener cette affaire en imposerait tellement que l’on en oublierait vite les risques pris pour louer le brio de l’opération.

Il était à Biarritz depuis plusieurs jours. La mission qu’il devait accomplir était d’éliminer un individu qu’il ne connaissait pas. Il ne désirait absolument pas à en savoir plus sur lui que son nom - que l’on avait prononcé à l’anglaise en prononçant bien la consonne finale de Martin - et une photo qu’on lui avait donnée pour l’identifier. Le reste était de son ressort pour mener à bien l’opération.

Après avoir observé la routine quotidienne de sa nouvelle victime, il avait décidé de la méthode à suivre pour accomplir son acte : ce serait de jour et en public, en pleine saison touristique, sur la Grande Plage de Biarritz !

Il avait écouté la météo aux nouvelles de 8 heures. Il ferait beau sur toute la côte pendant la matinée. Ce qui signifiait que son homme arriverait comme toujours à 10 heures à la plage pour en repartir à midi.

Pour tuer le temps, il sortit boire un café en lisant Sud Ouest. Les passants dans la rue Gambetta étaient assez rares. Il remarqua avec plaisir le ciel bleu.

Il revint dans sa chambre et ouvrit une armoire dont il tira un grand panier en osier rempli de bonbons et de sucreries. Il passa la lanière autour de son cou, positionna le panier d’une manière équilibrée et inséra le canon d’un pistolet à silencieux dans un petit orifice pratiqué dans l'angle gauche extérieur du panier. Ainsi, le pistolet était invisible. Il se regarda dans la glace sous toutes les coutures puis, satisfait, déposa le panier ainsi préparé sur une table. Plus tard, en quittant la maison, il couvrirait l’arme de friandises diverses.

A 10 heures pile, Juan enfila son maillot de bains, mit une casquette à visière blanche sur la tête et passa une serviette de plage de couleur rouge autour de ses épaules. Il sortit ainsi dans la rue. Les premiers touristes commençaient à déambuler dans les rues commerçantes.

En quelques minutes, il se trouva sur la promenade du bord de mer. Une légère brise venait du large et quelques mouettes tournoyaient dans l'air bleu. Il passa devant le casino et se dirigea vers le côté sud de la plage. Il descendit quelques marches et se trouva sur le sable fin.

Le parasol était bien là et facile à repérer dans sa couleur vert clair. Il était planté verticalement, à mi-chemin de l'eau et de la jetée. Comme il l'avait espéré, à cette heure de la matinée, il n'y avait encore que peu d'estivants sur la plage, les groupes étaient distants les uns des autres et Il n'y avait personne à moins de 50 mètres de la cible.

Juan avançait, maintenant un pas contrôlé, regardant discrètement de droite et de gauche. La visière de sa casquette masquait la majeure partie de son visage.

- Bonbons, caramels, esquimaux, chocolats !

Sa voix le surprit, un peu faible tout d’abord. Il se reprit aussitôt et lança sa phrase d’un ton plus assuré, assez fort pour paraître plausible, mais pas trop pour ne pas attirer indûment l'attention. Un garçon suivi d’une petite fille vint à lui en courant pour acheter un paquet de bonbons.

La peste soit de ces gamins se disait-il en présentant à la fillette un paquet de caramels.

Il craignait l'imprévisible et savait qu’il pouvait provenir principalement des enfants. Il observait la portion de plage devant lui en essayant de repérer d'où pourrait venir une interférence quelconque.

Il se remit en marche, en fixant toujours son attention sur le groupe le plus proche de lui. L'effet qu'il avait escompté se produisait : les gens, quand ils le remarquaient, se détournaient sans lui prêter guère plus d'attention, habitués qu’ils étaient aux vendeurs de plage occasionnels.

Il gardait son cap sur le parasol vert clair près duquel se tenait allongée sa victime. Comme tous les matins, l'homme était seul. Il venait de se baigner et resterait ainsi à bronzer un bon moment avant de repartir.

Depuis que Juan avait foulé le sable de la plage, personne n'était venu s'installer à proximité du parasol vers lequel il se dirigeait maintenant. A mesure qu'il approchait, il s’efforçait d’évaluer la situation et, étrangement, tout semblait se présenter sous les meilleurs auspices. Il ne remarquait rien d'anormal susceptible de contrarier ses projets.

Il avait déjà dû ajourner deux fois son plan alors même qu'il était tout près du but. La première fois, il se l'avouait à lui-même, il avait renoncé par peur.

