Meurtres à Nantes - Frédéric Bodin - E-Book

Meurtres à Nantes E-Book

Frédéric Bodin

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Beschreibung

Août 2019, Nantes s’enfonce dans la psychose après la mort dans des fusillades de trois hommes honorablement connus sur la place locale. Assez rapidement, la police découvre qu’ils sont tous les trois descendants de familles patronales nantaises ayant été partie prenante des grandes grèves de 1955.
Le commissaire Alexandre Roullin et son équipe de la police judiciaire mènent l’enquête qui nous ramène soixante-cinq ans en arrière. En cet été 1955 où métallos et ouvriers du bâtiment se sont engagés dans un mouvement social de grande ampleur pour obtenir des augmentations de salaires.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Journaliste de presse régionale, originaire de la région nantaise, Frédéric Bodin a travaillé pour le quotidien Presse-Océan pendant presque vingt ans. Avec « Meurtres à Nantes, la mémoire des travailleurs », il signe son quatrième roman dans la collection Geste noir. Une nouvelle étape après « Meurtres à Niort, une affaire d’État », « Meurtres à La Rochelle, le mystère de la Reine de Guinée » et « Meurtres aux Sables, les disparus du pont de la Chaume ». Il vit à Niort (79).

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Ce roman est une œuvre de fiction. Les personnages et les événements sont le fruit de l’imagination de l’auteur. Toute ressemblance avec des personnes réelles serait pure coïncidence.

© – 2022 – 79260 La Crèche

Tous droits réservés pour tous pays

Frédéric Bodin

meurtres à Nantes

Les combattants de l’été 1955

Chapitre 1

Nantes, mardi 20 août 2019

Comme elle le fait chaque jour de travail depuis de nombreuses années, Louise Coulomb descend du tramway ligne 2 à l’arrêt Cinquante-Otages. Il est 8 h 20. Son temps de trajet est réglé comme une horloge. L’ensemble de sa vie aussi d’ailleurs. Bus C4 depuis Saint-Paul de Rezé, correspondance à Pirmil avec le tram.

Ce matin-là, ce dernier avait cinq minutes de retard. Une rame en panne à côté de l’Hôtel-Dieu perturbait le trafic. 8 h 20 : Louise allait devoir presser le pas pour se rendre à l’hôtel de ville où depuis deux décennies elle officie dans le service de l’état civil. Naissances, décès, actes divers : elle est entrée bien des fois et involontairement dans la vie de nombreux Nantais.

Alors que la rame ralentit pour respecter l’arrêt, toutes les têtes à l’intérieur se tournent vers le cours où une noria de véhicules de police et de pompiers bloque la circulation. Dans la cabine de conduite du tram, la radio « crache » ses messages. De nombreuses lignes de bus, toutes celles qui passent par cette grande artère nantaise, sont ralenties ou déviées.

— Ah, il doit y avoir un accident !

Louise aime bien adresser la parole à ses voisins de tram. Adore ces rencontres d’un court moment. En face d’elle, l’homme, la trentaine, semble peu intéressé par le propos. Ne lève pas la tête de son téléphone. Et finit tout de même par jeter un œil distrait sur la rue. Leurs regards finissent par se croiser.

— Sans doute un cycliste renversé, finit par lâcher agacé cet économe de sa parole. On ne va pas en faire tout un fromage.

Dans la rame, la voix préenregistrée annonce la station : « Cinquante-Otages, direction Orvault Grand Val ». Un groupe de policiers surveille les voyageurs sur le quai. Le chef de patrouille les dirige vers la place du Port-Communeau, au bout du cours.

— Impossible d’aller de l’autre côté, leur donne-t-il pour seule explication.

Louise n’est pas du genre à se démonter. Elle veut savoir. Pour ensuite commenter avec ses collègues. La réponse de l’agent est laconique.

— Vous n’avez pas besoin de savoir. Le secteur est interdit. C’est tout.

Accident ? Non certainement pas ! Elle tente le coup.

— Mais je travaille au début de la rue Armand-Brossard. Comment je fais pour m’y rendre ?

— Vous ne pourrez pas. C’est justement là que ça se passe. Personne ne peut accéder. Pas même ceux qui y bossent. Il vous faudra attendre que le dispositif soit levé. Et ce ne sera pas fait tout de suite.

En plus des nombreuses voitures de police sérigraphiées, Louise a le temps d’apercevoir quelques véhicules banalisés avec gyrophare derrière le pare-brise. Grande consommatrice de téléfilms policiers, elle comprend tout de suite qu’il ne s’agit pas d’un accident effectivement. L’agitation qui semble régner ici est plutôt un signe de fébrilité.

