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"Mémoires de Louise Michel écrits par elle-même est un ouvrage fascinant qui nous plonge dans la vie et les pensées de l'une des figures les plus marquantes de la Commune de Paris. Louise Michel, femme de lettres, militante politique et anarchiste, nous livre ici un témoignage poignant de son engagement et de son combat pour la justice sociale.
Dans ce livre, Louise Michel revient sur son enfance en Haute-Marne, sa passion pour l'éducation et son engagement en faveur des plus démunis. Elle nous fait également part de son expérience pendant la Commune de Paris, où elle s'est illustrée par son courage et sa détermination à défendre les idéaux révolutionnaires.
À travers ses Mémoires, Louise Michel nous offre un regard intime sur les événements qui ont marqué sa vie, mais aussi sur les luttes et les espoirs qui ont animé toute une époque. Son récit est à la fois un témoignage historique précieux et un manifeste pour la liberté et l'égalité.
Ce livre est un incontournable pour quiconque s'intéresse à l'histoire de la Commune de Paris, à la lutte pour les droits des travailleurs et à la vie d'une femme exceptionnelle qui a consacré sa vie à la cause des opprimés. Les Mémoires de Louise Michel sont un héritage précieux qui continue d'inspirer et de nourrir la réflexion sur les enjeux sociaux et politiques de notre époque.
Extrait : ""Souvent on m'a demandé d'écrire mes Mémoires ; mais toujours j'éprouvais à parler de moi une répugnance pareille à celle qu'on éprouverait à se déshabiller en public. Aujourd'hui, malgré ce sentiment puéril et bizarre, je me résigne à réunir quelques souvenirs. Je tâcherai qu'ils ne soient pas trop imprégnés de tristesse."""
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Seitenzahl: 493
Veröffentlichungsjahr: 2015
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EAN : 9782335003628
©Ligaran 2014
MYRIAM ! ! !
Myriam ! leur nom à toutes deux :
Ma mère !
Mon amie !
Va, mon livre sur les tombes où elles dorment !
Que vite s’use ma vie pour que bientôt je dorme près d’elles !
Et maintenant, si par hasard mon activité produisait quelque bien, ne m’en sachez aucun gré, vous tous qui jugez par les faits : je m’étourdis, voilà tout.
Le grand ennui me tient. N’ayant rien à espérer ni rien à craindre, je me hâte vers le but, comme ceux qui jettent la coupe avec le reste de la lie.
LOUISE MICHEL.
Souvent on m’a demandé d’écrire mes Mémoires ; mais toujours j’éprouvais à parler de moi une répugnance pareille à celle qu’on éprouverait à se déshabiller en public.
Aujourd’hui, malgré ce sentiment puéril et bizarre, je me résigne à réunir quelques souvenirs.
Je tâcherai qu’ils ne soient pas trop imprégnés de tristesse.
Marie Ferré, mon amie bien-aimée, avait rassemblé déjà des fragments ; que ces épaves portent son nom ; il est aussi celui de ma chère et bonne mère.
Mon existence se compose de deux parties bien distinctes : elles forment un contraste complet ; la première, toute de songe et d’étude ; la seconde, toute d’évènements, comme si les aspirations de la période de calme avaient pris vie dans la période de lutte.
Je mêlerai le moins possible à ce récit les noms des personnes perdues de vue depuis longtemps, afin de ne pas leur causer la désagréable surprise d’être accusées de connivence avec les révolutionnaires.
Qui sait si certaines gens ne leur feraient point un crime de m’avoir connue et s’ils ne seraient pas traités d’anarchistes, sans savoir précisément ce que c’est ?
Ma vie est pleine de souvenirs poignants, je les raconterai souvent au hasard de l’impression ; si je prends pour ma pensée et ma plume le droit de vagabondage, on conviendra que je l’ai bien payé.
J’avoue qu’il y aura du sentiment ; nous autres femmes, nous n’avons pas la prétention d’arracher le cœur de nos poitrines, nous trouvons l’être humain – j’allais dire la bête humaine – assez incomplet comme cela ; nous préférons souffrir et vivre par le sentiment aussi bien que par l’intelligence.
S’il se glisse dans ces pages un peu d’amertume, il n’en tombera jamais de venin : – je hais le moule maudit dans lequel nous jettent les erreurs et les préjugés séculaires, mais je crois peu à la responsabilité. Ce n’est pas la faute de la race humaine si on la pétrit éternellement d’après un type si misérable et si, comme la bête, nous nous consumons dans la lutte pour l’existence.
Quand toutes les forces se tourneront contre les obstacles qui entravent l’humanité, elle passera à travers la tourmente.
Dans notre bataille incessante, l’être n’est pas et ne peut pas être libre.
Nous sommes sur le radeau de la Méduse ; encore veut-on laisser libre la sinistre épave à l’ancre au milieu des brisants. On agit en naufragés.
Quand donc, ô noir radeau ! coupera-t-on l’amarre en chantant la légende nouvelle ?
Je songeais à cela sur la Virginie, tandis que les matelots levaient l’ancre en chantant les Bardits d’armor.
Bac va lestr ce sobian hac ar mor cézobras !
Le rythme, le son multipliaient les forces ; le câble s’enroulait ; les hommes suaient ; de sourds craquements s’échappaient du navire et des poitrines.
Nous aussi, notre navire, pareil à celui du vieux bardit des mers, est petit et la mer est grande !
Mais nous savons la légende des pirates : Tourne ta proue au vent, disaient les rois des mers, toutes les côtes sont à nous !
Je me rappelle que j’écris mes Mémoires, il faut donc en venir à parler de moi : je le ferai hardiment et franchement pour tout ce qui me regarde personnellement en laissant à ceux qui m’ont élevée (dans la vieille ruine de Vroncourt, Haute-Marne, où je suis née) cette ombre qu’ils aimaient.
Les conseils de guerre de 1871, en fouillant minutieusement jusqu’au fond de mon berceau, les ont respectés ; ce n’est pas moi qui troublerai le repos de leurs cendres.
La mousse a effacé leurs noms sur les dalles du cimetière ; le vieux château a été renversé ; mais je revois encore le nid de mon enfance et ceux qui m’ont élevée se penchant souvent sur moi, on les verra souvent aussi dans ce livre.
Hélas ! du souvenir des morts, de la pensée qui fuit, de l’heure qui passe, il ne reste rien !
Rien, que le devoir à remplir, et la vie à mener rudement afin qu’elle s’épuise plus vite.
Mais pourquoi s’attendrir sur soi-même, au milieu des générales douleurs ? pourquoi s’arrêter sur une goutte d’eau ? Regardons l’océan !
J’ai voulu que mes trois jugements accompagnassent mes Mémoires.
Pour nous, tout jugement est un abordage où flotte le pavillon ; qu’il couvre mon livre comme il a couvert ma vie, comme il flottera sur mon cercueil.
Je les extrais de la Gazette des tribunaux qu’on ne peut suspecter de nous être trop favorable.
(À part le second qui, étant en police correctionnelle seulement, n’a point été relaté.)
J’ajouterai pour la foule, la grande foule, mes amours, des observations que je n’ai pas cru devoir faire aux juges. On les trouvera ainsi que les jugements à la fin du volume.
