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Mon parcours en Ciel et Marine évoque cinquante années d’une vie, d’un engagement total, absolu et parfaitement abouti, dans le monde footballistique. Cet ouvrage est également un hommage au Havre AC, premier club de l’histoire du football français et d’Europe continentale.
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Seitenzahl: 171
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Alain Belsoeur
Mon parcours en Ciel et Marine
Roman
© Lys Bleu Éditions – Alain Belsoeur
ISBN : 979-10-377-5285-7
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Je dédie mon ouvrage à :
Mémé en Haut et Mémé en Bas, Jeanne et Louise,
qui ont tant contribué à mon éducation.
Renée, ma maman et Francis, mon papa,
qui m’ont entouré de tout l’amour de la terre.
Titi et son épouse, ma marraine, chez qui je déjeunais tous les midis au sortir de l’école Massillon et dont j’ai tant appris.
Mémé Malou, qui vient de partir
et qui est cependant là plus que jamais.
Mon frérot, Joe, jamais bien loin, toujours à mes côtés.
Mes beaux-frères, Gilbert et Jean-Pierre, et ma belle-sœur, Éliane, avec qui je suis si lié et réciproquement.
L’Amour de ma vie et notre Tom, sans qui rien,
non rien, n’aurait été possible… et surtout pas aussi beau…
Préface
11 mai 1985 : j’ai 11 ans et je suis au stade Jules Deschaseaux.
HAC – Mulhouse : dernier match de la saison pour entrer dans l’histoire et monter en première division.
Nous les pupilles du club avons joué en lever de rideau. Le stade est archi plein et nous sommes assis sur un banc au bord du terrain.
83e minute, Pascal Pain notre héros pour toujours déboule et marque. Ce tir du pied gauche catapulte le HAC en première division.
Ce soir-là, nous avons envahi le terrain. Monsieur Belsoeur aussi, dans les bras de Jean-Pierre Hureau et de Didier Notheaux. Parfois, les héros ne taquinent pas la balle.
2021, presque 40 ans plus tard, Alain Belsoeur est assis devant moi au bistrot des Halles. Coquilles Saint-Jacques pour lui et Haddock poché pour moi.
Un peu comme Steven Gerrard ou Paolo Maldini, il est l’homme d’un seul club, le HAC.
On casse la croûte au bistrot des Halles. Jean-Pierre Hureau mon président de toujours est venu nous saluer. C’est la tradition et c’est un grand plaisir de voir, presque tous réunis, ceux qui à mes yeux représentent le mieux l’histoire de notre HAC à tous.
« Ça dure depuis combien de temps cette histoire d’amour avec le HAC, Alain ? »
Je, vous, Alain, monsieur Belsoeur je ne sais pas ce que je dois dire avec cet homme que je connais depuis toujours. Ça ressemble peut-être à ça le respect.
Alain Belsoeur me répond :
« Ça a commencé dans les années 60 lorsque j’étais au lycée et je passais devant le siège du HAC 5 rue Ancelot… »
Je sens l’émotion, la fierté aussi mais surtout l’humilité d’un gamin du Havre, tombé amoureux du club de sa ville, pour le supporter et le servir toute une vie.
Le HAC c’est une passion transmise par son père alors qu’ils allaient ensemble voir l’équipe Fanion jouer à la Cavée Verte sur les hauteurs du Havre.
Cette passion, elle ne vous quitte pas comme ça.
C’est ça être supporter d’un club. C’est l’aimer quand il gagne, quand c’est dur, quand c’est beaucoup moins glorieux quitte à souffrir avec lui en attendant des jours meilleurs.
Monsieur Belsoeur l’aime son HAC, le club doyen, les Ciel et Marine (couleurs venues des universités d’Oxford et Cambridge).
Je le laisse continuer un peu. Alain me téléporte « envoie-moi au ciel Alain » dans la ville basse du Havre des années 70. Le HAC l’intéresse plus que ses études de littérature. Le nom des rues, des places ont changé. Les joueurs jouent à la Cavée Verte et déménageront quelques années plus tard au stade Jules Deschaseaux.
Il a traversé les époques Alain et même changé de siècle avec le HAC. Il en a vu défiler des joueurs, des coachs et même quelques présidents.
