Mémoires d'outre mer - Audrey Heiser - E-Book

Mémoires d'outre mer E-Book

Audrey Heiser

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Beschreibung

À 25 ans, Audrey part avec la Marine Nationale dans une aventure fantastique et inoubliable à travers le monde...

Je vous parlerai d’une horde de sauvages, de rites de passage, de capotes sous cloche ou encore de course-poursuite. Une condition humaine en quelque sorte, en vase clos et sur quelques mois. Voyez-le comme un roman initiatique, d’aventure et exotique.
“ Un texte résolument moderne mais qui ne tombe pas dans le piège de la facilité linguistique. Une réelle originalité dans l’angle de traitement des situations du quotidien. Un sens de l’observation aigu. Un témoignage fort, poignant. Le lecteur est en empathie avec l’auteur tout au long du texte qui a su éviter les écueils du nombrilisme.” Les Editions Baudelaire
Dans cette aventure incroyable entre l'Amérique du Sud et la Russie, en passant par l'Afrique, l'auteur partage les expériences, les peines, les révélations ayant enrichi sa vie et sa vision du monde.

À PROPOS DE L'AUTEURE

Audrey Heiser est née en Lorraine en 1979. Marine Nationale, direction e-commerce, consulting, immobilier, entrepreneuriat, cette jeune femme aime les défis et la vie. 

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Audrey Heiser

Mémoires d’outre-mer

Préface

“À présent, je peux mourir”, voilà ce que j’ai pensé en 2005, alors âgée d’à peine 26 ans, de retour de ma deuxième campagne GEAOM. J’ai réalisé que j’avais fait, vu et vécu tellement plus de choses que l’immense majorité des hommes et des femmes sur cette planète, que cela résonnait en moi sereinement. Je réalisais la chance inouïe que j’avais eu de vivre tant d’expériences différentes en même pas un an de vie, cumulé.

C’était il y a plus de quinze ans, une éternité dans le monde d’aujourd’hui, où tout va si vite. Un univers aujourd’hui disparu. Le GEAOM, ou Groupe École d’Application des Officiers de Marine1, est une mission annuelle de la Marine nationale qui clôt, avec application concrète des apprentissages des années précédentes, la formation des officiers de marine issus de l’École navale (appelés officiers-élèves, ou OE, à bord) et des autres officiers issus du monde maritime militaire, à l’instar des médecins militaires ou commissaires des armées qui servent par la suite dans la Marine, mais aussi des administrateurs des affaires maritimes (ou affmar). C’est une mission “ 4 en 1” : opération (selon les besoins et missions identifiés), coopération (exercices pratiques avec les marines d’autres nations ou avec d’autres corps d’armée), rayonnement (en escale notamment), formation (poursuite des cours sur les bancs et mise en pratique). C’est un véritable stage d’application de fin de scolarité, qui allie un vrai déploiement opérationnel qui dure cinq mois. Tour à tour intense, pénible, usant, joyeux, on en sort tellement plus riche, de soi, des autres, de sens.

Jeanne d’Arc (affectueusement appelée Jeanne ou JDA), c’est le nom qu’on donnait au navire-école des officiers de marine depuis 1912. Une tradition qui a pris fin en 2010, lors du retrait du service actif du dernier bâtiment dédié, ce porte-hélicoptère aux lignes si majestueuses. Sur 100 ans de navire-école, ce porte-hélicoptère aura effectué plus de 40 ans de bons et loyaux services.

Au début des années 2000 donc, le Red Bull était interdit en France, certains hauts lieux de la vie nocturne étaient encore ouverts, à l’instar du Help à Rio. Au début des années 2000, j’ai discuté avec des rois, survolé la baie de Rio tel un oiseau, déféqué dans une fosse grouillante de cafards, je me suis perdue sur une île, j’ai assisté à un défilé de mode sur un navire de guerre et échangé avec les mannequins lors de l’after, j’ai assisté des populations sinistrées par un tsunami, j’ai préparé des pâtes dans une bouilloire, assisté à la coupe du monde féminine de hockey-sur-glace, bouché le lavabo de mon poste à force de vomir, donné un cours d’anglais à un acteur, mangé du crocodile, j’ai été interviewée par une radio locale à St Pierre-et-Miquelon, j’ai été volée, j’ai poursuivi un voyeur, j’ai joué au foot sur un camp militaire américain, je me suis baignée avec des pingouins, j’ai été par deux fois baptisée (lors du passage mythique de deux lieux symboliques et chargés d’histoires), j’ai échangé et déjeuné avec l’un des hommes les plus éloignés de toute terre… Je vous parlerai aussi d’une horde de sauvages, de rites de passage, de sexe, de capotes sous cloche ou encore de course-poursuite. Une condition humaine en quelque sorte, en lieu clos et sur quelques mois. Voyez-le comme un roman initiatique, d’aventure et exotique.

1ere partiE CAMPAGNE GEAOM 2003-2004

À bord, le 30 octobre 2003 –12h22

La vie : un don magnifique pour quiconque sait saisir les opportunités et provoquer son destin. Ces deux campagnes sont un cadeau. Le cadeau professionnel d’une vie qui ne se refuse pas, et qu’on accueille le cœur battant et le sourire aux lèvres face à la promesse du mot « Jeanne ».

Les grands événements et les situations hors du commun que je serai amenée à vivre, c’est au creux de ces pages que je les relaterai.

