Mes adieux - Dylann Ovono-Mvé - E-Book

Mes adieux E-Book

Dylann Ovono-Mvé

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Beschreibung

"Mes adieux" traduit l’union, la séparation, le renoncement, et la tentative de conciliation de ces notions complexes. Sans prétention littéraire, l’œuvre raconte un pan de la vie de l’auteur, à la fois observateur et acteur de son propre parcours. Il s’efforce de dépeindre avec minutie les moments du quotidien tout en révélant les aspects extraordinaires d’une existence marquée par l’incertitude. L’amour filial, le deuil, et la lutte pour survivre s’entremêlent, aboutissant à un choix déterminant pour l’avenir. Cette première publication s’intègre dans la Tétralogie gnosienne, un recueil de quatre textes qui posent les bases de son art.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Dylann Ovono-Mvé a découvert sa passion pour l’écriture en classe de seconde, un refuge face aux tourments de l’adolescence. La perte de son père a marqué un tournant majeur, qu’il a consigné durant sept ans dans un carnet, transformé ensuite en une œuvre imprégnée de ses influences littéraires et artistiques.

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Seitenzahl: 160

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Dylann Ovono-Mvé

Mes adieux

© Lys Bleu Éditions – Dylann Ovono-Mvé

ISBN : 979-10-422-4722-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Loin de moi l’idée de m’aventurer dans le dur labeur qu’est produire une œuvre classique et purement littéraire, j’aimerais plutôt rendre compte. Voguer entre découverte et expérimentation, voici le devoir que je me suis assigné. La qualité rudimentaire de ce manuscrit pourrait déplaire à plus d’un… puriste de « la langue », j’en suis le premier navré ; mais bienheureusement les intentions qui sont les miennes se trouvent ailleurs. C’est l’histoire d’un jeune homme au parcours quelque peu tortueux, destiné à accomplir de grandes choses au sens le plus large ; et plus qu’un beau discours, que ce soit un bon schéma.

Dylann Ovono-Mvé

Tels les érudits d’antan, par persévérance, être de ceux dont les balbutiements deviennent raison du monde.

Dylann Ovono-Mvé

1

Troupe

Avoir le moins de ressentiments possible, n’avoir aucun jugement personnel. Perdre tôt et brusquement son paternel. Un paternel nous laissant démunis de tout : rien de personnel, rien pour grandir dans la société, ni même dans la vie de tous les jours, comme les relations de famille, la vie à deux, etc. Alors, afin de combler ce vide, il faut apprendre de la résolution des affaires concernant son père. Trouver une morale, un sens, un conseil de vie au-dessous de toutes ces choses. Y avait-il un message caché ? Un trésor légué non divulgué ? Ce qu’on aurait voulu lui dire ? Ou ce qui aurait dû être dit ?

Aux prémices de cette pauvre conscience, à mille lieues de se douter de la tournure prochaine des événements. Là où je passai la totalité de mon enfance, je demeurai, après le départ de la petite, le dernier de la maison. Le plus fragile, et de surcroît maladif. Ceux qui m’entouraient avaient le droit de ne s’attendre à rien d’extraordinaire de ma part. Aussi le dernier à prendre le chemin de l’école ; après de longues années à voir mes frères et sœurs faire des allers et retours avec une négligence certaine sur le sujet. Un jour en particulier, celui où je fus informé de la mort de notre paternel, Monsieur Phillips Harris, tout bascula. Je perdis celui qui comptait le plus pour moi à ce moment au monde, et le sort me prit par la main. Aujourd’hui, après de nombreuses preuves de l’amour pour cet individu, mon père, et la perte de l’être chétif d’autrefois, me voici sur le point de prendre des décisions importantes pour les miens.

