On a volé Saint-Nonna - Gilles Battistuta - E-Book

On a volé Saint-Nonna E-Book

Gilles Battistuta

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Beschreibung

Qu'un parchemin vieux de plusieurs siècles surgisse des entrailles de l'église Saint-Nonna à Penmarch et c'est tout un pan du microcosme local qui vole en éclat. Comment déchiffrer ces mystérieux signes cabalistiques écrits avec le sang même des suppliciés d'un autre temps, sur cette feuille de chiffon ? Qui veut donc s'approprier ces richesses enterrées quelque part, il y a bien longtemps dans cette partie du sud Finistère ? Parfois, il n'est jamais bon de fouiller dans le passé et profaner la tombe d'un combattant de l'ombre peut déclencher l'ire de protecteurs occultes. Pour résoudre cette énigme, Max et Amandine, enquêteurs chevronnés que rien ne prédestinait à travailler ensemble, vont allier leurs forces afin de déjouer les projets malveillants d'un adversaire insaisissable. Soutenus dans cette quête par un allié inattendu, leurs investigations prendront des voies aussi complexes que périlleuses, laissant derrière eux un sillage aux couleurs de la mort.

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Du même auteur

Le Printemps Ressuscité - Psychodrame

La Dynastie des Douze - Aventure

Une histoire troublante et des personnages attachants tout droit sortis de l’imagination de l’auteur, au milieu de lieux bien connus : Voilà de quoi attiser pour de bon, la curiosité du lecteur.

Max et Amandine ont peut-être réellement existé. S’ils venaient à lire ce récit, ils se reconnaîtront certainement.

Remerciements

La photographie de la page de couverture a été réalisée par Arnaud Bourdon, photographe amateur à Penmarc'h (@Nonos)

Sommaire

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

1

En arrivant sur les hauteurs du mont Frugy, on pouvait apercevoir ce halo qui entourait, tel un dôme de lumière, le centre-ville de Quimper.

Les flèches de la cathédrale Saint-Corentin élevée sous l’épiscopat de Félix1, semblaient figées du haut de leurs soixante-quinze mètres, tels deux doigts pointés vers un monde inaccessible.

L’obscurité avait doucement envahi les alentours. C’était une nuit sans lune, l’une de ces soirées étoilées qui donnent envie de flâner tranquillement le long des berges de l’Odet ou de s’attarder, assis à l’une des terrasses bordant la place devant la Mairie.

De nombreux badauds allaient et venaient, pour la plupart, des jeunes se déplaçant en petits groupes bruyants, des lycéens peut-être qui profitaient des derniers jours de ces vacances d’été avant de recommencer une nouvelle année scolaire.

Dans les artères transversales, un léger souffle d’air frais se faisait maintenant sentir. Plus loin, la rue Laënnec avait retrouvé sa tranquillité habituelle.

À vingt heures, la circulation piétonnière s’amenuisait doucement dans ce secteur faiblement éclairé et occupé par deux ou trois commerces seulement.

Au milieu d’une immense façade en pierre, une fenêtre grande ouverte sur ce qui semblait être un bureau, laissait échapper un flot agressif de lumière blanche.

À cet instant, seul un œil familiarisé avec la pénombre ambiante aurait pu voir ces silhouettes inquiétantes pousser furtivement la porte cochère de cette vaste demeure qui s’ouvrait sur un espace garni de plantes multicolores savamment agencées.

Au milieu d’une fontaine asséchée en pierre poussait un gigantesque sophora du Japon s’élevant au-dessus de la crête des toits.

Les propriétaires des lieux avaient accordé une attention toute particulière à l’agencement de cet espace de transition. On sentait la volonté de redonner une place privilégiée à la nature dans cet urbanisme envahissant.

Et c’était assez réussi.

Deux bancs en pierre permettaient de s’arrêter pour un instant de repos et de contemplation.

Derrière cet écran de verdure, les reflets sombres d’une grande baie vitrée coulissante laissaient, par transparence, deviner la présence d’un hall à la surface confortable.

Là, trônait un escalier central en calcaire dont la couleur blanchâtre contrastait étrangement avec les murs de granit rose.

Dès qu’ils furent sur le palier de l’unique étage, les deux hommes aux desseins malveillants trouvèrent facilement ce qu’ils étaient venus chercher.

Fixée sur la droite de l’une des deux portes capitonnées une élégante plaque de verre fumé portant l’inscription « Agence d’Investigations Leroux et Cie » leur indiqua leur destination.