Le nid de mon enfance avait quatre tours carrées, de la même hauteur que le corps de bâtiment, avec des toits en forme de clochers. – Le côté du sud, absolument sans fenêtres, et les meurtrières des tours lui donnaient un air de mausolée ou de forteresse, suivant le point de vue.
Autrefois, on l’appelait la Maison forte ; au temps où nous l’habitions je l’ai souvent entendu nommer le Tombeau.
Cette vaste ruine, où le vent soufflait comme dans un navire, avait, au levant, la côte des vignes et le village, dont il était séparé par une route de gazon large comme un pré.
Au bout de ce chemin qu’on appelait la routote, le ruisseau descendait l’unique rue du village. Il était gros l’hiver ; on y plaçait des pierres pour traverser.
À l’est, le rideau des peupliers où le vent murmurait si doux, et les montagnes bleues de Bourmont.
Lorsque je vis Sydney environné de sommets bleuâtres, j’y ai reconnu (avec un agrandissement) les crêtes de montagnes que domine le Cona.
À l’ouest, les côtes et le bois de Suzerin, d’où les loups, au temps des grandes neiges, entrant par les brèches du mur, venaient hurler dans la cour.
Les chiens leur répondaient, furieux, et ce concert durait jusqu’au matin : il allait bien à la ruine et j’aimais ces nuits-là.
Je les aimais surtout, quand la bise soufflait fort, et que nous lisions bien tard, la famille réunie dans la grande salle, la mise en scène de l’hiver et des hautes chambres froides. Le linceul blanc de la neige, les chœurs du vent, des loups, des chiens, eussent suffi pour me rendre un peu poète, lors même que nous ne l’eussions pas tous été dès le berceau ; c’était un héritage qui a sa légende.
Il faisait un froid glacial dans ces salles énormes ; nous nous groupions près du feu : mon grand-père dans son fauteuil, entre son lit et un tas de fusils de tous les âges ; il était vêtu d’une grande houppelande de flanelle blanche, chaussé de sabots garnis de panoufles en peau de mouton. – Sur ces sabots-là, j’étais souvent assise, me blottissant presque dans la cendre avec les chiens et les chats.
Il y avait une grande chienne d’Espagne, aux longs poils jaunes, et deux autres de la race des chiens de berger, répondant toutes trois au nom de Presta ; un chien noir et blanc qu’on appelait Médor, et une toute jeune, qu’on avait nommée la Biche en souvenir d’une vieille jument qui venait de mourir.
On avait pleuré la Biche ; mon grand-père et moi nous lui avions enveloppé la tête d’une nappe blanche pour que la terre n’y touchât pas, au fond du grand trou où elle fut enterrée près de l’acacia du bastion.
Les chattes s’appelaient toutes Galta, les tigrées et les rousses.
Les chats se nommaient tous Lion ou Raton ; il y en avait des légions.
Parfois, du bout de la pincette, mon grand-père leur montrait un charbon allumé ; alors toute la bande fuyait pour revenir l’instant d’après à l’assaut du foyer.
Autour de la table étaient ma mère, ma tante, mes grand-mères, l’une lisant tout haut, les autres tricotant ou cousant.
J’ai ici la corbeille dans laquelle ma mère mettait ses fils pour travailler.
Souvent, des amis venaient veiller avec nous ; quand Bertrand était là, ou le vieil instituteur d’Ozières, M. Laumond le petit, la veillée se prolongeait ; on voulait m’envoyer coucher pour achever des chapitres qu’on ne lisait pas complètement devant moi.
Dans ces occasions-là, tantôt je refusais obstinément (et presque toujours je gagnais mon procès), tantôt, pressée d’entendre ce qu’on voulait me cacher, je m’exécutais avec empressement, et je restais derrière la porte au lieu d’aller dans mon lit.
L’été, la ruine s’emplissait d’oiseaux, entrant par les fenêtres. Les hirondelles venaient reprendre leurs nids ; les moineaux frappaient aux vitres et des alouettes privées s’égosillaient bravement avec nous (se taisant quand on passait en mode mineur).
Les oiseaux n’étaient pas les seuls commensaux des chiens et des chats ; il y eut des perdrix, une tortue, un chevreuil, des sangliers, un loup, des chouettes, des chauves-souris, des nichées de lièvres orphelins, élevés à la cuillère, – toute une ménagerie, – sans oublier le poulain Zéphir et son aïeule Brouska dont on ne comptait plus l’âge, et qui entrait de plain-pied dans les salles pour prendre du pain ou du sucre dans les mains qui lui plaisaient, et montrer aux gens qui ne lui convenaient pas ses grandes dents jaunes, comme si elle leur eût ri au nez.
La vieille Biche avait une habitude assez drôle : si je tenais un bouquet, elle se l’offrait, et me passait sa langue sur le visage.
Et les vaches ? la grande Blanche Bioné, les deux jeunes Bella et Néra, avec qui j’allais causer dans l’étable, et qui me répondaient à leur manière en me regardant de leurs yeux rêveurs.
Toutes ces bêtes vivaient en bonne intelligence ; les chats couchés en rond suivaient négligemment du regard les oiseaux, les perdrix, les cailles trottinant à terre.
Derrière la tapisserie verte, toute trouée, qui couvrait les murs, circulaient des souris, avec de petits cris, rapides mais non effrayés ; jamais je ne vis un chat se déranger pour les troubler dans leurs pérégrinations.
Du reste les souris se conduisaient parfaitement, ne rongeant jamais les cahiers ni les livres, n’ayant jamais mis la dent aux violons, guitares, violoncelles qui traînaient partout.
Quelle paix dans cette demeure et dans ma vie à cette époque !
Je n’en valais pas mieux, il est vrai. Étudiant par rage, mais trouvant toujours le temps de faire des malices aux vilaines gens, je leur faisais une rude guerre ! Peut-être n’avais-je pas tort !
À chaque évènement dans la famille, ma grand-mère en écrivait la relation sous forme de vers, dans deux recueils de gros papier cartonnés en rouge, que j’ai à sa mort enfermés dans un crêpe noir.
Le grand-père y avait ajouté quelques pages, et moi-même, encore enfant, j’osai y commencer une Histoire universelle, parce que celle de Bossuet (À monseigneur le dauphin) m’ennuyait et que mon cousin Jules avait remporté après les vacances l’histoire générale de son collège. Je compulsais comme je pouvais les faits principaux.
Voyant depuis longtemps la supériorité des cours adoptés dans les collèges sur ceux qui composent encore l’éducation des filles de province, j’ai eu bien des années après l’occasion de vérifier la différence d’intérêt et de résultat entre deux cours faits sur la même partie : l’un pour les dames, l’autre pour le sexe fort !
J’y allai en homme, et je pus me convaincre que je ne me trompais pas.
On nous débite un tas de niaiseries, appuyées de raisonnements de La Palisse, tandis qu’on essaye d’ingurgiter à nos seigneurs et maîtres des boulettes de science à leur crever le jabot. Hélas ! c’est encore une drôle d’instruction malgré cela, et ceux qui seront à notre place dans quelques centaines d’années feront joliment litière – même de celle des hommes.