Le commissaire Alexandre Roullin en était. Il avait quitté quelques semaines plus tôt Les Sables-d’Olonne1, son éphémère poste précédent, pour rejoindre le commissariat central de Nantes – Waldeck pour les intimes – et son antenne de la police judiciaire, retrouvant là ses premiers amours rencontrés à la PJ de La Rochelle2.

Le carrefour du cours des Cinquante-Otages et de la rue Armand-Brossard était entouré de grandes bâches. Une dizaine de policiers en combinaison blanche, les techniciens de l’identité judiciaire, s’affairaient sans que personne puisse franchir cet espace.

Pourtant, de corps il n’y avait pas sur ce qui ressemblait à une scène de crime. Du sang. Beaucoup de sang. Des tracts et un titre. « La classe ouvrière n’oublie pas ». Pourquoi une telle mobilisation policière pour du sang et des tracts ? Toute la hiérarchie policière était effectivement là. Directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) en tête. Le patron de la PJ locale, celui du renseignement territorial également. Et le procureur de la République Le Berre.

1. Dans Meurtres aux Sables – Les disparus du pont de la Chaume, Geste noir n° 151

2. Dans Meurtres à La Rochelle – Le mystère de la Reine de Guinée, Geste noir n° 110.

Chapitre 2

Nantes, samedi 20 août 1955

Marie Gicqueau prenait son service à 9 heures. Employée au magasin de la « Manufacture française d’armes et cycles de Saint-Étienne », plus connue sous le nom de Manufrance, sis rue de Feltre à deux pas du cours des Cinquante-Otages, elle y travaillait au rayon chasse et pêche. Allez savoir pourquoi. Elle qui n’avait jamais touché un fusil et une canne à pêche en dehors du magasin. Mais « Mademoiselle Gicqueau » comme l’appelait son chef de rayon, était connue pour son sérieux. Ce samedi de la fin août s’annonçait chargé. La période de chasse approchait.

Marie habitait près du rond-point de Rennes. Et pour « descendre » en ville, le tramway était tout indiqué. Il empruntait la rue Paul-Bellamy dans toute sa longueur. Ligne 13 ou 14, au choix. La ligne 13 (Morhonnière/avenue de Paris) était alors avec la ligne 14 (Pont du Cens/Saint-Joseph) ce qu’il restait du réseau de tramway nantais du début du xxe siècle. La ligne 13 empruntait d’ailleurs le parcours de la 14 sur une grande partie de son trajet.

Un peu en avance sur son horaire habituel, Marie était descendue à l’arrêt Pont-Morand afin de finir le trajet à pied. La journée s’annonçait belle et le mercure du thermomètre montait déjà. En passant devant la rue Armand-Brossard, un petit attroupement retint son attention. Sur le trottoir, encore visibles, des traces de sang et quelques fleurs déposées.

— Il y a eu un accident ? demanda Marie à un passant.

— Un drame, Madame. Un véritable drame.

Celui-ci comprit qu’elle n’était pas au fait.

— Vous ne lisez donc pas le journal ? Hier soir, un ouvrier a été tué ici par les CRS. Vous vous rendez compte. Ils manifestent pour une augmentation et se font tirer dessus par les forces de l’ordre. Ils vont le payer. Je vous le promets, ils vont le payer.

Marie resta interloquée. Elle fit aussitôt le rapprochement avec la grande manifestation de la veille dans le quartier qui l’avait obligée à rejoindre son domicile à pied en empruntant un itinéraire détourné.

Depuis trois jours, Nantes vivait au rythme de la mobilisation des ouvriers de la métallurgie et du bâtiment. Ils réclamaient une augmentation de 40 francs de l’heure. Depuis le mercredi 17, les manifestations se multipliaient. Ce matin-là, près de 5 000 manifestants s’étaient regroupés devant le siège du syndicat patronal, rue Arsène-Leloup, à deux pas de la bourse du travail.

« Vers 14 h 45, des incidents se sont produits au cours desquels les locaux du syndicat patronal ont été détériorés. Les dégâts sont importants » notait le commissaire central dans son rapport quotidien au préfet, au procureur et au maire de Nantes.

Le vendredi 19 avait été tout aussi chaud. L’après-midi, un grand meeting avait rassemblé 8 000 personnes dans le grand hall du Champ-de-Mars. À l’issue, les manifestants s’étaient rendus place Aristide-Briand, face au palais de justice et à la maison d’arrêt, « où sont détenus cinq individus appréhendés au cours des incidents de la veille » note le commissaire le vendredi soir. La première porte de la prison céda. Pas la seconde, métallique. Le personnel dispersa les assaillants avec des grenades lacrymogènes.

— Rendez-vous à la préfecture, hurla Albert Roisin.

Le jeune métallo avait pris la tête de la contestation au chantier naval Bertaud. Il siégeait dans le comité de grève mis en place à l’occasion.