La Jeanne d’Arc, feu ce bâtiment-école qui parachève l’éducation militaire, maritime et humaine d’un groupe d’élus, officiers-élèves avant tout, mais aussi personnel embarqué, c’est un mythe et un rêve devenus réalité pour la jeune femme que j’étais alors et qui ne demandait qu’à croquer le monde à pleines dents.

Ouverture sur le monde et sur les autres, et découverte de soi, voilà ce que nous découvrirons au gré de ces pages, qui marqueront à jamais mon esprit et mon cœur, tel le sillage sans fin de ce noble porte-hélicoptères sur une mer d’huile.

Affectée depuis deux mois à bord, tout se passe plutôt bien. Je n’en reviens pas, déjà deux mois, cela passe tellement vite. Ma mission consiste à donner des cours d’anglais aux officiers-élèves, ou OE, au personnel embarqué et aussi des cours de français aux officiers-élèves étrangers.

Ma première impression a été plus que positive puisque ma responsable directe est très sympa, mon boss (le Direc : directeur école) nous laisse carte blanche et le Pacha (le commandant) est très humain.

Déjà deux mois et aussi deux événements majeurs : nous avons participé à une émission TV et j’ai organisé mon premier week-end d’intégration pour OE étrangers.

Michel Drucker nous a reçus sur le plateau de « Vivement dimanche » dont l’invité principal était Bernard Giraudeau (qui nous a depuis quittés). Cet acteur français avait embarqué sur la Jeanne en tant que mécano pour ses deux premières campagnes (1964-1966), historique !

Arrivés le matin sur le plateau, nous avons docilement répété notre entrée en scène chorégraphiée pendant deux bonnes heures sous la direction de deux chorégraphes. L’une d’elles nous faisant littéralement marcher au pas et nous coachant avec force dynamisme, elle n’aurait pas démérité au sein de l’armée ! Bon an mal an, nous nous débrouillons et la séquence de deux ou trois minutes qui sera diffusée est dans la boîte. On remarquera au passage deux jolis gros plans de mon minois. La chef de cabinet, Nathalie, et moi-même étions les deux seuls officiers de la délégation, nous avions donc le privilège de mener chacune sa rangée d’officiers mariniers, quartiers-maîtres et matelots.

Première découverte : le monde des intermittents du spectacle que nous découvrons lors de la pause déjeuner aux studios Gabriel. Je trouve cela très chouette de pouvoir discuter avec eux, de découvrir projecteurs, caméras et autres spots. Et c’est plutôt sympa de confronter ces deux univers aux antipodes.

L’après-midi arrive et les choses sérieuses reprennent : c’est le défilé devant le public du studio et en présence de Bernard Giraudeau. Là, le stress se fait plus pressant. Mais nous avons si bien marché que l’acteur du jour pensait que nous étions des figurants ! Passé ce moment, l’ennui m’a rapidement gagné, mais c’était tout de même intéressant d’assister à l’émission côté coulisses. Chapeau bas aux monteurs !

Quelques semaines plus tard, c’est l’heure du fameux week-end d’intégration des OE étrangers que j’ai monté de toutes pièces et qui a remporté un franc succès. Au programme de notre destination parisienne : musée Grévin, Paris Story, balade nocturne en bateau-mouche, revue au Paradis Latin, le tout agrémenté de quelques plages de temps libre. Ce type de week-end a de belles vertus : il permet de briser la glace et de faire connaissance dans un contexte décontracté, de découvrir la capitale française mais aussi et surtout de permettre une meilleure intégration de chacun. Nous étions 13 : Franck, officier allemand responsable des OE étrangers, Sam car il fallait un « vrai » officier de marine qui apporte du crédit au week-end (moi je n’étais qu’officier sous contrat, et ça change tout !) et un joli melting-pot de marins étrangers : Suédois, Roumain, Malaisien, Anglais, Hollandais, Espagnol, Marocain, Libanais, et Koweïtiens. J’étais l’unique représentante de la gent féminine, mais cela n’a nui en aucune façon à ce week-end.

Pas évident d’être force de proposition pour pallier les imprévus, veiller à la ponctualité de tout ce beau monde, rattraper le temps perdu… Voilà une première expérience GO-guide touristique fort appréciable et appréciée !

Depuis lundi (27 octobre 2003), nous sommes en mer (ma toute première sortie à la mer !) pour des tests et exercices divers, autant pour cette vieille Jeanne que pour son personnel. Au programme : resevac (évacuation de ressortissants, activation de la Cellule Crise et Communication « triple charlie » dont je fais partie), visitex (procédures de visite d’un bâtiment suspect), poste de combat (où chaque membre occupe une fonction prédéterminée2), poste d’évacuation… tout un programme !

Pas toujours facile de suivre, surtout pour une novice : il faut savoir où aller et avec quel matériel quand la sonnerie de clairon et le réseau de diffusion interne retentissent au sein du bâtiment.

Je n’ai pas encore été malade. Certes ça roule3 un peu mais ça reste très supportable. Je dors plutôt bien la nuit. Il y a un bruit constant (machines et remous contre la coque ; mon poste K027 est à hauteur de la ligne de flottaison !) mais on finit par s’y habituer.

Ce qui est drôle, c’est que quand le bâtiment roule, on a tendance à faire de même dans le lit. Ce n’est pas gênant outre mesure. Je pensais que ça serait pire (et cela le sera !).

Le poste n’est clairement pas confortable mais pour l’instant j’ai assez de place pour ranger TOUTES mes affaires militaires, quelques affaires civiles, sans oublier des livres, mon appareil photo et mon caméscope, tout bonnement indispensables à cette tranche de vie.

