Ouragan sur les Jeux - Jean-Pierre Rey - E-Book

Ouragan sur les Jeux E-Book

Jean-Pierre Rey

0,0

Beschreibung

Chronique d'une catastrophe annoncée. Des dirigeants hors du temps et de l'espace, une administration parisienne lourde, sourde et gourde, ont ruiné le plus beau des rêves : l'harmonie universelle par le sport. C'est à marche forcée que les organisateurs ont avancé vers le chaos. Sous la machinerie de la superstructure olympique, la nature humaine résiste. La famille de l'auteur, celle de Chérif Feraoun, Marcorel le poète et philosophe, Louis le syndicaliste et Albert l'énarque de service ; tous ces personnages attachants sauveront-ils les Jeux de la démesure et des milliards engloutis ?

Après le succès éditorial de Moi, Moustache, chien-­soldat, héros des guerres napoléoniennes et de La Route de la Foi ­(Éditions Glyphe), Jean-Pierre Rey, d'une plume ­caustique, raconte l'organisation, si l'on peut dire, des Jeux olympiques de Paris.

« Coubertin, réveille-toi, ils sont devenus fous. »


À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Pierre Rey, diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, est gérant de sociétés. Esprit éclectique il est passionné par la greffe des pommiers et par la poursuite, en Manche, sur son voilier Ascor IV, de l’orque-épaulard. Il a publié chez Dalloz et chez Dunod plusieurs livres de gestion consacrés au secteur public local.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 197

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Couverture

Page de titre

À l’athlète inconnu,mon semblable, mon frère.

« Coubertin, réveille-toi, ils sont devenus fous ! »Marcorel, philosophe et poète

« Quand il n’y a que des vaincus, l’Histoire est écrite par ceux qui l’écrivent. »Auteur anonyme

Avertissement au lecteur

Ouragan sur les Jeux est un OLNI (Objet Littéraire Non Identifié).

Loin du reportage journalistique, le lecteur ne palpitera pas ici au commentaire des compétitions ni au récit, admiratif ou courroucé, de l’actualité.

Ce livre est d’abord une pochade, c’est-à-dire un texte vif et léger, de caractère burlesque. Sans autre prétention que celle de distraire.

Ce livre est aussi un guide pratique. Le passionné de l’olympisme aura besoin d’une main secourable qui l’accompagne sur une cinquantaine de sites, pour assister à des centaines d’épreuves dans un calendrier qui craque de toutes parts. Sans oublier, véritable parcours du combattant, une grille tarifaire que n’eut pas désavoué Ubu Roi.

Ce livre, enfin, est un roman prophétique. Alors qu’il gardait ses moutons à Domrémy, l’auteur a reçu la visite du messager du Très-Haut : « Avec les Jeux Olympiques, les dirigeants du beau pays de France ont péché par démesure et folie orgueilleuse ; c’est le peuple qui sera puni, privé de son droit légitime à vibrer avec les athlètes. »

Mais, derrière la malédiction divine, malgré l’ouragan qui menace les Jeux, l’espérance ne faiblit pas. L’amour, toujours au rendez-vous, l’emportera-t-il sur l’« hubris » et la déraison des grandes personnes ?

On lapidait jadis sur le parvis du temple les prophètes annonciateurs de mauvaises nouvelles. L’auteur de Ouragan sur les Jeux n’en demande pas tant.

Jean-Pierre Rey

Première partie

Bienvenuechez les Phryges !

Avant le commencement

LA RAISON SEMBLAIT L’AVOIR EMPORTÉ.

« Les Jeux, ça coûte cher, et les Jeux dispendieux, je crois que ce n’est plus du tout d’actualité. » Ainsi s’exprimait pour l’éternité, en 2014, en pleine campagne électorale, la candi date et future maire de Paris, Annie Dalgo. Peu après, fraîchement élue maire, elle déclarait à New York : « Nous sommes les uns et les autres dans des contraintes financières et budgétaires qui ne me permettent pas de dire si je porte, ou non, cette candidature. » La chanteuse Dalida aurait certainement entonné : « Paroles, paroles… », en élevant le ton sur le second couplet : « Tu es comme le vent qui fait chanter les violons. »

Le Français moyen que je suis, Pierre, était donc rassuré. Parisien historique, fonctionnaire de catégorie B, contribuable imposable à merci, père de famille attentif à la dette publique que notre génération laisserait à ses enfants, je respirais à l’idée que nous venions d’échapper, collectivement, à une catastrophe financière.