Plusieurs centaines de manifestants se dirigèrent donc vers le cours des Cinquante-Otages en empruntant les petites rues pour échapper aux forces de l’ordre.

Dans son magasin de la rue de Feltre, Marie en avait bien vu passer. Les clients avaient d’ailleurs déserté et le directeur prit la décision de fermer avant l’heure habituelle. Le personnel fut confiné à l’intérieur par mesure de précaution. Du cours montait la clameur. Par endroit on assistait à de véritables scènes de guérilla. Vers 19 heures, les employés purent quitter le bâtiment, la direction s’assurant que tout était bien sécurisé.

Sur le chemin du retour, Marie interrogea quelques ouvriers qui déambulaient, posa des questions sur le déroulement de l’après-midi. Arrivée à son domicile, elle dîna. Inquiète. Albert viendrait-il ?

Et Albert n’était pas venu. Alors quand le lendemain matin, le passant lui dit qu’un drame s’était produit. Qu’un ouvrier avait été tué, l’inquiétude la gagna. Et si c’était…

— Vous connaissez son nom ?

— Il se dit que c’est un jeune ouvrier maçon, mais je n’en sais pas plus, lui répondit une vieille femme qui revenait de faire quelques courses matinales.

— Vous avez vu ce qui s’est passé ?

— Oh ma pauvre fille ! Ça a été violent. J’habite place du Port-Communeau et ça semblait tirer de partout. Les CRS étaient déchaînés. Je crois qu’il y en a chez eux qui ont été blessés aussi.

Ce que confirmait très laconiquement le rapport du commissaire : « Parmi le service d’ordre, un blessé par arme à feu, dix blessés légers. Parmi les manifestants, un tué, un blessé grave, trois blessés légers. Quatre-vingts personnes, trouvées sur les lieux des manifestations, ont été appréhendées ».

À la fois triste de cette mort et soulagée de savoir qu’il ne s’agissait pas d’un métallo, Marie poursuivit son chemin vers la place du Cirque. Elle traversa le cours. Devant le magasin qui l’employait, le personnel attendait de pouvoir entrer. Des vitriers s’affairaient. Se mêlant aux discussions de ses collègues, Marie comprit que les vitrines avaient été cassées la veille au soir, tout comme celle de l’armurerie Brichet, rue de la Fosse, et que la prompte arrivée des gendarmes mobiles avait empêché que le magasin soit pillé.

Une fois les débris de verre nettoyés et des planches posées, tous purent regagner leur poste de travail.

— Mademoiselle Gicqueau, venez m’aider à faire l’inventaire, lui intima son chef. Je crains qu’il nous manque des armes.

Dans la matinée de ce samedi, on apprit le nom du manifestant tué la veille au soir et la nouvelle se répandit rapidement.

Jean Rigollet, né le 27 juillet 1931 à La Limouzinière, donc âgé de 24 ans, maçon, célibataire, demeurant 35 rue du Marchix à Nantes.

Chapitre 3

Nantes, mardi 20 août 2019

Louise Coulomb n’avait donc pas obtenu les réponses escomptées et son coup de bluff n’avait pas fonctionné. Sa curiosité ne se trouva donc point assouvie. À l’entrée de la partie administrative de la mairie centrale, rue de Strasbourg, le contrôle lui sembla beaucoup plus pointilleux qu’à l’habitude. Elle s’en ouvrit à l’agent de sécurité qui fouillait son sac et la passait au détecteur de métaux.

— Et bien ! Dites-donc ! Qu’est-ce qui vous arrive ce matin ?

— Ce sont les consignes madame. On a renforcé le dispositif.

— Ah bon ? Pourquoi ?

— Je peux pas vous dire madame. Je crois que cet ordre vient de la préfecture.

En passant par la cour, Louise Coulomb rejoignit son bureau. Ils et elles étaient quatre ce matin à ouvrir le service. Et forcément ces contrôles renforcés ne manquèrent pas de les faire s’interroger. Elle va peut-être enfin savoir.

— J’ai entendu à la radio sur France Bleu qu’il y avait apparemment beaucoup de policiers sur le cours des Cinquante-Otages, s’avança un de ses collègues. Mais ils ont précisé qu’ils ne savaient pas ce qui se passait exactement.

— Oui, je suis passé là, enchaîna Louise. Ils ont bouclé tout le quartier. La rue Armand-Brossard est complètement fermée. Et j’ai cru voir que côté policiers, il y avait du gratin.

On en resta là car les administrés matinaux commençaient à remplir la salle d’attente du service.

À quelques centaines de mètres de là, sur le cours, Alexandre Roullin, le commissaire, avait réuni son groupe.

— Bon les gars ! On ne va pas trop tarder. On a des infos sur la victime ?

— Non. Pas pour l’instant, répondit du tac au tac son second, le lieutenant Pierre Olivier. En revanche on a un témoin qui est venu tout à l’heure se présenter spontanément.