Il a grandement participé à l’arrivée de notre nouveau stade et ça, il ne le dira jamais car il sait rester discret.
Il rêve de voir le stade Océane plein et accueillir de nouveau le PSG, l’OM et les autres cadors du championnat de ligue 1.
Au bistrot des Halles, c’est le moment du dessert. Il arrête de raconter et me demande :
« J’ai écrit mes mémoires et j’ai un éditeur. Veux-tu t’occuper de la préface ? »
Je lui dois bien ça à monsieur Alain Belsoeur.
Hacman un jour, Hacman toujours.
Vikash Dhorasoo
Avant-propos
Bien que les pages qui suivent font beaucoup appel à la mémoire, je ne souhaite pas conférer à l’ensemble le titre de « Mémoires ». J’y préfère celui de « Parcours ». C’est en effet, sous différents angles, le déroulé de mon parcours, avant tout personnel, mais qui touche à l’ensemble des aspects d’une vie, tout en demeurant en retrait sur d’autres, par respect pour ceux qu’ils concernent et parce qu’ils sont privés, ce qui suffit bien à les caractériser et à les laisser où ils sont, dans les têtes et dans les cœurs.
Ce parcours est d’abord et avant tout, le déroulé d’une passion, comme on n’imagine pas en connaître, avant qu’elle ne naisse, se développe et ne cesse jamais. Reste à ce que cette passion s’exprime au quotidien, ce qui peut être très concret : un emploi, des réunions, des événements, des rencontres, ou ce qui peut être très discret ; des pensées, des rêves, une nostalgie.
Aujourd’hui encore, mon cœur bat plus fort quand je passe devant la Cavée Verte, que j’y aperçois ce qui fut mon bureau, là-bas, au fond, dans le bâtiment au mur boisé qui prolonge ceux en béton. Quand je quitte Le Havre, passant « mon » stade Océane, je jette toujours un œil vers la gauche afin de voir ce bon vieux stade Jules-Deschaseaux où s’écrivirent nombre de ces pages qui font mon parcours.
Dans les moments de confinement, oui, vous voyez, ceux où vous êtes privés de sorties parce qu’un virus rode et que votre tête a tout le temps envie de faire place aux souvenirs, des noms viennent m’interroger. Qu’est devenu Joël Dubois ? Et Bruno Scipion que j’étais allé chercher à Auxerre, dans le bureau de Guy Roux ; et Zarko Olarevic, qui nous faisait lever de notre siège à chaque toucher de balle ; et Bruno Roux qui marquait à toute occasion ; et Fabien Piveteau qui, lui, arrêtait tout ? Il en faudrait des pages et des pages pour citer tous ces noms, connus en leur temps de footballeur ou inconnus, mais toujours présents dans mon esprit et dans mon cœur.
En 2022, le HAC, notre HAC, mon HAC, célèbre 150 ans d’existence et, ce faisant, la naissance du football en France et en Europe continentale, avec pour papa, à jamais, le HAC, notre HAC, mon HAC.
Avoir été partie prenante d’une telle aventure, d’une telle œuvre d’art, au sens plein et entier du terme est un honneur, un bonheur, une fierté. Puisse le lecteur partager ces sentiments et vouloir, à jamais, être et demeurer un vrai, un grand, un sincère « Ciel et Marine ».
La sonnette avait retenti, l’heure du retour vers la maison était venue. En route vers le bus numéro 2 qui me déposerait rue de Verdun, tout près du caviste où mes parents se ravitaillaient en quarts de ceci ou en demies de cela, parce que, compris-je plus tard, acheter une bouteille entière eut coûté bien trop cher.
En partant du lycée François Ier pour me rendre à la station Thiers, il me fallait remonter la rue Ancelot. Sur le trottoir de droite, la prestigieuse et magnifique bibliothèque municipale rayonnait de la beauté de son architecture et de la richesse de ses œuvres. Mais, c’est le trottoir de gauche que j’empruntais. Là, au numéro 5 était le siège du HAC. Bien sûr, il fallait le savoir qu’au fond de cette cour, entre le garage et l’appentis se trouvaient les bureaux du « Club Doyen », les bureaux « Ciel et Marine », le cœur administratif de ce club que, dès mon plus jeune âge, mon père m’avait fait découvrir et qui s’était à jamais installé dans mon être.
