Pour six trouilles au ventre, tes potes iront - Jo-Rémi Faye - E-Book

Pour six trouilles au ventre, tes potes iront E-Book

Jo-Rémi Faye

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Beschreibung

Timéo a la particularité de nous ressembler, à la seule différence près qu’il cumule d’innombrables peurs. Quand il apprend que Candice est enceinte de lui, il craint de ne pas être à la hauteur. Son ami psychiatre, le Docteur Anton de Logorewski, décide de lui concocter un carnet de voyage intérieur sur-mesure constitué de six défis à relever. S’il ne comprend pas où cela peut bien le mener, les activités qu’il devra suivre à la lettre vont véritablement le malmener. En se confrontant à ses peurs, Timéo va s’exposer au cours de ce périple à tous les dangers au point de tomber entre les mains de gourous d’une secte. Métamorphosé, Timéo ne devra-t-il pas affronter une nouvelle mise à l’épreuve pour rassurer Candice et l’aimer sereinement ?


À PROPOS DE L'AUTEUR

Clermontois, Jo-Rémi FAYE est auteur de romans et d’essais depuis 2018.
Attaché Territorial en qualité de Chargé d’Affaires Juridiques actuellement au Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, il a exercé de nombreuses missions au service des habitants, des agents et de leurs collectivités. Il s’implique également dans la vie associative sur des projets culturels et touristiques.
Transmettre est le leitmotiv de ses œuvres.

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Jo-Rémi FAYE

À nos peurs assumées et surmontées

Le mot de l’auteur

« La crainte de perdre ce que l’on a

nous empêche d’atteindre ce que l’on est »

(Saint-Augustin)

Des personnalités insolites, nous en avons toutes rencontrées au moins une fois dans notre existence.

Mais celle du personnage que vous vous apprêtez à découvrir ne devrait pas vous laisser de marbre. Il a un cœur en or mais il n’a pas trouvé la clé pour briller en société même si l’argent ne fait pas le bonheur.

Pourtant, un trésor précieux se cache au fond de lui-même. Mais il ne le sait pas.

Trop souvent, les êtres humains se comportent comme des chenilles en n’apprenant pas à voler de leurs propres ailes.

Elles n’osent pas sortir de leur chrysalide. Tout leur fait peur. Mieux vaut rester dans sa bulle plutôt que de l’éclater et s’épanouir comme le papillon.

N’avez-vous jamais été confrontés à des peurs, peur des araignées, des souris, des échecs ou de l’avenir ?

Parfois, même l’auteur le plus chevronné est victime du syndrome de la feuille blanche. Les mots ne parviennent plus à jaillir de sa plume.

À force de persévérance, il finit par trouver les ressources pour inonder des pages puis bâtir une histoire.

N’attendez plus longtemps pour devenir acteur de votre vie. Partagez dès maintenant l’histoire insolite de Timéo, ce héros singulier qui vous ressemble.

Jo-Rémi FAYE

PARTIE 1 : L’épreuve

« Il n’y a au monde que le danger réel

qui guérisse de la peur »

1 – Une nouvelle retentissante

La sonnerie du téléphone fixe retentissait depuis plusieurs secondes.

Timéo prit soudainement un visage livide. Il ressentit près de son nombril une farandole s’agiter.

Des gouttes de sueur froides coulèrent le long de son nez pour atterrir sur un carrelage encore humidifié des suites d’un lavage à la serpillère.

Un filet de lumière pénétrait à travers les interstices des lattes d’un volet roulant. Cela fit l’effet sur lui d’une réverbération qui l’aveugla.

Après avoir maintes fois tourné autour d’une table basse scandinave d’un célèbre créateur, il se décida et fit un pas en direction de la fenêtre pour fermer totalement le store.

Il attendit que le téléphone se tut. Il reprit progressivement sa respiration. Il s’imagina qu’il était préférable de ne pas décrocher le combiné.

Qui avait l’audace de le déranger en cette fin de soirée ?

