Nocturnes à quatre mains - Manon NAUD - E-Book

Nocturnes à quatre mains E-Book

Manon NAUD

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Beschreibung

« Ana aimait la pluie et les longues nuits d’hiver. Elle disait préférer l’ombre à la lumière. La lumière, c’était la scène. La scène uniquement. » 

Philippe rencontre Ana, une pianiste géorgienne, fantasque et noctambule. Mais très vite, elle se révèle énigmatique. De leur relation naît un quotidien empli de mystères, bouleversé par la disparition brutale de la jeune femme. C’est derrière le rideau que Philippe devra chercher la lumière pour éclairer son départ.

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ManonNaud

Nocturnes à quatre mains

Roman

Pour Isadora.

PROLOGUE

Vendredi 28 janvier1994

Nino avait désiré de tout son cœur connaître l’éblouissement de la lumière, la vibration des arpèges, la tessiture des pauses et la texture des soupirs.

Sur son siège au dernier rang d’une salle comble, un frisson intense lui parcourt l’échine et se propage dans son corps dès les premières notes.

Ce soir, les cicatrices sur ses doigts sont douloureuses.

*

Ana avance sur la scène.

Sa robe en satin rouge vermillon ondule au gré de ses pas aériens. Ses cheveux châtains sont ajustés en un chignon impeccable et, dans l’auditoire, les regards sont épinglés à son sourire comme un soleil.

Elle salue brièvement le public et prend place face au piano. Elle s’installe légèrement à gauche de son siège. Elle n’a jamais réussi à rectifier sa position. Toutefois, il faut y prêter attention pour s’en rendre compte. Les applaudissements cessent et le silence s’insinue dans l’assistance. Ana chérit cet instant de grâce, cette fraction de seconde durant laquelle elle ferme les yeux et mesure l’énergie de l’assemblée. C’est peut-être le moment du récital qu’elle savoure le plus. Elle aime maîtriser les silences. Les imposer, les briser ; les faire durer.

Mais ce soir, dans cette quiétude, il y a autre chose : il y a l’écho d’un battement intime et ce battement ne lui échappe pas. Les paupières closes, Ana vacille.

Elle relève le menton, pose ses mains sur le clavier et entame son programme de Chopin. Nocturne en si majeuropus 9 n° 3. Des picotements engourdissent ses doigts, les empêchent d’évoluer avec justesse sur l’instrument. Des sueurs froides glissent le long de ses bras. Elle panique, s’interrompt brutalement, submergée par une étrange paralysie. Cette pulsation, confidentielle, si proche d’elle, la déstabilise. Elle pivote la tête. Impassible, Andrei s’incline imperceptiblement et l’encourage à poursuivre. Il lui fait confiance ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce vendredi de janvier, elle inaugure à Paris une tournée en Europe. C’est sa chance, lui a-t-il dit. Un tournant dans sa carrière. Une occasion unique de faire taire les critiques médiatiques acerbes des dernières semaines.

Ana contrôle sa respiration, fait abstraction des murmures et reprend son interprétation de Chopin. Elle refoule peu à peu les fourmillements et recouvre la souplesse de ses doigts. Son rythme cardiaque s’apaise au gré des notes qui s’envolent. Une chaleur insoupçonnée l’enveloppe progressivement, l’accompagne tout au long de sa représentation : une impression de plénitude, une force au-delà d’elle-même.

Les applaudissements fusent. Ana se lève, salue l’assistance. Elle inspecte les silhouettes massées dans le clair-obscur, se heurte à une masse d’inconnus. Elle voudrait se soustraire, vite, mais l’engouement des spectateurs la retient. Enfin, elle parvient à s’extraire de la scène. Elle atteint les coulisses sans se retourner. Andrei la rejoint, les bras ouverts et le visage exalté. Il la serre dans ses bras, lui chuchote quelques mots en géorgien pour la féliciter. Elle a réalisé une performance incroyable. Il est très fier d’elle. C’est ce qu’il luidit.

Elle ne s’attarde pas, se défait délicatement de son étreinte. Elle longe les corridors d’un pas pressé et se précipite à l’extérieur. Elle scrute la sortie de la salle et les rues adjacentes. Les passants la frôlent en jetant un œil intrigué à sa robe de gala, à ses épaules dénudées dans le froid humide de la nuit. La foule se disperse, se réduit, et Nino, qu’elle a cru pouvoir approcher, se dérobe.

Elle rebrousse chemin, regagne sa loge, pousse le verrou et, dans l’obscurité, s’adosse contre le mur blanc. Elle actionne l’interrupteur. Une clarté crue jaillit, le reflet de son visage se propage dans les miroirs face à elle. Elle tressaille, fait volte-face. Elle constate qu’elle est bien seule dans cette pièce. Elle plonge la main dans sa besace et, fébrilement, fouille la poche où se trouve cette photo qu’elle garde précieusement. C’est un cliché un peu jauni aux coins racornis, qu’elle contemple de temps à autre pour puiser du réconfort. Elle l’attrape entre ses doigts tremblants, l’examine en essuyant les larmes qui s’écrasent sur le papier mat.

