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Deux pièces et une nouvelle par Imago des Framboisiers. Orphée : La quête du poète à travers un monde de femmes. Drame en trois actes. Les Amours de Fanchette : Depuis que son amant, Lussanville, a disparu, la jeune Fanchette passe ses journées avec son amie Agathe. Elle prend soin d'elle, la coiffe, la baigne, l'embrasse, la cajole, et prend soin de ses pieds qu'on dit les plus beaux de la ville. Fanchette voit dans ces multiples attentions un jeu sans conséquences. Elle ne se doute pas qu'Agathe l'aime secrètement et souffre à l'idée que très bientôt, elle devra se marier... A travers le XVIIIème siècle des auteurs libertins, Imago des Framboisiers vous propose un voyage onirique et délicat avec une jeune fille qui découvre sa bisexualité. Comédie en trois actes. Les étranges messes de Miss Patay : Paris, mai 2012. Quatre amis se retrouvent vers deux heures du matin à la sortie du métro Bastille pour assister à une soirée privée organisée par la mystérieuse Miss Patay.
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Seitenzahl: 168
Veröffentlichungsjahr: 2016
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à Kawthar, Sans qui cet oiseau de lumière n'aurait pas vu le jour
« J'aime le souvenir de ces époques nues, dont Phoebus se plaisait à dorer les statues, alors l'homme et la femme en leur agilité jouissaient sans mensonge et sans anxiété, et le ciel amoureux leur caressant l'échine, exerçait la santé de leur noble machine. »
BAUDELAIRE
Pièce pour trois comédiennes et un comédien.
Il est également possible de faire jouer davantage de comédiennes en attribuant jusqu'à un rôle par personne.
Prologue
Acte 1
Scène 1 Hippolyte, Réglis
Scène 2 Hippolyte, Réglis, Orphée
Scène 3 Orphée, Sapphô
Scène 4 Orphée, Sapphô, Vénus
Scène 5 Orphée, Sapphô
Scène 6 Orphée, Sapphô, Eurydice
Acte 2
Scène 1 Orphée, Eurydice
Scène 2 Réglis, Hippolyte
Scène 3 Orphée, Eurydice
Scène 4 Eurydice, Hippolyte
Scène 5 Eurydice, Hippolyte, Réglis
Scène 6 Eurydice, Réglis, Orphée
Acte 3
Scène 1 Orphée, Sapphô
Scène 2 Orphée, Les ombres
Scène 3 Orphée, Eurydice
Scène 4 Orphée
Scène 5 Orphée, Hippolyte, Réglis
Scène 6 Orphée, Hippolyte, Réglis, La Maîtresse des Bacchantes
Les amours de Fanchette
Acte 1
Scène 1 Agathe, Fanchette
Scène 2 Agathe, Fanchette, Villetaneuse
Scène 3 Agathe, Fanchette, Dolsans
Scène 4 Fanchette, Agathe
Scène 5 Fanchette, Agathe, Dolsans, Madame Villetaneuse
Scène 6 Fanchette, Dolsans, Madame Villetaneuse
Scène 7 Dolsans, Madame Villetaneuse
Acte 2
Scène 1 Dolsans
Scène 2 Dolsans, Madame Villetaneuse, un homme masqué
Scène 3 Dolsans, l'homme masqué
Scène 4 Madame Villetaneuse, l'homme masqué, Fanchette
Scène 5 Madame Villetaneuse, l'homme masqué puis Dolsans
Scène 6 Dolsans, Madame Villetaneuse
Scène 7 Fanchette puis Agathe
Scène 8 Fanchette, Agathe, Dolsans
Scène 9 Fanchette, Agathe
Acte 3
Scène 1 Agathe puis Villetaneuse
Scène 2 Agathe, seule
Scène 3 Agathe (cachée) Villetaneuse, Lussanville puis Dolsans
Scène 4 Agathe (cachée), Lussanville, Villetaneuse
Scène 5 Agathe, Lussanville, voix de Fanchette
Scène 6 Agathe, Lussanville, Fanchette
Scène 7 Lussanville, Fanchette, Agathe, Dolsans, Madame Villetaneuse
Les étranges messes de Miss Patay
LISTE DES PERSONNAGES (par ordre d'apparition)
HIPPOLYTE,prétendante d'Orphée, future Bacchante
RÉGLIS,autre prétendante d'Orphée, future Bacchante
ORPHÉE,poète
SAPVKÔ,poétesse
VÉNUS,déesse de la beauté et de l'amour
EURYDICE,cueilleuse
LES OMBRES : Formes corporelles, nues ou peintes, ou vaporeuses.