Le vieux Daniel Phillips Harris, mon grand-père, vint s’installer au nord du pays, où naquit mon paternel. S’installant dans un village sans histoires, il y prit sur place une première femme, Anriette Berglande, avec laquelle il eut dix enfants, dont mon père. Elle fit nombre d’années à ses côtés, et quand elle mourut, laissant un garçon de quelques mois, il prit une autre femme du nom de Sophia Stephenson qui l’accompagna dans sa vieillesse, bien qu’elle mourût quelques années avant lui. Il était infirmier et dans un endroit reculé comme celui-ci, c’est peu de dire s’il était d’une grande importance. Il finit par gravir les échelons au sein du village puis devint chef de canton. Je l’avais connu très âgé déjà, et c’est lors des quelques voyages de famille pendant les grandes vacances que je passai du temps avec lui. Il s’agissait d’un gentil papi, aimable envers ses petits-enfants, surtout lorsqu’il s’agissait de partager son repas qu’il s’efforçait de ne jamais finir tout seul. Mais il se trouve qu’il n’avait pas toujours été comme ceci. De ce que j’avais pu entendre de mes parents parfois et même de mes aînés, c’était quelqu’un de très dur envers les siens qui éleva ses enfants et dirigea sa famille à l’ancienne comme on dit. Ce caractère difficile fut naturellement transmis à ses enfants. Il était père de trois filles, dont deux moururent alors que j’étais dans mes premières classes, et de sept garçons, dont un mourut aussi très tôt dans mon enfance. Quand mon père décrocha son baccalauréat, il se chercha un peu partout avant d’intégrer l’institut chargé de former des instituteurs. Entre-temps, il eut une relation avec une fille de chez lui, de laquelle naquit une fille, Lana. Par la suite, toujours porté par ses instincts, il fit la rencontre d’une femme, dame Esméralda, avec qui il eut deux garçons, David et Clide, mais entre les deux, il eut une autre aventure avec une femme, dame Elisabeth, d’où vint Tamara. Ce fut avec beaucoup de facilité qu’il pouvait se le permettre, car il était absent de la vie des enfants. Il s’agissait juste d’aventures. Au terme de sa formation, il obtint une bourse pour l’extérieur afin de se perfectionner dans le domaine. Il continua donc sa formation à l’étranger. Quand il rentra cinq ans plus tard, il fut recruté par le ministère de l’Éducation nationale. De retour au pays, encore jeune adulte, il n’avait pas d’endroit où se mettre, alors son grand frère et complice de toujours, oncle Romarique, lui concéda gratuitement un endroit où construire. Il s’agissait d’une grande parcelle dans le premier arrondissement de la capitale, proche d’un bras de mer qui occasionnait de temps en temps des petites inondations sans importance dans la zone. Lors d’une de ses sorties, il fit la rencontre de dame Lisia, avec laquelle il eut trois enfants : Liam Harris, suivi de Yves et d’Alexia Harris, deux jumeaux de sexes différents. Il fut affecté un temps loin de la capitale durant quelques années, et là-bas, il alla avec dame Esméralda, qui se trouvait être la titulaire à l’époque ; ses enfants la suivirent. Il y mit quatre ans en tant qu’enseignant de lycée.

2

Expédition

À l’époque, ma mère avait déjà mis au monde ma grande sœur Anna. Mon père était enseignant dans l’établissement secondaire que fréquentait ma mère et, alors qu’elle n’avait même pas encore obtenu son brevet des lycées, elle entretint une relation amoureuse avec mon père. Ma grand-mère s’y opposa fortement, mais l’amour peut même déplacer des montagnes. De cette relation, un premier garçon vint au monde, puis deux ans plus tard, une fille à qui l’on donna respectivement les noms de Harris Phillips Salem et Phillips Harris Kyriane. La titulaire décida de partir de la maison de mon père, car elle ne pouvait accepter d’être ridiculisée de la sorte, et par la suite, mon père nous fit venir à la maison. Ma mère finit par interrompre sa scolarité afin de s’occuper de sa maison et de ce foyer qu’elle voulait conquérir. Mon père fut rappelé à la capitale, et nous vînmes enfin à la maison de mon père sur la capitale.

Là-bas, mon père allait au travail tandis que notre mère, jeune femme au foyer, veillait sur nous. Notre maison ressemblait à toutes les autres, avec ses moments de joie comme de troubles ; en l’occurrence, ce côté dérangeant de mon paternel qui était son agressivité et sa consommation excessive d’alcool, presque addictive. Ma sœur et moi étions les plus petits de la maison, et avec nous se trouvaient aussi Anna ainsi que les deux fils de dame Esméralda, David et Clide, qui étaient plus âgés. Quelques-uns des frères de mon père résidaient dans le même quartier que nous ou aux alentours ; oncle Romarique, qui avait donné la parcelle à mon père, ainsi que sa famille, le premier fils de mon grand-père oncle Grégoire et sa famille, et deux de leurs sœurs qui y vivaient aussi avec leurs enfants. Ce sont ces dernières qui nous quittèrent assez tôt dans des conditions aussi étranges que difficiles, laissant des enfants qui étaient déjà sans père, car pour l’un, décédé, et pour l’autre, absent. Nous avions tous de très bonnes relations, et étant de la même famille, les choses étaient à notre avantage.

En grandissant, je découvrais chaque jour quelque chose de nouveau sur ce monde, et je ne m’en plaignais pas, car j’avais le nécessaire pour un enfant de mon âge. Tous mes aînés fréquentaient déjà les bancs de l’école bien longtemps avant moi, à l’exception de David qui, pour une raison que j’ignore jusqu’à présent, avait dû arrêter ; et mon père, pourtant très rigoureux, n’avait pas insisté pour qu’il y retourne. Quand on a du temps libre, on a beaucoup de temps pour s’amuser, et ça, nous savions le faire dans le quartier. Je n’étais pas doué pour bien des activités auxquelles s’adonnaient les enfants de mon âge. Je ne savais ni jouer aux billes ni à la marelle ni faire du vélo, etc. Je pensais que j’étais toujours choisi pour jouer à l’enfant pendant les jeux de cuir.