Je m’y arrêtais le vendredi car, dans un tableau donnant sur la rue, s’affichaient les convocations des équipes pour les matches du week-end, y compris pour l’équipe fanion dont je connaissais alors la composition en vue du match de dimanche, à 15 heures, à la Cavée.
Ce dimanche-là, mon équipe allait affronter l’US Quevilly. Non, non pas cette prestigieuse équipe qui trustait les titres de champion de France Amateurs, non, pas l’équipe 1re, non. Pas l’équipe Réserve non plus, non... Dimanche à 15 heures, à la Cavée, mon équipe allait jouer contre la 3e équipe de Quevilly… oui, la 3e équipe… J’y serai bien sûr, j’y serai, avec mon papa et avec Titi.
Pendant ce temps, ma maman irait au Normandy, le cinéma situé juste en face du magasin de ma marraine, l’amie d’enfance de ma mère et l’épouse de Titi, prénommé en fait Ventura car issue d’une famille qui avait fui le franquisme, ce qui la rendait encore plus sympathique.
Papa, Titi et moi prenions le bus pour la place Thiers, puis le funiculaire pour accéder à la ville haute. La Cavée-Verte, temple historique du HAC serait atteinte en quelques pas.
Nous étions à l’automne 1968. Voici quelques mois, je parcourais les rues, comme, et avec des milliers d’autres, au nom d’un idéal ou d’une illusion, qui sait ? Jusqu’à ce que le mouvement dit de « Mai 68 » prenne vie, vu de ma fenêtre, ou plutôt de mon poste de radio qui ne me quittait pas, fidèle auditeur de Radio Luxembourg que j’étais, je trouvais le Général de Gaulle plutôt bon chef d’État. Sans doute la résultante de ces cours d’histoire que je suivais avec intérêt et qui nourrissaient, avec les cours d’anglais, d’allemand et de russe, mon envie de savoir et les cours de français mon plaisir d’écrire.
Depuis que j’avais quitté la filière dite scientifique où je m’étais embourbé et que j’avais rejoint sa concurrente dite « littéraire », tout était devenu facile, agréable, passionnant. Obtenir le Bac dans ce contexte était devenu à peine un objectif, plutôt une évidence.
Lorsque je lus mon nom sur la liste des reçus, je revins à toute allure vers le domicile de mes parents, donc le mien, je croisai ma mère, venue à ma rencontre et qui, dans une explosion de joie absolue et si profondément sincère me lança : « tu es le premier bachelier de la famille ! » C’était en fait la deuxième fois de mon existence que je lui procurais un tel bonheur, ou plutôt une telle fierté. La première remontait à ma communion. Quand on me demandait d’apprendre, j’apprenais, fût-ce le catéchisme qui, pour autant, ne réussit pas à convaincre mon âme. Toujours est-il qu’en apprenant mes leçons, même religieuses, j’avais terminé premier des aspirants-communiants, et ainsi, ma maman eut l’honneur, profondément ressenti par elle, d’assurer la quête lors de la messe principale du matin, tandis que ses voisines devaient se contenter de la quête des vêpres de l’après-midi.
Bref, que faire de ce précieux sésame ? Mon premier élan me conduisit vers une école de journalisme. Mais au lendemain des événements du printemps, les concours d’entrée étaient différés, incertains et puis vivre à Paris ou à Lille aux crochets de mes parents m’apparut insurmontable.
Le Havre dépourvu d’université, je dus me résoudre à rejoindre Rouen, ou plutôt Mont-Saint-Aignan, exercice techniquement encore bien pire pour un exilé Havrais tel que moi.
Le jour où j’y parvins et enfin arrivé au pied des bâtiments universitaires, j’hésitais longuement : vais-je vers la fac de Droit ou la fac de Lettres ? Je ne sais pas si j’avais une pièce en poche et que je la lançais en l’air, mais je m’inscrivis finalement en Anglais, après tout, why not ? Cette décision, fut-elle improvisée, allait revêtir des conséquences ultérieures des plus positives.
***
Bon, ça y est la Cavée est devant nous. Le cliquetis des tourniquets demeure dans ma mémoire. Chacun respecte l’autre, je vous en prie, allez-y monsieur. « Le Bulletin du HAC » hurle monsieur Dallon, demandez « Le Bulletin du HAC » !