LA MAÎTRESSE DES BACCHANTES, Urecydie
Sapphô entre, portant sa lyre.
Sapphô.
Venez, et prenez place,
Venez, vous entendrez
Le poète de Thrace,
Le malheureux Orphée.
Celui qui fut si cher
À mes douces compagnes,
Mon ami dont la chair
Disparut sous les pagnes
De trois femmes blessées.
Vous savez, damoiseau,
Vous aussi, demoiselle
Au jeune et frais visage,
Comme de doux mirages
Peuvent ruiner la vie.
Et vous qui êtes sage,
Souple comme un roseau,
Pliant sans jamais rompre,
Vous mettez votre zèle
À marier rêve et vie.
Orphée n'était point sage,
Il n'avait pas envie.
Ce qu'on dit idéal
Il l'appelle la vie.
Il voulait une femme
Aussi folle que lui,
Une fille dont l'âme
Brille et jamais ne fuit.
Existait-elle alors ?
Est-elle parmi vous ?
Tout cela je l'ignore,
N'en sais pas plus que vous.
Mais un peu de distance
Me fait dire aujourd'hui
Qu'elle se nomme constance.
(Elle sort)
Elles entrent toutes deux, avec leurs armes, Hippolyte a la démarche agressive, elle est très en colère.
Hippolyte. A t-on jamais vu un benêt pareil ? Existe t-il au monde une vierge plus effarouchée que celui-là ? Orphée, poète à peau de marbre, poète en peau de lapin, qui protège sa guigne comme une pucelle son trésor si précieux !
Réglis. Enfin, quel affront t'a t-il fait ?
Hippolyte. Il a mit sa lyre entre ma main et sa chasteté ! Si j'avais été un homme, crois-moi, un tel outrage me l'aurait fait déculotter sur le champ et, consentement ou non...
Réglis. Alors il est heureux, fille de Mars, que tu ne sois pas un homme ! Car tu n'aurais été qu'une bête féroce. Avoue plus simplement que tu n'avais pas la force pour tes entreprises, et que cet homme, si doux et si inoffensif qu'il soit, fait bien une fois et demi ta largueur d'épaules, pèse, à proprement parler, au moins soixante-dix kilos et que ses bras, bien que qu'ils ne soient pas faits pour la lutte ou le disque, t'auraient arrêtée et retournée contre l'arbre où tu voulais faire ton affaire.
Hippolyte. Mais le corps des femmes, s'il est faible en apparence, est bien plus endurant. Ce qui nous manque en force, nous l'avons en résistance et en longévité. Si la nature a fait de nous des enceintes, c'est pour enfermer les hommes, et non pour supporter des sièges où nos portes doivent toujours céder. Mais quand nos portes s'ouvrent, heureuses d'accueillir un homme mieux que les autres, celui que nous voulons, comment pourrait-il, l'orgueilleux, refuser d'avancer ? Et si cependant, il hésite, parce qu'il a une âme d'enfant, et que nous renonçons à toute pudeur pour aller chercher, nous mêmes, notre satisfaction, ose t-il encore dire non ? Quand le serpent est attrapé par la queue, il siffle et se dresse, prêt à répliquer ! Il ne s'échappe pas, comme un vil ver de terre, nous glissant entre les doigts ! Le lâche ! Mais cet affront sera le dernier, et je trouverai bien, s'il ne me cède pas, un moyen de lui faire regretter d'avoir dédaigné mon terrier pour l'herbe chaude et puante de la forêt vierge !