Pendant toute cette campagne nous serons trois occupants dans ce poste. Plutôt limite car il est prévu pour deux officiers et un passager. Il n’y a en effet que deux bureaux, deux lavabos et deux chaises.

Côté poste de travail, notre bureau est l’un des plus grands à bord, c’est très appréciable. Nous sommes tout de même trois à y travailler, et il nous sert aussi de salle de cours.

Toute cette semaine à la mer, nous sommes en TPB (Tenue de Protection de Base) : cette combinaison portée à bord des bâtiments à la mer et réalisée en tissu ignifugé doit apporter une protection, retarder ou supprimer la combustion en cas d’incendie. Ce n’est pas un uniforme mais un « effet spécial » (perçu à l’embarquement et rendu au débarquement.)

Parce que je ne sais pas rester inactive, je me suis inscrite en DEA à l’Université de Bretagne Occidentale, au CML1 (certificat militaire de langue, premier niveau) d’italien et aussi au concours d’OSC (officier sous contrat) long, spécialité COA (contrôleur des opérations aériennes). Je sens que je ne vais pas m’ennuyer, j’espère que je pourrai travailler comme il se doit.

Hier, je suis sortie sur la plage avant et je dois avouer que cela m’a fait vraiment bizarre de remarquer que tout ce que l’on pouvait voir à perte de vue et de tous côtés, c’était l’océan. Et, une fois n’est pas coutume, il faisait beau du côté de Brest ! C’était vraiment génial.

Ce qui est sympa aussi, ce sont ces lumières rouges qui prennent le relai de l’éclairage néon classique à la nuit tombée. Cela confère au bâtiment une dimension guerrière et plus opérationnelle.

En mer, le déjeuner est pris à la rampe (notre cafète) avec tout le monde (comprenez tous grades et spécialités confondus). En revanche, le dîner est servi à table et pris entre officiers, subalternes pour ma part. Le petit-déjeuner est parfait : viennoiseries (pain au chocolat, brioche…), pain frais, café, jus d’orange. Inutile de préciser que les deux boulangers du bord sont particulièrement appréciés !

Côté boulot, mon premier cours s’est bien déroulé, avec une douzaine d’élèves (S&T, surnommés « bouchons gras » : les futurs « mécano » pour bâtiment et aéronef). Leur niveau d’anglais est généralement inférieur à celui des O&T (futurs officiers opérations). Parfait pour me faire la main ! Malgré tout, nous avons dû condenser trois cours en un seul parce que deux heures avaient été supprimées en pré-campagne. On n’en avait déjà pas beaucoup... Les pauvres étaient du coup encore plus dépassés.

Puis j’ai animé ma toute première conférence devant tous les officiers-élèves, soit environ 150 uniformes, avec en bonus le Direc4. J’ai abordé des thèmes tels que l’Université JDA (Jeanne d’Arc). Il s’agit de cours donnés par les officiers-élèves au personnel du bord en soirée pour un perfectionnement en français, langues, mathématiques... C’est une belle opportunité pour les futurs officiers que de communiquer leur savoir et de côtoyer sous un angle inédit les hommes qu’ils seront amenés à manager et commander demain. J’ai également mentionné le parrainage-écoles : il s’agit de classes de primaire (le plus souvent) que certains membres d’équipage parrainent tout au long de la campagne (ils envoient des courriers d’escale, des colis, témoignent à leur retour en métropole). Idéal pour renforcer le lien armée-nation et susciter des vocations !

Je me suis plutôt bien débrouillée pour une première, le Direc n’est intervenu qu’à deux reprises pour compléter mes propos et insuffler dynamisme et motivation chez les élèves.

Je pense avoir été claire, équipée d’un micro et armée d’une présentation Powerpoint. Quand j’y repense, c’était loin d’être évident, surtout devant un tel public, particulièrement exigeant et à la critique facile. Mais le plus important demeure que nous avons eu un nombre conséquent de volontaires, notamment pour donner des cours.

Le fait de connaître quelques élèves m’a indéniablement permis d’être plus à l’aise. Du coup, je ne sais plus si je dois les tutoyer ou pas. Je suppose que cela viendra avec le temps mais ça non plus n’est pas évident, vu que nous avons sensiblement le même âge.

À bord, le 4 novembre 2003 –12h16

Déjeuner déjà pris !

De nouveau en mer depuis hier matin, avec un océan quelque peu agité ; je n’ai pas fait ma fière. J’ai dû prendre deux cachets Mercalm, mais je ne pense pas que ça ait calmé quoi que ce soit !

Je me suis couchée honteusement à 20h45, battue à plate couture par le roulis et la mer. J’ai tout de même tenu sans faire de sieste !

Malgré des signes évidents de nausée (poids sur l’estomac, dérèglement au niveau du foie, salive peu ordinaire), j’ai tenu bon la barre, enfin, façon de parler. Le bulletin météo faisait état d’une mer 4-5, soit des creux de 4 à 5 mètres de haut. Ce n’est pas rien, d’autant que malgré une mer plus calme ce jour, notre bonne vieille Jeanne a du mal à se stabiliser.

Je me force à prendre l’air deux à trois fois par jour en me rendant sur les passerelles, les passavants5 ou encore les points plus hauts, le tout avec vue mer. Ça fait un bien fou d’être dehors. Sur les ponts supérieurs, l’air est sain et frais (c’est parfois trop venté mais à bien y réfléchir je préfère encore attraper un rhume qu’être nauséeuse à longueur de journée parce que mon oreille interne perd ses repères).