— Et que dit-il ?

— Que les faits se sont déroulés à 7 h 15. La victime est un homme, d’une soixantaine d’années apparemment. Habillé en costume cravate. Le témoin dit qu’il le croise parfois dans le quartier ou à la maison de la presse. Mais il n’en connaît pas le nom.

— Il était à quelle distance ?

— Il dit une cinquantaine de mètres. Il décrit une scène comme dans un film. Un utilitaire qui arrive rapidement. La porte latérale qui s’ouvre. Un homme descend. Des coups de feu. La victime s’écroule. L’agresseur fouille rapidement la veste et en sort ce qui pourrait être un portefeuille et remonte dans la camionnette. Le témoin a juste le temps d’apercevoir que le conducteur et son passager sont cagoulés. La bagnole repart et tourne à droite rue de Strasbourg.

— Le véhicule ?

— Un Renault Trafic d’ancienne génération. Immatriculation effacée à l’arrière.

— La victime ?

— Arrivée des pompiers et du Samu à 7 h 25. Blessée au thorax et à la tête. Transportée au CHU. Pronostic du médecin très très réservé. Et on a donc rien trouvé sur lui qui puisse nous aider pour l’identification.

— Ses vêtements ?

— On est parti les récupérer aux urgences. Peut-être que ça va parler.

— Donc à cette heure, on en est réduit à attendre que quelqu’un vienne signaler une disparition ?

— C’est un peu ça commissaire.

Alexandre Roullin prit connaissance des premières constatations de la police technique. Neuf douilles avaient été retrouvées. Sur le sol et fichées dans le mur de l’école Léon-Blum. Les prélèvements de sang répandu sur le trottoir allaient être transférés rapidement dans un laboratoire. Aucune autre trace au sol. Vers 10 heures, le commissaire ordonna la levée du dispositif, après que les services de la voirie eurent nettoyé les traces de sang. Restait à établir l’identité de la victime et mettre en place un pistage de la camionnette, notamment via la vidéosurveillance.

Les caméras n’allaient pas « parler » autant qu’escompté.

— On en n’a pas dans le coin commissaire, annonça désolé l’opérateur. Juste une au Pont-Morand orientée vers le cours, mais je crains que ce soit trop loin pour voir quelque chose. Surtout qu’à cette saison les arbres sont bien fournis.

— Essayez quand même. C’est à 7 h 15.

L’opérateur régla l’image sur 7 h 10 pour donner un peu de marge. Les trottoirs étaient quasi déserts. Au niveau de la place du Port-Communeau, un homme traversait le champ à 7 h 12. On le voyait de dos. Costume apparemment. Il disparaissait rapidement de l’œil de la caméra.

— Il faut combien de temps pour aller de cet endroit à la rue Armand-Brossard, demanda le commissaire ?

— Deux minutes. À peine. Et lui, il semble marcher vite. Ça pourrait nous faire 7 h 13-7 h 14 sur place. C’est peut-être un client qu’on peut retenir.

— Et de l’autre côté, est-ce qu’on peut voir le Trafic arriver ?

— Je regarde ça tout de suite. Il y a une caméra près de l’arrêt de bus place du Cirque. On devrait voir… Regardez, commissaire ! À 7 h 13… là. La voilà votre voiture.

L’utilitaire s’engageait effectivement dans l’allée Duquesne et disparaissait rapidement dans le virage.

— On peut zoomer sur le pare-brise ou la porte côté conducteur ?

— Oui… Un homme cagoulé est au volant. On le voit très nettement.

— Attendons de savoir si sur la première caméra, c’est bien la victime que nous avons.

L’équipe d’enquêteurs était de retour du CHU avec les vêtements qui avaient pu être récupérés.

— Ça se présente mal, patron, lança d’emblée le lieutenant Olivier. Les médecins estiment qu’il n’est pas opérable pour l’heure. Et vu son état, pas sûr qu’ils veuillent aller très loin. Vous comprenez ce que je veux dire.

— Oui, pigé. On se prépare donc à un homicide. Bon ce costume, on le déballe ? On va à la scientifique.

Chez les techniciens, on attendait le paquet avec impatience. Dans le sac, il y avait donc le costume et la chemise de la victime. Naturellement pleins de sang et surtout déchiquetés par les balles. Du gros calibre. Première constatation, notre homme était grand – environ 1, 80 m – et assez élancé. Alexandre Roullin sortit la photo de la vidéosurveillance.

— Ça peut correspondre ?

— On va vous dire ça rapidement, répondit le technicien qui superposa l’image avec celle du costume faite juste avant. L’ordinateur se chargea de rendre la réponse.

— Oui, votre homme sur la photo fait bien environ 1, 80 m. Ça colle avec la taille du costume.