Il devinait qu’il devait être près de 22 heures. Il détestait regarder l’heure et avait toujours refusé de s’acheter une montre ou une horloge murale.

Des amis alsaciens avaient voulu lui offrir pour Noël un coucou en bois de tilleul provenant de la Forêt-Noire. Mais il n’avait pas fait long feu.

Dès que l’oiseau sortait de son logement pour chanter à chaque nouvelle heure, cela avait le don d’irriter Timéo et lui rappelait que les secondes, les minutes, les heures et les années passaient inexorablement.

En moins d’une journée, sous la force d’une main assurée, le coucou voltigea pour se scratcher au milieu de la pièce sans rappel de détresse.

L’oiseau ne claironnait plus.

Finalement, l’habitacle du coucou alimenta le poêle à bois.

La sonnerie du téléphone fixe retentit de nouveau.

Que cela signifiait-il ? Une mauvaise nouvelle ? Une demande urgente qu’il ne pourrait pas satisfaire ?

Si son ventre le tortillait depuis un moment, il éprouva subitement un mal de tête et des douleurs thoraciques. Il se sentait pris dans un étau : fallait-il capituler ou résister ?

Fort heureusement, une minute plus tard, le calme revint.

En proie à toute cette inquiétude, Timéo était exténué. Il s’affala sur son canapé. Son regard hagard avait l’allure d’un coureur qui était allé au-delà de ses capacités physiques.

Son corps se détendit. Timéo finit par s’assoupir.

Une heure s’écoula. Sans crier gare, la sonnette de la porte d’entrée se déclencha.

Il se leva d’un bond. Il avait son cœur qui battait la chamade comme le son des percussions des musiciens aux bidons des Tambours du Bronx.

Cela ne s’arrêtait plus. L’image d’un doigt restant coincé dans la sonnette traversa son esprit. Il fallait que cela cesse.

Il fit quelques pas, mais s’arrêta comme pétrifié. Qu’allait-il découvrir derrière cette porte ? Il n’eut pas le temps de raisonner.

Des coups de poing venaient d’être assénés sur la porte pour se faire entendre.

Timéo prit peur. Les yeux écarquillés, il n’osait plus bouger.

C’est alors qu’il entendit une voix familière susurrer derrière la porte.

⸺ Ouvre-moi, Timéo. C’est Candice, je sais que tu es là.

La tension musculaire qui pouvait se lire jusqu’à cet instant sur le visage de Timéo s’effaça immédiatement. Ses joues reprirent un peu de couleur.

Cette fois-ci, il n’attendit pas et se dirigea vers la porte.

La lumière du jour avait laissé place aux luminaires de la ville.

Il l’observa avec dévotion quelques secondes comme un ange tombé du ciel.

⸺ Je ne t’attendais pas à cette heure-ci.

⸺ Non mais dis donc, cela fait un moment que je t’appelle ! J’étais folle de joie par avance à l’idée de t’avoir au bout du fil et qu’ai-je eu en retour ? Un silence de mort, j’ai cru que tu avais eu un malaise ou que tu ne voulais plus me parler.

⸺ Quelle drôle d’idée ! Je sais bien que je n’ai pas toutes les qualités du monde mais je ne me permettrais pas, … surtout toi.

Tout en discutant, Timéo s’empressa de badigeonner de gel hydroalcoolique la poignée de la porte d’entrée et de vaporiser le hall d’entrée d’un parfum d’ambiance censé liquider 99% des bactéries.

Candice ne s’était pas fait prier pour se précipiter sur son canapé.

Cette attitude n’avait rien d’étonnant. Il faisait un temps à ne pas mettre un chat dehors. Elle était tout ébouriffée et mouillée de la tête aux pieds.

Elle aperçut le visage renfrogné de Timéo.

⸺ Je te prie de m’excuser Timéo. Je n’ai pas pris le temps de poser mes chaussures. Comprends-moi, ce vent est tellement cinglant. Je n’avais qu’une envie, me mettre au chaud.

Timéo ne lui répondit pas mais lui apporta des chaussons.

