Meurtres parfaits à Tours - Gilles Martin - E-Book

Meurtres parfaits à Tours E-Book

Gilles Martin

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Beschreibung

Les histoires de famille ne sont pas toujours évidentes à gérer. Qu'en est-il lorsqu'il semble y avoir des meurtres au sein de cette même famille ?
Un homme dont le père est décédé quelques mois plus tôt fait part au lieutenant Joss Maroni, de la PJ de Tours, de ses doutes sur le caractère naturel de cette mort, allant jusqu’à soupçonner sa belle-mère...
Suite à la plainte déposée, Joss rouvre l’enquête et va se trouver confronté à un véritable imbroglio d’évènements mettant en cause plusieurs personnes de la famille et de l’entourage proche de celui qui n’est tout d’abord qu’une victime présumée. L’épouse mise en cause sera elle-même une victime collatérale de deux autres décès dans son entourage. L’enquête se révèlera d’autant plus difficile qu’il semble que certains faits ont été sciemment dissimulés à la demande, en sous-main, de son grand-père, personnage influent, ancien garde-des-sceaux en exercice à l’époque des deux décès les plus anciens.
Une enquête familiale sous la plume sans pitié de Gilles Martin !


À PROPOS DE L'AUTEUR


Gilles Martin est né à Paris en 1952, mais vit en Touraine depuis une quarantaine d’années. Parfait autodidacte, après dix ans passés dans un bureau d’études spécialisé dans la protection incendie, il fait carrière dans l’industrie du bois. Il devient le responsable en approvisionnement de grumes de peuplier des différentes usines d’un important groupe leader dans l’emballage fromager, avant de terminer sa vie professionnelle comme diagnostiqueur immobilier. À la retraite, il se lance dans l’écriture de romans policiers. En 2015, il est le lauréat du concours « Mon premier manuscrit » du Chapiteau du Livre de Saint-Cyr-sur-Loire.

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Gilles Martin meurtres parfaits à tours

Une nouvelle enquête de Joss Maroni

DU MÊME AUTEUR

aux éditions Incunables

– CATACLYSME (épuisé)

(Prix du concours « MON PREMIER LIVRE »du Chapiteau du Livre en 2015)

aux éditions Le Geste Noir

Les enquêtes de Joss Maroni

–Semaine de canicule à Tours(2018)

– Drame conjugal à Tours(2020)

© – 2021 – 79260 La Crèche

Tous droits réservés pour tous pays

Préambule

Cela faisait maintenant deux mois que la belle Julie avait emménagé avec le beau flic du commissariat de Tours. Julie avait quitté Saumur pour venir s’installer à Tours avec le motard qu’elle avait rencontré quelques mois plus tôt. Julie et Josselin étaient des passionnés de moto et tous les deux des « Ducatistes » convaincus, ils possédaient l’un et l’autre une « Monster ». Ils s’étaient rencontrés au mois de juin lors d’une concentration de motos. Comme souvent lors de ces rassemblements, le plateau était constitué par toutes sortes de machines. Ce jour-là, la concentration n’étant pas à thème, la majorité des motos étaient japonaises, une dizaine d’allemandes et une poignée d’anglaises leur tenaient tête, mais exceptionnellement, ils n’étaient que deux à chevaucher des bécanes transalpines. Les deux motos italiennes étaient un peu isolées au milieu des autres machines européennes et de la multitude de nippones. Les deux « Ducatistes », n’appartenant pas à un club, étaient venus seuls, chacun de leur côté. Les deux pilotes de roadsters rouges s’étaient donc instinctivement rapprochés et avaient beaucoup apprécié de rouler ensemble. Le dimanche soir la séparation sembla difficile aux deux tourtereaux et devint vite impossible, Josselin passa la nuit à Saumur chez Julie et ne rentra sur Tours que le lendemain matin. L’aiguillon lancé par Cupidon les avait touchés tous les deux en plein cœur. Ils se revirent rapidement une deuxième fois puis une troisième et encore une autre puis de nouveau une autre, leurs rencontres étaient de plus en plus rapprochées et la distance séparant Saumur de Tours devenait un handicap. Durant le mois d’octobre, Julie prit la décision de chercher du travail à Tours. La jeune femme était clerc de notaire, elle trouva assez facilement un nouveau job. Elle prit ses nouvelles fonctions le 2 janvier dans une étude notariale du boulevard Béranger. Un appartement de trois pièces s’était libéré dans l’immeuble où Josselin louait un petit meublé, rue de Clocheville, tout près de l’Hôtel de police. Les deux tourtereaux y emménagèrent entre Noël et le 1er janvier. Joss avait posé quelques jours de congé pour l’occasion et s’était initié aux joies du bricolage en compagnie du père de Julie et d’Alain, le mari d’Émilienne, sa copine et sa chef au commissariat. La crémaillère avait été plantée le soir du réveillon de la Saint-Sylvestre, même madame Maroni, la mère de Joss avait fait le déplacement de Vannes où elle résidait. Depuis, Julie et Josselin – pas Joss car Joss c’est le flic, pas le chéri de Julie – découvraient la vie de couple, apparemment tout se passait bien.

