Migrations - Le Mouvement Utopia - E-Book

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Le Mouvement Utopia

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Beschreibung

La gestion des Migrations, à l'heure du changement climatique et des crises démocratiques, est un défi de plus en plus central.

Les Migrations sont à la fois une réalité et un fantasme. Elles font l’objet d’enjeux politiques plus que sociaux ou économiques et sont devenues un axe de marketing électoral. Dans un contexte de dérèglement climatique et de crises démocratiques, la gestion des Migrations va prendre une place de plus en plus centrale. D’où l’importance d’aborder la question de l’accueil sans arrières-pensées politiciennes ni démagogie. En s’appuyant sur des travaux d’experts, sur des études et des rapports d’institutions internationales et d’associations, ce livre a pour objet de déconstruire les principales idées reçues sur les Migrations et d’avancer des propositions destinées à répondre aux enjeux et défis. Comment se résigner à ce que la Méditerranée devienne un cimetière ? Notre politique migratoire, à la fois inhumaine et indigne, est aussi comme nous le démontrons dans ce livre, inefficace et coûteuse, aussi bien socialement qu’économiquement. Son impasse est totale et après des décennies d’intoxication idéologique, c’est à un véritable renversement de perspective que cet ouvrage nous invite. Comme l’atteste leur histoire, les Migrations sont aussi une richesse sociale, culturelle et économique.

Cet ouvrage fait la chasse aux idées reçues et propose des réponses aux enjeux et défis migratoires, tant au moyen de travaux d’experts que d'études et de rapports d’institutions internationales et d’associations.

EXTRAIT

Et comment se résigner à ce que la Méditerranée soit un cimetière ? La politique migratoire actuelle est à la fois violente, inhumaine et indigne, mais en plus, comme nous le démontrons dans ce livre, inopérante et néfaste, socialement et économiquement. Pourtant les Migrations peuvent aussi être une richesse, sociale, culturelle et économique, comme leur histoire en France l’atteste. À condition bien sûr, de n’être ni dans le fantasme ni dans le déni et de ne pas se contenter d’une grille de lecture sécuritaire ou identitaire simpliste. Alors quelles politiques et attitudes adopter vis-à-vis de la migration mais aussi vis-à-vis des immigrés ? Les positions de principe ne suffisent pas. Elles sont malheureusement trop souvent utilisées comme un alibi de bonne conscience. Il nous faut aussi expliciter quelle pourrait être la mise en œuvre de ces principes : quels accompagnements et quel travail avec les personnes migrantes, quels dispositifs d’accueil et d’intégration, quelles voies voulons-nous emprunter, quelles législations proposer et quels moyens sommes-nous prêts à y consacrer. Pour les principes, nous avons une référence claire. C’est l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 : Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État – Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. Mais La France, pays dit des droits de l’Homme, ne respecte pas cet engagement qu’elle a, comme beaucoup d’autres pays, pourtant signé il y a plus de soixante-dix ans. Pas plus qu’elle ne respecte vraiment d’autres textes, comme la Convention européenne des droits de l’homme ou encore la Convention internationale des droits de l’enfant, pour ne citer que les plus emblématiques.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Trait d’union entre le mouvement social, le monde politique et le monde intellectuel, le Mouvement Utopia est une coopérative d’éducation populaire qui vise à élaborer un projet de société solidaire et convivial, écologiquement soutenable, dont l’objectif est le Buen Vivir. Après les Sans papiers, le Nucléaire, le Travail, l’Alimentation, les Communs et la Démocratie, Le Mouvement Utopia a consacré un temps important de sa réflexion collective aux Migrations.

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Couverture

Page de titre

Ouvrage réalisé en partenariat avec le CCFD-Terre Solidaire

Acteur historique du changement dans plus de 60 pays, le CCFD-Terre Solidaire agit contre toutes les formes d’injustices. Il met en œuvre, pour que chacun voit ses droits fondamentaux respectés : manger à sa faim, vivre dignement de son travail, habiter dans un environnement sain, choisir là où construire sa vie… Un monde plus juste et plus fraternel est déjà en action, car chacun porte en lui une force de changement. Cet engagement pour plus de justice et de solidarité prend racine dans la pensée sociale de l’Église.

Par son action individuelle et collective, le CCFD-Terre Solidaire propose et soutient des solutions politiques et de terrain.