Observer de la passerelle le spectacle de l’hélicoptère bien arrimé sur le pont d’envol malgré une gîte6 de plusieurs degrés, en total contraste avec une eau rectiligne, c’est assez surprenant. Hier, il y a eu entre vingt et trente degrés de gîte, ça plante le décor ! C’est amusant, mais uniquement de l’extérieur, parce qu’une fois confiné, ça déménage ! Pour preuve hier au bureau, la grande table de cours, les chaises et l’armoire ont carrément valsé ! Quant aux livres, ils étaient tout bonnement éparpillés à l’entrée du bureau. Heureusement, question sécurité, que l’armoire est fixée à la cloison. Vraiment pas évident de ranger tout ça quand on a le mal de mer.

Et impossible de faire du sport dans de telles conditions. Ce n’est vraiment pas évident car il faut bien manger et bouger un minimum. Côté productivité au travail, c’est zéro pointé. J’espère sincèrement que ce type de journée « roulis » ne se reproduira pas régulièrement, sinon je ne risque pas d’avancer sur mes objectifs.

Côté travail justement, c’est assez atypique de donner cours en TPB. Comme les OE étaient trop nombreux la semaine dernière, j’ai carrément dû faire cours dans un poste OE. Je n’avais pas de tableau à disposition et certains étaient assis sur des banquettes. À conditions particulières, cours particulier : au bout de trente minutes j’avais terminé un cours supposé durer le double. Mais je me suis débrouillée pour combler le temps restant.

Cette sortie à la mer est aussi l’occasion de mener de nombreux exercices en tous genres. Hier j’étais à bord d’un Zodiac en combinaison rouge spécial mer. Ma mission : servir d’interprète. On n’est malheureusement pas allés bien loin, la rade étant consignée. J’ai donc dû remonter à bord du bâtiment par l’échelle de pilote, une sorte d’échelle faite de deux cordes traversées de bâtons de bois. Une fois arrivée en haut, j’étais littéralement exténuée ! C’est un exercice assez stressant, l’échelle remue continuellement et toutes les paires d’yeux sont braquées vers celui qui monte.

Erreur fatale : on avait omis nos gilets de sauvetage. Ce qui nous a valu quelques remontrances du commandement. À notre décharge, on était descendus par le quai et on avait à peine fait dix minutes de Zodiac... En tout cas, ce semblant d’action était fort sympathique.

Pour le moment, on passe un peu trop de temps à attendre, que ce soit au poste de combat avec nos complétifs (gants et masque ignifugés, et lunettes) et notre gilet de sauvetage, au poste d’évacuation, ou encore au poste de sécurité (situé pour moi dans le hangar, et pour lequel je ne suis d’aucune utilité). Je suis ravie toutefois que notre poste de combat soit situé juste sous la passerelle navigation, vitrée. Cela limite considérablement les effets néfastes du mal de mer. Ces exercices font partie du « jeu » des marins embarqués et ils rompent la monotonie, qui ne s’est pas encore installée.

Allez, je vais commencer à préparer mes dossiers d’escale, histoire de fixer des objectifs attrayants et se changer les idées.

À bord, le 5 novembre 2003 –18h40

Décidément, les journées sont d’une longueur indicible. Nous sommes à peine à la fin du troisième jour de mer et je m’ennuie comme un rat mort. Je pense que le temps me paraît d’autant plus long que je suis vaseuse à longueur de journée. Ce n’est pas violent, les océans ne sont pas déchaînés, c’est juste que le bâtiment n’arrête pas de rouler (il serait à quai qu’il roulerait encore !). Du coup, c’est particulièrement fatigant et je ne parviens pas à me concentrer suffisamment pour fournir un travail efficace. On nous a annoncé qu’on rentrerait vendredi en fin de matinée au lieu de fin d’après-midi. Vous n’imaginez pas à quel point apprendre cette nouvelle fut un soulagement !

La campagne dure six mois ? Ça promet ! Je sens que je n’ai pas fini d’en baver, de devoir m’agripper aux parois de la douche, d’avoir du mal à monter les marches des échappées, de retenir mes bouquins pour qu’ils restent en place, et j’en passe.

Sinon, l’événement majeur de cette journée : mon tout premier vol en hélicoptère, une Alouette 3 ! Il faut bien de bonnes choses aussi ! Eaux froides oblige, j’ai dû enfiler une très grosse combinaison orange étanche, au cas où l’hélicoptère s’abîmerait en mer. Engoncée dans cette tenue, à la liberté de mouvement hyper réduite et qui tenait vraiment trop chaud, j’avais l’impression d’être un petit bonhomme Michelin. Ce fut néanmoins une superbe expérience, à renouveler d’urgence !

Je suis montée à bord dans le cadre d’un visitex (exercice de visite d’un bâtiment supposé inconnu par une équipe de la Marine nationale). On a mené cet exercice conjointement avec la « conserve » de la Jeanne, la frégate Georges Leygues. Notre équipe de visite est composée de treize membres d’équipage. J’endosse le rôle d’interprète et photographe et le Georges est soupçonné de posséder une cargaison de drogue. Son commandant porte une arme et ne veut pas s’adresser à une femme (moi, en l’occurrence). Le Second essaie constamment de nous semer. Notre équipe parvient à trouver deux paquets de drogue. Je prends des photos du butin, de l’équipe de ce navire suspect et de documents officiels que notre commissaire, qui devient Officier de Police Judiciaire pour l’occasion, sera chargé d’examiner. Les membres d’équipage adverse refusent d’être photographiés et tentent de s’échapper à plusieurs reprises. Cet exercice a duré presque toute la matinée et on s’en est plutôt bien sortis. Ça m›a bien plus !