⸺ Que me vaut ta venue ?

⸺ Tu ne devinerais jamais ce qui m’amène ?

⸺ Non, mais je veux bien que tu me le dises, car tu m’inquiètes.

⸺ Je suis enceinte !

D’un coup, les sourcils de Timéo se réhaussèrent. Il avait la bouche grande ouverte.

Aucun mot ne parvenait à sortir.

⸺ Eh bien, cache ta joie ! Je pensais que cette annonce allait te faire plaisir !

⸺ Pour sûr que c’est merveilleux, … mais comment cela est-il possible ?

⸺ Faut-il que je te replonge quelques mois auparavant, cet été, cette fameuse journée où nous avons volé en montgolfière pour admirer la magnifique chaîne des Puys ? Nous avons été tellement émerveillés que le soir venu, au coin du feu dans cette chambre d’hôtes, après quelques coupes de champagne, nous nous sommes laisser-aller jusqu’à nous envoyer en l’air.

Le cerveau de Timéo semblait en ébullition. Il ne voulait pas décevoir son amie Candice mais à cet instant précis, il aurait tellement voulu pouvoir se rappeler de ce moment exquis. Malheureusement, aucune image ne lui revenait à l’esprit. Il décida de faire semblant de se souvenir.

⸺ Effectivement, c’était fantastique !

Son regard fuyant trahissait son mensonge.

⸺ Ne me mens pas ! Je vois que tu as tout oublié. Depuis ce jour, tu n’as cessé de repousser mes avances, de prétexter que tu ne pouvais pas te libérer pour venir me voir. Pourtant, tu connais mes sentiments pour toi, ils sont forts.

Candice était bouleversée par son manque d’enthousiasme.

Timéo ne savait plus comment la rassurer.

Il s’était persuadé qu’il n’était pas à la hauteur.

Pourtant, il la vénérait plus que tout au monde.

Il adorait son assurance, sa fougue et cette âme d’enfant qu’elle avait su garder.

Sa silhouette fine l’attirait aussi. Les boucles de ses longs cheveux dorés qui allaient et venaient jusqu’au milieu de son dos le fascinaient et lui donnaient tout le temps l’envie de glisser une main, se perdre puis lui caresser son corps.

Il prenait souvent le temps de regarder les lignes de sa bouche qui semblaient avoir été dessinées par un pinceau. Ses yeux vert émeraude le plongeaient dans un état de plénitude et lui faisaient vite oublier l’amertume de certains jours.

Pour autant, il ne s’autorisait pas à l’aimer davantage. Il considérait que tout les opposait. Une idée malsaine l’obsédait. Selon lui, il était trop peureux pour être heureux.

C’est alors qu’une vision transversa son esprit.

Il se vit en présence d’un bébé. Cela allait totalement chambouler son existence. Comment allait-il s’y prendre ? Il sentit alors une panique l’envahir.

Candice remarqua son trouble.

⸺ Ne t’en fais pas, je ne t’oblige à rien. Je peux comprendre que cet enfant qui arrive dans ta vie inopinément puisse te perturber mais sache que j’aurais préféré te sentir plus impliqué. N’as-tu donc jamais envisagé que tu puisses un jour devenir    père ?

⸺ Ce sont des responsabilités, Candice. Je m’assume déjà assez mal, alors, un bébé, imagine …

⸺ Justement, ce serait peut-être l’occasion de dépasser tes peurs et t’offrir du bonheur.

⸺ Je craindrais trop qu’il lui arrive quelque chose.

⸺ Veux-tu passer toute ta vie à avoir peur de tout ? Deviens enfin responsable, ouvre ton cœur et accorde-toi un peu de bonheur. Brise-moi ces chaînes qui t’empêchent une existence plus sereine. Ne désires-tu pas parfois partager et transmettre tes valeurs et ce qui t’anime ?

⸺ Vois-tu, Candice, j’espère en tout cas que je n’aurai pas transmis dans les gênes de ton bébé cette sale maladie, ces trouilles au ventre qui me travaillent tant.