Le CCFD, c’est plus de 400 organisations partenaires, 700 projets internationaux dans 63 pays, 15 000 bénévoles, 2,2 millions de bénéficiaires.

Hommage et remerciements à Fmu’rrr (1946/2018) qui a accompagné par ses dessins les Éditions Utopia

Préface

À la fin du XIXe siècle, un des pères fondateurs des études migratoires, Ernst Ravenstein (1889), décrivait la migration comme « vie et progrès », tandis que la sédentarité indiquait la « stagnation ». Aujourd’hui, nous sommes très loin de cette vision positive de la migration : partout en Europe, les partis xénophobes gagnent du terrain, et le contrôle des frontières des flux migratoires semblent devenu l’alpha et l’oméga de toute politique migratoire, tant au Nord qu’au Sud.

Cet ouvrage part d’un constat : celui d’une alarmante distorsion entre les réalités empiriques des flux migratoires contemporains et la perception des migrations (et des migrants) par le grand public et les politiques. Cette distorsion est alarmante parce qu’elle nourrit le racisme et la xénophobie, mais également parce que les politiques publiques, en matière d’immigration, se fondent hélas bien davantage sur les sondages d’opinion que sur les réalités empiriques. L’ambition première de cet ouvrage, réduire ce fossé entre réalités et perceptions, s’impose donc comme une nécessité de salubrité publique : c’est la condition première d’un débat public apaisé sur le sujet.

Partout, l’immigration est de plus en plus considérée comme un problème à résoudre, à droite comme à gauche. Le discours dominant sur les migrations est désormais celui d’immigration choisie, de flux migratoires maîtrisés, d’intégration défaillante. Depuis le milieu des années 80, en France et en Europe, l’agenda politique sur les questions migratoires est largement dicté par les partis extrémistes et nationalistes. Presque chaque jour, les fondements du droit d’asile et de la liberté de circulation sont remis en question.

Cet état de fait tient largement à la capitulation intellectuelle de l’ensemble de la classe politique sur ces questions : partout, l’immigration est désormais considérée avant tout comme un problème à régler. Si les solutions au « problème » diffèrent, le constat, à tout le moins, semble largement partagé. Même dans les milieux associatifs, on a désormais adopté une posture défensive, qui pointe les réussites et « success stories » de l’immigration, ou la nécessité d’hospitalité pour des raisons de solidarité internationale.

Il importe aujourd’hui aux organisations de la société civile de sortir de cette posture défensive, imposée par l’extrême droite, pour (re) devenir forces de propositions. Casser les idées reçues et les préjugés est une condition nécessaire, mais pas suffisante. C’est le grand mérite de cet ouvrage collectif : il s’appuie sur la réalité pour proposer.

Trop souvent, le propos sur l’immigration est avant tout idéologique : on est pour ou contre l’immigration, on estime que l’intégration est une réussite ou un échec, que la France accueille trop d’immigrés ou doit en accueillir davantage, que les frontières doivent être ouvertes ou mieux contrôlées. Il en résulte souvent un débat stérile : à chaque success story d’un immigré devenu millionnaire ou ayant réussi de brillantes études, on pourra opposer celle d’un délinquant multirécidiviste. À chaque succès du multiculturalisme, on opposera des tensions à relents communautaristes.

Et dans ce débat qui semble déserté par les arguments rationnels, les nationalistes ont beau jeu de présenter la fermeture des frontières comme la seule option possible, la seule alternative au chaos. L’approche volontariste que propose cet ouvrage est absolument nécessaire : elle montre qu’une autre politique d’asile et d’immigration est possible, et que cette politique doit être informée par la réalité. C’est dans cette voie que devraient désormais s’engager non seulement la société civile, mais tous les démocrates. Cet ouvrage en ouvre le chemin.

François GEMENNEDirecteur de l’Observatoire Hugo à l’Université de Liège, enseignant à Sciences Po.

Introduction

Les migrations sont à la fois une réalité et un fantasme. Elles sont l’objet d’enjeux politiques bien plus que sociaux ou économiques, et sont devenues un axe de marketing électoral. D’où la difficulté d’aborder cette question rationnellement et sereinement, sans arrière-pensées politiciennes ni démagogie. Fonds de commerce de certains partis politiques, la question migratoire monopolise les réflexions et les discours et paralyse de nombreux acteurs, par crainte de revers électoraux.