À bord, le 7 novembre 2003

Enfin, nous voilà revenus à quai ce matin à 06h30. Quel plaisir ! J’ai plutôt bien dormi en plus, contrairement à la nuit précédente où on a constamment été ballottés.

À propos d’être ballotté, ça n’a pas loupé. Hier j’ai été bien malade. À peine le temps de descendre en quatrième vitesse du bureau vers mon poste et d’atteindre mon lavabo que je renvois les derniers aliments ingurgités (et peut-être les précédents !). Après cet incident, je prends un Mercalm (comprimé contre le mal des transports) et je m’enfile une tranche de cake et un coca. Pas question de me laisser abattre !

Voilà ce que c’est que d’avoir le mal de mer : cette impression d’être barbouillée ou fatiguée en permanence. Mais ça fait partie du jeu.

En parlant de jeu, j’ai participé ce matin à un resevac (exercice d’évacuation de ressortissants) auquel je me suis rendue en Zodiac pour revenir à bord deux heures plus tard, en chaloupe. Au cours de cet exercice, les OE endossaient le rôle de plastron de citoyens à évacuer et moi je me rendais là où l’on avait besoin de mes services : à l’enregistrement des citoyens avant de monter à bord pour les rassurer et leur expliquer la situation en anglais, puisque j’étais le traducteur du bord. Tout s’est très bien déroulé, le temps était au beau fixe (oui, ça arrive sur Brest) et cela faisait du bien de prendre l’air.

Dans quelques heures, je pars pour une semaine de congés direction la famille. Je sens qu’après cette semaine riche en événements de tous genres, ça va me faire un bien fou.

À bord, le 13 décembre 2003

Voilà premiers mots que j’écris depuis que nous sommes partis « vers l’infini et l’au-delà ». Je me sens bien, je viens même de manger mes premiers chocolats : extraordinaire ! Jusqu’à présent, je n’avais pas osé, de peur d’être malade. D’ailleurs, malade, je l’ai été, et sacrément ! J’étais barbouillée pendant les cinq premiers jours, puis tellement malade que j’ai eu mal à la gorge à force de vomir. Le quatrième jour, rien n’est sorti, mais un matelot m’a aperçue à quatre pattes dans les toilettes, la tête au-dessus de la cuvette… je n’avais pas eu le temps de fermer la porte et avec le roulis, elle faisait des va-et-vient… très classe !

Donc, peu avant notre première escale, je n’avais vraiment pas le moral. J’ai commencé malgré tout à travailler mon DEA et mon italien et fait deux-trois fois du stepper, preuve que ça allait mieux.

Mes cours de CML27 du soir se passent bien et les cours en journée avec les OE également. Dimanche dernier j’étais sur le Georges avec huit autres membres du bord. On a pris l’EDO8, sorte de Zodiac rapide et stable. C’était top de faire ça en plein océan ! On l’a pris dans le cadre d’un échange de carrés. Et comme il faisait super beau, c’était très agréable. J’ai donc déjeuné au carré officiers du Georges. Après quoi nous avons fait du sport sur le pont d’envol : vélo face à l’océan (tout simplement magique !) et volley (le ballon était attaché à un filet central, malin !). J’étais de retour à bord à 17h00.

Lors de l’arrivée à notre première escale de Santa Cruz de Tenerife, j’ai effectué mon tout premier poste de bande, entre 08h30 et 09h30. C’est beau cet alignement de marins en uniforme blanc et sabres sortis !

L’escale s’est bien passée. On était permissionnaire en début d’après-midi. Vers 14h30, avec Mathilde, la pompier en chef du bord, on s’est baladées en ville, notamment sur les hauteurs. La ville ne m’a pas spécialement attirée. Heureusement, le lendemain avec Nathalie, la chef de cabinet, nous sommes parties à la découverte de l’île. À 10h30, on a réussi à louer une Opel Corsa. On a eu de la chance, il n’en restait plus que deux, même pas propres. En lieu et place d’une réduction, on n’a pas eu à faire le plein de retour, parfait ! Une bonne chose de ne pas s’être cantonnées à la ville parce que l’île est sympa. Le plus impressionnant étant le paysage lunaire et volcanique du mont Teide. Ce stratovolcan culmine à une altitude de 3 715 m, ce qui en fait le point culminant d’Espagne, le plus haut sommet dans l’océan Atlantique et la troisième plus haute structure volcanique au monde, si on mesure depuis le fond marin. Impressionnant ! On a aussi visité quelques villages sympas.

À présent, une traversée de quatre jours nous attend avant d’arriver à Dakar, après-demain matin.

À bord, le 14 décembre 2003

Aujourd’hui, c’est dimanche, il est 13h50 et je sors d’un repas présidé, pour lequel on était habillé en blanc, qui marque le jour du seigneur. Le midship9 et moi-même étions à la table du Prez, Bruno. Tous les instruments étaient sortis pour l’occasion : cercueil (pour y enterrer quelqu’un dont il ne faut pas parler), pince (pour l’arracheur de dents, soit le menteur), encensoir (pour celui qui ne parle que de lui), brancard (pour quelqu’un qu’on a trop cassé verbalement), échelle (pour celui qui monte en grade ou qui gagne en respect), masse (pour celui qui enfonce des clous ou est entre le marteau et l’enclume), gaffe (pour celui qui en fait une).