Mais la deuxième fois, il avait choisi de ne pas agir car la position de l'homme qui se présentait dos à lui, allongé sur le ventre lui compliquait énormément la tâche. Pour agir facilement, il fallait que l'homme soit allongé sur le dos, lui exposant directement sa poitrine. Ainsi, il pouvait voir son visage et être sûr de ne pas se tromper de cible.

Après avoir lentement dépassé le dernier groupe avant le parasol vert clair - un jeune couple trop occupé à flirter pour le remarquer, - il marcha droit sur son homme en se forçant à ralentir. Il voyait, au-delà du parasol, un groupe de personnes qui batifolaient dans le sable, des Espagnols apparemment d’après les bribes de conversation qu’il percevait, et toujours plus loin, un couple qui prenait le soleil.

Il y avait encore une vingtaine de mètres à faire. Son coeur se mit à battre plus fort. L'homme était allongé sur le dos. Mais Juan savait qu'il pouvait se retourner au dernier moment pour changer de position.

Maintenant il n'entendait ni les cris des mouettes ni le bruit des vagues. Un lourd silence avait pris possession de lui. Il tenait sa main droite enfouie dans le panier, le doigt près de la gâchette. La gorge sèche, il n'avait d'yeux que pour la poitrine velue dont il se rapprochait.

Arrivé tout près, il dit d'une voix plus faible :

- Achetez bonbons, caramels, esquimaux, chocolats !

Il posa le genou gauche sur le sable, à moins d'un mètre du corps. L'homme ne bougeait pas, offrant son coeur au canon du pistolet. Au moment où la victime ouvrait les yeux, il tira deux fois en plein coeur. Le corps tressauta un peu sous le double impact du silencieux. Juan laissa alors glisser la serviette rouge de dessus ses épaules sur la poitrine ensanglantée du cadavre qu’elle recouvrit. Le bruit ambiant du ressac avait recouvert tout autre bruit. Il se releva aussitôt sans se presser, fit le tour du corps et continua en obliquant droit sur le casino.

L’envie le brûlait de presser le pas mais il se força à faire de longues foulées lentes. Enfin il monta les marches menant à la promenade. Là, il se retourna, faisant mine de contempler la mer mais en réalité, observant l’état d’agitation de la plage.

Ce n’est donc pas plus difficile que ça ! C’est bien ce que je pensais. Mon plan est génial ! Totalement inattendu et extrêmement simple !

Il était agité de pensées grandioses et se délectait en songeant à ce que penseraient ses supérieurs. Finalement, ne voyant rien d’anormal, il se retourna et disparut dans une petite rue montante, en sifflotant.

Chapitre 2

Bob Rossier n'en revenait pas de se trouver en ce mois d'août sur la Côte basque. Se prélasser sur des plages remplies de monde n’était pas son rêve pour passer les vacances d’été. Il n'aimait pas la foule et aurait préféré aller dans quelque endroit perdu de la côte cantabrique ou landaise. Là où il aurait pu goûter à un vrai repos qu'il pensait avoir bien mérité alors qu’il approchait de la retraite.

Sa carrière avait débuté bizarrement. Il avait fait son apprentissage durant la guerre du Golfe où, soldat, il avait découvert la vue du sang, la peur de la mort, les horreurs de la guerre. Soumis à rude épreuve dans les déserts arabes, il était revenu, à défaut de décorations, muni d'une résistance à toute épreuve.

Il avait vite compris que l’armée n’était pas l’endroit où il pourrait s’épanouir. Il quitta donc l’uniforme sans serrement de cœur spécial, regrettant tout de même l’esprit d’équipe qu’il avait pu entretenir avec quelques amis qu’il avait notés dans son carnet d’adresses.

Il avait alors essayé plusieurs métiers avant de se lancer dans l’éducation. Il était devenu proviseur de lycée et avait, à ce poste durant quelques années, subi les assauts agressifs des parents, des syndicats, des élèves, des enseignants. Il s’était alors replié sur l’enseignement proprement dit, usé qu’il était d’avoir à subir sans cesse la contradiction sournoise et la mauvaise humeur déplacée de trop de gens. Finalement, il avait tout quitté pour entamer une carrière de journaliste, plus en accord avec son tempérament de bourlingueur.

