Petit manuel de postmodernisme illustré - Shmuel Trigano - E-Book

Petit manuel de postmodernisme illustré E-Book

Shmuel Trigano

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Beschreibung

Qu’est-ce qu’une idéologie ?
Entre savoir et croyance, les idées qui constituent notre environnement mental ont une pertinence politique.
Le cadre de pensée qui surgit aujourd’hui semble remettre radicalement en cause « le monde d’avant ». Déconstruction du réel, post-humain, nouvelles identités dites « de genre », « décolonialisme » sont quelques-uns des thèmes où l’on voit à l’oeuvre des ambitions utopiques d’inspiration marxiste transposées dans les moeurs. La volonté de créer un « homme nouveau », la déconstruction de la nation et de la citoyenneté remettent en cause une démocratie qui dépend soudain de sa validation par sa résonnance médiatique et les réseaux sociaux. Sous le manteau d’un anti-pouvoir, ce sont bien de nouveaux pouvoirs qui émergent de manière incontrôlée.


Avec la précision méthodologique du sociologue, Shmuel Trigano analyse comment ces différentes configurations idéologiques s’articulent en un tout cohérent et reflètent les intérêts d’une base sociale. L’enjeu : cartographier le postmodernisme comme mouvement de pensée alors même qu’il échappe à notre conscience.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Shmuel Trigano est Professeur émérite de sociologie à l’Université de Paris X-Nanterre, directeur-fondateur de la revue Pardès et de la revue d’idées Controverses. Il a publié une trentaine d’ouvrages qui font de lui l’un des penseurs majeurs de notre époque.


COLLECTION « LE POINT SUR LES IDÉES » DIRIGÉE PAR JEAN SZLAMOWICZ
De plus en plus, les sciences humaines sont convoquées comme arbitres des débats idéologiques et politiques. Dans le même temps, philosophie, histoire, sociologie ou linguistique semblent secouées par l’émergence de nouvelles thématiques qui se confondent avec des revendications catégorielles ou militantes.
Quelle est la portée intellectuelle de ces concepts qui ambitionnent de changer le monde ? Pour « s’orienter dans la pensée », selon la formule de Kant, il faut se fonder sur un savoir.
Cette collection propose au lecteur une réflexion de qualité, exposant avec précision les fondements des sciences humaines afin de les mettre en rapport avec l’actualité des idées.

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Petit manuel de postmodernisme illustré

Shmuel Trigano

Petit manuel de postmodernisme illustré

Préface de Jean Szlamowicz

Éditions Intervalles

préface

Comment l’idéologie façonne notre monde

L’ordre de valeurs dans lequel nous baignons est la plupart du temps inaperçu. Car le monde qui nous entoure nous paraît transparent, spontanément compréhensible à partir de notre expérience. Pourtant, l’évidence qu’a pour nous le monde social est le produit de notre habitude : son organisation est une construction dont témoigne l’évolution des mœurs, des valeurs et des pratiques. C’est l’histoire qui nous permet de prendre conscience de ces mutations. Parfois, le monde se dessille soudain sous nos yeux, quand ce qu’on croyait acquis ne l’est plus, quand il vous faut expliquer et défendre ce qui avait été l’environnement même de votre vie, de votre pensée et de votre expérience.

Postmodernisme ? Shmuel Trigano propose de nommer ainsi la configuration idéologique actuelle qui se veut un dépassement radical de la condition moderne. Le monde légué par les Lumières est soudain sommé de se « décoloniser » ; l’existence des sexes est soudain tenue d’être dépassée par « le genre » ; l’État-nation doit soudain rendre des comptes à des organisations qui ne représentent plus les peuples mais des intérêts privés, comme des multinationales et des ONG ; l’égalitarisme démocratique se voit soudain obligé de céder face aux revendications d’appartenances identitaires, de sexe et de sexualité, de « race » et de religion.

Jouant sur les mots en toute inconséquence, des philosophes trouvent à fustiger la modernité par contamination au motif que, selon eux, « le nazisme est un humanisme ». On trouve même à redéfinir le racisme au point où l’on peut affirmer que la Shoah n’est pas le fruit du racisme puisque « c’était un truc entre Blancs ». D’autres, défendant l’entrisme islamique, pensent que « la laïcité est un populisme », voire un racisme. Au fil d’une lente acclimatation, les mots voient leur aura de signification subir de subtiles mutations idéologiques. D’impensables, ces dérives deviennent doxas. Un homme, désormais, peut parfaitement être une femme. Et vice-versa. Le « genre » devient, par décisions institutionnelles, une catégorie de l’humain. En changer devient « un droit » : le mot droit prend donc le sens de désir, si ce n’est de caprice consumériste. Les manigances rhétoriques suffisent à fonder toutes les revendications.