À droite, la tribune officielle, si si, une tribune, une vraie, avec des places assises, enfin des bancs de bois posés sur le béton. À l’entrée, la maison du gardien du temple. En face, de l’autre côté, un « kop », oui un vrai, comme on en rêve aujourd’hui, certes sans toiture, avec des marches en béton une vraie tribune d’Ultras, comme il n’y avait pas alors…
Nous nous dirigeons à gauche vers « les gradins couverts ». Ce sont effectivement des gradins, enfin des marches en terre battue et qui sont couvertes comme leur nom l’indique. Nous ne nous y attardons pas, car notre place à nous, elle est dans le prolongement des dits gradins couverts. Ce sont aussi des gradins, pas en terre battue mais en béton et pas couverts. Debouts, là, nous sommes à hauteur des 18 mètres, enfin, réglementairement, des 16 mètres 50. Hormis la balustrade et quelques fils de fer, rien ne nous sépare des acteurs. Nous sommes à leur côté quand ils viennent effectuer une touche, ou frapper un corner. Nous sommes dans le jeu.
Là, tout près, nous admirerons les arrêts du gardien de but, tout élégant dans son col roulé vert, ses gants en laine. Ce n’est déjà plus un jeune Jean-Pierre Bourgier, mais il est plus brillant que jamais, de notre point de vue.
En deuxième mi-temps, c’est Maurice Roger qui sera, sur son aile gauche, notre voisin de terrain. Il déborde, il centre, et là, oui, là, comme souvent, comme toujours, surgit Michel Bazaud, oui, l’insatiable buteur, le HAC gagne 1-0 et sera sans doute ce soir bien classé, enfin correctement classé, dans ce championnat de Division d’Honneur de Normandie.
Demain, il sera temps de reprendre le train pour Rouen, puis le bus, ou le stop qui ne s’appelait pas encore covoiturage mais marchait pas mal pour monter là-haut, tout là-haut à Mont-Saint-Aignan…
Les semaines et les mois passent, les cours aussi, mais où est donc la passion, l’envie ? Nulle part. Comme toujours, mes parents ont tout mis en œuvre pour que je sois bien. Ils ont loué une chambre chez un particulier, simple, mais confortable, comme tout étudiant rêverait d’en avoir, en plein centre-ville, non loin de la gare. Cela tombe bien, car je suis plus souvent dans le train du retour vers le bercail, que dans ma chambre rouennaise.
La passion, l’envie, ne résident en fait que dans ces couleurs, Ciel et Marine, que j’ai faites miennes. Bientôt, le grand moment de la saison va se tenir, au printemps. Nous sommes maintenant en 1971 et depuis quelques années déjà, le HAC organise en effet son « Tournoi International Juniors ». Durant une semaine, de belles équipes venues de toute l’Europe et composées de jeunes dits « Juniors » à l’époque, donc âgés de moins de 18 ans, viennent se disputer le trophée devenu très convoité. L’AC Milan, Southampton, le Zenith Saint-Pétersbourg, le Benfica Lisbonne viendront en découdre à la Cavée puis au stade dit municipal en ce temps et qui sera connu sous le nom de Jules-Deschaseaux plus tard.
Ce jour-là, je prends mon courage à deux mains et mon plus beau stylo pour écrire à « Monsieur le Secrétaire Général du HAC, 5 rue Ancelot 76 Le Havre ».
Quelques jours après, dans la boîte aux lettres de la maison de mes parents, et donc la mienne, ou plutôt celle qui continue de m’abriter avec chaleur et amour, je reçois cette carte que j’ai toujours précieusement conservée.
Elle est tapée à la machine et datée du 15 mai 1971. J’y lis :
Cher monsieur,
Je vous remercie du concours précieux que vous m’offrez à l’occasion du Tournoi International Junior de Pentecôte.
Je l’accepte bien volontiers, car je vous avoue être bien seul pour mener une telle entreprise. Voulez-voud (oui, une faute de frappe…) passer me voir au secrétariat 5 rue Ancelot (mardi après-midi excepté) ?
Cordialement vôtre,
Pierre Crinière
Ceci est mon deuxième acte de naissance, celui de ma vie professionnelle.