Elle ignore si elle doit se réjouir ou s’inquiéter. Bouleversée, elle n’a qu’une seule conviction : elle ne jouera plus jamais comme avant.

Car elle a perçu sa présence.

Elle le sent. Elle lesait.

Nino était là.

PREMIÈRE PARTIE

Janvier 1994 — Juin1996

Chapitre 1

Plongé dans les méandres budgétaires du dernier dossier dont j’avais pris la charge, je n’entendais pas Charlotte et Margot s’affairer dans la cuisine où j’avais reçu l’interdiction de mettre les pieds depuis le milieu de l’après-midi. Le projet du campus universitaire pour lequel nous préparions une réponse à un appel d’offres accaparait tout mon temps. Le mardi suivant, je devais présenter, au cours d’une réunion avec mes collaborateurs, l’estimation des coûts concernant la restructuration du bâtiment.

Soudain, la porte s’ouvrit et Margot se rua vers moi, un bandeau dans les mains.

–Ne bouge pas, papa !

Elle le ficha devant mes yeux, le noua derrière mon crâne et m’imposa de la suivre en me tenant la main. Elle me fit asseoir sur une chaise, éteignit les éclairages et délia le morceau de tissu.

–Jo-yeux aanniiiiiiveeeeersaire ! Jo-yeux aanniiiiiiveeeeersaire ! Jo-yeux aanniiiiiiveeeeersaire papaaaaa ! Jo-yeux aanniiiiiiveeeeersaire !!!!!

Charlotte avançait doucement vers moi, tenant à bout de bras un gâteau au chocolat recouvert de bougies scintillantes. Elle le déposa sur la table. Je soufflai énergiquement sur les flammes. Margot activa l’interrupteur.

–C’est moi qui ai fait le gâteau ! proclama fièrement Charlotte en se faufilant à mes côtés.

Margot lança un clin d’œil à sa sœur.

–Ouvre ton cadeau ! enchaîna-t-elle.

–Oui, bien sûr ! Voyons, qu’y a-t-il là-dedans ?...

Je m’empressai de déballer le paquet et découvris, rangée dans un coffret, une superbe montre, que je brandis devant moi en m’exclamant.

–À partir d’aujourd’hui, tu ne seras plus en retard le vendredi soir, affirma Margot, malicieuse, une pointe d’amertume dans lavoix.

J’avais trente-neufans.

Trente-neuf ans, quelques cheveux blancs épars, un appartement confortable dans lequel j’avais installé mes enfants depuis mon divorce deux ans plus tôt, une vision de l’avenir assez nette et une montre neuve, munie d’un bracelet en cuir noir et d’un large cadran rectangulaire.

Fils unique, je devais ma naissance, au début du mois de janvier, à des parents instituteurs près d’Angers. J’avais effectué mon cursus à l’école primaire auprès de Claire. On nous disait amoureux. Claire aimait jouer aux billes. J’aimais la battre. C’était rarement le cas. Nos défis étaient sérieux et les rumeurs enfantines autour de nous tourbillonnaient sans atteindre notre entrain. Nous avions poursuivi notre scolarité dans deux collèges différents. Elle continuait de m’inviter chez elle le mercredi après-midi. Je croisais son père quand je tardais à rentrer. Il me proposait de rester dîner. Je refusais poliment, car j’avais ordre d’être à la maison avant dix-neuf heures. Ma mère me le rappelait infailliblement en même temps que j’enfourchais mon vélo. Au fil des ans, nous nous étions éloignés. Nous avions finalement cessé de nous voir. Lors d’une fête foraine, je l’avais aperçue dans la file d’attente des autos-tamponneuses. Nous étions au lycée. Elle avait changé. La blondeur de ses cheveux avait disparu sous une coloration rousse qui ne lui allait pas, mais son sourire ravageur, un peu prétentieux, m’avait désarçonné. J’avais rougi en échangeant avec elle des banalités timides.

Vers l’âge de quatorze ans, en quatrième, j’avais fait la connaissance de Martin, dont les parents étaient boulangers. C’était un garçon costaud et naïf qui s’extasiait devant chaque fourmi. Occasionnellement, il me conviait dans sa famille pour les congés. Son père me prenait sous son aile et je m’exerçais à pétrir, à façonner et à cuire le pain. Je ne rechignais pas à me lever la nuit pour le suivre au fournil. Je rejoignais Martin au petit-déjeuner et, après une courte sieste, celui-ci m’emmenait observer les oiseaux et les insectes, une encyclopédie sous le bras. Mes parents me voyaient réapparaître la veille de la rentrée des cours.