Alors, pourquoi le Mouvement Utopia, après avoir déjà consacré en 2010 un ouvrage aux Sans papiers ?, a-t-il souhaité reprendre sa réflexion et l’étendre à la question migratoire en général ? Parce que c’est une véritable question, qui va encore prendre de l’ampleur avec les conséquences du dérèglement climatique.

Et comment se résigner à ce que la Méditerranée soit un cimetière ? La politique migratoire actuelle est à la fois violente, inhumaine et indigne, mais en plus, comme nous le démontrons dans ce livre, inopérante et néfaste, socialement et économiquement.

Pourtant les migrations peuvent aussi être une richesse, sociale, culturelle et économique, comme leur histoire en France l’atteste. À condition bien sûr, de n’être ni dans le fantasme ni dans le déni et de ne pas se contenter d’une grille de lecture sécuritaire ou identitaire simpliste.

Alors quelles politiques et attitudes adopter vis-à-vis de la migration mais aussi vis-à-vis des immigrés ? Les positions de principe ne suffisent pas. Elles sont malheureusement trop souvent utilisées comme un alibi de bonne conscience. Il nous faut aussi expliciter quelle pourrait être la mise en œuvre de ces principes : quels accompagnements et quel travail avec les personnes migrantes, quels dispositifs d’accueil et d’intégration, quelles voies voulons-nous emprunter, quelles législations proposer et quels moyens sommes-nous prêts à y consacrer.

Pour les principes, nous avons une référence claire. C’est l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 : Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État – Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. Mais La France, pays dit des droits de l’Homme, ne respecte pas cet engagement qu’elle a, comme beaucoup d’autres pays, pourtant signé il y a plus de soixante-dix ans. Pas plus qu’elle ne respecte vraiment d’autres textes, comme la Convention européenne des droits de l’homme ou encore la Convention internationale des droits de l’enfant, pour ne citer que les plus emblématiques.

Une des principales idées reçues est que les migrations seraient la source de toutes les difficultés rencontrées à vivre ensemble et mettraient en péril le projet économique et social à l’œuvre en France et en Europe. Le migrant est un bouc émissaire commode, car sans défense, qui serait responsable de tous les maux de nos sociétés. Il est bien plus facile de s’en tenir aux réflexes identitaires : l’étranger, c’est forcément l’être singulier, extravagant, celui dont le mode de vie serait « inassimilable », voire le délinquant.

Alors on voit surgir des tactiques de protection (par exemple FRONTEX) et des palliatifs (les camps de réfugiés) qui imposent ensuite des évacuations désordonnées de camps, de reconduite à la frontière, de négociations avec des pays comme la Turquie pour qu’ils contrôlent les « flux » (encore une abstraction, qui évite de préciser quels sévices on fera subir aux personnes en situation de migration pour y parvenir…), de mise en place de zones d’internement, de sauvetage en mer (heureusement et merci aux ONG qui y participent et que certains osent accuser de complicité avec les passeurs), dont nous ne maîtrisons plus ni l’organisation, ni le coût, ni surtout l’aspect inhumain. En Europe, la solidarité entre pays d’accueil est inexistante : on laisse l’Italie et la Grèce se « débrouiller », on construit des murs, on négocie des « quotas » mais on continue à ignorer les personnes en situation de migration et leur réalité.

Pourtant le nombre de migrants internationaux a paradoxalement peu augmenté avec la mondialisation de la finance et la libre circulation des marchandises. Il est légèrement supérieur à 3 % de la population mondiale, soit un niveau inférieur à ce qu’il était en 1900. Et tous les pays sont à la fois pays d’origine, d’accueil et de transit. La France est un bon exemple avec un solde migratoire pratiquement nul : environ 2,5 millions d’étrangers mais autant de Français qui vivent à l’extérieur du territoire.

Cet ouvrage, volontairement synthétique, par un travail rigoureux de déconstruction de dix-sept principales idées reçues sur les migrations et le développement de seize propositions pour une nouvelle politique migratoire, contribue à donner des outils à toutes celles et à tous ceux qui, conscients à la fois des impasses actuelles et des enjeux importants à venir, désirent changer les choses en profondeur dans ce domaine.