***
Il fait beau ce matin-là, quoi qu’un peu frais pour une fin mai. La grande silhouette élégante traverse la Place du Chillou pour faire le plein de journaux, emprunte le boulevard de Strasbourg entre le CCF et la sous-préfecture, passe devant le temple et remonte la rue Ancelot.
Là, en face de la bibliothèque municipale protégée par de hautes grilles, l’homme au costume gris et gilet assorti agite la sonnette.
D’un pas un peu lourd, le dos voûté, un homme rond descend les trois ou quatre marches qui conduisent au pavillon, parcourt les quelques mètres qui, entre le garage et l’appentis relient la maison à son entrée sur rue.
« Bonjour monsieur Maillard. »
« Bonjour monsieur Crinière. »
« J’ai oublié mes clés ce matin, désolé de vous avoir dérangé, monsieur Maillard ».
Le dialogue en restera là.
Monsieur Maillard réintègre son bureau, en entrant, à gauche.
Monsieur Crinière pénètre dans le sien, en entrant à droite.
La salle où Pierre Crinière passe ses journées de Secrétaire Général du HAC est vaste. Elle accueille une grande table ovale, où se réunit le comité et qui occupe les deux tiers du lieu. Non loin, près de la fenêtre, une table de travail porte une machine à écrire, verte et grise, de marque Remington.
Une journée ne saurait commencer sans une revue de presse. Pour autant, Pierre Crinière vérifie, plus qu’il ne découvre. C’est en effet lui qui rédige les communiqués qui, le plus souvent, véhiculent dans les colonnes des journaux locaux, l’actualité du club doyen.
Parmi ses qualités, la cheville ouvrière du club Ciel et Marine possède celle d’une plume facile. Il tape ses articles lunettes au bout du nez, sur la machine à écrire verte et grise de marque Remington.
Il lit donc les articles qu’il a lui-même rédigés, souvent sous forme d’échos, brefs, donc faciles à lire, anticipant en cela le journalisme moderne.
Ce matin, le Secrétaire Général est las. Grâce à ses efforts et à son entregent, il avait obtenu que le HAC intègre le tout nouveau « Championnat National » appelé à remplacer la 2e division moribonde.
Il se remémore à ce moment le premier match de cette saison du retour du HAC dans l’antichambre de l’élite. C’était au mois d’août 70, contre Lorient, au stade municipal.
C’était un dimanche après-midi, sous le soleil, comme au temps de Ruminsky ou Jean Saunier.
On lui avait raconté que, dans les gradins couverts, rue de Verdun, le supporter était confronté à une alternative. Soit il optait pour une belle et complète vision du jeu en se positionnant en haut. Mais il devait alors jongler avec les larges colonnes de béton qui soutenaient la toiture. Soit il descendait aux deux ou trois premiers rangs. Il approchait de ce fait les acteurs au plus près possible, celui qu’autorisaient alors les six couloirs de la piste en cendrée qui ceignait la pelouse.
Les deux ou trois mille passionnés se répartissaient dans les quatre tribunes de ce Deschaseaux dénommé stade municipal.
Côté parking, la tribune officielle où Pierre Crinière prenait place était équipée de bancs de bois, sauf la partie centrale où les pontes prenaient place sur des chaises, comme à la maison.
Pour ce premier match, les Lorientais de l’ex-international Roland Guillas s’étaient imposés, 5 buts à 3, soulignant la générosité des Hacmen et leurs insuffisances.
C’est à cela que pensait Pierre Crinière en cette fin mai 1971.
Dans le bureau d’en face, la machine à écrire noire, modèle « préfecture de police des temps immémoriaux » n’avait cessé de crépiter toute la matinée, sous la maîtrise de Pierre Maillard.
Papa d’un « bon joueur ayant évolué en 1re amateurs », retraité de l’administration, M. Maillard, bénévole comme tout le monde, jouait de la machine à écrire, mais pas seulement. Violoncelliste à des heures pas perdues, il délivrait son art au sein de l’orchestre du « Petit Théâtre », celui qui, chaque année faisait le plein pour la « Revue de Berjo » que mes parents n’auraient manquée pour rien au monde.
À son rythme, ce vendredi matin, Pierre Maillard préparait les convocations pour les matchs du week-end. Il s’agissait de remplir de noms les colonnes préalablement imprimées sur des feuillets édités par l’imprimerie Rolland.