Après avoir abaissé la poignée avec une infinie précaution, ils pénétrèrent d’un pas feutré à l’intérieur d’une pièce au décor épuré où deux tables au design contemporain faisaient face à l’entrée. Quelques étagères supportant difficilement de nombreux dossiers, deux téléphones et un ordinateur complétaient le tableau.

Amandine Leroux, assise dans un confortable fauteuil, les yeux rougis par une lecture soutenue, fixait avec intensité le contenu d’un volumineux classeur dont elle peinait à faire la synthèse qu’elle espérait clôturer ce soir.

Pour l’heure, elle se sentait bien, en sécurité. L’agence n’avait jamais été aussi prospère. La présence de son nouvel associé y était certainement pour beaucoup.

Elle remerciait encore le Ciel d’avoir croisé un jour sa route et se félicitait surtout d’avoir suivi ce stage de perfectionnement à Montpellier qui lui avait permis cette rencontre inattendue2.

Alors qu’il était sur le départ, elle lui avait demandé de verrouiller la porte donnant sur la rue. Elle serait ainsi plus sereine pour travailler sachant qu’il lui arrivait parfois de s’assoupir, terrassée par la fatigue.

Elle aimait cette ambiance studieuse qui favorisait la réflexion et décuplait son intellect. Elle ne travaillait jamais aussi bien que le soir. La sonnerie du téléphone, bien qu’agréable, ne perturbait plus le silence de l’endroit et la décoration zen du bureau reprenait tout son sens.

De toute façon, chez elle, personne ne l’attendait. Lorsqu’elle rentrait, ce n’était que pour rejoindre un univers certes confortable, mais où tout n’était que solitude. Prendre une douche, manger sans même s’asseoir parfois puis se mettre au lit, recrue de fatigue, c’est ainsi qu’elle vivait la plupart de ses soirées.

Elle préférait la lecture à la télévision acrimonieuse et chronophage. L’agressivité, elle s’en passait aisément.

C’était son quotidien et elle avait besoin de pouvoir en changer avant de s’endormir.

La réussite professionnelle était l’unique but actuel de sa vie. Elle écartait systématiquement tout ce qui pouvait l’en détourner. Non pas qu’elle n’ait jamais envisagé une vie amoureuse, mais elle avait défini une fois pour toutes ses priorités, du moins le pensait-elle !

Il lui semblait être heureuse, équilibrée. Toutefois, dans un coin de son esprit, elle savait bien qu’un espace était vide, un espace où le manque d’une présence à ses côtés lui laissait malgré tout un petit goût d’amertume.

Ce qu’elle ignorait à cet instant, c’est que Max avait oublié sa requête, tracassé par quelques détails pour le moins surprenants de l’enquête que venait de leur confier une association originaire de Penmarc'h.

Ah, Max. C’était son grand tourment. Bel homme, intelligent, dynamique et réactif au possible, le collègue idéal, en quelque sorte. Et peut-être aussi l’amant tant attendu. Pourquoi pas. Mais non… Plus tard… On verrait.

Il y avait plus urgent.

Pressée par son client de rendre au plus vite ses conclusions, elle venait enfin de mettre un point final à ce volumineux dossier pour lequel l’agence avait été mandatée dans le cadre d’une affaire de concurrence déloyale.

Alors qu’elle refermait le gros classeur, Amandine aperçut soudainement dans son champ de vision deux pieds se rapprochant lentement, bientôt suivis de deux jambes.

Les verres progressifs, qu’elle ne mettait par coquetterie que pour lire, l’empêchèrent pendant quelques secondes, d’avoir une vision globale de la scène.

Relevant rapidement la tête, elle eut le désagrément de trouver devant elle, deux individus tout de noir vêtus et portant une cagoule ne laissant voir que leurs yeux.

Ils se tenaient là, immobiles et silencieux, à deux pas de son bureau. L’un était un géant, peut-être deux mètres. Des épaules larges, des bras musclés terminés par des poings massifs.

« Une brute », pensa-t-elle !

Son acolyte paraissait presque petit à côté bien qu’il ne le fût pas. Il était évident que leur présence à cette heure tardive ne pouvait rien avoir d’amical.

Incrédule, Amandine se demanda tout d’abord, comment ils avaient pu arriver jusqu’à elle. Elle ne les avait pas entendus entrer.