On fonctionne par 1/8e. Seul le prez a le droit d’en distribuer à chaque fois qu’un membre du carré « dérape » (quelqu’un qui a commencé le repas trop tôt, parle trop fort, fait de la délation, etc.) mais le midship est le seul à pouvoir lui en attribuer un, et le vice-prez le seul à pouvoir en distribuer au midship. Une tradition sympathique.

En dessert, on a eu droit à une véritable forêt noire, j’étais ravie !

À bord, le 22 décembre2003

Aujourd’hui, c’est lundi.

Hier, c’était « dimanche à la mer » et après-midi sport. J’ai pris l’air de 14h30 à 16h00. Il faisait une chaleur d’enfer… je n’aurais pas pu y rester plus longtemps. J’ai commencé par un peu de rameur, puis je suis partie faire des shadows en boxe française (coups dans le vide face à un adversaire imaginaire) dans mon coin. Je me suis bien dépensée et j’ai fini par deux grimper de corde de 5 mètres de haut !

Aujourd’hui, j’accuse le contrecoup avec de belles courbatures et une insolation.

Pendant un long moment, à cause d’un problème sur la ligne d’arbre (un des talons d’Achille de la Jeanne) on était à l’arrêt. Nos poubelles nous ont du coup rattrapés. On ne jette à la mer que du biodégradable, le reste est jeté en escale. Puis j’ai vu de gros filets de mousse, rappel des douches revigorantes ! Mathilde m’a indiqué que les déchets des toilettes étaient rassemblés dans une cuve vidée chaque soir à la mer. C’est aussi biodégradable !

Hier, on a fêté trois anniversaires et avant-hier c’était barbecue sur le pont d’envol : hyper sympa avec les lumières allumées, et le buffet. Dire qu’à 21h00 on était encore en short et t-shirt ! Avec une telle chaleur, c’était déjà trop !

Ce soir, le Pacha nous rejoint pour dîner au carré sub10.

Après-demain c’est le Réveillon de Noël, et le 26 c’est le fameux passage de la ligne, toute la journée. Aucun cours n’est donné. On commence à entendre le fameux « Tremblez néophytes ! ». Ça bouge à bord !

Je suis particulièrement fatiguée ce soir, je pense que je n’irai pas au lit tard (vers 22h30), juste le temps de travailler un peu mon DEA. Cette nuit, on a encore changé d’heure : du coup, on revient à l’heure française… Il faut aussi que je repasse mes chemises, je n’en ai vraiment pas envie avec cette chaleur et une certaine flemme. Depuis deux ou trois nuits, je ne dors qu’en culotte, avec juste un drap, histoire d’être couverte un minimum. C’est au burlang11 qu’il fait le meilleur : on a la clim à volonté. Tout le monde est ravi de venir, même les OE sont contents d’avoir cours ! Comme quoi, il en faut peu !

À bord, le 24 décembre 2003

Plus que quelques jours avant une nouvelle année !

Pas mal de choses se sont passées ces trois derniers jours.

Le 24 a eu lieu la messe de Noël à 19h00, qui a duré assez longtemps. Elle s’est déroulée dans le hangar, ouvert sur un soleil couchant. Un spectacle de toute beauté. Il y avait l’immanquable sapin ainsi qu’un gros bonhomme de neige gonflé à bloc, sans oublier la tradition de la crèche vivante réalisée par les OE avec les moyens du bord et quelques trucs achetés à Dakar, tels que des cornes de buffle par exemple ! C’était sympa, ils se sont bien débrouillés. Après ce spectacle, tout le bord a pu profiter d’un excellent buffet avec cocktails et accompagnements sucrés et salés de premier choix ! Le tout s’est déroulé en musique avec un groupe de marins-musiciens (le photographe à la guitare, l’adjudant-école à la batterie, le Comavia12 au chant, l’artilleur au piano et un Second-maître à la basse). On a aussi eu un petit moment de cornemuse. Fort appréciable !

J’ai quitté le hangar à 00h30 pour continuer la soirée au « fumoir off » avec le commissaire en chef, François, les gars de l’Alat, le Comavia… et du champagne ! Tout ce beau monde a improvisé un bœuf. C’était vraiment cool.

François et moi avons quitté le carré sur les coups de 02h00 parce que cela devenait limite côté comportement, l’alcool n’aidant pas. Je papotais dans la coursive quand un gars du bord est passé par trois fois, et par trois fois m’a souhaité le « bonsoir ». Il ne devait pas être très net... Un peu plus loin, deux matelots se rapprochaient « amoureusement ». Du coup, François est parti dans leur direction et ils se sont vite envolés. En pleine coursive officiers, les inconscients !

Intriguée en voyant de nombreux personnels d’équipage rentrer dans le carré des OE, je suis allée faire un tour chez eux. À l’intérieur c’était du grand n’importe quoi ; ils avaient tous échangé leurs grades. Je me suis faite plus ou moins draguer par des gars qui ne m’auraient jamais tutoyée s’ils avaient été sobres. Le photographe voulait me faire danser un slow. Je me suis fait arracher mon gallon par un gros MT13 complètement bourré. Je me suis levée illico de la banquette et je l’ai repris aussi sec. J’ai failli le gifler tellement j’ai halluciné !

