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Menthes-Friches est né d’une volonté de parler « plus loin que la saison hostile » comme le suggère la lettre 2 de la section « Dans l’Atelier ».
Qu’elle soit variation autour de la menthe, de l’arbre à soie, du jardin plus généralement, il y a des secrets qu’on n’élève qu’au bleu du silence et c’est la main qui prépare la rencontre.
La tranquillité familière cherche son bonheur dans son sachet de lavande, l’armoire son masque dans un feutre mou.
Et la beauté poétique son ultime espace à faire feu…
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Seitenzahl: 45
Barbara Auzou
Menthes-Friches
« Petits coups de ciseaux, lumière du dimanche
Matin où l’on coupait la menthe avec amour.
Restera cela même qui m’échappe aujourd’hui.
Donnez leur liberté aux choses qui survivent. »
Seamus Heaney
I.
La menthe se faufile et glisse foisonnante au bitume disjoint de l’attente comme au second foyer de l’orage et arpente sa verte blessure d’enclume à la braise d’un silence excessif.
II.
Ridicule d’asphyxie dans un ciel las des sommets, la fleur étourdie sur son essieu essuie l’échec de sa vanité et rêve de son berceau comme de sa première robe.
III.
Des colonnes d’odeurs sauvages regagnent du terrain sur l’interdiction de poindre
et à l’aube d’une verte naïveté s’offrent pyramidales à la main qui les enroule sans partage
dans leur fatal embaumement.
IV.
Et si le clou du spectacle
lacère mon pied
à l’herbe du troisième acte
que la plaie soit pure et tranchante
comme une trouée d’enfance
s’ouvrant intacte
au rideau d’un parfum
mentholé.
V.
La fenêtre farouchement fendue à la feuille effrontée se flatte de la profondeur du ciel nu et à brides rabattues enfourche les flancs affolés d’un jour friand de liberté.
VI.
L’éternel retour du vert tendre
La pâle réplique et le coup de grâce
à surprendre dans le dernier refuge
le havre de l’espérance et l’ultime trace.
Dans une lumière bientôt inhabitée
la feuille sombre dans la persistance
de son vert foncé se replie et s’efface
comme l’histoire en excès
sur la compréhension de l’histoire
comme la loi du nombre sur la singularité.
Variations autour du jardin
« À trois heures et demie, tout dormait dans un bleu originel, humide et confus, et quand je descendais le chemin de sable, le brouillard retenu par mon poids baignait d’abord mes jambes, puis mon petit torse bien fait, atteignait mes lèvres, mes oreilles et mes narines plus sensibles que tout le reste de mon corps… J’allais seule, ce pays mal pensant était sans dangers. C’est sur ce chemin, c’est à cette heure que je prenais conscience de mon prix, d’un état de grâce indicible et de ma connivence avec le premier souffle accouru, le premier oiseau, le soleil encore ovale, déformé par son éclosion… »
Extrait de Sido. Colette.
Je vous regarde, durs,
hagards de rêves endoloris,
arpenter des trottoirs cravatés
de solitude comme autant de rêves de sable,
démunis, gris et néanmoins affables
par prudence ou par nécessité ;
pourtant inquiets au matin
de ce qui va s’éteindre, de ce qui s’est déjà
éteint au corridor des pas pressés
de la poussière et de l’usure,
rêvant d’oasis en pleine lumière.
Et puisque des saisons rien ne dure,
forcer la porte d’un jardin que tout éclaire
pour faire renaître en vous l’obstination
enfantine du lierre
et à vos doigts métronomes remplis d’effroi
des arômes froissés d’espoir, d’épaule et de thym
En terre arable, de guéret en guéret.
Aux terrasses de l’aurore trop tôt réveillées
au chèvrefeuille frissonnant encore
de ses rêves d’espaliers,
les mouvements de la terre arasée
à la prunelle fruitée du printemps,
s’offrent un petit tour de balancelle,
surprenant la fauvette au chamois de son aile
et la racine enroulée sur son apaisement.
Sa chemise humide est suspendue à la haie basse
et les petits murets se penchent, se fissurent et l’embrasse
dans un rire. La rosée est alertée. C’est déjà demain.
Plus personne ne peut mourir au jardin de guerre lasse.
Tout semble en ordre
au reptile alangui
de l’exact midi
rompu à mordre
les mystères flottés du matin
pour soustraire au geste
l’économie.
Pourtant l’ombre du doute se démène
sur les sedums et le romarin
cherchant la bouche et le vertige
de l’incendie,
sa peau de silence rougie
qui suspend des ponts entre les pavots
bleus, les cinéraires et le lobelia.
Le pas brûle à la paume du jardin
comme maintenu au secret d’un cœur immédiat
dont le fruit éclaterait à la dent aussitôt.
C’est l’heure de l’onagre qui s’ouvre obstinée
quand tout s’éteint en silence de champ déserté.
Peut-être serait-il sage de saluer les murs
qui bâtissent graves et sûrs le berceau de la nuit
et de rafraîchir le plâtre de la peau livide
à l’herbe assoupie.
Ce qui n’a pas été résolu ce soir et reste au secret
de l’ardoise
se lave le visage des songes futurs
sous la lumière translucide.
Et nous nous taisons étonnés du demain
qui déjà nous devance et nous surprend
et de son ombre qui soulève doucement
la robe du vent
avant de refermer sur l’éphémère oubli
la porte étroite du jardin.
La porte étroite du jardin de l’enfance
« Il reste toujours quelque chose de l’enfance, toujours… »
Marguerite Duras,
Des journées entières dans les arbres
Terrain de l’enfance
Blessée au dire
Sur le terrain lourd de l’enfance
j’ai semé des signaux incompris
comme on soupire
comme on fouille
comme on danse
comme on épure
cruel bourbier à la gorge
sage
de l’enfant qui ne renonce pas
aux images.
Elles collent aujourd’hui
en contours contrariés
Aux bottes du message
qui pressure.
Une certaine façon d’être au monde
Avec leur façon bien à elles d’être au monde
les ailes ont tissé les choses dites sur les hanches rondes
du silence
Les oiseaux sont devenus les gestes oubliés jadis sur le
grand damier
de l’enfance
Nous voilà investis d’un secret dont nous occupons
désormais le banc vide
Callipyge
La pomme de mon enfance