Réglis. Cependant n'oublie pas, Hippolyte, que je suis en embuscade. Et que si Orphée te dédaigne, bien que je sois ton amie, je n'hésiterai pas à le prendre moi-même.
Hippolyte. Je le sais, Réglis, mais par quel moyen imagines-tu réussir là où j'ai échoué ?
Réglis. Par la douceur et la patience. Je flatterai sa vanité et me loverai, comme un petit chat, contre lui. Ainsi il s'habituera à ma peau et à mon odeur, à mes regards et à mes compliments. Et lorsqu'il ne pourra plus se passer de moi, me demandera mon avis sur tout, ne verra que par mes yeux et ne respirera plus que mes cheveux et mon corps, j'attaquerai. Et je suis sûre de réussir. Le poète est sensoriel, il fait confiance à son nez, à ses oreilles et à ses yeux. Si ceux-ci lui disent que je suis une sainte, alors j'en serai une.
Hippolyte. Que les dieux t'entendent ! Mais le voici qui vient.
Hippolyte. Orphée, viens-tu ici chercher l'inspiration ? Si c'est le cas, tu as tout ce qu'il te faut.
Orphée. Tu es encore en colère pour tout à l'heure.
Hippolyte. Non, je t'assure, tout cela est oublié. N'en parlons plus.
Orphée. Sapphô est-elle ici ?
Hippolyte. Pourquoi les poètes ne cherchent-ils que leurs semblables ? Vous finirez par vous enfermer dans une tour d'ivoire, et dans deux mille ans, plus personne ne vous lira ni ne vous écoutera. Célébrez donc les femmes du concret, celles dont les mains...
Orphée. Pardonne-moi, Hippolyte. Si je cherche Sapphô, ce n'est pas pour lui réserver un poème mais pour lui confier une souffrance qui grandit dans mon coeur.
Hippolyte. Confie-toi à moi.
Orphée. Je ne peux pas. Comprends-moi, Hippolyte. Il s'agit d'une femme, une femme d'un rêve familier. Toutes les nuits, je la retrouve, dans les bras de Morphée. (Les deux femmes semblent effarées)
La brune aux yeux de feu, la rousse aux cheveux d'air,
La blonde au visaj'd'eau, la noire aux seins de terre,
Tout ce que la nature a de plus précieux
Se déchaîne et s'enfuit dans l'air licencieux
D'une douce musique.
Cette femme que j'aime,
Qui n'est jamais la même,
Cette femme mystique,
Sous ses mille visages,
Me caresse et me tue,
M'embrasse et m'assassine.
Une femme féline apparaît en mirage,
Se jette sur mon corps, ce démon de vertu.
Je devine qu'un jour ma chair sera festin
Et qu'un crime d'amour scellera mon destin.
Mes yeux bleus serviront d'olives exotiques,
Pour combler un sauvage aux désirs fantastiques.
Mais cette femme enfin, cette femme idéale
N'existe qu'en mon rêve et c'est pourquoi toujours
Je me refuse à vous pour les choses d'amour,
Ne vous exposant point à mon désir vandale.
Hippolyte. Allons bon ! Pour te plaire il faudrait donc te dévorer ?... (elle rit) eh bien, je te laisse, poète de mon coeur, mais je suis là, dans la forêt, et si tu viens à devenir mon gibier, mets-toi à courir nu par ici, je surgirai des bosquets pour mordre dans ton grand corps ! (Elle sort)
Réglis. Quel mal y a t-il à jouir de la chair l'un de l'autre ? Et n'est-ce pas ce que font tous les gens ?
Orphée. Ils le font et ils ont en sont heureux. C'est bien. Mais pour moi, ce n'est pas ce qu'il me faut. Et je ne causerais que malheur si je cédais.
Réglis. Mais que crains-tu...? Tu sais, nous ne sommes pas des filles de bonne famille, nous n'avons pas de fortune ni de virginité à protéger, et tu peux, sans crainte aucune, prendre ton plaisir et nous le nôtre, sans que, jamais, tu aies à en subir les conséquences...