Le verdict tomba le 13 septembre 2017, venu d’on ne sait qui : « Paris décroche les JO 2024 », claironnent les médias, pour la troisième fois après 1900 et 1924. Pour le meilleur et surtout pour le pire. Ce soir, j’ai froid dans le dos. En rentrant chez moi, dans un métro « ératépiste » bondé, où « Homo sapiens » a retrouvé son état animal des origines, mes pensées voyagent au loin : JO à Paris, ou bien plutôt JO de Paris, tant la capitale apparaît ici comme un nom de marque, « un référentiel marketing », dirait mon fils. Y a-t-il une place, même infime, pour les Parisiens ou pour les sportifs de Paris dans cette couverture spatiale qui donne le tournis ? Tout ça pour qui, et, d’abord, pour quoi ?

Cinq ans plus tard, le premier président de la Cour des Comptes, homme de chiffres mais aussi d’esprit, présente son rapport devant les commissions spécialisées de l’Assemblée nationale et du Sénat. Je suis présent, sous l’estrade, attentif aux mots employés par l’orateur pour annoncer, enrober ou nuancer les chiffres. Le mot qui revient à maintes reprises, comme le leitmotiv dans un opéra wagnérien, c’est « acceptabilité ». Terme difficile à prononcer, que l’orateur ânonne en détachant les syllabes. Le mot « acceptabilité » figure seize fois dans le rapport de la Cour des comptes, comme si cette répétition ad nauseam conjurerait le mauvais sort.

De ma cache obscure, j’entends le juge des comptes mettre en garde les honorables parlementaires :

– Les Jeux, Mesdames et Messieurs les députés ou les sénateurs, doivent être acceptables par nos concitoyens et par vos électeurs, acceptables par les contribuables, acceptables par les Parisiens, acceptables par les automobilistes, acceptables par les honnêtes gens qui veulent vivre en paix, qu’ils soient travailleurs, retraités, vacanciers ou touristes.

Et le grand homme de poursuivre :

– Ce n’est pas gagné d’avance. Les jeux s’engagent avec, pour certains, des préjugés défavorables sinon hostiles, avec des comportements, chez d’autres, qui ont pu choquer, avec des handicaps qu’il nous faut lever. Nous avons moins de 18 mois pour nous préparer et être exemplaires.

Il aurait pu évoquer aussi les arrière-pensées des uns, les enjeux médiocres de beaucoup, l’impérialisme de l’image, le pouvoir abandonné aux communicants et, au bout de l’aventure, la catastrophe pour tout le monde. Il n’a pas évoqué (il ne faut pas mettre le feu au pays !) l’idée suggérée par tel économiste de créer un « impôt JO », qui frapperait particulièrement les retraités. Ce serait fâcheux pour l’acceptabilité de l’évènement planétaire qui se déroule devant ma porte.

Les Jeux Olympiques modernes ont une histoire déjà ancienne et glorieuse.

Que la fête planétaire commence !

La dispersion spatiale

LES JEUX DE 2024 nous inviteront à la promenade.

Les petits marcheurs pourront se limiter à Paris, ou s’égayer un peu plus loin, en première couronne. La Ville lumière exposera ainsi ses sites emblématiques, comme la tour Eiffel (triathlon, marathon), les Invalides (tir à l’arc), les Champs-Élysées (cyclisme), le château de Versailles (équitation) ou encore le Grand Palais (escrime). Il faudra être présent, également, à la Concorde pour le skate-board, en deux formats, le park et le street. Les amateurs, armés d’un plan de la Ville, de ce guide pratique et de bonnes chaussures, essaieront de se rendre à Bercy (basket-ball et gymnastique), à la porte de La Chapelle (badminton), aux Invalides (judo), au Champ de Mars (judo et lutte). À l’ouest, au Parc des Princes (football) et, à quelques centaines de mètres de là, à Roland Garros (tennis et boxe). À Aréna Paris-sud, ce sera le volley-ball. L’athlétisme, l’épreuve reine des Jeux depuis l’antiquité, se déroulera au Stade de France. Tout comme le rugby à 7. Le stade nautique olympique, pour la natation, trouvera naturellement sa place aux abords du Stade de France. La création de cet équipement s’imposait particulièrement. Il n’existe en effet que seize piscines de format olympique (50 mètres de long et 25 mètres de large, avec au minimum 8 couloirs de nage) en Île-de-France : six à Paris intra-muros, deux dans le Val-de-Marne et huit dans les Yvelines (adresses disponibles sur simple demande). Les esprits grincheux ou distordus, qui savent que le coût de fonctionnement annuel d’une piscine olympique est proche du coût de l’investissement initial, s’interrogeront, bien vainement, sur la notion, dans notre société d’opulence, du bon usage de l’argent public.