Au commissariat, c’était la rengaine habituelle. Le groupe de Joss s’occupait simultanément de trois enquêtes : une pour vol à main armée et prise d’otage dans une bijouterie du centre-ville, une pour suspicion de viol sur mineur et une pour agression et viol d’une touriste japonaise. Pour cette dernière, les auteurs des faits venaient d’être appréhendés et remis au juge d’instruction. Joss devait superviser toutes ces affaires et passait de l’une à l’autre, il éprouvait une certaine nostalgie du temps où il enquêtait seul. Quant à Émilienne, elle découvrait de jour en jour toute la paperasserie administrative liée à ses nouvelles fonctions de chef de la brigade criminelle de la Police judiciaire de Tours (voir DRAME CONJUGAL À TOURS) et commençait à regretter le terrain. Quant au commissaire Albert Dumont, il n’avait pas obtenu sa promotion tant désirée au ministère et était de nouveau en chasse d’une nouvelle affectation plus gratifiante. En attendant une meilleure aubaine de promotion pouvant combler ses ambitions, le big boss avait posé quelques jours de congé et se prélassait sous le soleil de la Guadeloupe.

Chapitre I Samedi 2 mars 2019

L’hiver semblait avoir laissé place au printemps, le soleil avait brillé toute la semaine et le mercure avait même, certains après-midis, allègrement dépassé les vingt degrés. Bien que le ciel soit moins lumineux ce matin-là, les deux tourtereaux avaient profité de ce temps clément pour aller se balader en chevauchant leurs machines favorites. Ils avaient quitté Tours un peu avant 11 heures en direction de l’ouest. En chemin, du côté de Chinon, Julie proposa à Josselin d’aller déjeuner chez ses parents à Loudun où ces derniers étaient garagistes. Elle ne fut même pas surprise qu’il adhère à cette idée sans rechigner, elle avait trouvé enfin le bon compagnon. Julie connaissait le passé solitaire de son chéri et elle appréhendait un peu ce fait. Pour Julie la famille c’était important, il fallait que son ami l’accepte afin que cette relation perdure et de ça, elle en avait vraiment envie. Au passage du rond-point de la Roche-Clermault quelques irréductibles « gilets jaunes » admirèrent le passage des deux « Ducati », ils applaudirent quand Julie leur fit un signe de la main. Après le repas, les deux amoureux quittèrent Loudun en direction de Saumur et rentrèrent sur Tours en fin d’après-midi, ils étaient attendus pour le dîner chez la famille Bertaut. Émilienne recevait sa vieille copine de lycée et de l’École Nationale Supérieure de la Police (ENSP) Francette Tissot. Joss avait bien connu le lieutenant Tissot lors de sa mission d’infiltration dans la cité phocéenne. Mamie Francette, comme il aimait l’appeler, lui avait en quelque sorte sauvé la vie en tirant le signal d’alarme, bien que n’étant pas son agent traitant. Joss aurait certainement sombré dans l’alcoolisme et la drogue si Mamie Francette n’était pas intervenue. Il était infiltré depuis une vingtaine de mois et s’était fondu dans le paysage marseillais, plus personne ne faisait attention à cet inoffensif marginal SDF qui errait au gré du vent, de quartier en quartier. En réalité Joss était piloté par son référent, un agent des stups, à qui il fournissait beaucoup de renseignements. Les trafiquants connaissaient bien le jeune SDF et ne faisaient plus attention à lui, ils lui confiaient même quelque fois des missions de surveillance. Joss faisait du très bon boulot et son superviseur était tellement enthousiasmé qu’il ne s’aperçut pas qu’il était en train de sombrer. Mamie Francette, à l’époque lieutenant aux stups de Marseille, connaissait Joss et avait comme lui le pouvoir de lire sur les lèvres. Cette faculté était très pratique pour communiquer des informations, il n’y avait pas besoin de rendez-vous hasardeux, le fait que Joss et le lieutenant Tissot se trouvent à quelques mètres suffisait pour établir le contact. Le soir, en cas d’urgence imprévue, Joss pouvait se tenir devant une caméra de surveillance de la ville et énoncer à voix basse le message qu’il voulait faire passer, personne ne prêtait attention au « pochetron » qu’il représentait et qui parlait seul. Le gardien de permanence devant les écrans de contrôle faisait automatiquement remonter la vidéo au service des stups, où Mamie Francette était appelée en urgence pour traduire les paroles de Joss. Ceci était une autre époque, le lieutenant Francette Tissot avait pris du galon et quitté les stups. Elle venait d’être nommée commandante et était en charge de la brigade des mineurs de Marseille. Une de ses premières enquêtes l’avait conduite au démantèlement d’un réseau national de trafic d’enfants en provenance d’Asie Mineure. C’était pour cette raison qu’elle était citée à témoigner au procès du chef du réseau, à Paris dans le nouveau Palais de justice des Batignolles. Le procès devait s’ouvrir le lundi 4 mars, Mamie Francette avait profité de l’occasion, elle avait quitté Marseille le vendredi pour venir passer le week-end à Tours chez sa copine Émilienne.