Il devait se trouver de fameuses âneries dans mon travail ; j’avais consulté assez de livres infaillibles pour cela, mais on me donna quelques volumes de Voltaire et je plantai là mon œuvre inachevée avec le grand poème sur le Cona dont M. Laumont le grand avait cru me désenchanter en me racontant sur la montagne de Bourmont assez de légendes burlesques pour faire rire toutes les pierres de la Haute-Marne.
Jadis, là, dans un ermitage, vécut pendant longtemps un malandrin, saint homme pendant le jour, détrousseur de voyageurs pendant la nuit, à qui les braves gens du pays payaient en chère lie des prières pour les délivrer du peut âbre qui courait le bois et la plaine, sitôt le lever de la lune.
Et, sitôt aussi le lever de la lune, se retirait le saint homme dans la solitude, car le peut âbre c’était lui !
Ce qui m’empêcha de terminer le fameux poème du Cona c’est une dent de mammouth, dont ce même M. Laumont le grand, autrement dit le docteur Laumont, parlait avec enthousiasme. Je quittai la poésie pour établir, au sommet de la tour du nord, une logette pleine de tout ce qui pouvait passer pour des trouvailles géologiques. J’y joignis des squelettes tout modernes de chiens, de chats, des crânes de chevaux trouvés dans les champs, des creusets, un fourneau, un trépied, et le diable, s’il existait, saurait tout ce que j’ai essayé là : alchimie, astrologie, évocations ; toute la légende y passa, depuis Nicolas Flamel jusqu’à Faust.
J’y avais mon luth, un horrible instrument que j’avais fait moi-même avec une planchette de sapin et de vieilles cordes de guitare, – il est vrai que je le raccommodais avec des neuves.
C’est cet instrument barbare dont je parlais pompeusement à Victor Hugo, dans les vers que je lui adressais : – il n’a jamais su ce que c’était que ce luth du poète, cette lyre, dont je lui envoyais les plus doux accords !
J’avais dans ma tourelle une magnifique chouette aux yeux phosphorescents que j’appelais Olympe, et des chauves-souris délicieuses buvant du lait comme de petits chats, et pour lesquelles j’avais démonté les grilles du grand van, leur sécurité exigeant qu’elles fussent en cage pendant le jour.
Ma mère, moitié grondant, moitié riant, m’entendit pendant quelques jours chanter sur mon luth la Grilla rapita, qu’elle a depuis conservée avec de vieux papiers qui avaient porté le titre de Chants de l’aube. Voici cette chanson :
LA GRILLA RAPITA
J’ignore avec quel vers rimait le refrain.
Quelques années encore, et j’allais, mes grands-parents étant morts, quitter ma calme retraite.
La vieille ruine ne garda pas longtemps les adieux que j’avais inscrits au mur de la tourelle. – Il n’en reste pas une pierre.
ADIEUX À MA TOURELLE
De tous les feuillets écrits par mon grand-père, il m’en reste un seul ; le vent de l’adversité souffle sur les choses comme sur les êtres.
Voici ce feuillet :
À DES ANTIQUAIRES
Un autre feuillet ; celui-là de ma grand-mère après la mort de son mari ; c’est tout ce que j’ai d’eux.
LA MORT
Ces tristes accents sont d’un souffle bien faible, comparés aux vers charmants que je n’ai plus.
Tout s’est évanoui, jusqu’à la guitare de mon grand-père, émiettée pendant que j’étais en Calédonie. Ma mère en pleura longtemps.
Combien étaient différentes mes deux grand-mères ! L’une, avec son fin visage gaulois, sa coiffe de mousseline blanche, plissée à fins plis, sous laquelle passaient ses cheveux arrangés en gros chignon sur son cou ; l’autre, aux yeux noirs, pareils à des braises, les cheveux courts, enveloppée d’une jeunesse éternelle, et qui me faisait penser aux fées des vieux récits.
Mon grand-père, suivant la circonstance, m’apparaissait sous des aspects différents ; tantôt, racontant les grands jours, les luttes épiques de la première République, il avait des accents passionnés pour dire la guerre de géants où, braves contre braves, les blancs et les bleus se montraient comment meurent les héros ; tantôt, ironique comme Voltaire, le maître de son époque, gai et spirituel comme Molière, il m’expliquait les livres divers que nous lisions ensemble.
Tantôt encore, nous en allant à travers l’inconnu, nous parlions des choses qu’il voyait monter à l’horizon. Nous regardions dans le passé les étapes humaines ; dans l’avenir aussi, et souvent je pleurais, empoignée par quelque vive image de progrès, d’art ou de science, et lui, de grosses larmes dans les yeux, posait sa main sur ma tête plus ébouriffée que celle de la vieille Presta.
Ma mère était alors une blonde, aux yeux bleus souriants et doux, aux longs cheveux bouclés, si fraîche et si jolie que les amis lui disaient en riant : Il n’est pas possible que ce vilain enfant soit à vous. Pour moi, grande, maigre, hérissée, sauvage et hardie à la fois, brûlée du soleil et souvent décorée de déchirures rattachées avec des épingles, je me rendais justice et cela m’amusait qu’on me trouvât laide. Ma pauvre mère s’en froissait quelquefois.
Combien je lisais à cette époque, avec Nanette et Joséphine, deux jeunes femmes de remarquable intelligence, qui n’étaient jamais sorties du canton !
Nous parlions de tout ; nous emportions, pour les lire, assises dans la grande herbe, les Magasins pittoresques, les Musées des familles, Hugo, Lamartine, le vieux Corneille, etc. Je ne sais si Nanette et Joséphine ne m’aimaient pas mieux que leurs enfants. Je les aimais beaucoup aussi.
J’avais peut-être six ou sept ans, quand le livre de Lamennais, les Paroles d’un croyant, fut détrempé de nos larmes.
À dater de ce jour, j’appartins à la foule ; à dater de ce jour, je montai d’étape en étape à travers toutes les transformations de la pensée, depuis Lamennais jusqu’à l’anarchie. Est-ce la fin ? Non, sans doute ! N’y a-t-il pas après et toujours l’accroissement immense de tous les progrès dans la lumière et la liberté ; le développement de sens nouveaux, dont nous avons à peine les rudiments, et toutes ces choses que notre esprit borné ne peut même entrevoir.
Des vieux parents, des amis vieux et jeunes, de ma mère, il ne reste pas plus aujourd’hui que des songes de mon enfance.
Je n’ai rencontré jamais d’enfants à la fois aussi sérieux et aussi fous ; aussi méchants, et craignant autant de faire de la peine ; aussi paresseux et aussi piocheurs, que mon cousin Jules et moi.
Chaque année, aux vacances, il venait avec sa mère, ma tante Agathe, que j’aimais infiniment, et qui me gâtait beaucoup.
Je suis étonnée maintenant des questions de toutes sortes que nous agitions, Jules et moi ; tantôt perchés chacun dans un arbre où nous suivions les chats, tantôt nous arrêtant pour discuter au milieu d’une répétition de quelque drame d’Hugo, que nous arrangions pour deux personnages. Ils ne respectent rien, disait-on !