Nous ne nous étions pas quittés d’une semelle pendant toute la période du lycée, à l’issue de laquelle il avait opté pour la préparation d’un diplôme en informatique. Il n’avait pas longtemps exercé dans ce domaine. Très vite, il avait entrepris une reconversion professionnelle pour devenir agriculteur. Il s’était établi dans un village dans le sud du Maine-et-Loire et avait épousé Clarisse, une banquière joyeuse et volubile. Ils avaient eu un fils, Nicolas. Les moissons me fournissaient chaque été un prétexte pour leur rendre visite.

De mon côté, j’avais intégré une école d’architecture à Nantes. J’avais étudié d’arrache-pied et mené parallèlement une vie associative très active avec une dizaine de copains dont je n’avais plus de nouvelles. Nos soirées arrosées s’achevaient le dimanche quand le ciel rosissait. Je regagnais mon studio à l’aube et dormais jusqu’au lundi matin. J’avais fait un bout de chemin avec Nathalie, une camarade de ma promotion. Elle était drôle, spontanée et pétillante. Elle aimait la danse et les États-Unis. Elle rêvait de s’installer à Chicago. Nous n’avions pas les mêmes aspirations et notre relation s’était fanée. Elle avait fini par s’en aller, au milieu de l’hiver. Elle avait réuni ses maigres affaires dans un sac et regagné son studio où elle n’avait presque plus mis les pieds depuis près d’un an.

J’étais monté à Paris pour effectuer mon stage de fin d’études. Je louais une chambre de bonne dans le neuvième arrondissement et travaillais dans un cabinet d’architecture dans le même quartier. Au printemps, j’avais revu Claire. Nous avions vingt-trois ans. Elle était greffière au tribunal de grande instance.

J’avais obtenu son numéro par l’intermédiaire de sa mère, croisée par hasard à Angers lors d’une brève visite chez mes parents. Je me pressais au rayon pâtisserie d’un centre commercial quand elle m’avait interpellé, trottant derrière un Caddie. Apprenant que je vivais à Paris, elle s’était esclaffée :

–Ah, vraiment ?! Sais-tu que Claire habite là-bas ?

–Non…

–Tiens, voici son numéro de téléphone. Contacte-la, je suis sûre que cela lui fera plaisir.

Elle avait griffonné ses coordonnées au dos de sa liste de courses. J’avais fourré le morceau de papier dans la poche de mon jean et l’avais laissé se détériorer au gré des lessives. Je l’avais retrouvé en me rendant dans une laverie, tandis que je cherchais de la monnaie dans mon pantalon. L’encre avait coulé, mais le numéro restait lisible. Sur le chemin du retour, j’étais entré dans une cabine téléphonique. J’avais longuement tergiversé avant de décrocher le combiné et de composer les huit chiffres inscrits en bleu. Je m’étais résolu à essayer, le cœur battant.

–Allô ?

–Claire ? avais-je articulé dans l’appareil.

–Oui !..., avait-elle répondu avec surprise, dans l’attente de démasquer son interlocuteur.

–C’est… c’est Philippe.

Un silence s’était écoulé durant lequel j’avais hésité à raccrocher.

–Philippe Perrau, avais-je précisé.

Un mélange d’étonnement et d’enthousiasme s’était emparé de sa voix :

–Philippe ?... Comment as-tu obtenu mon numéro ?

–C’est ta mère qui me l’a transmis, il y a quelque tempsdéjà.

–Ah ? Elle ne m’a riendit !

Le dialogue s’était naturellement prolongé. En glissant une ultime pièce dans la fente de l’appareil, j’avais alors émis l’éventualité d’aller nous promener au Jardin du Luxembourg le dimanche suivant.

J’étais en avance, posté à l’entrée du parc. Avec la semelle de mes chaussures, je grattais nerveusement les gravillons de l’allée. Je craignais de ne pas reconnaître Claire. Mes doutes s’étaient dissipés en l’apercevant se diriger vers moi. Elle portait un chemisier écru ouvert sur les taches de rousseur qui recouvraient sa poitrine et un pantalon de lin clair. Ses cheveux bouclés avaient recouvré leur couleur dorée. J’avais tout de suite aimé sa façon de sourire franchement à mes blagues maladroites. Nous avions déambulé dans les allées du parc et je m’étais demandé à haute voix si elle était toujours capable de me battre aux billes. Elle s’était arrêtée de marcher et m’avait fixé droit dans lesyeux.

–Tu viens, on joue ? m’avait-elle défié très sérieusement.

Je l’avais dévisagée, interloqué. Elle avait éclaté de rire en sortant de sa poche un paquet de billes.