⸺ Pas mon bébé, Notre bébé, j’espère bien ! Réagis Timéo, la vie est belle si tu sais l’embellir. Ne la complique pas, prends-moi plutôt !

Tout en parlant, Candice commença à se dévêtir. D’un geste rapide, elle tomba son manteau beige capuche en laine.

Puis, elle déboutonna sa chemise rouge en soie et dégrafa son soutien-gorge en dentelle gris qui laissa entrevoir sa jolie poitrine en forme de poire. Elle retira son jean.

Timéo découvrit alors le string et les bas sexy autofixants en résille gris que Candice portaient.

Elle lui prit la main droite et la plaça sur son ventre légèrement arrondi.

⸺ Bientôt, Timéo, tu sentiras ses mouvements. Ce sera ton enfant et je serai heureux que tu sois le père. Maintenant, je te laisse le soin de finir de me déshabiller. Il s’exécuta et se mit nu à son tour.

Sa pudeur n’avait plus de raison d’être. Le charme de Candice était irrésistible.

Comme par magie, toutes ses peurs dont il avait horreur prirent la forme d’un jeu de dominos à la verticale qui, par le souffle du vent, s’écroule.

Mais ce jeu n’allait durer que le temps d’un feu. Timéo le savait bien.

Demain, ses angoisses réapparaîtraient comme des stigmates marqués par le fer.

2 – De saines confidences

⸺ … À moi !

D’un bond, Timéo se leva du lit. Des gouttelettes de sueur coulèrent le long de son visage.

Il venait de sortir d’un mauvais rêve. Il n’arrivait pas à s’enlever de la tête ce cauchemar. Il se remémorait cet instant où il se trouvait seul dans une bibliothèque en train de chercher du haut d’une échelle un ouvrage sur le mode d’emploi pour élever un enfant.

Quand soudain, son pied droit dérapa de l’échelle.

Tentant en vain de s’accrocher à l’étagère, celle-ci s’écroula sur lui.

C’est alors que dans sa chute, il vit le sol s’entrouvrir pour se transformer en un trou béant à l’infini. Son atterrissage dans le monde réel prenait du temps comme si ce vide remplissait tout son corps.

Quelques minutes plus tard, Timéo comprit vite que ce rêve avait un rapport avec ce qu’il était en train de vivre.

Durant sept ans, il avait exercé le métier d’archiviste. Les premières années, il s’était senti utile à contribuer en quelques sortes à un devoir de mémoire collective.

Mais, sans qu’il ne sache vraiment pourquoi, ce travail avait fini par le lasser.

Des demandes toujours plus urgentes, la pression d’une partie de sa hiérarchie et le peu de reconnaissance de ses activités avaient eu raison de lui et de son intérêt pour la recherche.

Ce travail en sous-sol, loin de collègues et d’âmes qui vivent, lui donna progressivement l’impression de devenir une espèce en voie de disparition errant dans les allées d’un vieux musée poussiéreux.

Il avait été victime d’un « burn out ». Au bout de cinq mois d’absence, il prit la décision de démissionner. Il voulait assouvir une passion : devenir libraire. À 35 ans, une deuxième carrière était encore envisageable.

Mais il fallait qu’il mûrisse ce projet. Il craignait que l’effet boomerang de ses peurs l’empêche d’atteindre cet objectif.

Et voilà que maintenant surgissait cet enfant ! Comment allait-il pouvoir gérer cet imprévu ? Comment tout concilier ?

À cette heure précise, tout se bousculait dans son esprit. Il devait se ressaisir.

Une fois habillé, il se dirigea vers la cuisine. Tel un robot, Timéo fit les mêmes gestes que chaque matin.

Il se versa un jus d’orange, remplit son bol de café, puis étala du beurre et de la confiture de rhubarbe sur trois tartines, les trempa, les porta jusqu’à sa bouche et les fit craquer sous ses dents.

Il ne devait pas perdre de temps. Après une rapide douche, il enfila son manteau gris pour affronter les bourrasques de ce début de printemps et partit à pied en direction du cabinet de son ami.