Furieuse de cette intrusion, elle arracha plus qu’elle n’enleva ses lunettes et les déposa sur le plan de travail, à côté de son ordinateur portable. Puis, visiblement courroucée, elle poussa brusquement sa chaise en arrière et marcha vers les intrus.

La réaction adverse ne se fit pas attendre.

Le colosse ouvrit son blouson, plongea prestement la main à l’intérieur et en ressortit un pistolet de gros calibre qu’il pointa dans sa direction, d’un geste qui ne souffrait aucune contradiction.

— Doucement, ma belle. Tu te calmes et tout ira bien ! prononça-t-il sur un ton agressif.

La présence de cette arme aux reflets métalliques inquiétants, faite pour tuer, paraissait surréaliste dans le décor du bureau.

Amandine constata alors la détermination de l’homme qui lui faisait face. Elle voyait maintenant avec précision le trou noir du canon, certainement du 9mm parabellum, braqué sur son visage ulcéré.

Elle freina immédiatement son ardeur, éberluée, et regretta d’être en jupe.

L’ambiance était équivoque.

Si ces types en voulaient à sa vertu, leur forfait en serait d’autant plus aisé qu’ils n’auraient grand-chose à lui enlever.

En effet, elle était bien faite. Elle le savait et ses tenues vestimentaires étaient toujours pour le moins minimalistes.

Elle aimait bien afficher sa féminité, mais sans provocation ni revendication quelconque. Elle voulait simplement montrer qu’on peut être jolie, consciencieuse et réussir dans un monde d’hommes sans pour autant se compromettre.

La gorge serrée par l’angoisse et le visage blême, elle les apostropha avec véhémence, autant pour se rassurer elle-même que pour canaliser sa peur :

— Que voulez-vous. Il n’y a pas d’argent ici. Vous vous trompez d’endroit ! cria-t-elle.

— T’inquiète pas ma jolie. Ce n’est pas le pognon qui nous intéresse, répondit le plus grand des deux.

À ces mots, le stress d’Amandine monta d’un cran. Elle pensa instantanément que ses pires craintes étaient fondées. Elle avait vu tant de choses.

Ne voulant pas abdiquer si facilement, elle se prépara à défendre son honneur. Parce que ça ne se passerait pas comme ça. Elle allait leur montrer qu’ils se trompaient en croyant trouver face à eux une jolie fille sans résistance.

Elle avait suivi pendant cinq ans, un entraînement de Krav-Maga 3 , technique de combat israélite qui n’aboutissait sur aucune compétition, car trop violente et n’étant pas considérée comme une discipline sportive. Ils en feraient les frais si leurs intentions étaient d’essayer d’abuser d’elle.

Comme s’il avait lu dans ses pensées, le malabar rajouta, d’un sourire goguenard en la détaillant de haut en bas :

— On veut seulement jeter un coup d’œil dans ton coffre !

La tension retomba brusquement. La stupéfaction l’emportait déjà lorsqu’elle répondit :

— Dans le coffre ? Mais il n’y a rien qui puisse… juste quelques dossiers !

— Nous jugerons nous-mêmes. Maintenant, ouvre ce truc immédiatement et n'essaie pas de gagner du temps sinon…

Amandine eut envie de dire : « sinon quoi ? », mais elle ne releva pas. Les deux lascars qui lui faisaient face semblaient nerveux et certainement pas d’humeur à apprécier son humour caustique du moment.

Elle manœuvra la porte, au ralenti, comme si cela allait changer quelque chose.

Alors qu’elle s’exécutait, mille questions assaillaient son esprit.

Il n’y avait franchement rien ici qui vaille d’être agressée de la sorte. Aucune investigation menée par l’agence ne comportait de donnée confidentielle ou sensible à part peut-être le dossier qu’elle venait de clôturer.

La réponse à ses tergiversations arriva sous la forme d’un aboiement :

— Tu vas bouger ton cul, oui. Allez, plus vite que ça !

Outrée qu’on puisse lui parler d’une façon aussi vulgaire, Amandine se figea.

Devant l’insistance impatiente de celui qui paraissait diriger le duo, elle s’exécuta avec mauvaise grâce. Se retournant, elle leur tendit à bout de bras une lourde pile de documents.

Le deuxième homme s’approcha d’elle et les lui arracha quasiment des mains. À cet instant, ce dernier n’avait toujours pas prononcé la moindre parole.

Procédant à un rapide contrôle, il jeta à terre les dossiers les uns après les autres pour n’en garder qu’un qu’il montra, l’air triomphant, à son comparse.