Les plus courageux, peu nombreux, iront à Vaires-sur-Marne, dans la lointaine Seine-et-Marne, à pied, à cheval, mais certainement pas en voiture, pour admirer les épreuves élégantes d’aviron et de canoë-kayak. Comment oublier les épreuves homériques de VTT qui se dérouleront sur la colline d’Élancourt, quelque part dans les Yvelines ? La ville du Bourget, célèbre par ses montagnes escarpées et par ses falaises, a été choisie pour les épreuves d’escalade.

Le saut à l’élastique, finalement, n’a pas été retenu comme discipline olympique. La première proposition avancée, à l’arc de triomphe de l’Étoile, a suscité l’ire des associations de ravivage de la flamme du Soldat inconnu. Une deuxième proposition, au pont de l’Alma, a été également rejetée en raison des risques de noyade des sauteurs dans la Seine.

Si les trains ne sont pas en grève, il sera possible d’assister aux matchs de football au Parc des Princes, mais aussi aux stades de Lille, de Nice, de Bordeaux, de Marseille, de Lyon, et même de Saint-Étienne, à une portée de ballon de foot du stade lyonnais. Pour les basketteurs, ce sera le grand écart entre Lille, pour disputer les primaires, et Arena Bercy pour la finale. Les Parisiens ne vont tout de même pas laisser aux Chtis le plaisir de la finale. Zut, après tout ! Ciel, j’allais oublier la grande nouveauté de ces Jeux : le breaking. Pour l’instant, personne ne sait encore de quoi il s’agit, mais, avis aux curieux, les concours se dérouleront le 9 août à la Concorde.

Si la perspective de ces déplacements vous chagrine, vous resterez plutôt devant votre téléviseur.

Pour accueillir les athlètes, il faut bien un Village olympique : il sera construit à cheval sur Saint-Denis et l’Île Saint-Denis, les deux sites seront reliés par une passerelle géante. Pour la voile, le choix s’est porté sur Marseille, de préférence à La Rochelle ou Brest, au risque de la pétole ou des colères du mistral. Rendez-vous pour cela à la Marina du Roucas-Blanc. Pour les épreuves de surf, les villes de Lacanau, Hosségor et Biarritz étaient candidates. Paris aussi, avec un projet surréaliste de vague artificielle. Les organisateurs ont préféré la vague bien connue de Teahupo’o (qui se prononce comme cela s’écrit, ou s’écrie !), sur l’île de Tahiti, en Polynésie française. Les sportifs férus de géographie n’ignorent pas que Tahiti est à plus de 15 000 km de Paris et qu’on y accède aisément en avion depuis Londres, après un vol de 30 heures, avec une escale à Los Angeles.

Au grand dam du parti nationaliste local, la Corse n’accueillera aucune épreuve et ne sera donc pas à l’honneur, dans une affaire qui oppose les continentaux au reste du monde. La déception est cruelle également aux Antilles et en Guyane qui font douloureusement l’objet de l’ostracisme des technocrates métropolitains.

Sur le plan du bilan carbone, il n’est pas possible de faire pire. Il faudra naturellement transporter et loger sur place à la charge du budget des organisateurs quelques surfers, quelques dizaines d’encadrants et d’officiels et quelques centaines de gens des médias. Sur le plan financier, il n’est pas possible de faire plus mal. Teahupo’o restera à jamais, malgré les difficultés de prononciation, comme l’emblème de la folie du pouvoir. Les gilets jaunes commencent à fourbir leurs banderoles, à destination du président de la République et de la maire de Paris : « T’as pas eu de pot ! T’as pas eu de pot ! ».

Mon ami Chérif Feraoun, qui habite La Courneuve, fataliste, a le mot de la fin : « On s’en sort bien. Personne n’a songé à organiser l’épreuve d’escalade à Tahiti ni celle de surf au Bourget. »

Les mêmes Grecs, ceux qui ont inventé les Jeux Olympiques avaient un terme pour désigner la démesure, la déraison : le mot « hubris ».

Déjeuner en famille

FAMILLE TYPE de la classe moyenne, nous habitons depuis toujours dans le 18e arrondissement de Paris. Le repas dominical, entre le poulet-frites, le far aux pruneaux et le vin blanc mousseux du Languedoc est depuis des semaines le champ clos d’un conflit titanesque.