Les deux « Ducati » arrivèrent rue du Pas-Notre-Dame dans le quartier de Saint-Symphorien peu après 19 heures et s’arrêtèrent devant le pavillon des Bertaut. La grille étant ouverte, ils pénétrèrent dans le jardin, jusque sous le balcon où ils stoppèrent les moteurs de leurs machines. Les nouveaux arrivants mettaient leurs motos sur béquille, quand ils furent accueillis par Olivier, le fils de la maison. Attiré par le bruit mélodieux des pots d’échappement italiens, il s’était précipité à l’extérieur de la maison. Il voulait absolument voir Julie et sa superbe bécane car il ne connaissait ni l’une ni l’autre. Olivier était un jeune homme qui venait d’avoir dix-huit ans depuis le 15 décembre. Il roulait encore en scooter et idolâtrait Joss et sa « Monster ». Quand il apprit que son idole avait une copine qui roulait également en « Monster » une « S2R », le garçon était devenu fou. Il voulait absolument connaître les deux splendeurs que Joss avait accrochées à son palmarès. Il fut d’abord enthousiasmé par la moto, puis complètement époustouflé par celle qui la chevauchait et qui venait d’ôter son casque intégral. Il faut dire que Julie avait tout pour envoûter un jeune homme de dix-huit ans, d’autant plus que son cuir la moulait parfaitement.

— Bon… bonjour mada… mademoiselle !

Si Julie, plus habituée que son compagnon à ce genre de réaction, resta impassible et tout aussi décontractée, Joss ne put s’empêcher de sourire fortement en voyant et en entendant le garçon.

— Bonjour ! Je suppose que tu es Olivier ?… Moi c’est Julie ! dit-elle en se penchant pour faire la bise au jeune homme.

Olivier fut sauvé par son père qui se pointa à ce moment précis et qui entraîna Julie vers l’arrière de la maison. Il fut soulagé en voyant s’éloigner cette créature magnifique qui l’avait troublé et qui venait de l’embrasser, il savait que si elle était restée là, auprès de lui, il aurait été stupide. Il la regarda s’éloigner et se retourna vers Joss.

— Waouff ! La meuf !… Et la bécane ! Waa… ! Comment tu fais Mec ?

Joss dut calmer le fils d’Émilienne qui finit par revenir sur terre. Il traversait une crise d’adolescence et était un tantinet exubérant. Joss le connaissait bien et lui servait un peu de grand frère. Olivier reprit ses esprits et après avoir plaisanté un petit moment avec le collègue de sa mère, il enfourcha son scooter et partit retrouver ses copains.

Quand il pénétra dans le salon, Joss remarqua que Julie s’était déjà changée. Elle avait retiré le haut de son cuir et avait enfilé une tunique rose assez ample qui lui allait à ravir, elle avait également troqué ses bottines pour des escarpins vernis. Elle avait apporté la touche finale à sa métamorphose en se parant de volumineuses boucles d’oreilles assorties à son collier. Elle avait tout amené dans son sac à dos et s’était rapidement transformée de motarde en femme de salon dans la salle de bain des Bertaut.