Pourquoi aimions-nous causer d’un arbre à l’autre ? Je n’en sais vraiment rien ; il faisait bon dans les branches, et puis nous nous jetions l’un à l’autre toutes les pommes que nous pouvions attraper.
Cela faisait des fruits tombés de l’arbre, pour Marie Verdet (une vieille de près de cent ans), qui disait si bien les apparitions des lavandières blanches à la Fontaine aux dames, ou du feullot rouge comme le feu, sous les saules du Moulin.
Marie Verdet voyait toujours ces choses-là, et nous jamais ! cela ne nous empêchait pas de prendre plaisir à ses récits, tant et si bien que du feullot à Faust, j’en vins à m’éprendre tout à fait du fantastique, et que dans les ruines hantées du châté païot je déclarai, au milieu de cercles magiques, mon amour à Satan qui ne vint pas. Cela me donna à penser qu’il n’existait pas.
Un jour, causant d’arbre en arbre avec Jules, je lui racontai l’aventure et il m’avoua, de son côté, avoir envoyé une déclaration non moins tendre à une femme de lettres célèbre, Mme George Sand, qui n’avait pas plus répondu que le diable : l’ingrate !
Nous résolûmes d’accorder nos luths sur d’autres sujets ; j’en avais justement offert un, fabriqué comme le mien, à mon cousin, après une répétition, je crois, des Burgraves ou d’Hernani, arrangé par nous pour deux acteurs. Dans une discussion orageuse sur l’égalité des sexes, Jules ayant prétendu que si j’apprenais dans ses livres, apportés aux vacances (à peu près de manière à être de niveau avec lui), c’est que j’étais une anomalie. Nos luths, servant de projectiles, se brisèrent dans nos mains, au milieu du combat.
En regardant au fond de ma mémoire j’y retrouve une chanson de cette époque :
LA CHANSON DES POIRES
Encore deux strophes de ce temps, avant de jeter au feu une poignée de feuillets jaunis.
Il m’a toujours semblé que nous sentons la destinée, comme les chiens sentent le loup ; parfois cela se réalise avec une précision étrange.
Si on racontait une foule de choses dans de minutieux détails, elles seraient bien plus surprenantes.
On croirait parfois voir les Contes d’Edgard Poë.
Que de souvenirs ! Mais n’est-il pas oiseux d’écrire ces niaiseries ? Hier j’avais peine à m’habituer à parler de moi ; aujourd’hui, cherchant dans les jours disparus, je n’en finis plus, je revois tout.
Voici les pierres rondes, au fond du clos, près de la butte et du bosquet de coudriers ; des milliers de jeunes crapauds y subiraient en paix leurs métamorphoses, s’ils ne servaient à être jetés dans les jambes des vilaines gens. Pauvres crapauds !
Dans la cour, derrière le puits, on mettait des tas de fagots de brindilles, des fascines ; cela nous menait à élever un échafaud, avec des degrés, une plate-forme, deux grands montants de bois, tout enfin ! Nous y représentions les époques historiques, et les personnages qui nous plaisaient : Nous avions mis Quatre-vingt-treize en drame et nous montions l’un après l’autre les degrés de notre échafaud où l’on se plaçait en criant : Vive la République !
Le public était représenté par ma cousine Mathilde, et quelquefois par la gent emplumée qui faisait la roue ou picorait et gloussait.
Nous cherchions dans les annales des cruautés humaines. L’échafaud de fascines devenait le bûcher de Jean Huss ; plus loin encore, la tour en feu des Bagaudes, etc.
Comme nous montions un jour sur notre échafaud en chantant, mon grand-père nous fit observer qu’il valait mieux y monter en silence et faire au sommet l’affirmation du principe pour lequel on mourait ; c’est ce que nous faisions après.
Nos jeux n’étaient pas toujours aussi graves : il y avait, par exemple, la grande chasse, où, les porcs nous servant de sangliers, nous allumions des balais pour servir de flambeaux et nous courions avec les chiens au bruit épouvantable de cornes de berger que nous appelions des trompes de chasse ; un vieux garde nous avait appris à sonner je ne sais quoi qu’il appelait l’hallali.
Il paraît que les règles de la vénerie étaient observées dans ces poursuites échevelées qui se terminaient en reconduisant, bon gré, mal gré, les cochons chez eux, et quelquefois, par leur chute dans le trou à l’eau du potager où, la graisse les soutenant, ils faisaient des « oufs » désespérés jusqu’à ce qu’on les retirât. Ce n’était pas toujours facile. Des hommes avec des cordes s’en chargeaient en criant après nous. Je passais particulièrement pour jouer comme un cheval échappé : – c’était peut-être vrai.
Il faut me laisser écrire les choses comme elles me viennent !
On dirait des tableaux passant à perte de vue et s’en allant sans fin dans l’ombre, – je ne sais où.
Vous avez vu, dans Macbeth, sortir de l’inconnu et y rentrer ainsi les fils de Banquo.
Je vois ceux qui sont disparus d’hier ou de longtemps, tels qu’ils étaient, avec tout ce qui les entourait dans leur vie, et la blessure de l’absence saigne comme aux premiers jours.
Je n’ai pas le mal du pays, mais j’ai le mal des morts.
Plus j’avance dans ce récit, plus nombreuses se pressent autour de moi les images de ceux que je ne reverrai jamais, et la dernière, ma mère, il y a des instants où je me refuse à le croire, il me semble que je vais m’éveiller d’un horrible cauchemar et la revoir.
Mais non, sa mort n’est pas un rêve.
La plume s’arrête, dans cette poignante douleur ; on aimerait à raconter, on n’aime pas à écrire !
Que ma vue se reporte une fois encore sur Vroncourt !
Près du coudrier, dans un bastion du mur du jardin, était un banc, où ma mère et ma grand-mère venaient pendant l’été, après la chaleur du jour.
Ma mère, pour lui faire plaisir, avait empli ce coin de jardin de rosiers de toutes sortes.
Tandis qu’elles causaient, je m’accoudais sur le mur.
Le jardin était frais dans la rosée du soir.
Les parfums, s’y mêlant, montaient comme d’une gerbe ; le chèvrefeuille, le réséda, les roses exhalaient de doux parfums auxquels se joignait l’odeur pénétrante de chacune.
Les chauves-souris volaient doucement dans le crépuscule et, cette ombre berçant ma pensée, je disais les ballades que j’aimais, sans songer que la mort allait passer.
Et les ballades, et la pensée, et la voix s’en allaient au souffle du vent, – il y en avait de belles :
Et les Louis d’or ? et la Fiancée du timbalier ? et tant d’autres ?
Avec ces jours d’aurore s’en sont allés les refrains tristes ou rêveurs. Je ne dis plus même la chanson de guerre : en silence je m’en vais, en silence, comme la mort.
Dans ma carrière d’institutrice, commencée toute jeune dans mon pays, continuée à Paris tant comme sous-maîtresse chez Mme Vollier, 16, rue du Château-d’Eau, qu’à Montmartre, j’ai vu bien des jours de misère ; toutes celles qui ne voulaient pas prêter serment à l’Empire en étaient là.