Sur la page de garde étaient inscrits ces mots en gros caractère : « SAINT-NONNA ».

En regardant celui qui brandissait ces quelques feuilles comme s’il s’agissait d’une prise de guerre, Amandine commença à éprouver une étrange sensation où la peur de son devenir immédiat se mêlait à l’incrédulité.

Depuis quelques secondes, son subconscient lui disait qu’elle connaissait cet individu. Sa façon de se mouvoir, de pencher la tête.

Elle l’avait déjà vu.

Elle savait qui c’était, c’est sûr !

Mais, impossible pour l’instant, de mettre un nom sur ce bonhomme aux gestes nerveux.

Sa réflexion s’arrêta lorsque la voix autoritaire du colosse au pistolet lui ordonna de se retourner et de regarder avec attention le tableau d’art moderne acheté dans une galerie quimpéroise, qu’elle-même avait accroché au mur, six mois auparavant.

Tout d’abord, elle refusa en protestant.

Le malfrat plaqua son arme sur le front de notre intrépide détective, le doigt crispé sur la détente.

Elle se dit que la situation était trop tendue pour qu’elle esquisse un quelconque mouvement de riposte. Il faut savoir reconnaître ses limites. Elle préféra obtempérer, non sans avoir manifesté son désaccord.

Alors qu’elle finissait de pivoter sur elle-même pour lui tourner le dos, elle ressentit un choc violent sur sa nuque.

Tout se brouilla instantanément et elle tomba inanimée, face contre terre.

Dans le mouvement, sa jupe courte et ample s’était relevée haut sur ses cuisses laissant apparaître un minuscule triangle de tissu noir aux contours brodés.

Une idée salace traversa un instant l’esprit de l’un des deux compères, aussitôt abandonnée par l’urgence de la situation.

Arborant un air méprisant, l’agresseur d’Amandine s’adressa à son acolyte :

— Arrête de loucher et range ta libido au placard. On n’a pas le temps pour la bagatelle !

Pour la première fois, l’ « autre » s’exprima :

— Pourquoi as-tu fait ça ? Décidément, on ne peut pas te faire confiance. On avait dit sans violence !

— Oui. On l’avait dit. Mais c’est une vraie peste cette nana-là. Regarde ! Même assommée, elle semble encore dangereuse. On n’aurait pas fait dix mètres avant d’avoir les flics sur le dos. Elle aurait ameuté tout le quartier.

— Quand même ! J’espère que tu ne l’as pas amochée, au moins !

— Un coup de matraque n’a jamais tué personne. J’ai pas tapé bien fort, va. Maintenant, attache-lui les mains derrière le dos. Et fais vite, parce qu’il faut qu’on se tire d’ici rapidement.

— Avec quoi. On n’avait pas prévu tes conneries !

— Je sais pas, moi. N’importe quoi fera l’affaire ! Tiens, les embrases des rideaux, là-bas. Et fais plusieurs tours. À défaut de l’arrêter, ça la retardera toujours un peu.

1 Saint Félix, 16ème évêque de Nantes (549-582)

2 Voir du même auteur : « Le Printemps Ressuscité

3 Méthode d'autodéfense d'origine israélo-tchécoslovaque hongroise combinant des techniques provenant de la boxe, du muay-thaï, du judo, du jujitsu et de la lutte.

2

Lorsqu’elle reprit ses esprits, Amandine constata qu’elle était allongée sur l’épaisse moquette, au milieu d’un désordre innommable.

Relevant légèrement la tête, elle se rendit compte que le dessus des bureaux avait été balayé d’un revers de main rageur puis éparpillé sur le sol maintenant jonché de feuilles de papier et de stylos.

Son ordinateur, ses lunettes et les deux téléphones n'avaient pas été épargnés. Un peu plus loin, les dossiers de l’armoire forte gisaient à terre, éventrés, comme pour ajouter un peu plus de chaos à la scène

Elle mit un peu de temps à se délivrer de ses liens rudimentaires.

Repliant tant bien que mal ses jambes sur son thorax, elle parvint à passer ses bras sur le devant de son corps.

La rage au ventre, utilisant ses dents, mordant, déchirant, elle réussit alors à défaire les nœuds qui entravaient sa liberté.

Ses agresseurs n’avaient pas pris la mesure de leur force en serrant de cette façon. Ses mains étaient presque bleues. Elle dut les masser de longues minutes avant de pouvoir bouger ses doigts endoloris et gonflés.