Une tape sur l’épaule fit se retourner Joss, il se retrouva nez à nez avec Mamie Francette. Les deux complices marseillais ne s’étaient pas revus depuis plusieurs années, ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre. Mamie Francette n’avait pas trop changé, son visage était aussi ridé et bronzé que par le passé, mais ses petits plaisirs quotidiens : le pastis, les navettes, les pieds paquets et la bouillabaisse avaient continué leur travail. La bonne vivante marseillaise devait avoir pris encore quelques kilos. Bien qu’elle soit du même âge, Mamie Francette faisait beaucoup plus vieille qu’Émilienne, les deux femmes ne se quittant pas, Joss put aisément le constater et en déduisit que c’était certainement la raison pour laquelle son ancienne complice était toujours célibataire.

Olivier étant parti rejoindre ses copains, ce fut sa sœur Camille qui vint le remplacer auprès de Joss. Son petit copain, un certain Jean-François que Joss avait rencontré deux ou trois fois, était interne à l’hôpital Trousseau et était de garde pour le week-end ; Camille avait donc prévu de passer la soirée en famille. Pour elle aussi, bien qu’elle soit deux ans plus âgée qu’Olivier, Joss était une sorte de grand frère. Juste avant le dîner, alors que tout le monde semblait occupé – les deux copines d’école regardaient de vieilles photos assises sur le canapé – Alain et Julie s’étaient réfugiés dans la cuisine leur milieu de prédilection à tous les deux – Camille fit signe à Joss de venir s’asseoir à côté d’elle dans un coin de la pièce.

— Il faut que je te parle ! annonça Camille sur un ton très sérieux qui interpella Joss

— Tu as un souci ?

— Non pas moi !… Mais David le futur mari d’Alice, tu connais ma copine Alice ?

— Oui bien sûr !… La future kiné. Qu’est-ce qu’il lui arrive ?

— Le père de David est décédé le 10 octobre.

— Le 10 octobre ?… Un mercredi je me souviens.

Joss s’était exprimé spontanément et il semblait très naturel qu’il se souvienne sept mois plus tard que le 10 octobre fut un mercredi. En réalité il se souvenait que c’était le 10 octobre que Jean Devose était décédé, l’enquête était à peine terminée et il venait juste de classer l’affaire (voir DRAME CONJUGAL À TOURS).

— C’est exact ! ne put que confirmer Camille, pas au courant de l’enquête précédente, mais très impressionnée par la précision du collègue de sa mère. Tu as un calendrier dans la tête ?

Joss venait encore d’étonner Camille, c’était son côté naturel et désinvolte qui enthousiasmait les enfants d’Émilienne.

— Quel est le problème ? répondit Joss, sans explication, laissant Camille à ses interrogations.

— Bien !… David a des doutes sur la cause de la mort de son père.

— Comment ça des doutes ?

Joss parut subitement très intrigué. Il connaissait bien Camille et savait que la jeune femme ne lui aurait pas parlé de cette histoire sans y avoir réfléchi longuement et sans avoir la certitude que les doutes de son ami David étaient plausibles.

— Il pense que sa mort n’est pas naturelle et que quelqu’un l’a assassiné.

— C’est grave comme accusation !… Mais s’il est sûr de lui, il faut qu’il dépose une plainte, qu’il fasse part de ses doutes et qu’il expose les faits qui l’amènent à cette conclusion.

— Tu pourrais lui expliquer ?

— Oui, aucun problème !… Dis-lui de m’appeler, je verrai s’il a raison d’affirmer de telles choses et je le conseillerai !… Comment est-il mort exactement ce monsieur ?

— Il est mort d’une crise cardiaque chez lui, rue d’Entraigues.

— Tu connais son prénom et son nom ?

— Pierre !… Pierre Rousset !

— Et que faisait-il ?

— Il avait monté une entreprise de plats cuisinés avec sa première femme qui est décédée dans un accident de voiture il y a une dizaine d’années.

— Il s’était remarié ?

— Oui, en 2015.

— Que fait sa seconde épouse ?

— Elle travaille dans l’entreprise de son mari.

— Et ton copain David, il s’entend bien avec elle ?

— Oui !… Il la connaît depuis longtemps. C’était une copine de sa sœur !

— De sa sœur ?… Mais quel âge avait ce monsieur Rousset ?

— Une soixantaine d’années.