— Mais ça ne nous dit toujours pas qui c’est. Et on le voit de dos. Allez les gars ! On va voir le voisinage.

Une dizaine d’enquêteurs se déployèrent dans le quartier, faisant du porte à porte dans les commerces. C’est finalement à la boulangerie du Port-Communeau que le premier renseignement intéressant fut recueilli.

— Vers quelle heure vous me dites ? 7 h 15 ? Oui, il me semble connaître ce monsieur. Si c’est celui à qui je pense, il s’arrête ici tous les samedis matin avec sa femme en revenant du marché de Talensac. Mais je le vois régulièrement le matin vers cette heure-ci passer devant. Je pense qu’il va travailler.

— Vous connaissez son nom ?

— Non ! … Mais attendez, je peux peut-être le retrouver. Il y a trois semaines, il nous a commandé un gâteau. Je me souviens que c’était pour un anniversaire.

La vendeuse plongea dans son carnet de commandes. Remonta les jours pour s’arrêter au mercredi 7 août.

— Ah voilà ! Je suis sûr que c’est lui.

L’enquêteur n’eut qu’à retourner ce gros agenda. Et y releva un nom et un numéro de téléphone portable.

Chapitre 4

Nantes, samedi 20 août 1955

Comme tous les ans, ce samedi d’avant chasse avait bien vu affluer vers le magasin Manufrance nombre de chasseurs de tout le département, ainsi que l’avait imaginé Marie. On venait ici comme on fait un pèlerinage. Les uns pour le plein de cartouches. D’autres, plus rares, étaient là pour acquérir un nouveau fusil. L’un des modèles prisés du moment était la carabine à répétition Reina, calibre 22 long rifle, à huit coups. « La meilleure des carabines de chasse et de sport » affirmait sans ambages la publicité dans le catalogue. En cette journée, Marie Gicqueau allait en vendre pas moins d’une dizaine.

La ville avait retrouvé un semblant de calme, même si le lieu où était décédé Jean Rigollet la veille au soir avait vu défiler nombre de Nantais venus déposer des fleurs, rendre un hommage.

Sur un plan plus politique, les liens n’étaient pas coupés entre les deux camps. Certes, les dockers s’étaient mis en grève pour 24 heures. Mais plus tard, dans la matinée, les responsables syndicaux ont été reçus par le maire de Nantes, Henri Orrion, puis devaient l’être également l’après-midi par les parlementaires. Objectif : trouver une sorte d’armistice et surtout obtenir une reprise des négociations avec le syndicat patronal dès le lundi, sous le contrôle d’un fonctionnaire du ministère de Travail. Mais à quelques conditions, exigèrent les syndicats : le départ des forces de police, la réouverture des usines lock-outées dès le lundi matin et la mise sur la touche dans cette phase de négociations du préfet Rix et de l’inspecteur départemental du Travail.

Vers 18 heures, la clientèle se faisait plus rare dans le magasin Manufrance. Les employés commençaient à souffler, voyant se profiler la fin d’une journée bien chargée. Le directeur déambulait dans les rayons, surtout pour connaître le chiffre de chacun. Celui de la chasse et de la pêche avait fait quinze pour cent de plus que l’année précédente. Et surtout, rendit compte son chef, on y avait vu une clientèle nouvelle.

Un grand jeune homme fit son entrée, tandis que la direction était partie au rayon outillage. Il alla se planter devant Marie qui en fut toute surprise.

— Albert ! Mais qu’est-ce que tu fais là ? Depuis hier soir je suis inquiète. Tu aurais pu donner de tes nouvelles. Passer à l’appartement. Me dire que tout allait bien.

— J’ai pas pu. On avait les flics au train. Ça a duré une bonne partie de la soirée. On n’arrivait pas à retenir les gars. Il y a eu des rues dépavées par endroit. Et plus tard des coups de feu tirés sur des policiers près du pont de la Madeleine. Après on s’est réuni avec les camarades pour décider ce qu’on allait faire aujourd’hui.

— Ne reste pas là. Je finis dans moins d’une heure. Reviens me chercher et attends-moi devant le magasin tout à l’heure.

Albert Roisin ne se fit pas prier. À sept heures sonnant à l’église Saint-Nicolas toute proche, il attendait sur le trottoir d’en face.

— On va prendre un verre sur la place en bas. J’ai des trucs à te raconter. Hier on a eu chaud. On a frôlé l’insurrection.

À la lueur du soleil déclinant, tous deux s’installèrent donc à une terrasse. Sous des travers de jeune fille sage, Marie était une militante syndicale affirmée. Dans son travail, elle ne laissait jamais transparaître ce militantisme. C’est d’ailleurs « au syndicat », comme l’on dit, qu’elle avait croisé Albert pour la première fois. Au fil du temps, ils étaient passés de ces relations de « camarades » à d’autres beaucoup plus proches. Aujourd’hui, Albert n’avait plus de secret pour Marie.