Guère à l’aise au milieu de cette foule alcoolisée, je suis partie me coucher à 03h15. Impossible de fermer l’œil avant 04h30. Notre poste étant sous le fumoir officier, la soirée n’était pas finie pour tout le monde ! Ils devaient sauter comme des malades pour faire trembler à ce point les parois !

À bord, le 25 décembre 2003

Le jour de Noël, je me suis levée à 08h00. Même le jour le plus « férié » de l’année il n’y a pas de répit ! Toutefois, je n’ai pas donné de cours, je n’ai donc pas travaillé à proprement parler. Les deux carrés officiers (mitoyens mais habituellement fermés) étaient ouverts, créant par là même une faille spatio-temporelle entre officiers subalternes et supérieurs. On nous a servi un vrai repas de fête : foie gras poêlé, feuilleté d’escargot etc. Passées les deux entrées, je n’avais déjà plus faim !

Avant de passer à table, on a ouvert nos cadeaux ! Le principe voulait qu’on ne connaisse pas le nom de celui qui offrait. J’avais offert à François un livre sur « La Mer », avec de jolies photos. J’ai reçu une petite panière bleue en osier et un porte-monnaie « à pouloutes » bleu. C’était sympa, mignon et pratique mais ça sentait le cadeau acheté vite fait en escale !

Le soir, je faisais partie du groupe déguisé en néophyte : bleu de travail, une chaussette verte et une chaussette rouge, cravate et coiffe blanche. Je ne ressemblais absolument à rien ; on avait tous une sacrée touche ! « Un néo, ça pue, c’est indigne, ça n’a pas passé la ligne ». On a ce qu’on peut appeler « mangé » à même le sol mais sur des sacs plastiques, à côté de nos fameux dignitaires. On a bu une potion - pas magique ! - à base de vinaigrette. Quand la plâtrée de raviolis est arrivée, je suis allée la chercher en canard. À peine était-elle parvenue à la table des néo que le spectacle était lancé. Les néo se sont tous jetés sur le plat et se sont mis à l’engloutir à pleines mains, en éparpillant littéralement partout : du gruyère dans le nez, des raviolis sur les vêtements… Ils étaient tellement infâmes que les dignitaires ont quitté les lieux, dégoûtés ! Mais juste avant, ces néo rebelles ont carrément fait un tas humain sur le prez. Voilà un repas de néophytes que les dignitaires ne seraient pas près d’oublier ! Et dire qu’en début de soirée, Odile (membre des dignitaires) m’avait comblée en me lançant une miette de pain contenant un petit raisin (j’adore le pain aux raisins). Si elle avait su la tournure que les événements allaient prendre ! Je me suis couchée à 21h40. J’étais complètement naze.

À bord, le 26 décembre 2003 : passage de la ligne.

Avant toute chose, un peu d’histoire et de teasing. Le baptême de l’Équateur est une tradition immuable dans l’histoire des marines occidentales. Cela marque le basculement d’un hémisphère à l’autre (la ligne ô combien symbolique à partir de laquelle la Terre s’inverse, l’eau coule dans l’autre sens, le ciel se pare de nouvelles étoiles et constellations). Ce rite de passage est avant tout la récompense des membres d’équipage qui franchissent cette zone si turbulente tant redoutée, pour la toute première fois. Ce rituel remonterait à l’époque de Vasco de Gama. Au temps des voyages intrépides et des découvertes qui allaient bouleverser notre vision du monde, la mer constituait alors un véritable trait d’union entre le monde connu et ce qu’on allait appeler le “Nouveau Monde”. Point d’accès symbolique et géographique, la mer se chargeait d’une mystique toute particulière, nourrissant ainsi les imaginaires et les croyances. Ce fameux baptême qui était imprégné de références païennes, chrétiennes, mythologiques et carnavalesques, avait une double vocation : celle de démystifier les phénomènes météorologiques de l’Atlantique équatorial et d’apporter une distraction majeure pendant cette longue traversée.

Au cours du cérémonial, les néophytes étaient convoqués devant Sa Majesté Neptune, dieu romain des mers et des abysses. Ce rôle était endossé par un “ancien”. Pour pouvoir pénétrer dans son royaume, les aspirants devaient lui payer un tribut et passer plusieurs épreuves. Reçus à l’avant du bateau, les néo étaient enduits de graisse et de farine et aspergés d’eau de mer, en étant harangués par une horde de sauvages. Une fois lavés et blanchis, les nouveaux baptisés devenaient des chevaliers des mers et obtenaient leur certificat de passage. La cérémonie a bien entendu évolué avec les siècles mais elle demeure un vrai moment de convivialité partagée et cultive clairement un sentiment d’appartenance à l’histoire collective.

Retour au récit.

Petit-déjeuner correct, le même pour tous. Branle-bas avec une musique censée faire peur… bouh ! Il y avait plus de néo au carré que de dignitaires, alors ils ne faisaient pas les fiers !