Si elle gagne, je l’épouse, avais-je songé.

Elle avait gagné.

Je l’avais épousée un matin d’été ensoleillé après lui avoir promis une maison près de Paris, un jardin ombragé, deux enfants, des vacances au bord de la mer et un amour éternel devant un prêtre sans âge prêt à s’endormir sur sa bible. Margot avait vu le jour l’année suivante. Charlotte était née six ans après. Nous habitions un pavillon à Courbevoie et, tous les matins, j’empruntais le train puis le métro pour aller travailler dans le dixième arrondissement. Le samedi soir, nous recevions des couples d’amis à dîner. Je remplissais les verres de Cabernet ou de Bourgogne et nous trinquions à l’insouciance de nos vies confortables.

Peu avant mon mariage, j’avais été recruté dans un atelier d’architecture par Paul, avec qui je partageais une vision ambitieuse de l’exercice de cette profession. Mes desseins familiaux se déroulaient comme je les imaginais et mon plan de carrière était aussi précis que les angles de mes maquettes. Je n’avais aucun doute quant à l’idée de mener une vie paisible et stable.

Et pourtant, le cours de cette existence bien tracée n’avait pas tardé à basculer. Après la naissance de Charlotte, Paul m’avait proposé une coopération plus étroite en m’associant à lui dans la gestion de l’entreprise. Nous avions recruté une équipe qui s’élargissait chaque année. Insidieusement, j’avais commencé à consacrer toute mon énergie à mon activité professionnelle. Le week-end, je ramenais les dossiers à la maison et m’isolais plusieurs heures dans le salon. De plus en plus fatigué, parfois irritable, je refusais de sortir le dimanche et de prendre en charge les devoirs des filles.

Claire m’avait rapidement reproché mon indisponibilité croissante. Je tentais de mieux m’organiser, mais les marchés que nous remportions et la pression des clients m’engloutissaient dans une spirale infernale.

Les problèmes s’accentuèrent lorsque Charlotte entra en classe de CP. Elle ne parvenait pas à trouver sa place dans le système scolaire. Les apprentissages étaient difficiles. Claire avait besoin de moi pour soutenir la petite, mais je n’étais jamais là. Ainsi, elle continuait de critiquer mes absences. J’accordais peu de crédit à ses mises en garde.

C’est la raison pour laquelle elle avait fini par se lasser et m’avait quitté. J’avais essayé de faire des efforts. Malheureusement, c’était trop tard. Claire avait déjà engagé la procédure de divorce.

Depuis, j’avais déménagé dans un logement près de la gare de Lyon où j’hébergeais Charlotte et Margot un week-end sur deux et quatre semaines l’été. J’avais meublé les trois chambres et le salon. J’avais ajouté une table dans la cuisine équipée.

J’y passais peu de temps.

Je travaillais davantage encore.

Chapitre 2

Ana aimait la pluie et les longues nuits d’hiver. Elle disait préférer l’ombre à la lumière.

La lumière, c’était la scène.

La scène uniquement.

Il pleuvait le jour où je vis Ana pour la première fois, alors qu’il était déjà près de minuit lorsque je poussai la porte d’un restaurant encore ouvert, en compagnie de Paul et Éric. De grosses gouttes s’écrasaient sur nos imperméables et l’eau sur le trottoir éclaboussait le bas de nos pantalons. Nous nous précipitâmes à l’intérieur pour nous mettre à l’abri.

La réunion organisée ce mardi s’était terminée tard. L’appel d’offres en cours, pointu et difficile, était sans aucun doute le plus important que nous ayons eu à traiter depuis la création de l’entreprise. Pour nous épauler, j’avais recruté Éric, notre ancien stagiaire dont les qualités techniques et humaines nous avaient convaincus. Nous étions fatigués et nerveux en cette fin de journée maussade.

Je n’avais jamais mis les pieds dans cet endroit situé à quelques encablures du bureau. Je n’avais même pas repéré sa devanture sobre et son entrée étroite au fond d’une courte impasse. Le midi, quand je n’avalais pas un sandwich devant mon ordinateur, je suivais mes collègues chez Jeanine. Elle tenait un bistrot familial en face du cabinet et offrait un menu du jour copieux et bon marché.

Le nom gravé sur un panneau de bois suspendu au-dessus du linteau, Chez Tamaz, ne m’inspirait aucune idée du type de cuisine servie dans l’établissement. L’intérieur, chichement éclairé par quelques lampes suspendues au plafond, était meublé de tables et de chaises aux dossiers de velours rouge disposées de chaque côté d’une allée centrale qui menait au comptoir. De vieux cadres faisaient office de décoration sur les murs en pierres apparentes et des enceintes diffusaient un fond sonore discret.

Un serveur vint à notre rencontre. Les joues rondes et imberbes, les yeux en forme d’amande, il arbora une moue désolée.