LE MOUVEMENT UTOPIA

PREMIÈRE PARTIEIDÉES REÇUES

Idée reçue 1 Les migrations, c’est un phénomène nouveau. Avant, on était chacun chez soi et c’était beaucoup mieux comme ça

Très présente dans les médias ces dernières années, la migration n’est en fait que le reflet de l’exercice d’une liberté ancestrale, celle d’aller et venir. Les migrations volontaires, forcées, violentes ou subies ont de tout temps existé. Les grandes vagues migratoires ne sont pas le propre de notre époque et les recherches archéologiques comme l’histoire ou l’anthropologie génétique ne cessent de nous le rappeler. Qu’il s’agisse de l’expansion des cultures néolithiques à partir du Proche-Orient il y a environ 9 000 ans, des « invasions barbares » de la fin de l’Antiquité ou encore du commerce triangulaire (esclavagisme, colonisation), les migrations ont façonné nos sociétés.

À la suite de l’apparition des premiers agriculteurs, la population humaine a connu une énorme expansion, due en particulier aux migrations, car un de leurs effets a été la diffusion du progrès des techniques agricoles. Il s’agit d’une véritable fertilisation croisée, dont les résultats et les bénéfices se sont étalés pendant plusieurs milliers d’années.

Aujourd’hui, si l’on regarde les effets des migrations, on se rend compte que cette fertilisation croisée continue partout où les personnes migrantes sont bien accueillies.

Les raisons de migrer sont d’ailleurs aujourd’hui encore universelles : que ce soit collectivement ou individuellement, par obligation ou par choix, hommes et femmes se déplacent pour s’adapter à de nouvelles conditions climatiques ou échapper aux difficultés économiques, pour fuir les conflits ou pour découvrir le monde, pour s’enrichir et enrichir les autres au contact d’autres cultures, par amour, pour des raisons familiales, pour apprendre à exercer un métier, pour faire des affaires ou ouvrir de nouvelles routes commerciales, pour contribuer à la recherche scientifique et universitaire et en bénéficier, etc.

Les mouvements migratoires mettent en lumière un enrichissement culturel mutuel grâce aux échanges et à la diversité. La création et le développement de cultures nouvelles sont le résultat de l’intégration des diversités et de la valorisation du métissage.

Sans les migrations, l’humanité n’aurait pas le même visage aujourd’hui.

Les restrictions à l’immigration qui ont vu le jour dans de nombreux pays sont très récentes. En Europe, ces politiques restrictives se sont essentiellement mises en place après 1974 et le premier choc pétrolier qui a entraîné la suspension de l’immigration de travail. Les grands mouvements de population qui ont pu marquer notre histoire sont maintenant remplacés par une tendance à des politiques d’immigration choisie, favorables à l’exode des cerveaux et des compétences, au détriment des pays de départ.

Aujourd’hui, la liberté d’aller et venir existe pour certaines nationalités et dans certains pays : par exemple pour la plupart des ressortissants des pays européens, des États-Unis, du Japon, du Canada et d’Australie. Les citoyens de certains pays comme l’Afghanistan ont besoin d’un visa pour entrer dans la plupart des pays, alors que les citoyens d’autres pays comme les États-Unis ou les pays européens en ont beaucoup moins souvent besoin. Or, comment certains habitants de la terre peuvent-ils s’arroger le droit de limiter le droit de mobilité des autres ? Au nom du principe d’égalité, nous devons revendiquer pour toutes et tous cette liberté d’aller et venir.

Selon le chanteur ivoirien Tiken Jah Fakoly, « Depuis la nuit des temps, l’homme est toujours allé vers des lieux où il espère trouver de meilleures conditions de vie. Les Occidentaux eux-mêmes n’ont pas fait autre chose quand ils sont partis vers les Amériques ou l’Australie. On ne comprend donc pas pourquoi toute la jeunesse du monde a le droit de voyager pour essayer de sauver sa vie, sauf la jeunesse des pays du tiers-monde. Partir est un mouvement naturel qu’aucun système ne pourra arrêter1. »

1. Sans-papiers ?, Éditions Utopia, 2010.

Idée reçue 2 Entre les demandeurs.euses d’asile et les autres, nous allons être envahi.es !