Mais je fus plus favorisée que bien d’autres, pouvant donner des leçons de musique et de dessin après les classes. Qu’est-ce, du reste, que la souffrance physique, devant la perte de ceux qui nous sont chers ?
Ô mon amie ! ma chère mère ! mes braves compagnons !
En remuant ces souvenirs, je retourne le poignard, cela fait du bien souvent. Si un être quelconque avait inventé la vie, à quelle horrible chaîne on lui devrait d’être attachés !
Je voudrais bien savoir de quoi ceux qui y croient remercient la Providence ; c’est un mot bien commode et bien vide de sens, et l’œuvre de cette toute-puissance serait affreusement criminelle.
Comme on a découvert tant d’autres choses, on découvrira les principes de nombre et d’affinités qui groupent les sphères et les êtres ; il faudra bien que cela vienne, que la nature domptée serve l’humanité libre, que la science s’en aille en avant au lieu de s’attarder en arrière, arrêtée par toutes les infaillibilités.
Allons, les chasseurs de l’inconnu ! L’étape légendaire qui ouvrira la route ! À bas toutes les forteresses ! Que toutes les portes soient grandes ouvertes et qu’on force tous les mystères ; que tout s’écroule dans les abattoirs, les lazarets où la bêtise humaine nous maintient !
J’oublie toujours que j’écris mes Mémoires !
Où en étais-je ?
Là sont quelques poignées de fragments de mon enfance : j’y prends au hasard.
Voici une description de Vroncourt conservée par ma mère.
À combien de choses a survécu ce bout de papier jauni !
VRONCOURT
C’est au versant de la montagne, entre la forêt et la plaine ; on y entend hurler les loups, mais on n’y voit pas égorger les agneaux. À Vroncourt on est séparé du monde. Le vent ébranle le vieux clocher de l’église et les vieilles tours du château ; il courbe comme une mer les champs de blé mûr ; l’orage fait un bruit formidable et c’est là tout ce qu’on entend. Cela est grand et cela est beau.
L’ouvrage était, non moins que la Haute-Marne légendaire, illustré de charbonnages par le même auteur.
On y voyait la Fontaine aux Dames avec l’ombre des saules sur l’eau, et sur cette ombre se détachaient les blanches lavandières (d’après la description de Marie Verdet).
– Déye, disait-elle, cé serot pas lé peine si va feyiez un live su Vroncot et peu qu’elles n’y serent mie !
Aussi j’avais mis les trois fantômes sous les saules.
– Il y en ai eune que brache le temps passé, disait Marie Verdet, l’autre que gémit lesjés d’auden et l’anté ceux de demain.
Les pâles lavandières qui gémissent sous les branches, l’une sanglotant les jours passés, l’autre pleurant ceux d’aujourd’hui, la troisième ceux de demain, ne rappellent-elles pas les nornes ?
Une autre illustration du même ouvrage représentait la grande diablerie de Chaumont. Ils sont loin ces barbouillages, cherchant à reproduire la sensation produite par les clairs de lune, les forêts, la neige, la nuit ; quelques-uns, personnifiant cette sensation sous des formes spectrales.
Voici un second fragment (le dernier) de la Haute-Marne légendaire ; je le place ici parce qu’il contient la description exacte de ces fêtes septénaires qu’on appelait les Diableries de Chaumont.
Les diableries de Chaumont tiennent de l’histoire, du roman, de la légende.
La diablerie est un rêve qui a existé et dont on voyait encore des traces à la fin du siècle dernier.
Parmi les institutions bizarres disparues avec le Moyen Âge, la diablerie de Chaumont est de celles qui, le plus longtemps, survécurent à leur époque.
Le pavillon flotte encore quand le navire est submergé.
Tous les sept ans, disent les chroniqueurs de la Champagne, douze hommes vêtus en diables, comme l’on suppose que s’habillent les diables, avec des friperies de l’enfer où se trouvent tous les déguisements, voire même celui de Jéhovah, – les diables de Chaumont trouvent le leur chez la vieille Anne Larousse, à l’enseigne Brac et joie : immense paire de cornes et une cagoule noire ; – ils accompagnaient la procession du dimanche des Rameaux, pour honorer le ciel en y représentant l’enfer. Après avoir ainsi figuré pour l’amour de Dieu, nos seigneurs les diables se répandaient dans les campagnes qu’ils avaient le droit de piller à cœur joie pour l’amour du diable.
Pourquoi avait-on choisi ce nombre de douze ? Les chroniqueurs disent que c’était en l’honneur des douze Apôtres quoique cette manière de les honorer ne dût pas leur être infiniment agréable ; les savants prétendaient qu’ils signifiaient les douze signes du Zodiaque, d’autres encore qu’ils étaient l’image des fils de Jacob, mais aucune de ces suppositions n’était généralement adoptée ; il s’élevait à chaque diablerie entre les savants, clercs et astrologues de la bonne ville de Chaumont nombre de querelles qui, se vidant à coups de plume, faisaient telle dépense de parchemin qu’une multitude d’âmes payaient de leur vie ces combats.
Toujours est-il que messieurs les Diables chantaient Quis est iste rex gloriæ avec autant d’entrain qu’auraient pu le faire ceux dont ils portaient le costume, mais avec moins d’ensemble, le diable ayant l’oreille essentiellement musicale.
La diablerie de Chaumont durait du dimanche des Rameaux à la Nativité de saint Jean, et se terminait par les principales actions de la vie de ce saint représentées sur dix théâtres exposés à la dévotion des fidèles.
La fête se terminait par un supplice. (Point de bonne fête sans cela à ces époques-là et même à la nôtre !)
Le supplice n’était d’ordinaire que figuré – l’âme d’Hérode qu’on brûlait étant un mannequin.
Mais la dernière année qu’on fit ces saintes orgies eut lieu un évènement qui hâta leur fin.
Cet évènement (non relaté dans les chroniques écrites) ne faisait pas, pour Marie Verdet, l’ombre d’un doute.
Son grand-père tenait du sien, qui le tenait d’une arrière-aïeule, que cette fois l’âme d’Hérode avait si bellement gesticulé que les assistants s’en esbattaient plein le val des escholiers ; tout à coup l’ombre se prit à gémir, on cria : Au miracle ! d’autant plus facilement qu’il y avait des os calcinés dans la cendre du bûcher.
Mais, si on trouva des os dans la cendre, on ne trouvait plus le beau chanteur de lays Nicias Guy ; c’est lui qui, par vengeance d’amour, avait été si méchamment occis.
Lors même qu’il n’y aurait pas eu un peu d’atavisme dans ma facilité à rimer, qui ne serait pas devenu poète, dans ce pays de Champagne et Lorraine, où les vents soufflent en bardits de révolte ou d’amour ! Par les grandes neiges d’hiver, dans les chemins creux pleins d’aubépines au printemps et dans les bois profonds et noirs aux chênes énormes, aux trembles, aux troncs pareils à des colonnes, on suit encore les chemins pavés des Romains dominateurs, dépavés en larges places par les invaincus de la Gaule chevelue.
Oui, là, tout le monde est un peu poète. Nanette et Joséphine, ces filles des champs, l’étaient à la façon de la nature.