–Je regrette, messieurs, la cuisine ferme dans quelques minutes, nous informa-t-il poliment.

–Un plat chaud nous suffira, nous ne nous attarderons pas, insistaPaul.

Il s’éclipsa à contrecœur puis revint en secouant la tête. Nous nous apprêtions à faire demi-tour quand un homme débonnaire déboula d’une pièce annexe et nous héla, brandissant trois menus dans unemain.

–Attendez ! Attendez, je crois qu’on va pouvoir s’arranger !

Il s’adressa au garçon dans une langue incompréhensible. Le serveur se renfrogna ostensiblement et alla chercher des couverts en soupirant.

Le type, le patron sans doute, nous guida vers le fond de la salle.

–Bienvenue dans notre restaurant ! Voici la carte. N’hésitez pas à m’appeler si vous désirez plus de détails sur les plats. J’ai également de très bons vins de Kakhétie, notamment un saperavi rouge, fermenté dans des amphores de terre cuite. Je vous le recommande vivement !

Il débita tout cela armé d’un large sourire et d’un accent indéfinissable. Âgé d’une cinquantaine d’années, une paire de lunettes aux verres rectangulaires chaussée sur le nez, vêtu d’un pantalon côtelé et d’une chemise en laine bleue aux manches retroussées et boutonnée sur un ventre proéminent, il ne paraissait pas se formaliser des heures supplémentaires de ses employés.

Il se retira pour nous laisser faire notre choix. C’est alors que je l’aperçus, attablée seule près de la fenêtre. Légèrement dissimulée derrière un porte-manteau, elle tournait le dos à la vitre. Mon regard fut happé par la grâce de son port un peu altier et la délicatesse de ses gestes.

Le serveur venait de placer devant elle une assiette de raviolis. Elle saisit sa fourchette et porta une bouchée à ses lèvres dans un mouvement gracieux. Un livre ouvert était posé près de son verre. Ses cheveux châtains, noués en une tresse fluide, lui retombaient sur l’épaule gauche et cachaient une partie de son visage diaphane, presque évanescent. Il y avait dans ses traits, dans ses attitudes, dans sa robe à fleurs mauve d’une époque qui n’était pas la sienne et le collier de perles qu’elle portait autour du cou, l’évidence d’une beauté dont elle semblait avoir à peine conscience.

Le menu énumérait des spécialités du Caucase. J’étais trop distrait pour tracer mentalement les frontières de ce territoire. Nous commandâmes des mets aux noms parfaitement inconnus, nous fiant aux indications fournies en italique sur la composition de chacun d’eux. Le serveur emplit copieusement les verres devin.

Je choisis un plat au hasard, refermai la carte et jetai des coups d’œil discrets près de la fenêtre. Je détaillai la manière que cette femme avait de croiser les jambes, de patienter en attendant son café, d’effeuiller les pages de son roman. Elle était jeune, plus jeune que moi. Sa présence m’intriguait. Ses grandes pupilles effleuraient avec prudence le monde qui l’entourait et d’ailleurs, elle ne prêta pas attention à notre table.

–Si nous remportons l’appel d’offres, nous pourrons débuter le chantier après l’été, non ? Qu’en penses-tu Philippe ? Philippe ?

Je sursautai à l’évocation de mon prénom :

–Pardon ?

–Je te parlais de l’appel d’offres du campus universitaire… Tu t’en souviens ? ironisa Paul qui menait la conversation avecÉric.

–Oui, oui, évidemment !

Le serveur apporta les assiettes au même instant. J’entamai les feuilles de vigne farcies à la viande et repris le fil de la discussion.

Elle se leva sans achever son dessert. Elle enfila un épais gilet gris qu’elle ferma à l’aide d’une broche et récupéra son parapluie. Elle ne pouvait pas partir si vite. Je n’avais pas eu le temps d’élaborer un quelconque scénario pour l’accoster ; je n’avais d’ailleurs pas encore formulé ce souhait.

Je n’entendis pas le patron revenir vers nous pour demander :

–Tout se passe bien, messieurs ?

Je bus une gorgée de vin. Je la vis avancer vers la porte, saluer le serveur et actionner la poignée.

Figé sur ma chaise, les yeux rivés sur son dos, je renversai gauchement mon verre sur la nappe. Le liquide macula mon costume clair.

Chapitre 3

Je l’oubliai, ou presque, dès le lendemain. Je n’avais aucune chance de la revoir. C’était bien ce que je n’avais cessé de me répéter sur le trajet du retour. Son profil s’effaça de mes pensées et je ne songeai plus à cette apparition fugitive.

Les jours suivants, je me plongeai à corps perdu dans la finalisation du dossier. Ce jeudi, je peaufinais la liste des matériaux avec Paul, quand celui-ci referma le classeur d’un claquement sec en écrasant sa cigarette dans le cendrier.