Orphée. Ah Réglis, laisse-moi, s'il te plaît ! Pourquoi ne pas me faire confiance quand je te dis que c'est impossible ? Voudriez-vous avoir un homme mort sur vous ? Un homme privé de son âme, qui ne peut dire que des poèmes pour parler de ce qu'il n'a plus ! Crois-tu donc vraiment que le plaisir des sens vient du choc de la chair contre la chair ? Non, c'est de l'âme qui s'incarne dans nos chairs, c'est de l'esprit, de cette substance diffuse et complexe dont nous dégoulinons lorsque nous faisons l'amour. C'est elle qui, lorsque tu t'étends lascivement sur le dos, vient pousser nos corps l'un dans l'autre et produit, sans cesse, des étincelles. C'est elle qui s'agite lorsque tes jolies fesses rondes se cambrent pour attirer les plaisirs... c'est toujours elle qui envoûte la nuit le coeur des poétesses et qui les pousse à sortir de chez elles pour trouver des jolies femmes et des jeunes hommes. C'est elle qui s'épuise dans l'acte et qui se revigore à chaque cri... l'âme ! Entremetteuse de tous les plaisirs, unique jouisseuse d'un corps trop vaniteux. Sans elle, nos corps sont des copeaux de bois mort.
Réglis. Orphée. Prends-nous toutes les deux. Et si tu as abusé de tout, que notre équipe de chaudes âmes te remette sur pied.
(Orphée soupire, et s'assoit)
Très bien. Si les plaisirs les plus secrets, les jouissances les plus interdites n'ont pas d'effet sur ton coeur de pierre et ton corps de mollusque, alors, puisses-tu être dévoré, comme tu le rêves, par un troupeau de bêtes féroces ! Et leurs dents, j'espère, pénétreront assez profond pour toucher ce qui te reste de sensualité ! (Elle sort)
Entre Sapphô, qui croise Réglis. Elle a un petit sourire et s'approche d'Orphée, elle se met sur un genou et lui touche l'épaule.
Sapphô. Encore une femme qu'il t'a fallu refuser ?
Orphée. Très amusant.
Sapphô. Si la mélancolie ne me charmait pas autant, je dirais que tu ne vois pas ta chance.
Orphée. Quelle chance veux-tu que je saisisse quand mon coeur affamé cherche l'éternité ? L'éternité n'est pas une chance. Tout au plus une malédiction pour celui qui la cherche.
Sapphô. Je voudrais bien parler avec toi mais nos conversations n'ont aucun sens, à chaque fois que tu me parles, je me retrouve à plonger dans le prosaïsme le plus vulgaire. Laisse-moi la place de m'exprimer, si tu prends l'éternité, qu'est-ce qu'il me reste ?
Orphée. Il te reste la vie et les plaisirs. Il te reste les chances.
Sapphô. Je sens pointer ton mépris, c'est lui qui te fait mal.
Orphée. Pour ce qui est des femmes, tu les prends toutes et moi aucune, nous sommes quittes.
Sapphô. Jaloux ?
Orphée. Amoureux.
Sapphô. D'une de mes compagnes ?
Orphée. D'un rêve.
Sapphô. Alors va faire une sieste, tu le retrouveras.
Orphée. Je suis immobile quand je dors, mais je suis mort quand je suis éveillé.
Sapphô. Toi, tu as besoin de vin et d'un bon déjeuner. (Elle va chercher un panier)
Orphée. Sapphô...
Sapphô. Depuis combien de temps tu ne manges pas, poète évanescent ?
Orphée. Deux jours.
Sapphô. Et il me dit qu'il est affamé ! Non, ne dis rien, ne te cache pas sous une de ces métaphores dont je connais tous les secrets. Mange ceci. (Elle lui donne du pain et une pomme)
Orphée. Merci.
Sapphô. Mais mange donc ! Tu es pire que ma petite Alcmène qui, pour avoir la silhouette d'un papillon dans sa robe ne mange pas pendant des jours ! D'autant que c'est inutile, tu es loin d'être maigre. Alors nourris-le, ce corps que tu méprises ! J'ai beau être poétesse, je ne sens pas le besoin de me placer sous le signe de la malédiction ou de me flageller comme si je commettais un crime en faisant des vers. Tu sais, parfois, j'ai l'impression que nous sommes les deux faces d'une même pièce, comme la vie et la mort.