— J’ai eu peur pour toi hier soir !

— Tu as réussi à rentrer à l’appartement ?

— En passant par les petites rues.

— J’ai cru que ça allait déraper à la prison. On est passé près de la prise d’assaut. Les gars étaient déchaînés. Ils ont réussi à casser la première porte. Ils ont même balancé un explosif à l’intérieur.

— Ça n’est pas étonnant, il y en avait quand même cinq emprisonnés depuis la veille !

— Oui mais ça n’est pas comme ça qu’on va engager les discussions.

Marie écoutait le récit fait par Albert. Ses yeux débordaient d’admiration. C’était son premier grand conflit social, même si elle n’y était pas directement associée.

— Tu crois que le milieu du commerce pourrait se mobiliser en soutien, osa Albert ?

— Non ! Franchement je ne crois pas. Si tu entendais comment les collègues parlent de cette grève. Ils croient ceux qui disent que ce mouvement est dirigé en sous-main par les communistes.

— Je sais que c’est le discours préféré du préfet pour nous discréditer et eux, ils gobent ça. Tu comprends pourquoi on refuse de discuter avec cet insupportable personnage.

Chapitre 5

Nantes, mardi 20 août 2019

Un nom et un numéro de téléphone portable. C’était presque trop beau. « Haye. 06.82.50.99. Fraisier 6 personnes. Joyeux anniversaire ». C’était écrit en toutes lettres. La boulangère n’en savait pas plus sur ce client. Alexandre Roullin demanda aussitôt que l’on cherche qui se cachait derrière ce numéro de téléphone.

Cinq minutes plus tard, le fichier parla.

— Haye, Ludovic. Domicilié rue du Roi-Albert. C’est à deux pas d’ici. Juste en face la préfecture, précisa le lieutenant Olivier.

— On va passer chez lui.

La matinée touchait à sa fin. Le commissaire et son second s’y rendirent aussitôt. Celle-ci, ouverte à la fin du xviiie siècle reliait la cathédrale à la préfecture, autrefois chambre des comptes de Bretagne. Elle témoignait du riche passé de la ville. Mais pour les Nantais, elle était surtout liée à un événement de l’histoire contemporaine aux conséquences dramatiques. C’est là, au numéro 1, que fut abattu le lieutenant-colonel de l’armée allemande Hotz le 20 octobre 1941. L’occupant exigea que l’on fusille cinquante otages, à Châteaubriant, Nantes et Paris.

Les deux policiers s’arrêtèrent devant un immeuble cossu. Il y avait bien une sonnette au nom de Haye. Ils s’annoncèrent à l’interphone.

— Que puis-je pour vous, demanda aussitôt la femme qui leur ouvrit la porte.

Le commissaire Roullin ne savait trop comment aborder le sujet, à vrai dire. Il n’était pas sûr de l’identité de la victime.

— Madame, c’est un peu délicat. Nous voulons vous parler de Monsieur Haye.

La femme se retourna et haussa la voix.

— Ludovic ! Ce sont deux messieurs de la police qui veulent te parler.

— Vous voulez dire que Monsieur Haye est ici ?

— Bien sûr. Où voulez-vous qu’il soit.

Une porte s’ouvrit. Un homme, grand, vêtu d’un costume de coupe parfaite, se trouvait dans l’encadrement.

— Je crains, Monsieur, qu’il n’y ait confusion, s’excusa immédiatement le commissaire.

— Je suis Ludovic Haye, ambassadeur de France honoraire. Pouvez-vous m’expliquer ce qui vous amène.

— Monsieur. Il y a eu ce matin sur le cours des Cinquante-Otages une fusillade. Et… il se trouve qu’avec une information qui nous a été communiquée, nous avons un temps imaginé que vous puissiez être la victime.

— Ah c’était donc cela tout ce bazar !

— La victime est une personne d’un mètre quatre-vingts environ. Elle était habillée d’un costume. Ce signalement était assez plausible. Vous arrive-t-il de passer sur le cours entre 7 heures et 7 h 30 ?

— Oui, je me rends tous les matins à cette heure acheter la presse nationale avant le petit-déjeuner. J’ai toujours été un lève-tôt.

Les deux policiers n’eurent qu’à prendre congé en renouvelant leurs excuses à Monsieur l’ambassadeur. En descendant le magnifique escalier en colimaçon de cet immeuble, Alexandre Roullin tapait de rage sur la rampe. Non seulement l’information donnée par la boulangère était crédible, mais il fallait tout reprendre à zéro. À cet instant, un SMS envoyé par l’un des enquêteurs fit vibrer son téléphone. « Victime décédée à 11 h 45 ». Mais alors, qui donc ?