Après bien du temps, à travers bien des flots, une de leurs chansons, l’âgé na du bas (l’oiseau noir du bois) me revenait dans les cyclones.
La voici, et voici la mienne, faite là-bas, au fond de la mer ; on y trouvera la même corde, la corde noire, qui vibre au fond de la nature.
La leur est plus mystérieuse et plus douce ; on y sent les roses de l’églantier des haies ; mais, d’une même haleine, l’oiseau du champ fauvé égrène ses notes mélancoliques et gronde le flot frappant les écueils.
L’ÂGÉ NA DEU CHAMP FAUVÉ
Traduction mot à mot :
L’OISEAU NOIR DU CHAMP FAUVE
Est-ce la peine, après cela, de mettre mes strophes ? Que le lecteur les passe s’il lui plaît. Elles ne sont là qu’à cause du lien qui existe entre elles et les couplets de l’oiseau noir du champ fauve.
AU BORD DES FLOTS
J’ai peur de faire trop longue cette première partie de ma vie où si calmes d’évènements, si tourmentés de songes, sont les jours d’autrefois ; des choses puériles s’y trouveront, il en est dans les premières années de toute existence humaine (et même dans tout le cours de l’existence). Je la terminerai promptement (mais j’y reviendrai, amenée par une chose ou l’autre dans le cours du récit).
En écrivant, comme en parlant, je m’emballe souvent ! Alors, la plume ou la parole s’en va poursuivant son but à travers la vie comme à travers le monde.
J’ai parlé d’atavisme. Là-bas, tout au fond de ma vie, sont des récits légendaires, morts avec ceux qui me les disaient. Mais aujourd’hui encore, pareils à des sphinx, je vois ces fantômes, sorcières corses et filles des mers, aux yeux verts ; – bandits féodaux ; – Jacques ; – Teutons, aux cheveux roux ; – paysans gaulois, aux yeux bleus, à la haute taille ; – et tous, des bandits corses aux juges au parlement de Bretagne, amoureux de l’inconnu.
Tous transmettant à leurs descendants (légitimes ou bâtards) l’héritage des bardes.
Peut-être est-il vrai que chaque goutte de sang transmise par tant de races diverses fermente et bout au printemps séculaire ; mais à travers tant de légendes racontées sans que pas une ait été écrite, qu’y a-t-il de sûr ?
Quelques notes sur mon pays natal.
La charrue y met au jour le cercueil de pierre de nos pères les Gaulois ; le couteau à égorger la victime et l’encens du Romain. Le laboureur, accoutumé à ces trouvailles, les détourne (quelquefois pour faire une auge du cercueil, pour parfumer l’énorme souche qui brûle sous sa grande cheminée avec l’encens augural) et il continue à chanter ses bœufs, tandis que derrière lui les oiseaux ramassent les vers dans les sillons ouverts.
Comme j’aime à songer à ce petit coin de terre ! J’aurais aimé, si ma mère avait pu survivre à mon absence, passer près d’elle quelques jours paisibles, comme il les fallait pour elle, avec moi travaillant près de son fauteuil, et les vieux chats calédoniens ronronnant au foyer.
Tant d’autres vivent si longtemps ! Ces jours-là ne sont pas faits pour nous.
Parlons de la Haute-Marne ; elle eut son royaume d’Yvetot, le comté de Montsongeon (royaume du Haut-Gué).
Entre trois cours d’eau qui le font ressembler à une île, au pied des montagnes que dominait sa forteresse, Montsongeon eut ses armées qui, dans les guerres de Lorraine, remportèrent des victoires.
Dans Montsongeon comme dans une place de guerre on fermait les portes. Celle de dom Marius donnait sur la campagne, les autres sur la Saône, la Tille et la Vingeance.
Le petit royaume fut bien des fois vendu et revendu ; les coupes des roitelets étaient plus grandes que les vignes de leurs coteaux ; leurs belles dames, aussi, avaient besoin d’argent pour des libéralités ou pour toute autre chose.
Et puis il y avait les donations aux abbayes, en expiation des crimes que les seigneurs avaient accoutumance de commettre.
Un Pierre de Mauvais-Regard trouva moyen de partager en deux moitiés une somme volée : de l’une, il se servit pour expier, et de l’autre pour continuer es pêchiers ; puis, afin d’être tout à fait en règle, il donna, pour cent sols de Langres, le droit de pâture, dans une partie du Montsongeonnais, aux moines d’Auberive. Un autre Pierre ayant grand besoin d’argent et sa femme aussi, ils vendirent tout ce qu’ils possédaient à Boissey et autres lieux. Le royaume s’émietta vers la fin du XIIIe siècle.
Le nom de Montsongeon a été l’objet de savantes discussions.
On voulut le faire dériver des prêtres de Mars (les Saliens). Mais comme on ne trouvait pas d’antiquités romaines on se rabattit sur les Francs (Saliens).
« Deyé, disait Marie Verdet, gué bée temps que c’étot tenlé qu’on ellot cueilli lé sauge pou lé méledes mâme que Mme lé Bourelle de Langres en cueillot pou se remedes gné par cent ans. »
Peut-être bien que Marie Verdet avait raison.
À Beurville, sur le cours d’eau du Ceffondret, c’est une histoire d’amour qu’on place. Vers 1580, à l’époque des guerres de religion, Nicolas de Beurville, chef des bandes armées qui couraient le pays, aimait la fille du sire Girard de Hault et comme c’est l’usage entre gens à qui on le défend, elle le paya de retour.
Il semblait que leur mariage fût impossible. La belle Anne de Hault trouva moyen, au moment où la contrée était dans la terreur des bandes de Beurville, qu’on demandât à son père de la sacrifier à la paix du territoire.
Une députation affolée vint supplier le père, et au besoin exiger, que l’on offrit à Nicolas sa belle Anne en mariage avec une forte dot, à condition qu’il irait dans une autre contrée piller les pauvres gens pour l’entretien de ses compagnies.
C’est ce qui fut fait. Beurville alla piller ailleurs, et le jour étant venu où il eut de quoi se repentir en paix, les deux époux rebâtirent Sainte-Colombe et vécurent heureux – la légende ne dit pas s’il en était de même de leurs vassaux.
Une longue rue sur le roc escarpé du Cona, des tombes sous les ruines d’une chapelle au bas de la montagne, si nombreuses qu’elles forment un nid, le nid de la mort, c’est Bourmont entouré de collines bleuâtres ; quelques-unes sont couronnées de forêts. Au sommet de l’une d’elles un ermitage qui a trois légendes : la première lui donne pour fondateur le diable ; la seconde, le bon Dieu ; la troisième, l’amour d’un berger pour la belle Marguerite, fille de Rénier de Bourmont.
Après le siège de la Mothe, dont une horloge et d’autres choses curieuses furent apportées à Bourmont, on y utilisa les épaves de cette ville. Bourmont était alors si pauvre, par l’obligation de nourrir des gens de guerre, que les gens, quasi-mendiants, y obtinrent la permission de vendre leur cloche.
Maintenant Bourmont devient vraiment une ville.
De Langres et de Chaumont, je ne dirai pas grand-chose : on les connaît. Du viaduc de Chaumont, qui traverse le val des Écoliers, tout le monde a vu la vieille ville du mont Chauve.
