Poésies - Arthur Rimbaud - E-Book

Poésies E-Book

Arthur Rimbaud

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Beschreibung

"Poésies complètes" est une collection des poèmes les plus célèbres d'Arthur Rimbaud, l'un des plus grands poètes français du XIXe siècle. Rimbaud a commencé à écrire de la poésie à l'âge de quinze ans, et a produit une œuvre poétique remarquablement dense et riche avant de se retirer de la vie publique à l'âge de vingt ans. Les poèmes de Rimbaud sont célèbres pour leur langage imagé et leur musicalité. Rimbaud a utilisé des images surréalistes et des symboles puissants pour explorer des thèmes universels tels que l'amour, la douleur, la mort et la quête de la vérité.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Arthur Rimbaud (1854-1891) est un poète français du XIXe siècle, célèbre pour ses écrits visionnaires et ses expériences littéraires audacieuses. Né à Charleville-Mézières, il commence à écrire de la poésie à un jeune âge et se lie d'amitié avec le poète Paul Verlaine. Leur relation tumultueuse a inspiré certains de leurs écrits les plus célèbres. Rimbaud est notamment connu pour ses recueils de poésie, "Les Illuminations" (1886) et "Une saison en enfer" (1873), qui ont influencé de nombreux artistes et écrivains après lui. Il a arrêté d'écrire de la poésie à l'âge de 21 ans et a vécu le reste de sa vie en Afrique, où il a travaillé comme marchand d'armes. Il est mort en 1891 à l'âge de 37 ans.

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Poésies complètes

Arthur Rimbaud

– 1870 - 1872 –

LE DORMEUR DU VAL

C’est un trou de verdure où chante une rivièreAccrochant follement aux herbes des haillonsD’argent ; où le soleil, de la montagne fière,Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant commeSourirait un enfant malade, il fait un somme :Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrineTranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Octobre 1870

LE BATEAU IVRE

Comme je descendais des Fleuves impassibles,Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour ciblesLes ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J’étais insoucieux de tous les équipages,Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.Quand avec mes haleurs ont fini ces tapagesLes Fleuves m’ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,Moi, l’autre hiver plus sourd que les cerveaux d’enfants,Je courus ! Et les Péninsules démarréesN’ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flotsQu’on appelle rouleurs éternels de victimes,

Dix nuits, sans regretter l’œil niais des falots !

Plus douce qu’aux enfants la chair des pommes sures,L’eau verte pénétra ma coque de sapinEt des taches de vins bleus et des vomissuresMe lava, dispersant gouvernail et grappin.

Et dès lors, je me suis baigné dans le PoèmeDe la Mer, infusé d’astres, et lactescent,Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blêmeEt ravie, un noyé pensif parfois descend ;

Où, teignant tout à coup les bleuités, déliresEt rythmes lents sous les rutilements du jourPlus fortes que l’alcool, plus vastes que nos lyres,Fermentent les rousseurs amères de l’amour !

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombesEt les ressacs et les courants : je sais le soir,L’Aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes,Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir !J’ai vu le soleil bas, taché d’horreurs mystiques,Illuminant de longs figements violets,Pareils à des acteurs de drames très-antiquesLes flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,La circulation des sèves inouïesEt l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

J’ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheriesHystériques, la houle à l’assaut des récifs,Sans songer que les pieds lumineux des MariesPussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

J’ai heurté, savez-vous, d’incroyables FloridesMêlant aux fleurs des yeux de panthères à peauxD’hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des bridesSous l’horizon des mers, à de glauques troupeaux !

J’ai vu fermenter les marais énormes, nassesOù pourrit dans les joncs tout un Léviathan !Des écroulements d’eaux au milieu des bonaces,Et les lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d’argent, flots nacreux, cieux de braises !Échouages hideux au fond des golfes brunsOù les serpents géants dévorés des punaisesChoient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

J’aurais voulu montrer aux enfants ces doradesDu flot bleu, ces poissons d’or, ces poissons chantants.– Des écumes de fleurs ont bercé mes déradesEt d’ineffables vents m’ont ailé par instants.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,La mer dont le sanglot faisait mon roulis douxMontait vers moi ses fleurs d’ombre aux ventouses jaunesEt je restais, ainsi qu’une femme à genoux...Presque île, ballottant sur mes bords les querellesEt les fientes d’oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.Et je voguais, lorsqu’à travers mes liens frêlesDes noyés descendaient dormir à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,Jeté par l’ouragan dans l’éther sans oiseau,Moi dont les Monitors et les voiliers des HansesN’auraient pas repêché la carcasse ivre d’eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un murQui porte, confiture exquise aux bons poètes,Des lichens de soleil et des morves d’azur ;

Qui courais, taché de lunules électriques,Planche folle, escorté des hippocampes noirs,Quand les juillets faisaient crouler à coups de triquesLes cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieuesLe rut des Béhémots et les Maelstroms épais,Fileur éternel des immobilités bleues,Je regrette l’Europe aux anciens parapets !

J’ai vu des archipels sidéraux ! et des îlesDont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :– Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t’exiles,Million d’oiseaux d’or à future Vigueur ? -

Mais, vrai, j’ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.Toute lune est atroce et tout soleil amer :L’âcre amour m’a gonflé de torpeurs enivrantes.ô que ma quille éclate ! ô que j’aille à la mer !

Si je désire une eau d’Europe, c’est la flacheNoire et froide où vers le crépuscule embauméUn enfant accroupi plein de tristesses, lâcheUn bateau frêle comme un papillon de mai.Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, à lames,Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,Ni traverser l’orgueil des drapeaux et des flammes,Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

LES ETRENNES DES ORPHELINS

I

La chambre est pleine d’ombre ; on entend vaguementDe deux enfants le triste et doux chuchotement.Leur front se penche, encore alourdi par le rêve,Sous le long rideau blanc qui tremble et se soulève...– Au dehors les oiseaux se rapprochent frileux ;Leur aile s’engourdit sous le ton gris des cieux ;Et la nouvelle Année, à la suite brumeuse,Laissant traîner les plis de sa robe neigeuse,Sourit avec des pleurs, et chante en grelottant...