Et que faire ? L’ADN parlerait-il ? Attendre qu’on signale une disparition ? Un règlement de compte ? Pour quelle raison ? L’ensemble de l’équipe de la PJ venait de perdre une matinée. Elle disposait de beaucoup d’indices. Des images de la victime, de l’utilitaire. Et pour l’instant, rien.

Sur les coups de midi, il y avait foule dans les rues. Depuis que la ville avait su s’imposer sur le marché du tourisme, des milliers de visiteurs se pressaient ici chaque été. Tant aux Machines de l’île, qu’au château des ducs, dont le musée avait été entièrement refait. Nantes ne se vidait plus à cette période de l’année comme autrefois. Période bénie des automobilistes où on suspendait même le stationnement payant.

Louise Coulomb et ses collègues avaient ce jour décidé de profiter exceptionnellement de la pause méridienne à une terrasse de la place du Pilori. Ils et elles étaient cinq et optèrent pour la pizzeria. Les événements du matin continuaient d’être au centre de la discussion. À midi, les informations de France Bleu n’apportaient rien de plus que l’on ne sut déjà.

— C’est quand même drôle ce dispositif, fit remarquer Louise. Ça me rappelle ce qu’on voit à la télé quand il y a un attentat.

— Ou plus simplement un règlement de compte à Marseille, l’interrompit son collègue Daniel.

— Oui, mais l’un ou l’autre, moi je te dis que c’est grave. J’ai regardé tout à l’heure sur les sites internet des journaux locaux, il y avait bien des articles mais personne ne savait dire la raison exacte de tout ce chambardement.

Ses collègues firent remarquer avec humour à Louise qu’elle avait peut-être manqué sa vocation et qu’elle aurait dû passer le concours d’entrée dans la police plutôt que celui de secrétaire dans une collectivité locale.

Le patron de la pizzeria s’appelait Luigi. Absolument rien d’original. Mais de ce prénom il jouissait à dessein et il s’était même inventé le petit accent qui va avec. Parce que Luigi s’appelait plus bonnement Louis et que ses copains se demandaient même s’il avait un jour mis les pieds en Italie. Ce que l’intéressé contestait formellement… présentant des photos de lui faites au marché de Vintimille, à quelques kilomètres de la frontière française. Ce gamin tout ce qu’il y a de plus nantais avait grandi sur la butte Sainte-Anne, à deux pas de l’église, du club des Garennes et de la terrasse qui dominait le port.

Il avait ouvert sa pizzeria quinze ans plus tôt et au fil du temps, l’établissement était devenu le point de ralliement du quartier. Fin cuisinier, il n’avait jamais aimé les pizzas et la mention « restaurant italien » au-dessus de la porte aurait été plus appropriée.

Mais on ne venait pas chez Luigi que pour le tiramisu, on y venait aussi pour les potins. Comme tout le monde se croisait ici, le « taulier » savait presque tout. Occasion rêvée pour Louise Coulomb de tenter sa chance.

— Dites-donc Luigi, c’est quand même plus calme que ce matin dans le centre.

— À qui le dites-vous, ma petite dame. Ils ont tout bloqué. Il paraît que ça a pétaradé de partout vers 7 h 30.

— Ah bon, répliqua Louise, l’air faussement effarouché. Vous en savez plus ?

— Une fusillade à ce que m’a dit un client. Des gars qui seraient sortis d’une camionnette et qui auraient abattu quelqu’un sur le trottoir. Heureusement, il n’y avait pas grand monde à ce moment-là. J’ai une serveuse qui habite juste à côté. Elle a été réveillée par tout ce bruit.

Enfin au courant, Louise n’en signerait que plus joyeusement ses actes d’état-civil à la mairie.

Dans la salle de repos de la PJ, le commissaire Roullin et son équipe s’étaient eux aussi accordé une heure de pause avant de remonter au créneau. Le message avait été passé à l’accueil : le prévenir si quelqu’un signalait une personne disparue. C’était sans doute la seule piste pour l’instant. Restait à travailler sur l’utilitaire.

— Ton témoin de ce matin, on pourrait l’entendre à nouveau, et dès cet après-midi ?

La question du commissaire à son lieutenant reçut une réponse immédiate.

— Oui ! Je pense. Je vais l’appeler.

Une heure plus tard, il s’asseyait dans le bureau des enquêteurs.

— Bon, autant vous le dire tout de suite, sur la victime, nous n’avons pour l’instant rien de plus que ce que vous nous avez dit ce matin et il n’y a pas eu de disparition signalée. Ce qui a changé, c’est que le gars est mort. Votre témoignage est donc important. On va s’intéresser surtout à la camionnette pour retrouver cette équipe.

— C’est que moi, je crois que je vous ai tout dit ce matin.

