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"Peinture coquelicot" invite à un voyage sensoriel à travers les rencontres vécues par l’auteure lors de son travail d’infirmière. Sous l’emprise d’un tam-tam lointain, le récit s’élance dans une transe hypnotique, où espoir et désespoir s’entrelacent dans un tourbillon de sentiments. La frontière entre réalité et rêverie s’estompe, créant ainsi une rencontre poétique et vibrante avec ces femmes et ces hommes qui ont laissé une empreinte indélébile sur son parcours.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Annie Micheloud-Rey, infirmière spécialisée en oncologie et soins palliatifs, a rédigé ce manuscrit en intégrant des techniques hypnotiques pour mieux imprégner ses lecteurs à l’ouvrage. À travers son récit, elle explore la profondeur des histoires, souvent cachée, et leur pouvoir de toucher chacun de nous à un moment donné.
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Seitenzahl: 71
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Annie Micheloud-Rey
Peinture coquelicot
© Lys Bleu Éditions – Annie Micheloud-Rey
ISBN : 979-10-422-6649-3
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À Anne-Brigitte
C’est une de ces journées d’automne comme je les aime. La luminosité est claire, nette et radieuse. Je suis allongée dans le jardin sous l’érable. Une légère brise caresse ma peau protégée par une généreuse crème solaire. J’entends, venant de la maison d’en face, le battement d’un tam-tam qui m’engourdit agréablement. Je sens mon corps s’alléger, mon esprit s’embrumer.
Je me suis écorchée à plusieurs reprises. Mes pieds endoloris dans des chaussures mal adaptées me portent, malgré moi, vers une clairière que je ne connais pas. Pourtant, j’ai une étrange impression de familiarité. Je me sens aussi bien que chez moi. Tu es là, belle, dans toute ta splendeur et ton rire se répercute sur les brins d’herbe qui nous entourent. La rosée brille telle une pierre de diamant polie, réfléchissant une grande pureté. Je ne vois que ton visage qui imprègne toute la prairie. Je t’ai connue il y a quelques années aux confins de tes vingt ans : petit papillon aux ailes transparentes, brûlées par un soleil trop généreux.
Tu me regardes avec ton sourire énigmatique, celui qui te caractérise lorsque tu dessines. Tu te mets dans ta bulle et plus rien n’a d’importance. Tu deviens inaccessible. La douleur s’envole comme par enchantement. Tu la transposes sur la feuille blanche en te racontant l’espoir. Tu traces des notes de fraîcheur avec ton crayon. Tu racontes avec humilité ce que tu éprouves. Tu affines une courbe avec tant de délicatesse, tu ajustes un angle, tu omets intentionnellement un demi-cercle. Tout est important pour toi. Tu te dois d’être fidèle à ta réalité.
Ce soir-là, il y a bien longtemps, tu me l’as partagée. J’étais pressée, j’avais tant de choses à finir. Tu as pris tout ton temps. Ce dessin-là, tu l’as placé sous verre, tu l’as encadré. Tu as mis toute ta tendresse dans tes gestes. Tu as mis toute ton énergie pour le rendre réel. Tu l’as tenu dans tes bras et tu m’as accompagnée jusqu’à ma voiture. Dehors, il faisait froid. La lune ronde comme le ventre de ta maman avant de te mettre au monde illuminait la nuit. On entendait le silence. Quand j’ai ouvert la porte de ma voiture, tu m’as tendu ta toile, celle qui racontait ta douleur et tu m’as demandé de prendre bien soin d’elle. J’ai entendu une brisure dans ta voix. J’ai compris qu’il fallait que je veille aussi sur toi. Mais comment faire, alors que je ne suis que de passage ?