Du chemin de fer, de même, on voit Langres sur son rocher avec ses noirs remparts.
Une vieille querelle, querelle surtout de proverbes et chansons, existait entre Langres et Chaumont.
À Chaumont, on disait de Langres :
À Langres, on disait de Chaumont, entre des couplets par centaines, celui-ci :
Autrefois, aux environs de Chaumont, un jeune homme pendant des années allait s’asseoir silencieusement sous le manteau de la cheminée, le dimanche, sans oser témoigner autrement son désir de demander la fille de la maison en mariage.
– Bonjo tout le monde ! disait-il en entrant ; on lui offrait une chaise, et au bout de longues heures il se levait, disait : Bonso teurteu ! et s’en allait pour jusqu’au dimanche suivant.
Quand, rouge jusqu’aux oreilles, il osait faire sa demande, la jeune fille, si elle acceptait, rapprochait les tisons ; si elle refusait, elle laissait le feu s’éteindre. Dans ce cas, tout était fini ; dans l’autre, les parents s’arrangeaient pour régler la noce.
Aujourd’hui encore, les jeunes gens vont s’asseoir silencieusement au foyer de la bien-aimée, pendant longtemps, avant d’oser lui parler.
Jadis, près de la forteresse du pays (châté païot), on allait conjurer les esprits des ruines avec une pièce d’argent, un couteau affilé, une chemise blanche et une chandelle allumée.
Pourquoi faire la pièce d’argent ? disais-je. Et Marie Verdet, baissant la voix, répondait : – Pour le diable !
Et la chandelle allumée ? C’est pour le bon Dieu ! Et la chemise blanche ? Pour les morts ! Et le couteau à la lame affilée ? – Pour le consultant s’il mentait à la foi jurée.
Mais la foi jurée à qui ?
À l’inconnu, au feullot.
Et la forêt du Der (des Chênes), n’en dirons-nous rien ? (Jamais le pied de l’envahisseur ne l’avait foulée, on n’y trouve nul vestige romain.)
La forêt du Der ou Derff tout entière était sacrée, – l’ombre épaisse des chênes y règne encore. Autrefois, avant les temps historiques, s’y réfugia, dans un antre, un proscrit, traqué comme un fauve, et qui vivait en fauve (de chair humaine).
Les gardiens de pourceaux des Mérovingiens y bâtirent des fermes lacustres ; il en reste des débris dans la Mare-aux-Loups.
L’étang de Blanchetane – reste d’une mer crétacée qui, sur ses rives arides, jusqu’à la ferme du Pont-aux-Bœufs, n’a pas même une bruyère, mais du sable, soulevé par le vent en petites vagues.
Comme il fait bon, dans nos bois, entendre dans le silence profond le marteau lourd des forges ; les coups secs de la cognée qui font frissonner les branches ; les chansons des oiseaux et le bruissement des insectes sous les feuilles !
À l’automne, avec ma mère et mes tantes, nous allions loin dans la forêt.
Tout à coup, on entendait casser des branchettes : c’était quelque pauvre vieille faisant son fagot.
– Eh petiote ! le gâde as té pa lé ? Vès t’en, pa lé quiche de lé tranche, si le gâde passot tu chanteros ! faut que je féye mes écouves (balais).
Combien peu montaient ces brins de bouleau, dans les grands bois !
D’autres fois, c’était le ouf d’un sanglier rentrant dans les fourrés ou de pauvres chevreuils fuyant comme l’éclair.
On eût dit qu’ils sentaient venir les chasses d’automne où l’on égorge au son du cor tant de pauvres biches pleurant les vertes feuillées.
La bête détruit pour vivre, le chasseur détruit pour détruire, le fauve ancestral se réveille.
Maintenant, les jours d’enfance sont esquissés et voilà, étendu sur la table, le cadavre de ma vie : disséquons à loisir.
Quand la mort se fut abattue sur la maison, faisant le foyer désert ; quand ceux qui m’avaient élevée furent couchés sous les sapins du cimetière, commença pour moi la préparation aux examens d’institutrice.
Je voulais que ma mère fût heureuse. Pauvre femme !
J’eus, outre mon tuteur (M. Voisin, ancien juge de paix de Saint-Blin, tout comme s’il se fût agi d’administrer une fortune), ma mère comme tutrice, et Me Girault, notaire à Bourmont, comme subrogé tuteur !
Ce n’était pas trop, disait-on, pour m’empêcher de dépenser de suite les huit ou dix mille francs (en terres) dont j’héritais. Ils sont loin maintenant !
Je vois dans ma pensée une seule parcelle de ces terrains ; c’est un petit bois planté par ma mère elle-même, sur la côte des vignes, et qu’elle continua de soigner pendant son long séjour dans la Haute-Marne, près de sa mère, tandis que j’étais sous-maîtresse à Paris : c’est-à-dire jusque vers 1865 ou 1866. Nous avons eu pendant peu de temps, comme on voit, le bonheur de vivre ensemble.
« Les choses ont des larmes », a dit Virgile. Je le sens en pensant au petit bois et à la vigne arrosés des sueurs de ma mère.
De là, on voyait le bois de Suzerin avec le toit rouge de la ferme.
Les montagnes bleues de Bourmont ; Vroncourt, les moulins, le château ; toute la côte des blés, ondulant sous le vent ; c’est ainsi que je me figurais la mer, et j’avais raison.
Ma grand-mère Marguerite voulut voir la vigne avant de mourir, mon oncle l’y porta dans ses bras.
Les Prussiens, passant comme passent tous les vainqueurs, ont coupé le bois et détruit la vigne ; une petite hutte était au milieu ; je crois qu’ils l’ont brûlée, en faisant pour se réchauffer du feu avec les arbres.
Ma mère dut vendre le terrain pendant mon séjour en Calédonie, pour payer des dettes faites par moi pendant le siège, et qu’on lui réclama.
Revenons au passé. Mon éducation, à part les trois mois passés à Lagny aux vacances de 1851, fut faite par mes grands-parents à Vroncourt et par Mmes Beths et Royer aux cours normaux de Chaumont (Haute-Marne).
C’est à ces vacances de 1851 que nous allâmes, ma mère et moi, passer quelques mois chez mes parents des environs de Lagny.
Là, mon oncle, qui n’aimait guère à me voir écrire et s’imaginait toujours que je laisserais les examens d’institutrice pour la poésie, me plaça, pour être plus tranquille à ce sujet, au pensionnat de Mme Duval, de Lagny, où sa fille avait été élevée ; j’y fus pensionnaire pendant environ trois mois.
Dans cette maison, comme à Chaumont, on vivait les livres ; le monde réel s’arrêtait sur le seuil et l’on se passionnait pour les parcelles de sciences qui s’émiettent devant les institutrices : tout juste assez pour donner soif du reste ; ce reste-là on n’a jamais le temps de s’en occuper.
Le manque de temps ! c’était avant 71, la torture de toute vie d’institutrice. On était aux prises avant le diplôme, avec un programme qu’on se grossit outre mesure, et, après, avec le même programme dégonflé, vous laissant voir que vous ne savez rien !