Il y avait toujours la nuit des bruits qui émanaient de la chambre des parents quand mon père rentrait ivre la nuit. Un jour, j’assistai au départ de ma petite sœur pour le domicile de notre grand-mère d’où nous étions partis, et je restai avec les autres. Mon père, devant l’insistance de ma mère et étant aussi responsable de sa situation, décida de la faire s’introduire dans le monde du travail en l’inscrivant dans l’institut qu’il avait fréquenté. Je crois que malgré ce qu’il était, il aimait ma mère, mais ses défauts étaient plus grands. Il décida même d’organiser des présentations, ce qui fait parfois office de fiançailles chez nous ; avec quelques autres membres de sa famille, il alla se présenter à mon grand-père maternel, papi Gérard, le père de ma mère. Ce dernier les reçut convenablement et prit soin de les mettre en garde, lui et oncle Romarique, sur la nécessité de bien s’occuper de sa fille. Ce fut la dernière fois qu’il vit mon père en face.

Un an s’était écoulé et mon père ne s’était pas amélioré, mais il voulait toujours vivre avec ma mère. Ma mère, quant à elle, continuait de le supporter en suivant sa formation. Quand la formation prit fin, mon père pesa de tout son poids pour qu’elle intègre, elle aussi, l’Éducation nationale. Il voulait maintenant que leur relation se scelle par le mariage, mais lors d’une réunion qu’ils eurent avec les parents de mon père sur le sujet, elle refusa catégoriquement d’aller jusque-là avec mon père, car ce dernier était trop violent. Les jours qui suivirent, la tension fut palpable à la maison, et ce combat à sens unique continua.

Un jour, alors que ma mère, revenue de je ne sais où, regagnait son domicile, elle fut surprise de trouver dame Esméralda dans la chambre qu’elle partageait avec mon père ; éclata alors une grande dispute que rien ne put arrêter. Un ou deux jours plus tard, je vis toutes les affaires de ma mère dans la cour et quelques-uns de ses parents maternels venir l’aider à les transporter. Elle partit sans me dire au revoir avec Annie. Peut-être parce que j’étais à l’époque trop jeune pour saisir ce qui se passait, et effectivement, car de tout ceci, je n’en ai gardé que des bribes.

Je l’avoue, certainement, soit je n’étais qu’un petit enfant encore, soit j’ai la mémoire courte, car plus de quinze ans après, une autre version plus favorable à mon père, malgré moi, m’était contée : déjà, lors de son affectation dans la province de ma mère, il s’était déjà brouillé avec dame Esméralda, ce qui valut qu’elle n’y mît guère les pieds. Mon père décida donc de se refaire. Toutefois, avant de rencontrer ma mère, encore sur la capitale, il eut une relation avec dame Lisia, d’où vint Liam, suivi près d’un an après par Yves et Alexia, qui étaient à peine plus grands que moi d’une douzaine de mois. C’est après cette escale qu’il gagna la province. Ma mère et lui se mirent alors ensemble et, contre l’avis des parents de ma mère, ils gagnèrent la capitale.

Mon paternel avait quasiment reconnu tous ses enfants bien qu’il ne s’en occupât pas, sauf Lana, la première, Tamara et David, pour des raisons que j’ignore, ne portaient pas son nom, toutefois la thèse de l’irresponsabilité semble la plus plausible.

Mon père avait envie de réparer son erreur, étant à l’origine de l’arrêt du cursus scolaire de ma mère, d’où il mit tout en place pour y remédier. Il aimait donc ma mère, si ce n’est son caractère qui revenait à chaque fois à la surface. Ma mère était une ravissante jeune femme, et il n’est pas étonnant qu’elle fût abordée par d’autres hommes. Il se trouve qu’un en particulier, avec des arguments valables, se présenta et était prêt à l’épouser. Devant ce qu’elle vivait chez elle au quotidien, son cœur se tourna peu à peu vers lui. D’où le refus catégorique d’accepter la demande de mariage de mon père et sa décision ferme de partir. Le reste n’était alors qu’un concours de circonstances ; mon père refusant de changer et mes frères qui comptaient bien revoir leur mère à la maison. Il se trouvait que dame Esméralda commissionnait ses enfants pour des besognes insolites, apportant ceci et cela dans nos murs pour adoucir notre père à son égard, et d’autres choses encore. C’est pourquoi un jour elle se trouvait là face à ma mère sans même l’autorisation de notre paternel et qu’au retour de notre père il ne la mit pas à la porte. Concours de circonstances ou non, mérite-t-on l’amour quand on est un monstre ?