Il avait donc commencé à voyager de par le monde pour couvrir les événements en rapport avec l’actualité internationale, retrouvant de temps en temps des anciens camarades de guerre. Maintenant, qu’il approchait de la retraite, il désirait un endroit tranquille où s’établir.

C'est sa fille Solange qui avait insisté pour venir dans le Pays basque. Elle avait fait récemment la connaissance de Michel, un jeune Biarrot. Comme les choses prenaient une tournure assez sérieuse, Bob désirait rencontrer le jeune homme. Ce séjour serait la parfaite occasion de faire sa connaissance.

De plus, c'était peut-être le dernier été qu'il avait l'occasion de passer avec sa fille et il s’était décidé à faire ses valises. Solange venait d'avoir son bac et projetait des études universitaires qui allaient l'éloigner de lui.

Comme il évitait habituellement les endroits courus pour ses déplacements privés, ce voyage resterait une exception. Le moment venu, il saurait bien s’éloigner de la foule des plages et visiter l'arrière-pays basque qu'il connaissait un peu.

Allongé sur sa serviette, Bob somnolait sur le sable de la Grande Plage de Biarritz, les yeux mi-ouverts. Il avait vu le marchand de glaces, quoique assez loin encore, venir dans sa direction.

Il se tourna vers sa gauche où était allongée une belle femme en bikini. Il la connaissait depuis plusieurs années et la perspective de la retrouver au Pays basque avait joué un rôle non négligeable dans son enthousiasme à venir à Biarritz.

Il frotta doucement son pied contre la jambe de la femme en murmurant :

- Tu veux une glace, Amy ?

Celle-ci émit un petit geignement et murmura après quelques instants :

- D'accord. A la pistache.

Il se retourna et attendit que le marchand se rapproche. Ce dernier était encore assez éloigné et Bob ferma les yeux, la joue contre le sable, bercé par le bruit des vagues. Il se mit à penser aux vacances qu’il avait passées autrefois avec ses parents dans la région. A quelque distance, il pouvait entendre des voix qui parlaient espagnol.

Soudain il sentit une pression dans son dos en même temps que quelqu'un lui disait :

- Haut les mains!

Il ouvrit les yeux, tous les muscles de son corps tendus et pivota lentement. Le soleil l'éblouissait et il lui fallut plusieurs secondes avant de voir que son agresseur n'était autre qu'un jeune gamin qui manipulait un pistolet en plastique. Il saisit le jouet, regarda l'enfant droit dans les yeux et marmonna entre ses dents :

- Fiche-moi le camp d'ici !

Il lança le pistolet à toute volée. Effrayé, le gamin détala.

Bob se laissa retomber sur le sable au moment où il lui sembla entendre un léger bruit, mais un bruit si familier, sourd, comme … voyons, il se mit à chercher dans sa tête. Non, ce n’était pas possible ! Il n’y a pas d’armes sur la plage ! Il se prit à penser que l’enfant et son jouet lui avaient quelque peu fait perdre le sens des réalités.

Enervé par l’épisode du gamin avec son pistolet, il secoua la tête pour éloigner une idée fantasque qui lui traversait l’esprit et décida de se replonger dans son demi-sommeil.

Mais d’abord, il regarda tout autour de lui et ne vit rien de tant soit peu inquiétant. Puis il se tourna dans la direction du marchand de glaces qu’il avait quelque peu oublié, au moment où celui-ci se relevait après avoir servi un vacancier allongé sur le sable. A la surprise de Bob, le marchand venait de s'orienter vers la promenade et s'éloignait de lui. Bob le héla. Mais l'autre ne sembla pas l'entendre. Il ignora même un groupe de personnes qui lui faisait signe et monta l'escalier menant à la promenade où il s’arrêta un instant pour jeter un coup d’œil en arrière.

Bob se laissa retomber sur sa serviette. Il se tourna vers la femme à son côté. Apparemment, elle somnolait. Il lui mordilla légèrement le lobe de l’oreille en lui susurrant :

- Désolé trésor, la glace sera pour plus tard.

Chapitre 3

Yako Kouznetsov ouvrit l’imposante porte-fenêtre de la suite qu’il occupait au premier étage. Il s’avança sur une immense terrasse d’où l’on pouvait voir la Grande Plage.

Devant lui s’étendait à perte de vue l’océan. Il ferma les yeux et huma longuement l’air chargé d’odeur marine. Il se remémorait, plusieurs années en arrière, une visite avec ses parents qui avaient voulu faire le « pèlerinage de Biarritz », en souvenir de l’époque où toute l’intelligentsia russe se donnait rendez-vous sur la Côte basque.