Les Nations unies estiment à 65,3 millions le nombre de personnes (soit environ 3 % de la population mondiale) vivant hors de leur pays dans le monde, dont 39 % sont accueillies au Moyen-Orient, 29 % en Afrique, 14 % en Asie Pacifique, 12 % sur le continent américain et 6 % en Europe. Bertrand Badie2 rappelle que la majorité des flux migratoires se font entre pays dits « du Sud » (60 % des flux) contre seulement 20 % des flux migratoires allant des pays « du Sud » vers les pays dits « du Nord »3. Rappelons aussi que sur les quarante millions de personnes déplacées, seules 36 % avaient choisi de se protéger hors des frontières de leur pays : à la même date, le nombre de migrant.es (hors de leur pays d’origine) était en baisse alors que le nombre de déplacé.es (au sein de leur propre pays) était lui en augmentation4.

Si ces chiffres ont bien sûr évolué, notamment après la crise syrienne, il faut rappeler qu’au-delà des discours démagogiques et populistes les pays européens ont la capacité d’accueillir bien plus de migrant.es que ce qu’ils font actuellement.

François Crépeau, rapporteur spécial sur les droits des migrant.es aux Nations unies, rappelle que l’Europe a déjà dû faire face à ce genre de situation lors des guerres yougoslaves il y a de cela vingt ans. Et bien sûr, il n’y a pas eu pour autant d’« invasion » ! De même, la France a par exemple été capable d’intégrer plus d’un million de rapatriés d’Algérie entre 1962 et 1965 alors qu’elle ne comptait que 48 millions d’habitants.

Rappelons également, pour les relativiser, les chiffres concernant les demandes d’asile en Europe : en 2017, il y avait 1,5 demande d’asile pour 1 000 habitants en France, contre 9 pour 1 000 en Allemagne ; ces chiffres fluctuent selon les années : ils ont beaucoup chuté depuis 2014 en Suède. En France, ils ont fortement augmenté entre 2016 et 2017 (+ 17 %), avec 100 412 demandes en 2017 (dont 32 011 ont obtenu l’asile). Le ministre de l’intérieur de l’époque Bernard Cazeneuve a déclaré, lors d’un discours à l’Assemblée nationale le 9 décembre 2014 : « La France est donc loin de ployer sous le poids des demandes et des réfugiés, comme on l’entend trop souvent. Cessons de nous fantasmer en forteresse assiégée ; cela ne correspond tout simplement pas à la réalité ».

Quelques chiffres encore : le nombre total de titres de séjour délivrés est aujourd’hui de 262 000 dont environ 88 000 étudiants et 27 700 « travailleurs » (les autres obtenant le titre au nom du regroupement familial ou pour raisons dites humanitaires).

Ceci ne représente qu’environ 0,3 % de la population française. D’autre part, les chiffres de l’immigration dite « illégale », s’ils sont de fait difficiles à établir, sont de l’ordre de 300 000 à 400 000 personnes en France, soit environ 0,5 % de la population totale5. Enfin, selon les chiffres du dernier recensement (2014), le nombre d’étranger.ères en France en situation dite « régulière » est de 4,16 millions pour une population totale de 65,8 millions, soit 6,3 % de la population du pays.

De plus, les discours conservateurs jouent sur l’effet de « loupe » grossissant des lieux de regroupements de migrants, notamment à Paris et Calais. Il faut noter que la totalité des migrant.es à Calais souhaite rejoindre l’Angleterre, mais également qu’il serait tout à fait possible de loger les milliers de migrants des campements parisiens dans une ville qui compte 2,2 millions d’habitants et qui accueille 33,7 millions de touristes chaque année.

2. Politiste et spécialiste des relations internationales, Professeur à Sciences Po.

3. Voir notamment « Changer de cap sur les migrations », document de plaidoyer de l’Organisation pour une Citoyenneté Universelle, décembre 2015, p. 10 http://mouvementutopia.org/site/wp-ontent/uploads/2016/08/OCU_16_FR_WEB.pdf

4. C. Rodier et E. Terray (dir.), Immigration, fantasmes et réalités, pour une alternative à la fermeture des frontières, La Découverte, 2008.

5. Le mode de calcul proposé par F. Héran (dans son « Parlons immigration », Doc. Française, 2016) est de partir des effectifs demandant l’aide médicale d’État et de majorer ce chiffre de 25 % ; cela donne fin 2016 389 137 personnes.

Idée reçue 3 Ils vont tous devenir Français et diluer l’identité nationale !

La notion « d’identité nationale » est utilisée pour tenter de faire croire qu’une population est une identité figée, mythique, circonscrite sur un territoire. L’identité des individus qui composent cette population serait également réduite à l’identité nationale.