Ma mère s’en alla, et après qu’une autre jeune fille vint dormir à la maison pour une durée d’une semaine, dame Esméralda vint habiter définitivement à la maison.

Ma mère était partie et je survivais au traitement pas toujours mauvais qui m’était infligé. Mon père, bon ami à moi, mais toujours aux abonnés absents, et je ne pouvais pas demander à cette nouvelle belle-mère et parfois marâtre plus qu’elle ne pouvait m’accorder. Toujours le plus petit, chétif et brimé. Toutefois, à certains moments, j’allais retrouver ma mère qui demeurait maintenant dans une des maisons de ma grand-mère dans un autre quartier. Là-bas, ma mère était avec ses frères et sœurs, tous déjà adultes. J’y passais de bons moments, et quand le temps fixé prenait fin, je revenais chez mon père.

3

Piètre sort

Petit, je tombais fréquemment malade et de l’endroit où j’étais, personne ne pouvait s’occuper de moi convenablement. Quand on a une belle-mère ou une marâtre à nos côtés qui préfère éviter de se salir les mains avec un enfant aux multiples antécédents obscurs comme je l’étais, et un père qui pense que toutes les maladies peuvent se guérir soit toutes seules, soit grâce à cette herbe qui aimait pousser derrière notre maison et qui donne un jus rouge une fois bouillie, ou encore avec le cocktail tomate-Fanta, on n’est guère bien parti. Ma mère devait donc intervenir toutes les fois où la maladie était prête à m’emporter.

Un jour, alors que j’avais sept ans et que j’étais près d’en avoir huit, mon père et moi nous rendîmes à l’école publique du quartier. Après avoir discuté avec la directrice, qui était une de ses connaissances, et déboursé la modique somme de trois euros environ, je gagnai pour la première fois une salle de classe. La maîtresse Sabine m’accueillit. Un nouveau monde très étrange pour moi, surtout que je n’avais aucune base, mais j’étais bien inscrit au cours primaire un. Malheureusement, l’année s’écourta très rapidement, et je ne sais si l’affection qui se manifesta pendant le reste de l’année fut attisée par des bénéfices primaires ou secondaires, mais je fus obligé de reprendre l’année, d’ailleurs la seule que je repris jusqu’à l’université.

J’apprenais à lire, à écrire, à calculer et, très vite, mon père remarqua que j’étais plus doué que mes aînés. Il se vantait de mon travail à chaque fois auprès de tout le monde, mais cela ne m’empêchait pas de commencer chaque année avec un sac, un crayon et un cahier de trente-deux pages.

Mon père avait commencé juste derrière la première maison en planches, alors peinte en jaune, dans laquelle nous avions habité à notre retour de province, une maison plus grande en briques ; et elle n’était pas encore totalement finie que nous y aménageâmes pour laisser la première en location. Peu de temps après, mon père se décida à épouser dame Esméralda. J’étais alors en cours élémentaire deux et j’avais changé d’établissement à cause d’une réforme qui pouvait me propulser, mais que mon père, élevé à la dure, n’approuva pas.

Tamara vint habiter la maison, seule Lana faisait des allers et retours, et j’étais à chaque fois ravi de la voir. Le paternel voulait certes se marier, mais cela n’était pas synonyme d’un changement de sa part. Au contraire, jusque-là, il avait toujours été fidèle à lui-même : violent, animal, brutal, barbare. Il aimait être craint de tous et ne tardait pas pour ce qui était des bagarres. Il s’était forgé une réputation dans le quartier et presque personne ne voulait avoir affaire à lui. Comme il aimait s’en vanter : « moi, je me bagarre avec des mécaniciens », cela suffisait à faire reculer ses adversaires. Cette brutalité, il la vivait dehors et dans sa maison. Il nous battait pour tout et n’importe quoi, surtout quand il avait bu, et peu importe l’âge. Pour lui, tant qu’on vivait sous son toit, il avait tous les droits sur nous. Belle-mère Esméralda, je ne trouve pas les mots pour qualifier ce qu’était son quotidien. Vivre avec un tel animal ? Mais que pouvait-elle faire sans travail ni autre appui ? La maison manquait très souvent du nécessaire, nous, élèves, n’avions pas ce qu’il fallait pour nos cours, et il se trouve que ce qui était au départ de petites montées d’eau était devenu bien pire avec le temps. Il nous arrivait de nous réveiller dans de l’eau jusqu’aux genoux après une nuit de pluies anodines, car il faut le dire, mon père, aimant peu la dépense, avait construit notre maison sans au préalable la surélever de peu en pensant à l’avenir par rapport à la zone où nous étions.