En débarquant dans la Cour d’Honneur de l’Hôtel du Palais, la veille au soir, il avait repéré l’Eglise Orthodoxe Russe, sise au 8, avenue de l'Impératrice, juste de l’autre côté de la rue.

Il se souvenait d’interminables offices auxquels il avait assisté avec sa mère cependant que son père vaquait à des affaires importantes avec les exilés russes.

Il promena son regard sur la plage, étira les bras et émit un bâillement qu’il ne songea même pas à réprimer. Après tout, il était sur son balcon, à l’hôtel du Palais. Qui oserait lui faire une remarque ou même lui lancer un coup d’œil étonné ou réprobateur ?

Ses yeux fixaient maintenant un rocher dans la baie de la Grande Plage. Il se souvenait y être allé à la nage avec son père, alors que sa mère les regardait du balcon de leur chambre, peut-être de ce même balcon. Il chercha en vain à se rappeler le nom du rocher.

Comme son père, il était revenu pour affaires sur la Côte basque. Le pèlerinage à Biarritz n’était pour lui qu’une excuse, ou plutôt une couverture pour venir jusqu’ici.

Il regarda sa montre puis le ciel. Il faisait beau et cela le mit de bonne humeur. Il s’installa dans un transat et se mit à réfléchir.

Il était venu avec sa famille. Avant son départ, il avait contacté Konstantin Matzneff, un Russe résident en France que Yako connaissait de réputation et qui lui avait été recommandé par des contacts sûrs. Les deux hommes devaient se rencontrer pour la première fois ce jour même.

Un léger bruit le tira de sa rêverie et lui annonça l’arrivée de Sasha.

Avant qu’il ait eu le temps de se lever, elle enroula son bras autour de son cou. Un parfum enivrant le plongea dans un état de doux bonheur alors qu’elle déposait sur son oreille un léger baiser.

- Bonjour chérie !

- Bonjour mon amour !

Elle s’avança jusqu’à la balustrade de la terrasse. Il admira goulument son corps long et svelte, cette taille élancée que mettait parfaitement en évidence un bikini couleur peau.

Elle avait toujours le don de le surprendre, et c’est de ces surprises incessantes qu’il se nourrissait et tirait son énergie. Certes, il y avait aussi les affaires, dont il était toujours friand même si elles l’intéressaient moins à présent, mais il mettait un point d’honneur à les mener du mieux possible moins par la soif de gain ou de gloire que pour protéger et aimer Sasha et leur fils.

- Où est Oleg ?

- Il est sorti un petit moment s’amuser sur la plage.

- Seul ?

- Non, il est avec Masha.

- Mais ils ne parlent pas français !

- Ne t’inquiète pas. Ils sont tout près d’ici.

Elle se tourna vers l’océan et entreprit de retrouver la trace des deux enfants. Yako s’approcha de la balustrade et se mit aussi à scruter attentivement la plage à ses pieds.

- Regarde ! Les voilà !

Elle indiquait un point éloigné, dans la direction du casino.

- Mais ils sont très loin ! Je ne veux pas qu’ils s’éloignent ainsi. Et d’abord, où est Lana ?

- Elle est partie avec eux et ne saurait être très éloignée. Tu penses bien qu’elle ne laisserait pas sa fille sans surveillance !

- Ce n’est pas sa fille qui m’intéresse mais mon fils !

Comme elle allait répliquer, il pointa en silence sa main dans la direction des enfants.

Ces derniers parlaient à un adulte difficile à détailler de si loin. Puis, tout soudain, ils se mirent à courir en direction de l’hôtel en sautillant de joie. Une femme quitta alors l’esplanade du casino pour s’avancer à leur rencontre.

- Regarde ! Voilà Lana ! Tu vois, comme tu t’inquiètes pour peu de chose !

- Oui, tu as raison. Mais on n’a qu’un fils et je ne tiens pas à ce qu’il lui arrive quoi que ce soit.

- Mais on n’est pas à Moscou ici. On est en France, et de plus à Biarritz. Cet endroit a une réputation de grande tranquillité.

Il ronchonna pour la forme mais se dit in petto qu’elle avait raison.

- Ecoute, je dois sortir pour un rendez-vous d’affaires. Je serai de retour dans 2 heures environ. Alors, on pourra aller au Musée de la Mer pour montrer à Oleg et Masha le repas des phoques, d’accord ?