— Et sa deuxième femme ?

— Je ne sais pas exactement, mais David aura vingt-sept ans vendredi prochain. Sa sœur est plus âgée, elle doit avoir quatre ans de plus je crois.

— Soit trente-et-un ans !… La seconde madame Rousset aurait le même âge ?

— Oui, elle était beaucoup plus jeune que son mari, c’est normal puisque c’était une amie de sa fille.

Camille ne semblait pas choquée par cette situation, Joss n’y voyait pas d’inconvénient mais était légèrement surpris par la tolérance de la fille d’Émilienne. Elle avait certainement raison, personne n’avait le droit de juger ce couple, sauf si ce mariage cachait une escroquerie ou un crime.

— Bien !… Que ton ami David m’appelle, j’écouterai ce qu’il me racontera !… Je suppose que tu n’en as pas parlé à ta mère ?

— Bien sûr que non ! Je pense que tu serais déjà au courant !

— Évidemment !… Tu sais que si David va au bout de ses convictions, elle sera forcément au courant.

— Je compte sur toi pour lui expliquer que je n’ai pas voulu l’embêter avec cette histoire.

— Bien sûr !… Mais moi, ça ne te gêne pas de m’embêter ?

— Si ça t’embête, tu le dis !… Je ne dirai pas à David de t’appeler ! répondit Camille avec un sourire espiègle.

— Tais-toi et vas voir à la cuisine si c’est bientôt prêt, je commence à avoir la « dalle ».

L’instinct de Joss lui laissa penser que ce coup de téléphone allait l’entraîner dans une nouvelle enquête.

Chapitre II Lundi 4 mars 2019

La pluie avait fait son retour dans la soirée du dimanche, elle précédait la tempête « Freya » qui traversa la France dans le courant de la matinée. Le département d’Indre-et-Loire avait été placé en vigilance orange, des vents en rafales jusqu’à 90 km/h soufflaient sur la ville quand les tourangeaux se réveillèrent ce lundi pour aller travailler. Sur le chemin du commissariat, Joss slaloma entre les poubelles vides qui avaient été renversées et bousculées par le vent. Il atteint sans autre encombre l’Hôtel de police. Il plaisanta quelques secondes avec le planton avant de gravir l’escalier jusqu’au premier étage où le groupe Maroni occupait trois bureaux. Comme pratiquement tous les matins, il était le premier arrivé.

Joss aimait savourer ces premières minutes de la journée, seul dans son bureau et pratiquement seul à l’étage entièrement dédié à la brigade criminelle de la PJ tourangelle. Un membre de l’autre groupe, le brigadier-major Léopold Vigent, le second du groupe Fontenel, était comme lui, toujours le premier arrivé, juste quelques minutes avant ses collègues. Bien qu’ils ne se soient jamais concertés, les deux hommes respectaient chacun l’intimité de l’autre, ils ne se disaient bonjour que plus tard dans la matinée, quand ils se croisaient. Ce n’était pas qu’ils ne s’appréciaient pas, au contraire ils aimaient se donner des coups de main quand il le fallait, ils aimaient plaisanter ensemble ou aller boire un pot, mais ces premières minutes de la journée c’était leur instant personnel, ils le respectaient tous les deux. Ces cinq à dix minutes au plus étaient le meilleur moment de la journée pour faire une synthèse rapide et prendre les décisions qui s’imposaient. Si généralement aucun bruit ne perturbait cette cogitation, il n’en était pas de même ce lundi ; le vent sifflait en balayant la façade et faisait vibrer ou claquer toutes sortes de choses. Joss ne fut pas perturbé dans sa réflexion par les craquements bizarres qui provenaient du mur derrière lui. Il venait de décider qu’il allait se renseigner sur ce Pierre Rousset avant que David, son fils, ne l’appelle.

Les premiers de la troupe commencèrent à envahir l’espace. Ce fut d’abord Fred puis les filles Cathe et Toinette, enfin Greg et Émilienne, suivis par Fontenel.

— Salut tout le monde !… Ça souffle drôlement fort dehors. Émilienne, peut-on faire le briefing tout de suite ? Je viens d’avoir Marchand, avec ce temps tous nos oiseaux sont au nid, c’est le moment d’aller les cueillir !… Joss, si tu as des bras de disponibles, ils seront les bienvenus !

