Napoléon en Italie - Joseph Méry - E-Book

Napoléon en Italie E-Book

Joseph Méry

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"Lorsque M. Méry nous a proposé de donner nos soins à la publication de Napoléon en Italie, poème en vingt chants, dont le premier vers n'existait pas encore, nous n'avons pas hésité à répondre à l'appel du poète et à partager la double confiance qu'il avait dans l'exactitude périodique de son travail et dans le succès continu de nos armes.
« Si je prévoyais, nous disait-il, une seule interruption dans mes livraisons ou dans nos victoires, je ne commencerais pas. »
L'événement a justifié cette prédiction ; elle est d'ailleurs reproduite dans les premiers chants du poème."

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Napoléon en Italie

Joseph Méry

– 1859 –

 

Section 1

AVERTISSEMENT DE L’ÉDITEUR

NAPOLÉON EN ITALIE

I. ITALIE !

II. BAPTÊME ET DÉNOMBREMENT

III. AVANT LA BATAILLE

MAGENTA

IV. BATAILLE DE MAGENTA

V. MILAN

VI. SOLFERINO MINCIO 1796. – MINCIO 1859 !

VII. VENISE

VIII. ARMISTICE

IX. LA PAIX AUX PHILANTHROPES DE L’ANGLETERRE

X. LE RETOUR DE L’ARMÉE

 

PARIS

LIBRAIRIE NOUVELLE

BOULEVARD DES ITALIENS, 13  A.

BOURDILLIAT ET Ce, ÉDITEURS

 

1859 Paris. –

 

Imp. de la Librairie Nouvelle, –

 

A. Bourdilliat, 15, rue Breda

 

AVERTISSEMENT DE L’ÉDITEUR

Lorsque M. Méry nous a proposé de donner nos soins à la publication de Napoléon en Italie, poëme en vingt chants, dont le premier vers n'existait pas encore, nous n'avons pas hésité à répondre à l'appel du poëte et à partager la double confiance qu'il avait dans l'exactitude périodique de son travail et dans le succès continu de nos armes.

« Si je prévoyais, nous disait-il, une seule interruption dans mes livraisons ou dans nos victoires, je ne commencerais pas. »

L'événement a justifié cette prédiction ; elle est d'ailleurs reproduite dans les premiers chants du poëme.

La paix de Villafranca pouvait seule arrêter l'oeuvre à sa moitié. Nul ne doute que les vingt livraisons auraient paru, si la guerre eût été plus longue.

Nous n'avons reculé, nous, éditeur, devant aucun sacrifice ; et nous avons voulu que l'exécution matérielle fût réellement digne d'une oeuvre qui restera comme un monument contemporain de la glorieuse guerre d'Italie, et comme un poëme sans précédent, dans lequel la fougue et la rapidité de l'improvisation n'ont rien enlevé à l'éclat du style, à l'élévation de la pensée et aux soins minutieux des détails.

Il y a trente ans, j'écrivis ces vers qui terminent la Villéliade, et ressemblent à une prophétie :

Sous les marbres sacrés de la place Vendôme

La terre tressaillit, et l'oiseau souverain

S'agita radieux sur sa base d'airain.

Les hommes d'État de l'époque regardèrent cette prophétie impériale comme un paradoxe, et le poëme ne fut pas saisi.

Un an après, je publiai, avec Barthélemy, Napoléon en Égypte, favorisé d'une trentaine d'éditions.

En 1830, je donnai ce poëme à la reine Hortense, au frère de l'Empereur, le roi de Westphalie, et à la reine de Naples, qui daignèrent y voir une espérance. A Rome, l'auguste mère de Napoléon Ier me fit l'honneur de me dire, la veille de sa mort, au palais Rinuccini : « J'ai dans l'idée que mes petits-fils rentreront en France par la volonté nationale. »

De mes pèlerinages en Italie, il me reste donc un souvenir qui domine tout, c'est le souvenir de l'Empereur. Le poëme que je publie aujourd'hui se rattache au prestige qu'avaient déjà pour moi ces deux noms dans ma jeunesse : ITALIE et NAPOLÉON.

 

NAPOLÉON EN ITALIE

I. ITALIE !

Oui, rien ne dégénère au pays où nous sommes !

Toujours sous d’autres noms, naissent les mêmes hommes !

Et quand les esprits forts, contempteurs du présent,

Vaticinent la fin d’un monde agonisant ;

Diogènes railleurs vont à la découverte

D’un seul homme, peuplant une France déserte,

Et demandent aux nains qui rampent sous leurs yeux,

S’ils sont vraiment les fils des géants, leurs aïeux,

Un incident surgit ; une rumeur immense Ébranle l’univers ; le passé recommence,

Les jours des grands périls reviennent, et des voix

Font un appel lugubre aux héros d’autrefois,

Nomment tous ces guerriers, géants de même taille

Qui semaient la terreur sur le champ de bataille,

Et se sont endormis, dans leur froid panthéon,

Du sommeil de la mort, avec Napoléon.