Jeanne, épouse, mère et ménagère exemplaire, ne comprend pas et ne cesse de pester.

– D’où sort tout cet argent ? Mais d’où sort tout cet argent ? Les Jeux Olympiques vont coûter 10 milliards. C’est l’hypothèse basse. Les prix des fruits et légumes sur le marché augmentent chaque semaine. Je jongle tous les jours avec le porte-monnaie pour regarnir le frigo. Les fromages et le lait sont inabordables. La baguette de pain a pris deux fois 10 centimes depuis la rentrée. Et je ne parle pas du prix du carburant ou de la facture d’électricité. Nous ne pourrons bientôt manger que des pommes de terre. Il va falloir renoncer aux vacances, et bientôt, si ça continue, à nous chauffer.

Notre fille Arlet, du haut de ses 18 ans et de son titre de championne du 5 000 mètres intervient alors :

– Les valeurs véhiculées par les JO sont un gage de paix pour l’humanité. S’il n’y a pas eu de conflits majeurs depuis 1945, nous le devons à l’idéal olympique et ça coûte moins cher qu’une mauvaise guerre.

Je m’intercale dans cet échange familial, fort de ma petite culture historique et de ma bonne mémoire. Mais aussi de mon statut de chef de famille, un peu à l’ancienne, garant de l’ordre et de la vérité.

– Il ne faut tout de même pas oublier les Jeux de Berlin en 1936, mis en scène par l’excellent organisateur qu’était Goebbels, et qui n’ont pas empêché le déclenchement des hostilités trois ans plus tard. J’observe aujourd’hui que ni la Russie, ni la Chine, ni la Corée du Nord, les pays les plus bellicistes de la planète, ne seront présents à Paris.

– C’est le fait de l’impérialisme américain, répond, goguenard, notre fils Edmond, étudiant à Sciences-Po, qui, pour avoir lu Montesquieu, Tocqueville et le général de Gaulle, est convaincu que les princes qui nous gouvernent, au ministère des Sports et à la mairie de Paris, sont toujours dans le vrai.

Je soupçonne mon fils bien aimé, malgré son sens affirmé de l’humour et de la dérision, de croire également à la relance par l’investissement improductif financé par la dette, ce credo de certains de nos idéologues.

– Combien ça va coûter et qui va payer ? se désespère Jeanne.

– Mais enfin, la dette, maman, c’est nous et nos enfants, puis nos petits-enfants, qui payeront les intérêts, puis le remboursement un jour du capital. Tu n’as pas oublié les mots de l’Écriture : « Les parents ont mangé des raisins verts, et les dents des enfants en ont été gâtées. » (Ézéchiel, XVIII, 2).

– Un jour viendra, mon fils, où tu devras emprunter pour payer l’impôt sur le revenu.

Le mot de la fin me revient :

– Les Romains ont inventé « Du pain et des jeux », nous avons inventé « Des dettes et des jeux ». Mais tu as bien raison, Jeanne, qui fera cuire le pain ?

Le Comité International Olympique (CIO)

C’EST À LIMA, au Pérou, que la décision a été prise en 2017, à l’unanimité des membres du CIO, que quelques puristes appellent Comité international olympique. Rien de surprenant à cela, puisque Paris, à la suite d’un arrangement avec Los Angeles, était candidat unique pour 2024. Cette grande victoire diplomatique contre personne a été fêtée comme il convient. « Embrassons-nous, folle ville ». Les médias de tous bords ont célébré dans l’unanimité l’évènement historique, en oubliant que l’unanimisme chez les Gaulois n’est jamais de bon augure.

Le CIO a donc le pouvoir d’engager une bonne quinzaine de milliards d’euros, aux frais du contribuable français et des générations à venir. Il s’agit là d’une organisation non gouvernementale (ONG) dont le mode de recrutement en réseaux n’a aucun caractère démocratique et dont le fonctionnement apparaît, aux esprits grincheux, pour le moins opaque. Cette instance, qui ressemble à la vénérable Chambre des Lords britanniques, est composée d’une centaine de membres, recrutés par cooptation, parmi les sportifs de renom, et des notables de la société civile.