Orphée. J'ai déjà pensé à la mort, elle ne résoudrait rien, elle ne serait qu'une fuite.
Sapphô. Puisqu'il te faut de la beauté et que les femmes qui te tournent autour ne satisfont pas tes envies, il faut que tu vois la maîtresse de toutes les belles choses. Je parle de Vénus, celle qui sur un trône aux mille couleurs voit tout et entend tout des choses de l'amour. Il te faut la voir.
Ô Vénus, ruisselante, sors des flots en ce jour,
Réponds, suave déesse, à mon hymne d'amour,
Laisse ta poétesse enchanter tes atours.
Reine aux mille couleurs, écoute ce blâmé,
Qui fait mille douleurs à un coeur bien-aimé,
Pose sur sa pâleur ton regard enflammé,
Toi pour qui la passion ne déclare aucun blâme,
Qu'un écrit polisson fait effet sur ton âme,
Repêche ce poisson qui rêve d'une femme,
Plonge en lui, dans son eau, sois de ces visiteuses,
Qui mettent sur le dos les pucelles précieuses,
Au moyen d'un rondeau aux formes délicieuses.
Nage tant qu'il acquiesce et dépose, ô doriade,
Ta couronne de liesse sur sa tête malade ;
Comme oncle aima sa nièce et femme sa tribade,
Même à l'amour malsain, son coeur tout en attente
Cédera sous ton sein. Sous la caresse lente
De tes doigts assassins va s'ouvrir une fente.
Cet abîme infernal, délicieuse blessure
Sera ouverte au mal comme une flétrissure
Où bientôt le plaisir versera son eau pure.
N'attends pas pour aimer, ces envies délictueuses
Ne pourront que t'armer contre les vicieuses
Qui veulent t'animer de pensées licencieuses.
Ô ma Vénus aimante, sois sensible à mon charme
Car je suis ta servante et mes mots sont une arme
Pour ta cause excellente, ô, embrasse mes larmes.
À ces mots, la déesse de l'Amour, Vénus, apparaît au fond de la scène. Elle est habillée de voiles blancs transparents et exécute une danse de l'amour. Il y a comme une attente dans le regard d'Orphée, comme un enfant qui regarde le ciel pour y retrouver un nuage particulier. La danse de Vénus raconte toutes les formes d'amour, de la plus modeste à la plus sauvage. Sapphô est en prière et la déesse, à la fin de sa danse, vient l'embrasser sur l'oeil.
Vénus. Tu m'as appelée, poétesse. Je suis là, quel est ton désir ? Tu sais que je l'accomplirai. Que pourrais-je te refuser, à toi, Sapphô, qui me fit découvrir ces plaisirs si secrets dont je frémis encore ? Sans tes chants, je les ignorerais, il seraient restés dans l'ombre des chauds foyers du gynécée. Parle, et je ferai ton bonheur.
Sapphô. Toute-puissante et splendide déesse, si je t'ai invoquée aujourd'hui, c'est pour mon cher ami Orphée. Tu le vois, lourd de sa mélancolie, assis parmi ces arbres. Son malheur est extrême car il refuse, une à une, les prétendantes qui s'offrent à lui. Je ne sais ce qu'il cherche et lui-même a peine à me décrire la perfection à laquelle il aspire. Pourrais-tu le guérir, le ramener à l'amour ?
Vénus. Je le ferai. L'amour et l'immortalité s'accommodent mal l'une de l'autre, et cependant, tu les voies réunies en moi. Orphée, ne cherche pas l'éternel dans l'exaltation des corps, ce frisson périssable de votre espèce qui trouve son délice dans son commencement comme dans son achèvement. L'amour éternel n'est que dans la poésie.
Orphée. Alors que ma chair, à la poésie, soit sacrifiée.