–Nous avons bien avancé aujourd’hui, déclara-t-il. Je rentre. Tu devrais en faire autant.

Il quitta le bureau. J’éteignis les lumières derrière moi et tournai la clé dans la serrure. Sur le trottoir, les exhalaisons de friture qui s’échappaient des brasseries alentour exacerbèrent la faim qui me tenaillait. À l’appartement, le réfrigérateur et les placards étaient vides. La veille, je m’étais couché sans dîner et la perspective de jeûner deux soirs de suite ne m’enchantait pas. En outre, j’avais besoin de me décontracter. Instinctivement, j’obliquai à gauche et marchai jusqu’au restaurant caucasien.

D’emblée, la présence de cette femme lumineuse me revint en mémoire. J’éprouvai l’espoir insensé de l’apercevoir attablée près de la fenêtre. La place était vide ; deux couverts étaient soigneusement dressés sur la nappe blanche.

Le serveur m’indiqua une petite table au milieu de la salle. Je m’installai de sorte à être en mesure de surveiller l’entrée. C’était idiot. La probabilité qu’elle franchisse le seuil était infime. Pourtant, j’avais envie d’y croire un peu. Car, en y réfléchissant davantage, quelque chose dans sa façon d’interpeller le garçon, de lui sourire, de partir sans récupérer la monnaie, me laissait penser qu’elle fréquentait régulièrement ce lieu. Elle n’avait pas choisi ce restaurant par hasard. Elle n’avait rien d’une touriste ou d’une femme d’affaires en déplacement dans la capitale. Non, elle connaissait cet endroit. Elle venait retrouver des odeurs et des saveurs familières.

Je souris, gonflé d’un optimisme ridicule. Elle allait réapparaître, j’en étais certain, sans formellement savoir pourquoi ; et j’allais mettre tous les atouts de mon côté pour la croiser le jour où elle viendrait.

Tout au long du repas, je guettai les battements de la porte. À mon grand regret, la magie n’opéra pas et je me levai après avoir avalé une assiette de raviolis farcis de viande, d’oignons et de coriandre, communément appelés khinkalis, mais dont je ne mémorisai pas lenom.

Je pris l’habitude, tous les soirs ou presque, de manger dans cet établissement. En pénétrant dans la salle, je m’accrochais à l’obsession délicieusement absurde de revoir cette charmante créature dont le visage devenait de plus en plus flou et irréel. Invariablement, la table près du porte-manteau demeurait vide et je finis par croire qu’elle l’attendait, précisément.

Le patron me recevait avec bonne humeur et me conseillait systématiquement un plat différent.

–Monsieur semble aimer notre cuisine, observa-t-il un soir en débarrassant mes couverts.

–Je travaille près d’ici, répliquai-je, croyant utile de me justifier.

–Vous travaillez bien tard…, me fit-il remarquer en jetant un œil à la pendule au-dessus du comptoir.

Elle affichait presque vingt-trois heures.

–Je vous offre un verre de tchatcha ?

J’inclinai la tête en guise d’approbation.

–De quoi s’agit-il ?

–C’est une eau-de-vie locale.

Il apporta deux verres et s’installa à ma table. J’entamai maladroitement la conversation :

–Quelle est votre clientèle dans ce quartier ?

–Des concitoyens, essentiellement.

Cette information confirma mon analyse. L’envie me brûlait les lèvres de le questionner au sujet de cette cliente aux cheveux châtains. Mais comment lui parler d’une personne brièvement aperçue deux semaines plustôt ?

–Cela fait longtemps que vous tenez ce restaurant ?

–Je l’ai ouvert il y a vingt ans.

–Dois-je en conclure qu’il porte votrenom ?

–C’est exact. Je m’appelle Tamaz, fit-il en levant son verre de tchatcha.

La discussion se poursuivit allègrement. J’écoutai mon interlocuteur me raconter toutes sortes d’anecdotes. Le cliquetis des fourchettes et les éclats de voix autour de nous s’estompèrent progressivement et lorsque je me levai pour partir, la salle étaitvide.

En sortant, la tchatcha me brûlait la gorge et mes pas étaient légers sur le trottoir.

Chapitre 4

Lors de mon week-end de garde à la fin du mois de janvier, je manquai l’heure pour me rendre chez Claire. Je conservais pourtant en permanence ma jolie montre autour du poignet et, chaque fois que je la consultais, je pensais à Margot. Elle avait changé depuis son passage en classe de troisième. Elle cherchait à affirmer son caractère et son autonomie. Je sentais le lien entre nous se distendre. Elle ne manquait pas une occasion de s’opposer aux adultes et le divorce était une épreuve qu’elle me reprochait fréquemment.