On compte dans ses rangs, à côté des roturiers bien de chez nous, comme Jean-Claude Killy (membre honoraire) et Guy Drut, le Prince Albert II de Monaco, la Princesse Nora de Liechtenstein, la Princesse Anne d’Angleterre, le cheik du Koweït Ahmad Al-Fahad Al-Sabah, le grand-duc de Luxembourg, l’émir du Qatar Tamim Bin Hamad Al-Thani, le Prince Feisal Al Hussein de Jordanie, le Prince Jigyel Ugyen Wangchuck du Bouthan, la Princesse Reema Bandar Al-Saud d’Arabie Saoudite, comme chacun sait. Parmi les 42 membres honoraires figurent le roi Willem Alexander des Pays-Bas, le Prince Tunku Imran de Malaisie et, pour faire bonne figure, le Prince héritier Frederik de Danemark.

Car il est écrit : « Le bien du peuple n’est pas dans le cri de la masse, mais dans la volonté du prince. » Bon sang ne saurait mentir, certes ; et que dire alors du sang bleu !

Les lecteurs du magazine Coin de Rue – Mirages du Monde retrouveront dans cette brochette ceux que la malédiction divine « tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » a largement épargnés.

Seule manque tristement à l’appel Megane Market, duchesse de Seasex (and sun), médaille d’or de la libération de la femme. Son conseiller en communication ne doit pas connaître l’existence du CIO. Certains regretteront aussi l’absence sur cette liste de Tupou VI, roi du Tonga, appelé familièrement par ses sujets « Tupeuplus », qui a beaucoup donné pour le développement du sport sur ses îles. Le conseiller en communication du CIO ne doit pas connaître l’existence des îles Tonga.

Périclès, qui n’a pas inventé les Jeux Olympiques mais la démocratie athénienne, doit se retourner dans sa tombe.

Les honorables membres du CIO sont naturellement d’une intégrité absolue, au-dessus de tous soupçons, même si la réputation de l’institution a pu souffrir naguère. Les versements de pots-de-vin, la corruption de certains, tout cela ne relève que de rumeurs inspirées par des esprits malveillants, animés par la volonté de nuire et de faire du buzz. À l’occasion des Jeux d’hiver de Salt Lake City, en 2002, alors que 10 millions de dollars avaient été distribués, le quotidien genevois Le Temps affirmait que 80 % des membres du CIO auraient dû être exclus. Mais les Suisses, c’est bien connu, ont l’esprit un peu étriqué. Le journal Le Monde daté du 23 janvier 2001, vraisemblablement mal informé, intitulait un article « CIO, l’épreuve de la corruption », et s’aventurait à décerner la médaille d’or de la corruption à Monsieur Jean-Claude G, « soupçonné de trois actes délictueux ». D’autres accidents ont émaillé les Jeux suivants, tant et si bien que l’institution a dû expliciter à l’intention de ses membres les nuances subtiles entre tentative de corruption (c’est-à-dire un cadeau) et marque de sympathie (c’est-à-dire un cadeau).

Le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques (COJO)

LE COMITÉ D’ORGANISATION des Jeux Olympiques (Cojo) de Paris 2024 a pris la succession du comité de candidature aux Jeux. Il s’agit d’une association de droit privé. Mais l’État se porte garant de ses engagements financiers et de ses dettes. Nous sommes au Club Méditerranée, avec la magie de l’Open Bar. L’implantation du comité à Aubervilliers ou à Saint-Ouen, au cœur de la Seine Saint-Denis, illustre la volonté de l’État de valoriser cette terre du nord de Paris d’où nous viendra le renouveau.

À la tête du Cojo (ou du Cojop, « p » comme Paris), deux athlètes de grand talent, Rony Autaquet, président, et Steve Trobois, directeur général. Les deux dirigeants se sont illustrés de très belle manière dans des disciplines peu médiatisées, le canoë et le badminton ; tout le monde ne peut pas pratiquer le football.

Le Cojo peut s’appuyer sur un conseil d’administration solide de 15 membres, dans lequel siègent plusieurs ministres ou anciens ministres, quatre athlètes pour la couleur locale, sans oublier les deux révélations de la dernière élection présidentielle, malheureuses victimes du suffrage universel : Valérie Précaire et Annie Dalgo. Il peut s’appuyer aussi sur une commission d’athlètes de 18 membres menée par le roi du biathlon, Martin Foucade.

Le comité est responsable de l’organisation, de la planification, du financement et du déroulement des Jeux olympiques et paralympiques. Vaste programme en effet que d’assurer l’accueil d’une dizaine de milliers d’athlètes dans des structures sportives de qualité ainsi qu’au Village olympique.