Encore groggy par le coup, elle tapota doucement l’arrière de son crâne. Elle avait mal, mais il n’y avait pas de trace de sang. Tant mieux !

Toujours couchée en chien de fusil, elle fouilla maladroitement dans sa poche arrière, en sortit son smartphone et appuya avec fébrilité sur la première ligne de son répertoire.

Max lui avait demandé de faire en sorte que son numéro puisse être composé de façon à n’avoir pas besoin de réfléchir pour le contacter.

Son interlocuteur décrocha au bout de ce qui lui sembla une éternité. Chaque mot qu’elle prononçait résonnait comme un coup de gong à l’intérieur de sa tête.

— Allô Max ! Je suis à l’agence. J’ai été agressée... S’il te plaît, viens vite. Ils m’ont obligée… le coffre…

Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase. Une douleur fulgurante traversa son cerveau et elle s’évanouit à nouveau, retombant mollement sur le sol.

À l’autre bout de la ligne, Max perçut la chute plus qu’il ne l’entendit.

— Amandine... Amandine, réponds-moi !

Le silence qui s’ensuivit confirma ses inquiétudes.

Affolé, il appela immédiatement le Codis 4 et fila comme un éclair en direction de la rue Laënnec.

Sur place, il constata que la porte de l’immeuble était normalement close, la baie vitrée fermée.

L’espace d’une seconde, il douta qu’il se soit réellement passé quelque chose ici. Tout semblait si tranquille.

Retenant son souffle, il monta quatre à quatre les marches de l’escalier qui le séparait du bureau.

Ce n’est qu’à la vue de sa collègue gisant inanimée, recroquevillée sur elle-même, qu’il comprit la gravité de la situation. Il se précipita vers elle.

Tout en s’agenouillant, il glissa précautionneusement la main sous sa tête et rabaissa machinalement sa jupe. C’est à ce moment-là qu’elle reprit vaguement connaissance et se mit à gémir.

— Max, j’ai mal…

— Ne bouge pas. J’ai appelé de l’aide. Ils ne vont pas tarder.

— Oui, mais... Saint-Nonna ! murmura-t-elle dans un souffle presque inaudible.

— Ce n’est pas le moment. On verra ça plus tard !

Lorsque son téléphone se mit à vibrer, il ne comprit pas immédiatement qu’il s’agissait des secours bloqués en bas dans la rue.

— Mince ! J’ai refermé la porte

Dans sa précipitation, il avait fait claquer le battant et la serrure s’était verrouillée.

Abandonnant provisoirement Amandine, il se précipita vers l’interphone pour leur ouvrir.

Alors que les pompiers la conditionnaient pour son transport, Max jeta un coup d’œil circulaire. On aurait dit qu’une tornade était passée dans la pièce tant il y avait de papiers éparpillés.

Chagriné par ce spectacle de désolation, il ramassa les feuillets les plus sensibles et les rangea pêle-mêle dans le gros coffre-fort plaqué contre le mur.

Ce mastodonte en ferraille de couleur vert bouteille avait été acheté dans une brocante de Plozevet et trônait maintenant dans les bureaux de l’agence. Ils l’avaient choisi pour ce qu’il était, bien sûr, mais aussi pour son histoire.

Vieux d’une bonne centaine d’années, ce monstre d’acier avait dû voir bien des choses et certainement résisté à plusieurs tentatives d’effraction vu les traces visibles sur son châssis.

Et puis, cette masse métallique, atypique en ce lieu, amenait une touche de sérieux, renforçait l’impression de sécurité offerte par l’agence.

Il referma l’épaisse et lourde porte, brouilla la combinaison et tourna les talons, laissant les lieux en l’état.

Il y avait plus pressé que de faire le ménage.

Il rattrapa l’ambulance et la suivit jusqu’au centre hospitalier de Cornouaille. Il s’attendait à trouver un parking bondé comme d’habitude, mais l’heure tardive lui avait permis de se garer sans trop de difficulté.

Alors qu’il accompagnait le brancard dans les couloirs, une infirmière lui barra fermement le passage :

— Je suis désolée, monsieur. Les familles ne peuvent pas pénétrer dans l’espace de soins. Il est préférable que vous attendiez son retour dans la salle, derrière vous.

Résigné, Max obtempéra.

Anxieux, il bouillait d’impatience, tournant en rond, parcourant les couloirs.