L’auteur de ces paroles était le capitaine Paul Fontenel qui n’était toujours pas parti à la retraite, il venait de repousser une nouvelle fois sa date de départ. Son groupe était sur une affaire de vol en bande organisée. Une fratrie de trois garçons et une fille mettaient en pratique leurs talents d’acrobates pour aller visiter les appartements, en l’absence de leurs occupants. Ils escaladaient les façades pour s’introduire dans les logements, ou passaient par les toits. Il avait été difficile de tous les identifier, ils travaillaient cagoulés, individuellement ou simultanément, ou par groupes de deux ou trois, ou tous les quatre en même temps. Quand une personne était malheureusement présente dans l’appartement dans lequel ils venaient d’entrer par effraction, ils n’hésitaient pas à neutraliser violemment leur victime.

Le briefing fut vite expédié, les affaires ayant éclaté pendant le week-end n’étaient pas encore redescendues de l’étage directorial.

Fred, Toinette et Greg n’hésitèrent pas à fournir leurs bras à Fontenel. C’était au tour de Cathe d’assurer la permanence, quant à Joss il en profita pour commencer ses recherches sur ce monsieur Rousset.

Il retrouva assez facilement un rapport d’intervention indiquant que le 10 octobre 2018 les pompiers et le SMUR étaient intervenus à 20 heures 35 au domicile de monsieur et madame Rousset, rue d’Entraigues à Tours, la plus longue rue de la ville. L’appel était parvenu au centre de réception et de régulation des appels du SAMU (15) à 20 heures 21. Une femme demandait de l’aide, son mari venait de tomber inanimé. Une ambulance des pompiers et une voiture du SMUR avec un médecin urgentiste se rendirent sur place. Le fourgon du quart fut également diligenté rue d’Entraigues afin d’assurer la circulation. Arrivé sur place à 20 heures 50, le médecin constata que monsieur Rousset était allongé sur le sol au milieu du salon, Il ne respirait plus, un couple lui pratiquait un massage cardiaque. À 21 heures 50, toutes les tentatives de réanimation ayant été vaines, le médecin déclara la mort de monsieur Pierre Rousset par arrêt cardiaque. Selon les personnes présentes : madame Sophie Rousset, monsieur et madame Ceron, des amis du couple et maître Santonier avocate de la victime monsieur Rousset s’était plaint toute la journée. Il avait déclaré à plusieurs reprises qu’il ne se sentait pas bien et qu’il avait très mal aux épaules. Il venait de traverser une période difficile professionnellement, il pensait que cela l’avait miné mais que tout allait s’arranger à partir de maintenant avec les nouveaux arrangements qu’il venait de conclure, avait-il affirmé aux personnes présentes. Toutes confirmèrent que la victime avait avalé, durant la journée, plusieurs gélules de Lamaline. Gélules qu’il avait sur lui, stockées dans un pilulier. Le docteur Gaby Arakélian du SMUR, présent sur place, délivra le certificat de décès.

Joss en était là quand Cathe passa la tête par la porte toujours ouverte entre les deux bureaux. La jeune femme avait en charge l’enquête sur la suspicion de viol sur mineur.

— J’ai le rapport de la psy qui a analysé le petit Anton !… Il y a pas de doute, pour elle le pauvre gamin a bien été violé, mais il ne veut pas dire par qui et où !… Quand la psy aborde le sujet avec lui, il ne prononce que le nom de son « doudou », Jami un petit ours en peluche.

Joss eut une pensée pour Mamie Francette, elle leur aurait bien rendu service dans cette affaire si elle n’avait pas pris le TGV de 7 heures 04 en direction de Paris le matin même.

— Le gamin est en sécurité, tu convoques les parents ! ordonna Joss

Lors de la visite médicale scolaire d’avant six ans, le médecin de la PMI (Protection Maternelle et Infantile) constata des traces de sang dans le slip du petit Anton. Après avoir interrogé et examiné l’enfant de cinq ans-et-demi, le médecin suivit les recommandations du Conseil national de l’ordre des médecins. Il fit hospitaliser le petit bonhomme et signala le fait au procureur de la République. Le procureur chargea la brigade criminelle de la PJ de Tours d’enquêter. Joss récupéra l’enquête le vendredi 1er mars en fin de matinée, il était un peu embarrassé, il se sentait démuni dans les enquêtes concernant des sévices sur enfant. Émilienne lui conseilla de confier le dossier à Cathe.