Il s’agissait du Docteur Anton de Logorewski, un psychiatre de 56 ans spécialiste en thérapie troubles anxieux.

Il exerçait à moins de trente minutes de chez lui.

Il était convaincu que les conseils précieux de son ami pouvaient l’aider. Pour la première fois de sa vie, il sentait qu’un déclic allait se produire. De toute façon, tôt ou tard, Candice ne lui laisserait plus le choix.

Il ne pouvait plus reculer ou se trouver de nouvelles excuses.

Il appuya sur la sonnette de la porte d’entrée et s’avança d’un pas hésitant jusqu’au hall d’accueil.

Une assistante à la chevelure acajou dédaigna lever les yeux de son ordinateur. Il n’avait jusqu’à présent jamais eu affaire à elle.

⸺ Bonjour Monsieur, je suppose que vous venez pour une consultation ? Avez-vous pris un rendez-vous ?

⸺ Non, mais je souhaiterais parler à Anton d’un sujet qui me turlupine depuis …

⸺ … Je vous arrête immédiatement. Pas de consultation sans invitation ! Le planning du Docteur Logorewski est complet toute cette semaine. Nous ne sommes pas un self ici, Monsieur, les premiers arrivés, les premiers servis. Vous vous croyez où ?

⸺ Excusez-moi d’insister, mais je ne partirai pas sans avoir pu échanger quelques mots avec mon ami Anton.

⸺ Monsieur, regardez cette salle d’attente. Tout le monde est l’ami du Docteur Logorewski. Imaginez que toutes ces personnes aient les mêmes largesses que vous, pensez-vous qu’il pourrait toutes les recevoir en même temps ? J’aurais l’air de quoi, moi, si je vous laissais tous entrer comme dans un moulin ? Le Docteur Logorewski m’a donné comme mission de filtrer les appels comme de gérer les flux du public. Vous voulez me rendre dingue ?

Timéo regarda songeusement l’assistante qui était montée sur ses grands chevaux. Il s’inquiéta quelques secondes sur son état de santé mentale, se retint de lui dire le fonds de sa pensée mais il lui brûlait tout de même l’envie de lui rétorquer qu’elle avait bien choisi son lieu de travail pour se faire soigner …

Sur ces entrefaites, le Docteur Logorewski fit irruption et reconnut immédiatement Timéo. Il s’approcha de son assistante et lui glissa à l’oreille :

⸺ Églantine ! Je vous prierai d’être un peu plus affable avec mon plus ancien patient Timéo.

Elle devint rouge écarlate.

⸺ Je ne savais pas, je suis confuse …

Le Docteur Logorewski serra la main de Timéo.

⸺ J’ai un patient qui vient à l’instant de décommander son rendez-vous. Viens donc un instant, tu m’expliqueras ce qui t’amène de nouveau à mon cabinet !

Timéo considérait le Docteur Logorewki comme son père qu’il avait perdu depuis deux ans. Sa première consultation datait de 17 ans à l’âge de sa majorité.  À l’époque, il avait éprouvé le besoin de lui confier ses complexes vis-à-vis des filles. Timide, il se sentait incapable de déclarer sa flamme à l’une d’entre elle.

Le Docteur Logorewski lui avait été d’un grand secours par ses conseils et sa bienveillance. Au bout d’une dizaine de séances, il avait réussi à trouver suffisamment de confiance pour aborder celle qu’il nommait aujourd’hui la femme de sa vie, Candice.

Pour autant, il avait encore du chemin à parcourir pour se sentir pleinement à l’aise et vaincre toutes les peurs qui l’empêchaient trop souvent d’agir. Il en était bien conscient.

Il s’assit sur un siège confortable à la forme d’une large main. Il prit le temps d’observer la pièce qu’il connaissait pourtant depuis longtemps.

Une atmosphère à la fois chaleureuse et mystérieuse s’en dégageait.