Autour de lui, une bonne cinquantaine de personnes patientait. La foule était hétéroclite.

Assis sur une chaise ou par terre, debout, des personnes âgées, des couples avec de jeunes enfants, des personnes seules, tous attendaient qu’on veuille bien les prendre en charge.

Ce n’était que lamentation, protestation, colère contre les temps d’attente aussi longs. La température grimpait et les esprits s’échauffaient petit à petit.

Max ne faisait pas exception à la règle. Il venait d’avaler son troisième café lorsque, après deux interminables heures, Amandine apparut, le cou immobilisé par une magnifique minerve bleue, marchant comme une vieille dame courbée par les rhumatismes.

— Surtout, tu ne te moques pas, lui dit-elle sur un ton péremptoire.

— Comment te sens-tu ? demanda-t-il d’une voix où pointait une inquiétude sincère.

— J’ai l’impression d’être passée sous un rouleau compresseur.

— Allez, je te ramène chez toi. Ta voiture peut rester où elle est pour cette nuit. De toute façon, tu n’es pas en état de conduire.

Dès leur sortie du service des Urgences, un vent frais leur caressa le visage, procurant à l'un et à l'autre, quelques secondes de bien-être.

Pas fâchés de quitter enfin l’endroit, ils marchèrent un moment pour rejoindre la Jaguar. Dans la précipitation qui avait entouré l’événement, Max n’avait pas eu l’impression de s’être garé si loin de l’entrée.

Le trajet ne dura pas longtemps. Bien qu’il conduise avec une infinie précaution, chaque secousse même légère, chaque changement de direction déclenchait chez sa passagère des douleurs cervicales aiguës.

Arrivé au domicile d’Amandine, il l’accompagna jusqu’à la salle de bains.

Alors qu’elle commençait, sans plus de détour à se déshabiller, Max se força à détourner son regard de ce corps si désirable et se retira, refermant la porte derrière lui.

Elle était restée longtemps sous l’eau.

Il n’avait pas osé s’aventurer et ainsi risquer de la trouver nue. C’eut été inconvenant, il en avait conscience.

Alors, il avait patienté.

Elle ressortit, les cheveux enroulés dans une serviette éponge, vêtue d’un peignoir d’homme. Max remarqua immédiatement ce détail, mais n’en souffla mot. Il ne lui connaissait aucun amant, aucun petit ami. Par discrétion, il décida de ne pas poser de question.

Tout en traversant le salon, elle s’adressa à lui en disant :

— Cette douche brûlante m’a lessivée. Je suis crevée et j’ai l’estomac retourné. En plus, dormir avec ce truc autour du cou, ça va être génial, dit-elle.

Elle vacillait sur ses jambes à tel point que Max douta qu’elle puisse arriver jusqu’à sa chambre.

— Attends. Je vais t’aider !

Joignant le geste à la parole, il la prit délicatement dans ses bras pour la porter jusqu’au lit. Dans le mouvement, les pans du peignoir s’écartèrent, dévoilant largement les cuisses musclées d’Amandine.

Celle-ci ne fit rien pour remettre le tissu en place. Non seulement les effets du somnifère commençaient à se faire sentir, mais elle se fichait pas mal de s’exposer ainsi aux yeux de celui qui lui venait en aide. Peut-être y trouvait-elle même un certain plaisir.

Dès lors qu’elle fut allongée, il rabattit la couette et lui dit d’une voix calme, apaisante :

— Essaye de te décontracter. On reparlera de tout ça demain, d’accord ? Maintenant, il faut que tu dormes. À l’hôpital, ils t’ont donné ce qu’il faut, ça va t’aider. Ton téléphone est sur le chevet. Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu m’appelles. Compris ?

— Merci ! répondit-elle dans une mimique troublante.

Puis, sans préavis, elle lui prit la tête, l’amena à elle et l’embrassa dans un mouvement rapide, écrasant ses lèvres contre les siennes.

Après qu’elle eut relâché cette étreinte furtive, interloqué, celui-ci s’entendit murmurer :

— Ne t’inquiète pas. Cette fois-ci, en partant, je vais m’assurer que la porte d’entrée est bien verrouillée.

Avant de redescendre, Max avait pris quelques instants pour se remettre de ses émotions.

D’une main distraite, il avait négligemment soulevé le rideau de la porte-fenêtre donnant sur le balcon du salon. De là, il avait une vue imprenable sur l’Odet et ses environs. Bordé de verdure et de lumière, le décor apaisant dégageait une sensation de plénitude.