Quand Cathe disparut dans son bureau, Joss essaya de se replonger dans ce qui le préoccupait avant l’intervention de sa collègue. Il eut du mal à y parvenir, le visage du petit Anton lui envahissait l’esprit. Il réussit à se concentrer à nouveau sur Pierre Rousset et apprit qu’il était le PDG d’une société nommée « les petits plats rabelaisiens » dont le siège se situait dans la zone industrielle du Menneton, à l’ouest de la ville, en bordure du Cher. Cette société était spécialisée dans la fabrication de plats individuels lyophilisés ou surgelés. La société avait ouvert plusieurs points de vente, elle était présente dans la région Centre et en Ile-de-France ainsi que dans la région des Pays-de-Loire. Le site de l’entreprise vantait l’originalité des plats proposés, l’heure de déjeuner approchant, Joss se mit à saliver.

— Qu’est-ce que tu regardes ?… Tu as l’air bien attentionné.

C’était Émilienne qui passait dans le couloir, Joss fut sauvé non pas par le gong mais par la sonnerie de son portable. Émilienne ne s’attarda pas et continua son chemin en direction de son propre bureau. Le numéro était inconnu de Joss, il porta l’appareil à son oreille.

— Lieutenant Maroni, j’écoute !

— Bonjour lieu.., lieutenant, je…, je suis David Rousset, le futur mari de la copine de Camille.

Le jeune homme paraissait très impressionné, il n’avait encore jamais parlé à un flic dans l’exercice de ses fonctions, seulement une ou deux fois à des gendarmes lors de contrôles routiers.

— Salut David !… Eh bien je vous écoute David, racontez-moi ce qui vous tracasse !

Après un court moment de silence, le jeune homme se lança.

— Mon père est décédé le 10 octobre dernier et je pense que quelqu’un l’a tué !

— Il faut être plus précis David, c’est lourd de conséquence ce que vous venez de dire. Vous avez des preuves qui vous permettent de l’affirmer ?

— Mon père est soi-disant décédé d’une crise cardiaque !… Il venait de faire un bilan complet chez son ami le docteur Maréchal, avec prise de sang, test d’effort, électrocardiogramme et échographie cardiaque, il était en pleine forme. Il nous l’a confirmé le 1er octobre à ma sœur et à moi quand nous nous sommes retrouvés tous les trois sur la tombe de ma mère, comme tous les ans le jour de son anniversaire.

— Cela n’est pas une preuve, tous les médecins vous le diront !… Un accident cardiaque peut être imprévisible.

— Je sais, le docteur Maréchal me l’a expliqué. Mais ce n’est pas tout !… Ma belle-mère a exigé que mon père soit incinéré, alors qu’il avait toujours dit qu’il désirait être enterré avec ma mère. Il nous l’avait répété encore le 1er octobre sur la tombe de Maman, il avait même ajouté : il n’y a que deux places dans ce caveau, votre mère a malheureusement pris la première, je prendrai la seconde et comme Sophie veut absolument être brûlée, l’urne de ses cendres pourra être placée avec nous à l’intérieur, nous serons de nouveau réunis.

— Il en avait peut-être reparlé avec sa femme et avait changé d’avis. Vous en avez discuté avec votre belle-mère ?

— Non, je n’ai pas pu !… La dernière fois que je lui ai parlé c’est juste après la mort de mon père, quand elle m’a appelé pour me dire qu’il venait de tomber et que les pompiers arrivaient. Après j’ai toujours eu affaire à sa mère qui est avocate à Paris. Soi-disant que Sophie aurait été énormément choquée et qu’elle avait besoin de repos, je ne sais pas où elle est… Sa mère était présente le jour du drame, c’est elle qui m’a affirmé que mon père voulait être brûlé !… Mais je ne la crois pas, il n’avait pas si vite changé d’avis, ce n’était pas dans les habitudes de mon père.

Joss se souvint avoir lu dans le rapport d’intervention, qu’il y était mentionné qu’un avocat était présent sur place au moment du décès de Pierre Rousset. il rechercha le PV tout en continuant de discourir avec David.