Vénus. Il en sera ainsi, car tel est ton destin. En attendant, tu rencontreras une femme qui te fera voir l'amour tel qu'il t'est à présent odieux. Cependant tu l'aimeras, car telle est ma volonté et telle est la volonté du coeur des hommes, nés pour se reproduire et non pour durer. Cette idole de chair, un jour, te demandera de choisir entre la lumière et l'ombre. En choisissant la lumière, tu deviendras mon égal, en choisissant l'ombre, tu prendras le chemin de l'humanité et de la mort.
Orphée. Je choisis la lumière.
Vénus. C'est parce qu'elle t'éclaire. Dès que j'aurais disparu et que des bras chauds et fragiles viendront se glisser au creux de tes épaules, tumultueux Orphée, tu seras attiré par l'abîme où rugissent les titans. Alors que toute transgression soit permise, et que la perversion, en jouant avec le monde, le rende supportable aux mortels qui le peuplent.
Orphée. Si lointaine est la mort...
Vénus. Qu'il te faut jouir de ton avance. Adieu.
La déesse, au son cristallin des instruments, disparaît. Orphée reste les yeux fixes alors que la scène s'assombrit, indiquant l'arrivée de la nuit. Nous sommes à présent au crépuscule.
Orphée. Tu sais, Sapphô, je crois que je ne la trouverai jamais.
Sapphô. Cela ne te suffit pas qu'une déesse te le dise ?
Orphée. Tout ce qu'elle t'a dit s'est donc réalisé ?
Sapphô. A chaque fois que je l'ai appelée, son pouvoir est allé au delà de mes espérances. Je te dis la vérité : te souviens-tu comme j'étais triste quand ma chère Mika m'a refusée ? Je ressentais tellement de désir que chacun de mes membres était en feu et dans mes veines je sentais couler une brûlante liqueur... j'ai appelé à mon aide l'aimable Vénus et dès le lendemain, Mika s'est mise à me dire des mots plus doux que d'ordinaire et peu à peu, mes sourires purent attendre ses sourires et aujourd'hui elle n'a plus peur de se montrer avec moi.
Orphée. Ta chère Mika n'est pas connue pour être très regardante sur ses choix.
Sapphô. Si je la voulais, je pourrais l'avoir.
Orphée. Mais jamais dans ton cercle. De plus, cette femme-là, légère d'esprit et vide de substance est indigne de toi.
Sapphô. Je le sais, Orphée, mais elle est des plus délicates en matière d'amour. Mes poèmes te l'ont assez dit.
Orphée. Ah, qu'elles sont méritoires, toutes ces immortelles !
Sapphô. Je déteste quand tu es comme ça.
Orphée. Et moi, je trouve qu'abandonner ton âme toute nue à la vulgarité, c'est prendre le risque de la salir.
Sapphô. Sa vulgarité n'en fait pas moins une excellente amante ! Et nous ne prenons le temps que de nous aimer.
Orphée. Je préfère aimer une femme qu'un simulacre d'homme.
Sapphô. Je vois que ne ne nous entendrons pas sur ce point... et tu oublies toutes mes charmantes compagnes, qui n'ont pas de leçon de féminité à recevoir.
Orphée. Une symphonie magistrale ne s'embarrasse pas de fausses notes.
Sapphô. Tout aspirant poète est encore parfait avant son premier vers.
Orphée.(Il sourit) Certaines ivresses valent mieux que d'autres.
Sapphô.(Avec malice) Tu n'as pas touché à ta pomme... (elle se jette sur lui et le chatouille, sensible, il est obligé de rire) Qu'est-ce que tu avais à être aussi sombre, toi ? J'ai quand même fait descendre une déesse pour toi, espèce d'ingrat!
Orphée. Pardon, désolé... ah !
(Il réplique et la chatouille aussi, elle pousse un petit cri et seroule plus loin)
Sapphô. Non, tu n'as pas le droit !
(Il va pour continuer mais elle se retourne vivement et le maintient au sol)
J'ai gagné.
Orphée. Sûrement pas ! (Il va se dégager mais elle lui maintient les bras bien en place)
Sapphô. Alors ?
Orphée.