- D’accord, mais ne sois pas trop long. Et n’oublie pas que tu dois aller avec Oleg pour sa première leçon de surf cet après-midi.

Et ce disant, de son ongle effilé, elle caressa légèrement sa barbe naissante.

Chapitre 4

C’est sur la pointe Saint-Martin qu’a été érigé le phare de Biarritz. Sa tour blanche et cylindrique, haute de 44 mètres, est soutenue par un soubassement octogonal dans lequel se trouve le logement des gardiens. Elle se dresse sur la falaise, solitaire et magnifique, à l’extrémité nord de la Grande Plage.

Depuis plusieurs mois, le phare de Biarritz était occupé. En effet, la municipalité avait décidé de renforcer la place prépondérante qu’occupe déjà la ville comme référence dans les bulletins de météorologie nationale. Il fut donc décidé d’utiliser la plateforme supérieure du phare comme base météorologique.

Cet endroit qui offre une vue dégagée sur 360 degrés est un point d’observation idéal. Aussi, plusieurs appareils prenant des clichés à intervalles réguliers de divers points de la côte, et notamment du Casino, de l’Hôtel du Palais et du Rocher de la Vierge furent installés. Une caméra filmait en continu le littoral depuis la partie nord de la Grande Plage jusqu’au Rocher de la Vierge. Une autre caméra, dans un mouvement continu panoramique, balayait le sud des Landes, le Pays basque, la chaîne des Pyrénées, la côte atlantique et finissait dans les confins de la chaîne cantabrique qui disparaissait à l’horizon dans l’océan.

Armand Abbadie, l’heureux locataire de ces lieux, était le gardien du phare et le préposé au programme météorologique. A ce titre, il devait souvent vérifier le matériel installé au sommet de la tour du phare. Lorsqu’il montait l’escalier, sa mauvaise humeur s’évanouissait toujours lorsqu’il posait le pied sur la dernière marche. La vue de l’océan qui s’offrait à lui jusqu’à la ligne d’horizon lui faisait oublier la difficile ascension.

Il prenait alors une chique de tabac, faisait les différents contrôles de surveillance nécessaires sur les appareils de mesure avant de se mettre face à l’ouest, tournant superbement le dos à la terre et à la ville pour ne contempler que le grand bleu en mâchonnant imperturbablement sa chique.

Il était consciencieux et programmait son téléphone portable pour vérifier ses instruments de contrôle toutes les 15 minutes. Cela lui permettait ainsi de se perdre pendant des quarts d’heure entiers dans la contemplation de la majesté océane.

En se penchant, lorsqu’il faisait gicler sa chique pardessus le rebord de la balustrade pour l’envoyer sur les rochers, il avait un peu le tournis en considérant les 73 mètres de dénivellation jusqu’au niveau de la mer.

Ce jour-là, Armand Abbadie montait en ronchonnant l’interminable escalier en colimaçon menant du logement des gardiens à la plateforme supérieure. Il gravissait lentement les 248 marches et s’arrêtait invariablement - selon un savant calcul - toutes les 62 marches, pour reprendre sa respiration.

Aujourd’hui, il trouvait l’ascension particulièrement difficile. Il redressa sa carrure engourdie en posant le pied sur la 248e marche avec un soupir de soulagement.

Peux pas continuer comme ça. Devraient tenir compte de la pénibilité du poste et de mon âge quand même, grommela-t-il.

Et il se mit à penser à la réforme des retraites que l’Assemblée était en train de discuter. Pour sûr, il allait faire grève cette fois-ci, non mais des fois !

Il posa sur le banc sa casquette et son sac qui contenait un casse-croûte, puis il jeta un œil sur l’Hôtel du Palais, sur le Casino et enfin sur la Grande Plage où commençaient à arriver les touristes en cette fin de matinée.

France Bleu Pays Basque avait annoncé une matinée ensoleillée avec un grain à la mi-journée. Le ciel était encore bleu jusqu’à l’horizon, mais Armand savait avec quelle vitesse le temps pouvait changer dans la région et il ne se fit pas d’illusion pour l’après-midi.

Il aimait tellement ces surveillances météorologiques qu’il espérait bien arriver à la retraite en étant toujours le locataire du phare, si toutefois le site était utilisé comme base de surveillance pendant encore trois ans. Comment mieux finir sa carrière, ainsi logé dans cette tour d’ivoire d’où l’on dominait toute la région ?