— Vous savez la crémation est à la mode de nos jours…

— Je sais, mais Papa ne le désirait pas !… Ce n’est pas tout, ma sœur étant absente pour son travail, je me suis décidé à aller voir seul le notaire de la famille pour savoir comment allait se passer la succession. Maître Querdolen m’a rappelé que mon père s’était remarié sous le régime de la séparation de biens et avait fait un contrat de mariage. Il m’a appris que l’hôtel particulier de la rue d’Entraigues, qu’il avait acheté après le décès de Maman avec les indemnités qu’il avait touchées suite à son accident, figurait en apport sur son contrat de mariage, mais n’était plus à son nom depuis novembre 2017. Que mon père n’était plus l’actionnaire majoritaire de la société qu’il avait créée avec ma mère et par la même occasion, qu’il n’en était plus le dirigeant. Maître Querdolen m’a spécifié que tout était passé au nom de Sophie Degrange, épouse Rousset depuis le 5 octobre 2018, pour des raisons de gestion, m’a-t-il affirmé !… Ma sœur et moi nous nous partagerons le capital et les intérêts d’une assurance vie que notre père avait souscrite en 2015, quand il s’est remarié, soit chacun douze mille euros. Julie touchera l’autre assurance vie, que mon père avait souscrite du temps de ma mère et dont le bénéficiaire est : ma femme, point barre !… Il ne l’a jamais modifiée, à quoi bon disait-il, les héritiers de ma femme sont mes enfants. Elle doit dépasser les cent mille euros !… Je pense donc que ma belle-mère est pour quelque chose dans la disparition de mon père. Elle l’a empoisonné et s’est dépêchée de faire incinérer son corps pour qu’il n’y ait pas de possibilité d’autopsie.

— Effectivement tout cela peut constituer un mobile ! Juste une précision, vous pouvez me rappeler le nom de jeune fille de votre belle-mère ?

— Sophie Degrange ! Pourquoi ?

— Pour rien, je le note au cas où !

Joss avait le rapport d’intervention affiché devant lui sur l’écran de son ordinateur, le seul avocat présent sur les lieux était maître Santonier. David venait de lui préciser que la mère de Sophie Rousset était avocate à Paris et qu’elle était présente le jour du drame, la fille ne porterait donc pas le nom de sa mère ? Détail à éclaircir nota Joss dans un coin de sa tête.

— Que faisaient exactement vos parents ?

— Ma mère était ingénieure. Elle était spécialiste de la lyophilisation des aliments dans une grosse société agroalimentaire, mon père était directeur commercial dans la même société. Ils se sont mariés, ma sœur est née, puis moi. Maman a toujours travaillé dans la même boîte, mais Papa a changé plusieurs fois de société, c’était un directeur commercial très sollicité par les chasseurs de têtes. Nous habitions dans la région parisienne et j’ai toujours entendu mes parents dire qu’ils en avaient marre de Paris, mes grands-parents maternels habitaient Crissay-sur-Manse, nous y venions très souvent quand j’étais enfant. La famille a fini par quitter définitivement Paris en 2000 pour s’installer à Tours, Nous habitions à côté de la gare et mes parents prenaient le TGV le matin pour aller travailler à Paris. En 2008, ils créèrent leur société de plats cuisinés « les petits plats rabelaisiens » et la développèrent ensemble jusqu’au 12 janvier 2013, jour où ma mère est décédée dans un accident de voiture !

— Comment est-ce arrivé ?

— C’était un samedi, le matin Maman s’était rendue au marché aux truffes de Marigny-Marmande, elle avait l’habitude d’y aller, elle y rencontrait des fournisseurs. Au retour, elle devait passer par Crissay ; sur la route entre Marigny et Luzé, dans un virage, elle a croisé un tracteur avec un chargement de bois, un des rondins est tombé de la remorque et est passé au travers du pare-brise de la voiture de Maman, pour venir la frapper en pleine tête !… Elle est morte sur le coup !

— Je suis sincèrement désolé !… Votre père s’est remarié combien de temps après ?

— Il s’est remarié en juin 2015 avec Sophie. Sophie est une amie de ma sœur…

— Quel âge a-t-elle ?

— Le même âge que ma sœur, elle vient d’avoir trente-et-un ans le 10 février !… Mon père aurait eu soixante-deux ans le 6 avril !… Ils avaient trente et un ans d’écart !… Je sais c’est beaucoup ! Mais Sophie ressemble tellement à Maman et elles étaient très complices, je pense qu’inconsciemment Papa a fait une sorte de transfert, je suis certain que dans son subconscient il continuait de vivre avec Maman !

— Comment se sont-ils connus ?

— Sophie était et est toujours la responsable des recettes des « petits plats rabelaisiens », elle avait fait des études de cuisine avant de se lancer dans le mannequinat.

— Elle a été mannequin ?

— Oui comme ma sœur !… C’est comme ça qu’elles se sont connues.