II

Or les petits enfants, sous le rideau flottant,Parlent bas comme on fait dans une nuit obscure.Ils écoutent, pensifs, comme un lointain murmure...Ils tressaillent souvent à la claire voix d’orDu timbre matinal, qui frappe et frappe encorSon refrain métallique en son globe de verre...

–Puis, la chambre est glacée... on voit traîner à terreÉpars autour des lits, des vêtements de deuil :L’âpre bise d’hiver qui se lamente au seuilSouffle dans le logis son haleine morose !On sent, dans tout cela, qu’il manque quelque chose...– Il n’est donc point de mère à ces petits enfants,De mère au frais sourire, aux regards triomphants ?Elle a donc oublié, le soir seule et penchée,D’exciter une flamme à la cendre arrachée,D’amonceler sur eux la laine et l’édredonAvant de les quitter en leur criant : pardon.Elle n’a point prévu la froideur matinale,Ni bien fermé le seuil à la bise hivernale ? ...– Le rêve maternel, c’est le tiède tapis,C’est le nid cotonneux où les enfants tapis,Comme de beaux oiseaux que balancent les branches,Dorment leur doux sommeil plein de visions blanches ! ...– Et là, – c’est comme un nid sans plumes, sans chaleurOù les petits ont froid, ne dorment pas, ont peur ;Un nid que doit avoir glacé la bise amère...

III

Votre cœur l’a compris : – ces enfants sont sans mère.Plus de mère au logis ! – et le père est bien loin ! ...– Une vieille servante, alors, en a pris soin.Les petits sont tout seuls en la maison glacée ;Orphelins de quatre ans, voilà qu’en leur penséeS’éveille, par degrés, un souvenir riant...C’est comme un chapelet qu’on égrène en priant :– Ah ! quel beau matin, que ce matin des étrennes !Chacun, pendant la nuit, avait rêvé des siennesDans quelque songe étrange où l’on voyait joujoux,Bonbons habillés d’or étincelants bijoux,Tourbillonner danser une danse sonore,Puis fuir sous les rideaux, puis reparaître encore !On s’éveillait matin, on se levait joyeux,La lèvre affriandée, en se frottant les yeux...On allait, les cheveux emmêlés sur la tête,Les yeux tout rayonnants, comme aux grands jours de fête,Et les petits pieds nus effleurant le plancherAux portes des parents tout doucement toucher. .On entrait ! ... Puis alors les souhaits... en chemise,Les baisers répétés, et la gaîté permise.

IV

Ah ! c’était si charmant, ces mots dits tant de fois !– Mais comme il est changé, le logis d’autrefois :Un grand feu pétillait, clair, dans la cheminée,Toute la vieille chambre était illuminée ;Et les reflets vermeils, sortis du grand foyer,Sur les meubles vernis aimaient à tournoyer...– L’armoire était sans clefs ! ... sans clefs, la grande armoire !On regardait souvent sa porte brune et noire...Sans clefs ! ... c’était étrange ! . . , on rêvait bien des foisAux mystères dormant entre ses flancs de bois,Et l’on croyait ouïr au fond de la serrureBéante, un bruit lointain, vague et joyeux murmure...– La chambre des parents est bien vide, aujourd’hui :Aucun reflet vermeil sous la porte n’a lui ;Il n’est point de parents, de foyer, de clefs prises :Partant, point de baisers, point de douces surprises !Oh ! que le jour de l’an sera triste pour eux !– Et, tout pensifs, tandis que de leurs grands yeux bleusSilencieusement tombe une larme amère,Ils murmurent : « Quand donc reviendra notre mère ? »

V

Maintenant, les petits sommeillent tristement :Vous diriez, à les voir, qu’ils pleurent en dormant,Tant leurs yeux sont gonflés et leur souffle pénible !Les tout petits enfants ont le cœur si sensible !– Mais l’ange des berceaux vient essuyer leurs yeux,Et dans ce lourd sommeil met un rêve joyeux,Un rêve si joyeux, que leur lèvre mi-close,Souriante, semblait murmurer quelque chose...– Ils rêvent que, penchés sur leur petit bras rond,Doux geste du réveil, ils avancent le front,Et leur vague regard tout autour d’eux se pose...Ils se croient endormis dans un paradis rose...Au foyer plein d’éclairs chante gaîment le feu...Par la fenêtre on voit là-bas un beau ciel bleu ;La nature s’éveille et de rayons s’enivre...La terre, demi-nue, heureuse de revivre,A des frissons de joie aux baisers du soleil...Et dans le vieux logis tout est tiède et vermeil :Les sombres vêtements ne jonchent plus la terre,La bise sous le seuil a fini par se taire...On dirait qu’une fée a passé dans cela ! ...– Les enfants, tout joyeux, ont jeté deux cris...Là, Près du lit maternel, sous un beau rayon rose,Là, sur le grand tapis, resplendit quelque chose...Ce sont des médaillons argentés, noirs et blancs,De la nacre et du jais aux reflets scintillants ;Des petits cadres noirs, des couronnes de verre,Ayant trois mots gravés en or : « À NOTRE MERE ! »

SENSATION

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers, Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.Je laisserai le vent baigner ma tête nue.Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :Mais l’amour infini me montera dans l’âme,Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,Par la Nature, – heureux comme avec une femme.Mars 1870

SOLEIL ET CHAIR

I

Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie,verse l’amour brûlant à la terre ravie,