Je me trouve dans une grande salle, autour de moi, des tableaux. J’ai pris ton petit bonheur et je l’ai mis entre d’autres aquarelles. Tu es là, resplendissante. Autour de nous, une foule de personnes de tous genres. Tes yeux brillent de plaisir. Avec ta grâce habituelle et ta spontanéité, tu leur racontes ton dessin. Tu leur dis ce que tu vis quotidiennement dans ces traitements qui transforment ton corps, ton âme écorchée dans ta pleine jeunesse. Je m’approche aussi pour écouter ce que tu dis :
« C’est une fée automate tirée d’une image. J’aime les fées, je me suis inspirée d’une fée. On voit les rouages, elle a une vis. Elle n’a pas de bouche. Quand on est mal, on n’arrive pas bien à s’exprimer. Les ailes sont déchirées, il manque des bouts. Elle ne peut plus voler. Elle a perdu sa liberté et ne peut plus voler. C’est comme le cancer, ça me prive de ma liberté. J’aime beaucoup le dessin, j’ai eu énormément de plaisir à le faire. Elle a un regard assez dur et assez droit. On voit que ce n’est pas très facile. On voit que c’est assez douloureux. »
Je suis profondément touchée, je ressens comme une blessure en moi. La foule suspend son souffle. Une autre jeune fille prend soudain la parole. Sa voix est remplie d’émotion. Elle se tourne vers un autre tableau, le sien. Je vois du bleu, beaucoup de bleu, un visage, de grands yeux. J’entends :
« C’est une fille qui se noie, qui a la tête hors de l’eau. Elle est dans une mauvaise position. J’ai voulu représenter comment je perçois le cancer. C’est comme si c’était ma sœur. Elle a juste la tête hors de l’eau… J’aime beaucoup le bleu, c’est apaisant. C’est la couleur préférée de maman, elle dit que c’est la vie. »
Moi, sous mon arbre, je ressens des picotements sur le visage. Mon cœur s’accélère. Je glisse plus profondément dans un état modifié de conscience. J’accueille paisiblement ce qui suit.
Je me promène dans un grand champ, je respire à pleins poumons les senteurs qui chatouillent mes narines. Je cueille des coquelicots, des marguerites, des boutons d’or. Je rajoute quelques brins d’herbe fraîche. Je me retrouve là-haut sur la colline. Des croix m’entourent de toute part. Je n’ai pas peur, au contraire, je me sens apaisée. Je dépose mon bouquet au pied d’une stèle. J’entends un merle siffler, il est perché tout au sommet d’un grand chêne. Il se pose sur mon épaule, avec son bec, effleure ma joue. Je l’entends me murmurer :
Il était une fois une belle jeune fille aux cheveux blonds, aux yeux marron qui devaient traverser une forêt aux mille énigmes avant d’atteindre son prince charmant…
Le vent s’est levé, l’oiseau s’est envolé, les syllabes et les voyelles se sont mises à danser. Le décor a changé.
Il était une fois dans un pays lointain, un village qui s’éveillait tous les matins avec le chant du coq. Très tôt, des lumières filtraient derrière les persiennes pourtant closes, mais qui laissaient échapper, par endroits, cette clarté venue de l’intérieur. Ça formait de petites étoiles accrochées par-ci, par-là, suspendues partout dans le village. On entendait des bruits, des notes, des murmures, des sons étouffés par l’épaisseur des murs. On pouvait imaginer des personnes qui vaquaient très tôt à leurs occupations ménagères avant de partir dans les champs pour labourer, semer, arroser, et, plus tard, toutes fières de leur travail, moissonner avant d’apporter au moulin les céréales à moudre.
Au sommet du village, dans une maison un peu à l’écart, vivait une famille qui ressemblait à tant d’autres familles. Le couple, des paysans depuis plusieurs générations, avait eu quatre filles, toutes plus belles les unes que les autres. Elles grandissaient et apprenaient l’amour de la terre et du travail bien fait. Un jour, Laure, la plus fragile d’entre elles, au moyen d’une faucille, se coupa et contracta une infection qui ne lui laissa plus aucun répit. Rapidement, elle perdit l’appétit et sa peau devint si transparente, qu’on aurait cru voir un ange.
Le médecin du village voisin venait régulièrement lui rendre visite. Il lui préparait un sirop à base de plantes qu’il allait chercher lui-même dans la forêt. Il avait un don pour concocter des mixtures qui guérissaient des maladies rares. Mais cette fois-ci, rien n’y fit. Laure ne guérissait pas. Au contraire, la vie s’éloignait petit à petit de ce corps pourtant si jeune. Ses parents étaient désespérés et sa maman ne vivait plus qu’au travers de son souffle. Ses sœurs souffraient en silence pour ne pas déranger et permettre qu’un certain équilibre se maintienne au sein de la famille.
Un matin de printemps, un peu comme une bougie qui a fini de se consumer, Laure a laissé dans son lit son corps trop lourd pour l’emporter. Un son cristallin s’est échappé d’entre ses lèvres. Une nouvelle note de musique s’est inscrite sur la portée. Des rides ont sillonné les visages de ses parents et de ses sœurs. Des gouttes de rosée ont perlé au bord de leurs yeux.