Claire me téléphona au bureau. Furieuse, elle s’exprimait vite dans le combiné. Je quittai le cabinet sur-le-champ et sonnai chez elle quarante-cinq minutes plus tard. Elle m’ouvrit diligemment et s’avança sur le seuil. Elle ne me convia pas à entrer. Elle adoptait cette manière d’agir pour dialoguer discrètement. Elle portait une robe courte noire, dont les boutons du col étaient défaits et dessinaient une large échancrure sur sa poitrine. Elle était maquillée et tenait dans sa main des escarpins vernis.

–Philippe, tuexag…

–Je regrette, Claire ! l’interrompis-je sèchement. Je suis très occupé, nous nous sommes positionnés sur un projet importantet…

–Margot ne veut plus venir cheztoi.

Sa phrase tomba comme un couperet et m’arrêta net dans monélan.

–Comment cela ?

–Margot ne veut plus venir chez toi, répéta-t-elle fermement.

Elle tenta de me retenir par le bras, mais je pénétrai dans l’appartement d’un pas résolu. En passant devant le salon, je vis Charlotte, sagement assise sur le canapé, les pieds ballants, son manteau posé sur les genoux. Elle fixait l’écran de la télévision. Ses cheveux bouclés attachés en queue de cheval lui conféraient un air sérieux. Je montai les escaliers et frappai à la porte de la chambre de mon aînée. Elle ne répondit pas. Je m’introduisis dans la pièce sans sa permission. Elle était allongée sur son lit, les écouteurs de son walkman fichés sur ses oreilles.

–Ma chérie, prends tes affaires, on y va, lançai-je.

Elle me toisa sans retirer son casque. Je m’approchai et m’assis sur le rebord de son lit. Elle s’écarta.

–Je suis profondément navré, Margot,j’ai…

–… un gros dossier en cours, je sais, fit-elle.

Elle connaissait par cœur mes excuses.

–S’il te plaît, prépare ton sac. Je te promets de faire un effort.

–Je ne te croisplus.

Ses paroles me froissèrent.

–Margot,je…

–Je ne viendrai pas, trancha-t-elle, levant les yeux au plafond.

Je restai immobile. J’examinai son visage fermé, sondant sa contrariété. Il semblait inutile d’insister. Désappointé, je tournai les talons et m’en allai.

Assise sur son rehausseur à l’arrière du véhicule, Charlotte parla sans répit. Je l’écoutai attentivement pour oublier le siège vide près d’elle, qui inaugurait une âpre bataille.

En arrivant à la maison, la petite se précipita sur le réfrigérateur. Planté à ses côtés, j’avisai, comme elle, l’étendue du désastre. J’accueillais ma fille avec un frigidaire vide. Je dénichai au fond d’un placard un paquet de spaghettis. Charlotte afficha un sourire rassuré et brandit du réfrigérateur un pot de crème fraîche et une boîte de lardons. Ces trois trouvailles me permirent d’entamer l’élaboration du plat préféré de ma cadette avant de constater, en versant la crème dans la casserole, que celle-ci était moisie et que la date de péremption indiquée sur l’emballage de la viande était largement dépassée. Je ne pus sauver la mise qu’avec un peu de beurre.

Nous nous installâmes à table. Sans s’arrêter de bavarder, Charlotte mangea goulûment ses pâtes au beurre. Je ne touchai pas au contenu de mon assiette et, pour me racheter, descendis avec elle choisir une cassette VHS chez le loueur au coin de la rue. Les Aventures de Rabbi Jacob détendirent la soirée.

Je claquai la porte sans faire de bruit. Charlotte dormait déjà. Je l’avais prévenue de ne pas s’alarmer si elle se réveillait. Je devais retourner au cabinet clore la rédaction d’un compte-rendu pour un client. Je lui avais rappelé où se trouvait le numéro de téléphone de ma ligne professionnelle, inscrit sur la première page du carnet sous le pot de crayons.

Je travaillai une demi-heure sans réussir à m’appliquer. Je décidai de poursuivre à la maison durant le week-end. Je rassemblai les papiers que je déposai dans ma voiture et conduisis en direction de Chez Tamaz. J’avais faim.

Elle entra au moment où j’achevais mes brochettes de porc. Je battis des cils à plusieurs reprises. Elle salua le serveur d’un hochement de tête et se dirigea directement vers la table derrière le porte-manteau. J’avais eu raison de croire que cette place l’attendait.

Chapitre 5

Elle commanda une assiette de khinkalis et sortit un livre de poche de son sac en cuir. Elle portait la même robe à fleurs, le même gilet de laine gris, le même collier de perles autour du cou. Immédiatement, je captai une vague agitation dans son regard. Ses yeux noirs effectuaient des vas-et-viens entre la salle et la page sur laquelle elle ne parvenait pas à focaliser son attention.