Le commissaire lui mit sous les yeux les photos de la vidéo-surveillance.

— C’est bien celle-là ?

— Oui. Pas de doute là-dessus.

— L’image n’est pas très nette. Est-ce qu’il n’y aurait pas des détails qui pourraient nous échapper ?

— Je réfléchis… Vous avez une vue de l’arrière ?

— Oui, mais prise de trop loin.

— Il y a juste un truc que j’ai remarqué. Un détail peut-être. Il y avait un autocollant de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes sur la porte arrière. Mais ça n’est peut-être pas important.

— Tout est important Monsieur. Mais vous savez, les autocollants des anti-aéroport NDDL, il en reste des milliers sur les bagnoles, même si le projet est maintenant définitivement enterré.

— Et puis, je ne sais pas si vous le voyez sur vos images, mais quand le conducteur a accéléré à nouveau, ce camion a dégagé un beau panache de fumée noire. Je pense qu’il ne doit pas passer à l’anti-pollution.

— Rien de plus ?

— Non, je ne vois pas.

Il était 18 heures, l’heure du journal du soir de France Bleu Loire-Océan.

— Présenté ce soir par Pierre Leduc, le lança l’animateur de la tranche précédente.

— Bonsoir ! Au sommaire, une étrange fusillade dans les rues de Nantes ce matin peu après sept heures, le nouveau busway nantais a séduit aujourd’hui ses premiers passagers, des transferts toujours dans l’air au FC Nantes ; notre partie magazine sera consacrée aux marais salants de Guérande.

Alexandre Roullin avait garé sa voiture de service pour écouter les infos sur son téléphone. Et oui, sa vieille guimbarde de service ne lui permettait pas ce luxe. Les écouteurs sur les oreilles, il attendait avec impatience ce qu’allait bien pouvoir dire le journaliste. « Ils ne doivent pas avoir beaucoup d’infos » imaginait le commissaire. Les sites web des deux quotidiens locaux étaient restés discrets toute la journée.

Djingle. Pierre Leduc enchaîna après les titres. Leduc faisait partie des meubles à la radio. Il était arrivé là au lancement de la station dans les années quatre-vingts. Et n’en avait pas bougé. Il avait vu passer des dizaines de confrères et consœurs, partis ensuite dans les autres stations locales, voire pour certains à la Maison ronde du quai Kennedy à Paris. Lui était toujours là par choix. Passé par tous les domaines. Sports et faits divers. Des journalistes polyvalents, ils appellent ça. Tu fais du son, tu fais de l’image et en prime tu écris parce qu’il y a un site internet à nourrir en flux tendu. Bien loin de ce temps où tu partais en reportage avec le Nagra3, où tu pouvais prendre le temps de monter ton reportage.

Pierre Leduc donc.

— Il était 7 h 15 ce matin sur le cours des Cinquante-Otages à l’angle de la rue Armand-Brossard à Nantes quand une fusillade a éclaté. Un homme qui marchait sur le trottoir a été pris pour cible par deux individus circulant dans une camionnette blanche dont les plaques d’immatriculation avaient été cachées. Selon des témoins, la porte latérale de ce véhicule se serait ouverte permettant à l’agresseur d’engager le tir. Plusieurs douilles ont été retrouvées sur la chaussée. La victime a été rapidement prise en charge pour les secours. Grièvement blessé, cet homme d’une soixantaine d’années et de grande taille a été conduit au CHU où il est décédé peu avant midi. Ce soir, il n’a toujours pas été identifié par les policiers et aucune disparition n’a été signalée. Les hommes du commissaire Roullin de la police judiciaire sont dans le néant absolu. Cette enquête s’annonce donc difficile. Je vous propose d’entendre quelques réactions des habitants de ce quartier…

Alexandre Roullin arracha les écouteurs de ses oreilles. Mais merde, comment il a pu avoir toutes ces informations. Le lieutenant Pierre Olivier, qui avait également écouté, le rassura aussitôt.

— Faut voir le bon côté. Ça va peut-être nous amener des signalements pour accélérer l’enquête.

— Tu le connais ce journaliste qui est au courant de tout ?

— Oui. Un mec sérieux. Jamais eu d’embrouille avec lui. Il déteste le sensationnel. Soyez rassuré. Il ne nous mettra pas de bâtons dans les jambes. Par contre, avec lui, c’est donnant-donnant. Il faut en lâcher un peu et surtout ne pas le prendre pour une buse.

— T’es où là Olivier ?

— Je suis revenu sur le cours. Voir s’il ne reste pas quelques indices qui nous auraient échappé ce matin.

— Je suis à deux pas de la place Royale. On va se boire une bière à la taverne pour faire le point.

3. Le Nagra était le magnétophone de reportage des journalistes de radio. Fiable, mais lourd à s’en démonter l’épaule.