À 08h30, on est sortis plage arrière. On a été marqués par une chaussette enduite de savon à billes et graisse ainsi qu’au feutre noir, avec l’inscription NEO sur le front. Ils ont fermé le hangar et n’ont laissé qu’un gendarme. À un moment, les néo se sont tous jetés sur lui, le pauvre (mais ce n’était pas brutal). Peu après, les dignitaires ont sorti les lances incendie d’en haut. On était déjà bien mouillés car on s’était pris un grain14. Il y a eu contre-attaque avec celles d’en bas. Je vous laisse imaginer la scène, comique ! Après, on a fait la queue assis en canard. Prise au jeu, je me suis rebellée deux ou trois fois, tête haute (alors qu’on devait la baisser) et même debout à crier gentiment « rébellion ». Personne n’a suivi (bravo l’esprit de corps !). Puis je suis allée chercher ma convocation dans une poubelle remplie d’eau de mer et de fluorescéine. On m’a soulevée au-dessus, tête en bas et j’ai eu quelques difficultés à la prendre avec la bouche (la convocation était dans une boîte à pellicule qui flottait). Une fois réussi, je l’ai recrachée, en bonne insoumise que je suis ! Du coup, j’ai eu droit à un deuxième passage ! Puis on nous a parqués, tels des moutons, sur la plage avant. On nous a jeté quelques chiffons graisseux. À un moment, j’en ai reçu un dans le dos. Ni une ni deux, je suis montée au créneau ! J’ai grimpé l’échelle de pilote disposée plage avant (pour accéder au pont 01). J’ai failli être arrêtée dans mon élan car d’en haut, les dignitaires dirigeaient leur lance à incendie contre moi. J’ai eu le soir même quelques hématomes au niveau des épaules. Mais, voyant ma détermination, ils ont fini par me tirer hors de l’échelle et m’ont assise, bâillonnée et ont ligoté mes deux mains. J’ai riposté en frottant les jambes de mes « ennemis » avec un chiffon graisseux trouvé par là… Puis deux ou trois autres “néo” ont fait de même. Après, on est redescendus par l’échelle sur bâbord, pour laisser place à d’autres événements. J’étais déchaînée, c’était vraiment chouette ! Respect de la part de tous, pour avoir joué le jeu à fond !

Peu après le Pacha, Neptune, Amphitrite, l’Astronome, le pilote et les dignitaires ont fait leur apparition sur le pont d’envol par l’ascenseur hélico.

La ligne a été coupée. Il y a eu un discours envers Neptune et l’équipage (néo) pas vraiment digne de passer l’équateur. Le Pacha a tenté de nous défendre comme il pouvait. Puis on nous a parqués sur les passes, où l’on a attendu environ 2h00, beaucoup trop long. On a dû attendre que les dignitaires se repaissent et préparent la suite des réjouissances. Pendant ce temps, côté néo, chacun a eu droit à un paquet de chips, une orange et un peu d’eau. Le repas s’est sensiblement amélioré au fil des années paraît-il, merci ! Durant cette pause, je me suis fait scotcher un pinceau derrière la tête et enrubanner de scotch blanc pour travaux (en forme de X au niveau des seins) une vraie guerrière ! J’ai aussi eu droit à un peu de gaï (graisse) sur le visage, style Rambo. Vraiment excellent ! J’étais leur leader, meneuse, non pas de revue mais de la rébellion des néo !

Évidemment, comme j’ai eu l’occasion de me faire remarquer à plus d’un titre, dès mon arrivée sur le pont d’envol, le Second et quelques gendarmes m’ont mise de côté jusqu’à ce que tout le monde soit là… puis devant, hors des barrières qui parquaient les néo.

Peu de temps après : arrivée brutale des sauvages avec pagne, cheveux filasses et corps dégueulasses, recouverts de graisse. Ils me piquent avec leur lance et m’enlèvent telle une Sabine, transportée jusqu’à la piscine de purification. Je traverse la piscine de part en part sans m’en rendre compte – un coup sur l’eau, un coup sous l’eau. À un moment, ils me demandent de me cacher. Alors, je reste silencieuse, persuadée que c’est pour mon bien. J’ai appris juste après qu’ils avaient lancé en l’air pendant ce temps un bleu de travail et des sous-vêtements, supposés être les miens. Si j’avais su, j’aurais joué le jeu à fond, crié ou je ne sais quoi… En tout cas, il paraît que certaines filles ont eu carrément peur de se retrouver nues, mais l’action avait été trop rapide pour être crédible. Une fois sortie de la piscine, je me retrouve sur une planche et je glisse vers les boulangers. Et c’est parti pour un roulé-boulé dans la farine. Ils s’en donnent à cœur joie : je suis leur toute première victime ! Après être passée sur cette table, je retombe sur mes pattes, pour recommencer ! Une fois tout ça terminé, je rejoins les rangs, plus ou moins chancelante. Tous les regards sont fixés sur moi… Il y en a des paires d’yeux (environ 250 néos) ! Peu après, je repasse. Mais cette fois, j’emprunte le parcours « normal ». Je dois présenter ma convocation (je l’avais perdue, de toute façon elle était toute mouillée et déchirée donc pas vraiment utile). Fort heureusement, je réussis à en récupérer une autre juste avant mon passage mais je suis prise sur le fait, miséricorde ! Le gentil gendarme fait comme si je n’en avais pas et il la jette, tout bonnement ! Pas de convocation ? Une punition s’impose ! Me voilà forcée de boire une première mixture pour le moins désagréable (à base de moutarde, de harissa ?). Puis je passe en canard à reculons ; ils me badigeonnent de mercurochrome et me font boire une grosse seringue de potion vraiment HORRIBLE et un autre truc… Ensuite, toujours en canard, je me rends vers Neptune et Amphitrite à qui je dois lécher le pied recouvert d’une « grosse merde » marron et consistante. S’ensuit un biscuit horrible également (ça a dû puer dans les cuisines lors de ces préparations !), que je finis par « malencontreusement » laisser tomber. Quel dommage !