Pour qui ne parvient plus à s’orienter dans de tels débats idéologiques, le présent ouvrage sera un précieux guide cartographiant les enjeux et les mécanismes qui travaillent la société en profondeur. Shmuel Trigano nous donne ici une grande leçon de sociologie. Il montre comment l’inconscient collectif est parcouru par des valeurs qui, simultanément, affectent les sociétés mêmes qui les produisent. Là où face à l’irruption de phénomènes aberrants, l’esprit paresseux cède à une méfiance complotiste, Shmuel Trigano propose une lecture complexe du rapport entre pouvoirs et discours, base sociale et idéologie, revendications et impensés dont la dialectique produit des effets sociaux puissants et incontrôlables.

Cet ouvrage ouvre ainsi une fenêtre sur la configuration globale du postmodernisme, mais aussi sur ses conséquences concernant notre expérience politique elle-même. Il montre ainsi comment la démocratie est en train de subir une recomposition capitale. Un autre de ses textes détaillait d’ailleurs récemment cette mutation en montrant que les trois pouvoirs — exécutif, législatif, judiciaire — censés faire suite à l’Ancien Régime et être au fondement de notre modernité et de la liberté démocratique ne s’articulaient plus du tout comme on le suppose encore naïvement. Leur dynamique et leur organisation ont changé :

« S’il y a une défaillance dans la théorie démocratique, c’est bien l’absence de disposition et de dispositif pour assurer la fonction de médiation du débat public, pour l’ériger en pouvoir à inscrire lui aussi dans le schéma de l’équilibre des trois pouvoirs. En effet, si l’exécutif a le pouvoir d’agir, si le législatif a le pouvoir de légiférer, si le judiciaire a le pouvoir de juger, la source, le milieu même dans lequel évoluent ces pouvoirs, la « matière première » dont ils font leur activité est le langage, la parole. La théorie originelle de la démocratie n’a pas considéré que la parole des citoyens pouvait constituer un pouvoir distinct des autres. Elle en est restée à l’idée que, comme à Athènes sur l’Agora ou comme à Jérusalem à la « Porte » (Shaar), le citoyen pouvait venir prendre la parole en toute simplicité et s’insérer dans le grand débat collectif. Il était sans doute dur, alors, à cette époque, d’imaginer qu’entre le citoyen et la collectivité ou les instances de pouvoir, un pouvoir intermédiaire pouvait se dresser qui maîtriserait la parole, déciderait qui parlerait, de quoi serait faite la discussion, qui formulerait les problèmes et les événements. Ce quatrième pouvoir a été oublié dans le schéma classique des trois pouvoirs.

À l’époque de Rousseau, l’on ne pouvait pas imaginer l’ampleur que prendrait cette fonction avec l’élargissement des frontières de la Cité politique et les grandes multitudes qu’elle contiendrait. On ne pouvait imaginer que des réseaux de communication s’empareraient des échanges interindividuels pour les faire passer par des moules qui les formateraient. De la même façon, qui pouvait imaginer que la parole, véhicule fondamental de la Cité démocratique, puisse connaître des mutations découlant du support technique de sa communication : selon qu’elle est communiquée du haut d’une tribune, d’un studio de radio ou de télévision et encore plus par un tweet ou Facebook ? Qui aurait imaginé que le discours d’un leader pouvait être le produit d’une agence de communication ? Les effets du discours ne dépendent plus de l’éloquence et de la rhétorique, de la conviction et du talent mais de la manipulation des signes et des symboles. Nous sommes entrés aujourd’hui dans le no man’s land du régime démocratique avec l’ère numérique et la démultiplication des scènes du débat. Dans ce cadre-là, une nouvelle configuration des pouvoirs s’est mise en place. Inéluctablement, c’est le pouvoir des mots et de la médiation qui a pris le dessus. Ce sont les medias qui arbitrent aujourd’hui le débat public, fixent les événements, définissent les questions, commandent des sondages qui dispensent d’une consultation électorale, autorisent toutes les manipulations symboliques. Or, c’est là une instance qui n’est pas publique mais privée, intéressée, idéologique, que rien ne contrôle et qui contrôle tout. Un paysage s’est installé. Le pouvoir médiatique fonctionne en binôme avec le pouvoir judiciaire dans la mise en accusation permanente de l’exécutif, en jouant la scène du scandale moral censé entacher le monde politique et l’exécutif. »1