Où sont-ils ? dites-vous.

Mais, endormis la veille,

Le premier cri de guerre, aujourd’hui, les réveille.

Déjà, dans la Crimée, ils ont changé de noms

Au baptême de feu, vomi par les canons !

Ainsi, rassurez-vous, ô citadins timides :

Jadis, on les nommait, devant les Pyramides,

Kléber, Desaix, Murat, Lannes et Beauharnais :

Aigle de l’Empereur, quand, pour nous, tu renais,

Ils adoptent ces noms d’illustre renommée,

Burinés sur les rocs de l’ardente Crimée ;

Les héros d’Aboukir, du Thabor, du Carmel,

Se nomment Canrobert, Bourbaki, de Lourmel,

De Lourmel qui voulait prendre seul une ville,

Cler, Decaen, Mac-Mahon, Mellinet, d’Allonville,

Et vingt autres encor, qui du second élan,

Bondissent de l’Euxin aux plaines de Milan,

Et vont continuer l’histoire paternelle

Sous ce ciel que notre aigle effleura de son aile,

Sous ce soleil, qui vit nos drapeaux triomphants,

Et propice aux aïeux, va sourire aux enfants !

Aujourd’hui, ce n’est plus pour un arpent de terre,

Que la France se lève et déchaîne la guerre,

L’aigle n’a pas repris son essor souverain

Pour s’agrandir un peu sur l’Escaut ou le Rhin ;

La France a dans ses mains, l’Afrique tout entière,

Et partout l’Océan est sa large frontière ;

Elle a donc tout un monde à créer, à présent,

De l’Atlas, aux trois mers ; ce lot est suffisant.

Et ce n’est pas non plus la France qui mendie

Les impôts de Venise et de la Lombardie,

Et demande aux hameaux, de sang humain rougis,

Son pain quotidien qui lui manque au logis ;

La France est assez riche et peut vivre chez elle

Sans emprunter ailleurs, sans exciter le zèle

Des banquiers trop rétifs, dont le prêt hasardeux

Se réserve un florin, quand il en risque deux.

Lorsqu’elle veut remplir ses coffres, elle lance

Son mandat à ses fils ; personne ne balance,

Le riche et ses écus, le pauvre et ses liards

Arrivent ; dans un jour, on a deux milliards.

En fait de gloire aussi la France est assez riche,

Elle pourrait en vendre un peu, même à l’Autriche,

Sans beaucoup s’appauvrir ; elle a des monuments Élevés de partout à ses vieux régiments ;

Des colonnes, des arcs, où l’airain et la pierre Étalent des exploits à lasser la paupière,

Avec l’aigle de France, et le sphinx de Karnak,

Où l’Empire nous crée un nouvel almanach ;

Car la noble Clio, la muse de l’histoire,

Au lieu du saint du jour, y grave une victoire !

Donc, si la France encor se lève, cette fois

On ne met plus en jeu les caprices des rois,

Ou des ambitions la sanglante folie ;

Elle va consoler sa mère, l’Italie,

Et pour venir en aide à ceux que nous aimons,

D’un coup de son épée elle aplanit les monts !

Il est passé le temps de ces conquêtes vaines !

Aujourd’hui, notre sang s’allume dans nos veines,

En voyant Niobé versant des pleurs amers,

Et confiant sa plainte aux plaintes des deux mers,

Sans voir venir des ports de France ou d’Angleterre

Le secours attendu par cette noble terre !

Et que lui manque-t-il à ce pays si beau

Qu’entourent le silence et le deuil du tombeau

Pour remonter aux temps où sa mine féconde

Des trésors du génie enrichissait le monde ?

A-t-il perdu ses ports, ses beaux fleuves, son nom,

Ses deux mers, son soleil, sa poésie ? Oh non !

C’est toujours, c’est toujours l’Italie adorée

Qui créa l’âge d’or de Saturne et de Rhée ;

C’est toujours ce soleil qui mit sur l’Aventin

L’auréole d’azur du grand peuple latin,

Et dans ses doux rayons fit resplendir à

Rome La beauté de la femme et la fierté de l’homme !

C’est toujours le pays qui donne des leçons

Dans un calme immobile à nous tous qui passons ;

Toujours l’alma parens, la divine Cibèle

Abreuvant l’univers à sa double mamelle,

Et, sur ses vieux débris, sauvés du temps rongeur,

Enseignant l’avenir au monde voyageur :

Dans le flanc de ses monts, c’est toujours cette argile

Dont Dieu fit Raphaël, et Dante, après Virgile,

Humaine trinité qui, sur la terre a lui,

Et ferait croire en Dieu, si l’on doutait de lui !

Toujours, dans ses vallons, sous son ciel, sur ses marbres

Ce démon de midi qui fait vibrer les arbres,

Darde la flamme au coeur, et dicte tous les vers

Dont le souffle amoureux embrase l’univers !