Elle mangea ses raviolis machinalement. À la fin de son repas, le garçon lui apporta un thé. Elle but le liquide brûlant en grimaçant et jeta deux billets de vingt francs sur l’addition.

Je me levai sans réfléchir. Je me dirigeai vers sa table, le cœur battant et les mains moites. Je me postai face à elle. Elle se redressa et, surprise, esquissa un mouvement de recul. De loin, je n’avais pas remarqué ses paupières rouges. Elle avait pleuré. Penaud, j’hésitai à faire demi-tour, mais son air interrogateur me retint.

Je ne me souviens plus exactement quelle phrase absurde j’employai pour obtenir la permission de me joindre à elle. Impassible, elle se contenta de me désigner la chaise face à elle.

–Est-ce que je peux vous offrir quelque chose ? proposai-je promptement en desserrant machinalement ma cravate.

–Je reprendrai volontiers unthé.

Elle prononça ces paroles avec un léger accent. Je commandai deux thés à la menthe.

–Je vous ai déjà vue à cette table, déclarai-je.

–C’est possible.

De près, elle était plus belle encore, malgré ses pommettes sans fard et ses oreilles sans boucles.

–Vous mangez souvent dans ce restaurant ?

–Oui. Généralement je dîne ici chaque mardi. Aujourd’hui, c’est exceptionnel,car…

Elle s’interrompit. Elle ne semblait pas vouloir dévoiler la raison de sa présence tardive en ce vendredi.

–… j’avais le blues, finit-elle par admettre.

Elle esquissa un sourire en se pinçant les lèvres, puis essuya ses paupières gonflées à l’aide de sa serviette en papier et inspira profondément. Elle me détaillait prudemment, tentant de déchiffrer mes intentions derrière mon complet sombre et mon air emprunté. Elle remercia d’un signe de tête le serveur qui venait de déposer deux tasses blanches sur la nappe et croisa les bras.

Elle m’écouta distraitement lorsque je lui expliquai comment j’avais découvert l’établissement, de manière fortuite, avec des collègues. Je ne niai pas revenir régulièrement depuis. Elle ponctua ma tirade d’un bref rictus.

Je soufflai sur mon thé, ajoutai un sucre, avalai une gorgée et renchéris :

–Au fait, je m’appelle Philippe.

Étrangement, elle garda le silence. Son attitude me décontenançait.

–Et vous ?

Je surpris un léger trouble dans son regard.

–Ana.

Son prénom résonna dans mes tempes avec une douceur infinie. Et un écho lointain. Son accent, dont j’étais incapable de déterminer la provenance, était infime, à peine perceptible. Il était trop tôt pour la questionner sur ses origines.

–Et que faites-vous dans la vie,Ana ?

–Je suis pianiste, assura-t-elle avec cette même diffraction au fond desyeux.

–Pianiste ! m’exclamai-je. Vraiment ?

–Oui, vraiment, sourit-elle.

Je n’étais pas mélomane. C’est pourquoi j’éprouvai confusément une intense fascination et une ineffable appréhension.

–Bon, je dois partir, annonça-t-elle subitement en agrippant son sac. Au revoir… Philippe !

Elle repoussa sa chaise et sortit sans se retourner, dégageant une fragrance vanillée. Déconcerté, je n’eus pas le temps de lui demander quoi que ce soit : son numéro de téléphone, son adresse, ses disponibilités pour un prochain rendez-vous. Une désagréable sensation m’envahit.

Je me levai brusquement, réclamai l’addition, laissai un billet sur la table et abandonnai les lieux précipitamment. Je cherchai Ana dans le flot des passants sur le trottoir. Je l’aperçus, cinquante mètres plus loin, s’engouffrer dans une bouche de métro. Je courus et dévalai les escaliers. Elle avait déjà franchi le portique. Je me hâtai d’acheter un ticket et empruntai la même direction. Je la vis s’asseoir sur un strapontin dans la rame à quai et extraire son livre de son sac. Je me faufilai à l’intérieur du wagon tandis que le signal de fermeture des accès résonnait.

Je m’appuyai contre une barre pour reprendre ma respiration. Elle me tournait le dos. Je n’apercevais d’elle que ses cheveux foncés et le col de son gilet gris recouvrant sa nuque. J’avançai doucement. Je prononçai son prénom. Absorbée dans sa lecture, elle ne réagit pas. Je le répétai plus fort en me penchant vers elle. Elle releva la tête et poussa un bref cri de surprise.

–Ah, c’est vous ! souffla-t-elle.

–Pardon, je ne voulais pas vous fairepeur.

Elle haussa les sourcils en souriant.

–Ce n’est rien. Je… j’ignorais que vous rentriez en métro vous aussi… 

Chapitre 6