La cathédrale Saint-Corentin, éclairée se dressait au loin. Un vieux gréement semblait échoué, amarré au quai.

Max n’avait jamais vraiment eu l’occasion de visiter « Le cap Horn », ce quartier de Quimper si tranquille. C’est vrai qu’il s’agissait d’un secteur très recherché à deux pas du centre-ville, ce qui expliquait la hauteur des prix de l’immobilier.

Il comprenait aujourd’hui pourquoi Amandine avait choisi de vivre là, plutôt qu’ailleurs.

Il était évident qu’après une journée de travail bien remplie, passer quelques instants face à un tel paysage ne pouvait qu’être apaisant, bénéfique.

Il avait lâché le lourd tissu qui était tombé dans un bruissement de matière, d’un coup sec comme la lame d’une guillotine qui marque la fin d’un épisode.

Fatigué et désabusé, il avait fermé la lumière de l’appartement, verrouillé la porte d’entrée et descendu les marches de l’escalier dans l’obscurité, comme l’ombre de lui-même.

Là-haut, en présence de sa charmante associée, il n’avait pas voulu laisser paraître son désarroi.

Il avait le sentiment d’avoir fait ce qu’il fallait, d’avoir réagi de la meilleure manière qui soit pour lui venir en aide, mais maintenant, assis dans sa voiture, il ressentait un vide intense et s’était affaissé sur lui-même, miné par l’inquiétude et l’émotion.

Incrédule, il avait du mal à admettre cette violence. Aux yeux de qui le dossier « Saint-Nonna » pouvait-il avoir tant d’importance qu’on n’hésitât pas à agresser sans vergogne, une détective dans ses propres locaux ?

Et puis, ce baiser si inattendu, si chargé d’impudeur et de naturel à la fois…

La nuit avait été longue et pénible autant pour l’un que pour l’autre.

Le lendemain, mal réveillés et d’humeur maussade, ils s’étaient présentés dès neuf heures au 3 de la rue Théodore-le-Ars, bâtiment qui abritait les locaux du Commissariat de police.

Max avait pris soin, la veille, de signaler les faits par téléphone afin d’être attendu. Mais, devant l’absence totale d’éléments exploitables, il n’avait pas jugé utile, malgré l’insistance de son interlocuteur, qu’une patrouille se déplace, préférant ainsi garder une marge de manœuvre dans l’enquête que lui-même avait l’intention de mener.

Ils avaient été reçus par le capitaine Jacques Pinel, un homme charmant, attentif et plein d’humanité, chef de la section PJ.

— Bonjour. Je suis ravi de faire enfin votre connaissance. Ainsi, la fameuse agence d’investigations Leroux et cie, c’est vous !

Il avait gratifié son visiteur d’une poignée de main énergique et détaillé Amandine plus que de raison.

Cet accueil chaleureux avait fait disparaître leur agressivité et c’est quelque peu tous les deux rassérénés qu’ils avaient entamé le dialogue.

— Vous avez entendu parler de nous ? demanda Max.

— Bien sûr. C’est mon métier de tout savoir. Rassurez-vous. Vous avez une excellente réputation sur la place de Quimper. Mais venons-en tout d'abord à ce qui vous amène ici aujourd'hui. Quel est votre problème ?

Amandine lui expliqua, tant bien que mal, son agression de la veille.

— Il m'est impossible de vous donner plus de précisions. Avec le coup que j’ai pris, il y a des choses qui ne me reviennent pas. J’ai des blancs concernant certains détails.

Max intervint dans la conversation :

— On nous a volé un dossier, un seul : « Saint-Nonna ». C’est une affaire en cours. Je ne vois pas l’intérêt d’une telle agression alors qu’aucune certitude n’a encore été établie sur la réalité de ce supposé trésor.

— Le trésor de Saint-Nonna ! Tiens donc. Vous pouvez m’en dire un peu plus ?

Max partit dans une longue explication reprenant de façon synthétique toute l’histoire depuis son point de départ.

— Tout cela me paraît un peu farfelu, mais pourquoi pas ? Est-ce que vous pouvez quand même essayer de me décrire vos agresseurs ? demanda l’officier à Amandine, sans parvenir vraiment à détacher son regard de ce chemisier largement ouvert sur un soutien-gorge bleu foncé contenant avec peine une poitrine que l’on devinait bien faite.

Il est vrai qu’elle avait poussé le détail jusqu’à assortir ses sous-vêtements à la couleur de la minerve.