Parbleu ! ce n’était pas une nouvelle, toutes en étaient là à cette époque ; mais les sources vives où l’on eût voulu se désaltérer ne sont pas pour ceux qui ont à lutter pour l’existence.
J’aurais voulu, tout en continuant mes études, rester à Paris comme sous-maîtresse : beaucoup le faisaient. Mais je ne voulus pas alors me séparer de ma mère et, avec elle, je retournai dans la Haute-Marne, près de ma grand-mère Marguerite.
C’est pourquoi, en janvier 1853, je commençai ma carrière d’institutrice à Audeloncourt (Haute-Marne), où j’avais une partie de ma famille maternelle.
Mes grands-oncles, Simon, Michel et Francis, qu’on appelait l’oncle Francfort, vivaient encore ; leurs épaisses chevelures rousses n’avaient pas même de fils d’argent.
C’étaient de beaux et grands vieillards, aux fortes épaules, à la tête puissante, simples de cœur et prompts d’intelligence, qui, comme les frères de ma mère, avaient appris, je ne sais comment, une foule de choses et qui causaient bien.
Un arrière-grand-père avait acheté autrefois toute une bibliothèque au poids : vieilles bibles illustrées d’images aux places où Homère appelait les nuées sur ses personnages ; anciennes chroniques, où soufflait si bien la légende, que les grands-oncles en avaient quelque chose ; volumes de sciences à l’état rudimentaire ; romans du temps passé, tout cela avec privilège du roy. Les a étaient encore remplacés par des o.
J’en entendis parler avec tant d’enthousiasme que moi aussi je regrettais les livres effeuillés ou perdus.
Les romans s’étaient usés dans les veillées de l’écrégne où la lectrice mouille son pouce à sa bouche pour retourner les pages, et laisse tomber sur les infortunes des héros une pluie de larmes de ses yeux naïfs.
L’écrégne, dans nos villages, est la maison où, les soirs d’hiver, se réunissent les femmes et les jeunes filles pour filer, tricoter, et surtout pour raconter ou écouter les vieilles histoires du feullot qui danse en robe de flamme dans les prèles (prairies) et les nouvelles histoires de ce qui se passe chez l’un ou chez l’autre.
Ces veillées durent encore ; certaines conteuses charment si bien l’auditoire que la soirée se prolonge jusqu’à minuit.
Alors un peu tremblantes, sous l’impression émotionnante du récit, les unes, autant qu’il est possible, reconduisent les autres.
Les dernières, celles qui demeurent loin, courent pour regagner leur logis pendant qu’elles entendent les amies qui les hèlent pour les rassurer.
La neige s’étend toute blanche, il fait froid, et le givre – comme les fleurs en mai – couvre les branches.
Peut-être cette bibliothèque contribua à jeter dans ma famille maternelle, où l’on n’était pas assez riche pour avoir de l’instruction, la coutume d’étudier seul.
Les frères de ma mère y puisèrent : l’oncle Georges, une étonnante érudition historique ; l’oncle Michel, la passion des mécaniques dont j’abusais étant enfant, l’ayant fait descendre à la confection d’un petit chariot et de mille autres objets, et que je mis, pendant la guerre de 70, à contribution encore pour un moyen de défense qu’on refusa et qui était bon. J’aimais beaucoup mes oncles que j’appelais effrontément Georges et Fanfan jusqu’au jour où ma grand-mère me dit que c’était très mal de traiter ses parents avec aussi peu de respect. Mon troisième oncle, qui revenait du service militaire, y avait pris ou gardé de vieux livres le goût des voyages ; une juste appréciation de bien des choses, et surtout de la discipline, lui fournissait des réflexions, qu’il était loin de me croire capable de comprendre. Au fond de toute discipline germe l’anarchie. Cet oncle est mort en Afrique il y a bien des années.
Puisque je suis retournée aux jours de mon enfance, laissez-moi regarder encore à cette époque (si le livre est trop long on sautera les feuillets).
Voici le vieux moulin sur la route de Bourmont, au bas d’un coteau sauvage ; l’herbe est épaisse et fraîche dans le pré que borde l’étang.
Les roseaux font du bruit, froissés par les canards ou poussés par le vent.
Dans le moulin, la première chambre est obscure, même en plein jour ; c’est là que l’oncle Georges lisait tous les soirs.
Que de choses il avait apprises en lisant ainsi !
Tous, vivants et morts, les voici à la place d’autrefois.
Les voilà, tous les chers ensevelis ! Les vieux parents de Vroncourt semblables aux bardes ; les sœurs de ma grand-mère Marguerite avec les coiffes blanches, le fichu attaché sur le cou par une épingle, le corsage carré, tout le costume des paysannes qu’elles gardèrent coquettement depuis le temps de leur jeunesse (où on les appelait les belles filles) jusqu’à leur mort : leurs trois noms étaient simples comme elles, Marguerite, Catherine, Apolline.
Des deux sœurs de ma mère, l’une, ma tante Victoire, était avec nous à Audeloncourt ; l’autre, ma tante Catherine, était aux environs de Lagny : toutes deux avaient, comme ma mère, cette netteté absolue, ce luxe de propreté qui, de leurs bandeaux de cheveux à la pointe des pieds, ne laissait ni l’ombre d’une tache ni un grain de poussière.
Ainsi elles étaient au fond du cœur !
Dans la première jeunesse de ma tante Victoire, des missionnaires prêchant à Audeloncourt avaient laissé un fanatisme religieux qui entraîne bien des jeunes filles au couvent. Ma tante fut du nombre, mais après avoir été novice ou sœur converse à l’hospice de Langres, sa santé brisée par les jeûnes la força de revenir ; c’est à cette époque qu’elle commença à habiter près de nous, à Vroncourt, où elle resta jusqu’à la mort de mes grands-parents.
Elle était de très haute taille, le visage un peu maigre, des traits fins et réguliers.
Jamais je n’entendis de missionnaire plus ardent que ma tante ; elle avait pris du christianisme tout ce qui peut entraîner : les hymnes sombres ; les visites le soir aux églises noyées d’ombre ; les vies de vierges qui font songer aux druidesses, aux vestales, aux valkyries. Toutes ses nièces furent entraînées dans ce mysticisme, et moi encore plus facilement que les autres.
Étrange impression que je ressens encore ! J’écoutais à la fois ma tante catholique exaltée et les grands-parents voltairiens. Je cherchais, émue par des rêves étranges ; ainsi l’aiguille cherche le nord, affolée, dans les cyclones.
Le nord, c’était la Révolution.
Le fanatisme descendit du rêve dans la réalité ; ma vie, au pas de charge, s’en alla dans les Marseillaises de la fin de l’Empire. Quand on avait le temps de se dire des vérités les uns aux autres, Ferré me disait que j’étais dévote de la Révolution. C’était vrai ! n’en étions-nous pas tous fanatiques ? Toutes les avant-gardes sont ainsi.
Revenons à mon école d’Audeloncourt ouverte en janvier 1853. École libre, comme on disait, car pour appartenir à la commune il eût fallu prêter serment à l’Empire.
Je ne manquais pas de courage, nourrissant même l’illusion de faire à ma mère un avenir heureux.