Toujours, du pied des monts, au golfe de Tarente,

Ce chant aérien, cette brise odorante,

Ce murmure des pins, ces suaves concerts,

Cet éternel duo chanté par les deux mers,

Dans le golfe tranquille, et sur le promontoire,

Forment gratuitement un saint conservatoire

Où l’artiste, écoutant par l’oreille du coeur,

A le soleil pour lustre, et Dieu pour professeur.

Aussi, le monde entier les a-t-il applaudies,

Ces musiques du coeur, ces tendres mélodies,

Que l’orchestre des pins, des vagues et des fleurs

Inspira pour l’amour, le sourire ou les pleurs !

C’est toujours le pays de la lyre féconde !

Et n’aurait-il créé, comme Dieu crée un monde,

Un soleil radieux qui n’a point de couchant,

Que Rossini, son fils, le Virgile du chant,

Il faudrait entourer cette terre bénie

De ce profond respect qu’on accorde au génie

Et traverser les monts pour dresser un autel

A l’auteur de Moïse et de Guillaume Tell !

Eh bien ! que manque-t-il à cette zone ardente,

Mère de Raphaël, de Virgile et du Dante,

A ce sol vigoureux encor de puberté ?

Il lui manque un rayon perdu ! sa liberté !

Oh ! tu la reprendras ! ton corps attend cette âme,

Italie ! Et Vesta n’a pas éteint sa flamme !

Oui, nous nous rappelons trop bien ce que tu fis

Dans les terribles jours des belliqueux défis,

Quand, tombé sur l’Europe, au souffle de l’Asie,

Le barbare éteignait l’art et la poésie !

Quand le croissant, vainqueur du Labarum latin,

Brisa, sous ses deux becs, l’atelier byzantin,

Tu reçus dans tes ports et dans tes basiliques

Ces épaves des arts, ces augustes reliques,

Que les flots du Bosphore envoyèrent aux tiens,

Rouges encor du sang des artistes chrétiens.

Mahomet te lança le feu de ses colères ;

Gênes, Naples, Venise, apprêtant leurs galères,

Les yeux toujours fixés sur l’horizon romain,

Attendaient le sultan, leurs glaives à la main ;

Il ne vint pas ; et toi, généreuse Italie,

Bien plus artiste alors que la Grèce amollie,

Digne de ton passé, fille des Antonins,

Tu fondas un refuge au pied des Apennins

Pour tous ces exilés, qui, dans un monde avare,

Demandaient une toile ou le bloc de Carare,

Et tu leur donnas tout ; les peintres, les sculpteurs,

Atteignirent de l’art les sublimes hauteurs ;

Sur tous les horizons, la Péninsule entière,

De son antiquité se créa l’héritière ;

On épuisa Carare ; on lança vers les deux

Ces dômes, dont la cime épouvante nos yeux ;

On prit des pans de mur pour toiles, et les fresques

Reçurent du pinceau des tailles gigantesques ;

On exhuma partout la Rome des Césars,

Avec ses vieux trésors, les merveilles des arts,

Ses colonnes, ses dieux, son peuple de statues,

Reliques, par la main du Vandale abattues,

Et tu devins encor, malgré tant de revers,

Quoique esclave de tous, reine de l’univers !

Il faudrait être Scythe, ou Bulgare, ou Sarmate,

Né d’un flocon de neige, et d’un froid diplomate,

Pour ne pas tressaillir de colère, en pensant

Que ce noble pays a donné tout son sang

Pour nous civiliser, nous tous, tant que nous sommes,

Pour charmer les ennuis de l’enfance des hommes,

Et qu’aujourd’hui la chaîne est rivée à ses pas !

Tout appartient à lui, lui ne s’appartient pas !

Oh ! La France lui doit l’aide de sa puissance ;

Un rayon florentin fit notre Renaissance,

Nous nous en souvenons ; ses cris sont entendus.

Honte au peuple oublieux des services rendus !

France, fais ton devoir et le devoir des autres,

Unis dans le combat ses étendards aux nôtres,

Ton sang avec le sien, tes mains avec ses mains,

Et nous retrouverons ensemble les chemins

Où l’oncle impérial, par un double prodige,

Enchaînait le Danube, et délivrait l’Adige.

La carte du pays porte d’illustres noms

Connus de nos soldats ; nous nous en souvenons

Toujours avec orgueil, depuis soixante années ;

Ils nous rendront bientôt les mêmes destinées ;

Nos soldats y verront passer devant leurs yeux

Les ombres des grands morts, leurs immortels aïeux,

Et voudront leur prouver, en marchant sur leur trace,

Que le même pays revoit la même race !

Allez, puisqu’il le faut, en bataillons épais,

Par cette guerre encor nous conquérir la paix ;

Fasse le Dieu du ciel que ce soit la dernière ;

Après, nous enfermons Bellone prisonnière

Au temple de Janus, et de la même main,

Nous jetterons ses clefs dans le fleuve romain.