Elle-même avait aussi observé discrètement son interlocuteur. Beau gosse, l’officier de police ne pouvait pas laisser les femmes indifférentes.

Grand, peut-être un mètre quatre-vingt voire plus, brun avec un visage aux yeux d’un gris acier, les cheveux courts taillés en brosse, l’allure volontaire, on voyait bien qu’il s’agissait d’un homme sportif. Les muscles de ses bras et de son torse roulaient sous le tissu de son polo moulant.

Sa façon de bouger, de marcher le faisait ressembler à un félin guettant sa proie.

Bref, il s’imposait naturellement, occupant tout l’espace et il ne serait venu à personne l’idée de le contrarier.

— Oh, pas grand-chose de plus ! Ce dont je me souviens, c’est qu’ils étaient habillés en noir. Ils portaient des gants et une cagoule. Partant de là, difficile de dresser un portrait. Le plus petit des deux avait à peu près votre corpulence. L’autre était taillé comme un bûcheron canadien, un peu comme le type là-bas, celui qui est debout à côté du comptoir d’accueil.

— Je vois. Vous avez peut-être d’autres choses à m’apprendre ? Ce document, qu’est-ce qu’il raconte au juste ?

— Pour l’instant, on n’en sait guère plus. Nous n’avons pas eu le temps de l’exploiter.

— Et… Il a disparu, je suppose ?!

— Oui.

Max et Amandine s’étaient bien gardés d’en dire plus pour l’instant.

— Je ne vous cache pas que les investigations vont s’avérer difficiles… avec si peu d’éléments et aucun signalement précis. Je vais faire mon possible.

— Nous vous remercions.

— Mais comme disait Prosper Mérimée : « Il me faut la main qui a tiré, l’œil qui a visé, le cœur qui a pensé ». Alors, je trouverai. Croyez-moi, je trouverai. Je vous raccompagne !

4 Le Centre opérationnel départemental d'incendie et de secours

3

Après presque cinq ans d’errance en plein cœur de la Lozère, Max Lagardère avait repris confiance en lui par un détour des plus inattendus5.

Ce soir-là, un certain samedi du mois de septembre deux mille treize, il assurait, comme à l’habitude, un spectacle nocturne où il commentait, à sa façon, les aventures imaginaires de la bête du Gévaudan, monstre sanguinaire ayant sévi au dix-huitième siècle dans les monts d’Aubrac.

Il donnait là, l’ultime représentation de cette fin de saison avant un repos de quelques semaines, le temps pour lui de préparer tranquillement son programme hivernal.

Il avait trouvé son équilibre, allant ainsi d’auberge en refuge de montagne pour combler les gens de passage, de contes merveilleux et enchanteurs.

C’était sa façon à lui d’essayer de se reconstruire après bien des déboires sentimentaux.

Un passé destructeur auprès d’une jeune femme au comportement psychiatrique marqué l’avait poussé à changer de vie pour ne pas sombrer à son tour dans ce monde de folie qu’il avait côtoyé pendant ces longues années de calvaire.

Il avait également mal vécu la désertion de sa maîtresse et tant misé sur cette relation prometteuse qui devait lui permettre de se reconstruire. Mais elle avait préféré rejoindre un mari à la situation bien assise, laissant Max dans un état de souffrance psychologique avancé.

Il avait ressenti la fuite de Cynthia comme une trahison. Cet événement de trop l’avait poussé à s’isoler dans cette contrée du Languedoc-Roussillon.

Au fond de la salle, assise seule à une table, Amandine avait passé la soirée à l’observer, autant captivée par les récits que par l’homme.

Max ne s’en était pas aperçu immédiatement, occupé qu’il était à charmer son auditoire. Maintenant, chaque fois qu’il levait la tête, il apercevait ce regard étonnamment fixé sur lui.

Que pouvait bien lui vouloir cette belle inconnue dont les longs cheveux blonds encadraient un visage aux yeux si bleus ?

Elle était habillée d’un pull en laine mohair écrue, bien trop grand pour elle et dont l’échancrure tombante, laissait voir la naissance d’une poitrine ferme et généreuse.

Un jean moulant de couleur rouge lui enserrait les hanches. Perchée sur de hauts talons compensés, elle illuminait de sa présence l’environnement plutôt austère de ce chalet de montagne dont les murs aux pierres noires étaient malgré tout légèrement adoucis par le vernis ambré des rondins de bois.