Vaste programme encore, digne du Jupiter élyséen, que de faire des propositions sur le développement de la pratique sportive en France, le sport santé, l’insertion, et plus globalement sur les solutions qui permettront, en 2024, d’impliquer plus largement la population française à l’évènement planétaire. Pour charger un peu la barque – qui n’en avait pas besoin –, les dignitaires de l’olympisme ont « ouvert grand les Jeux », selon la formule miraculeuse. Pour les personnes handicapées, c’est chose faite avec le paralympisme. On y ajoute donc, noble ambition s’il en est, l’inclusion des migrants, des bénéficiaires ou des déboutés du droit d’asile, les titulaires d’un OQTF (Obligation de quitter la France), la réinsertion des détenus et les vendangeurs du Bordelais.

Vaste programme enfin que de satisfaire les caprices des gens des médias, qui, et ils seront des centaines, en veulent toujours plus.

Le Cojo a les moyens de ses ambitions, puisque flanqué de 28 directeurs : directeur de cabinet, directeurs exécutifs, directeurs délégués, directeurs associés ou simples directeurs de base. L’armée mexicaine n’avait pas osé aller aussi loin. Que l’on se rassure, ces directeurs ont été choisis, affirme le Cojo sur son site, « parce que ce sont des femmes et des hommes qui rendent les choses possibles » ; c’est, infiniment recommencée, la magie du verbe et de l’incantation : « Jouez hautbois, résonnez musettes » !

Dix-huit mois avant l’ouverture des Jeux, le Cojo pouvait se flatter d’une belle avancée : l’élaboration du calendrier. Le défi était immense en raison de la multiplicité des épreuves et de la volonté d’alterner les genres : épreuves d’hommes et épreuves de femmes.

Réservez dès à présent, s’il vous plaît, votre week-end des 3 et 4 août. Faites provision de pizzas et de bière, car il faudra tenir bon, les journées seront longues. Pour éviter les conflits familiaux, achetez ou louez plusieurs téléviseurs. Pendant ces deux jours, des médailles seront attribuées en tennis, tennis de table, judo, escrime, athlétisme, tir à l’arc, tir, cyclisme, golf, sports équestres, aviron, gymnastique artistique, badminton et natation. Netflix n’a qu’à bien se tenir !

Pour les annonceurs publicitaires, le choix sera cornélien. Délicate attention de la part du Cojo, à destination de nos compatriotes métropolitains, afin de ne pas amputer la journée de travail ou l’après-midi sur la plage : toutes les finales d’athlétisme auront lieu le soir à partir de 19 heures et celles de natation à partir de 20 h 30. C’est le « prime time » pour les annonceurs, qui sont aussi partenaires sonnants et trébuchants des Jeux : Airbnb vous logera, Sanofi vous soignera, Decathlon et le Coq Sportif vous équiperont, Danone vous nourrira, la Française des Jeux vous donnera à rêver et EDF vous enverra sa facture d’électricité.

Cela ne marche évidemment que pour le fuseau horaire de Paris. Ami surfeur, vous qui pensez à Teapumachin, ne désespérez pas. Tout s’arrange pour Tahiti, aux antipodes, favorablement situé à 12 fuseaux horaires de Livry-Gargan : les épreuves se dérouleront le 30 juillet, quand la vague déferle, à 7 heures du matin, c’est-à-dire à… 19 heures du « cluster » des médias du Bourget.

Bravo, vous avez tout compris !

Tout irait sereinement dans le monde de l’olympisme si ne se posait pas la question dite des « conventions ». Les salariés du Cojo, « ces femmes et ces hommes qui rendent les choses possibles », n’ont pas pour fonction de gérer en première ligne une cinquantaine de sites et plusieurs centaines de sessions. Accueillir les athlètes, les personnalités et le public, gérer la billetterie, assurer les relations avec les autorités locales et la police, nettoyer les douches et les WC, ces tâches, plus ou moins ancillaires, ne peuvent pas être ignorées. Il y aura donc, selon le jargon, externalisation à destination d’opérateurs privés.

En France, sauf exception, les organisateurs de festivals font appel aux bénévoles d’associations subventionnées par les Communes. Ces gentils amateurs sont gratifiés d’une tape sur l’épaule et d’un verre de soda. Les entreprises du secteur dit de l’« évènementiel » interviennent à la marge. Ainsi en est-il, au Festival des chants de marins à Paimpol, où ma fille s’active pendant les vacances scolaires. Arlet, qui n’a aucune indulgence pour son père, se manifeste vivement : « Papa, c’est faux, à Paimpol c’est du cidre, pas du soda, qu’ils servent aux bénévoles. »