Il reconnut immédiatement le tableau sur toile L’arbre d’amour de Gustave Klimt, une reproduction de l’huile sur toile La persistance de la mémoire de Salvador Dali ou encore la peinture Guernica de Pablo Picasso.

Il distingua d’autres toiles murales design contemporaines qui étaient venues s’ajouter depuis sa dernière venue.

Le Docteur Logorewski observait discrètement Timéo.

⸺ Je vois que tu t’intéresses à mes nouvelles acquisitions ? Mon ancienne assistante a voulu lors de son départ me laisser en cadeaux quelques toiles murales qu’elle avait réalisées. C’était sa deuxième passion.

Timéo l’écoutait tout en repensant au comité d’accueil lors de son arrivée au cabinet.

⸺ Anton, je ne suis pas certain que ta nouvelle assistante aie autant de talents, c’est un vrai pit-bull !

⸺ C’est une personne de principe, il ne faut pas lui en tenir rigueur. Sa précédente expérience était dans un centre hospitalier qui recevait du public avec des troubles psychiatriques. Au cours de son entretien de recrutement, elle m’avait fait l’aveu de préférer travailler dans un cabinet comme le mien à taille humaine plutôt que de se morfondre dans cet univers glauque et déshumanisé … Mais dis-moi, parle-moi maintenant un peu de toi.

Timéo lui annonça la nouvelle du bébé que Candice attendait et lui fit part de toutes ses peurs qui ressurgissaient à cette occasion.

Anton avait pris le temps de retranscrire l’essentiel des propos de Timéo sur un bloc-notes. Il l’avait écouté attentivement sans jamais le stopper.

Il relut ses notes. Il prit alors une feuille de papier A4 et se mit à faire un schéma.

⸺ Si je résume ta situation, je détecte chez toi essentiellement six peurs qui, parfois, s’imbriquent entre elles. Elles t’empoisonnent la vie et te fait perdre confiance. Du coup, l’estime que tu as de toi en prend un sérieux coup. Sans vouloir te faire peur, et c’est un euphémisme, si tu ne parviens pas à vaincre ces six trouilles au ventre, ton amie Candice risque vite de se lasser. Il se pourrait même que tu te fasses voler la vedette. Sans que tu ne le voies venir, tes potes iront cueillir ta dulcinée. Et comme le papillon de nuit, elle se sentira pousser des ailes, attirée par l’aura de l’un d’entre eux.

⸺ Anton, tu me fais peur !

⸺ Justement, je pense que tu as besoin de te confronter à tes peurs. Connais-tu dans tes relations des personnes qui n’ont pas froid aux yeux, qui pourraient éventuellement jouer le rôle de coach avec toi pour te faire devenir plus assuré ?

⸺ Je n’en ai guère, si ce n’est quelques-uns qui, avant tout, se moquent de moi. Certains d’entre eux se serviraient plutôt de moi pour pimenter leurs soirées.

⸺ Si tu ne veux plus être leur larbin toute ta vie, il va falloir agir, il va falloir réagir. Je suis certain que Candice aimerait un homme plus sûr de lui, qui la surprenne, la séduise par de petites attentions, la protège, la fasse rêver.

⸺ Maintenant j’en suis d’autant plus conscient qu’elle attend un enfant.

⸺ Tout ceci est merveilleux. Tu as été enfermé dans ce cocon des peurs depuis 35 ans. C’est l’occasion idéale pour te sortir de ce carcan, te transformer en chrysalide, ouvrir tes ailes puis papillonner. Je crois avoir le remède à tes phobies : te mettre à l’épreuve par une thérapie de choc.

⸺ Une thérapie de choc ?

⸺ Laisse-moi environ une semaine pour te concocter un programme sur mesure qu’il faudra que tu suives à la lettre. La tête reposée, tu découvriras ce qui constituera ton carnet de voyage intérieur dans le monde extérieur.

⸺ Peux-tu m’en dire davantage ? Je ne comprends pas trop ce que tu comptes que je fasse.

⸺ En fait, toutes tes peurs sont liées : peur de vieillir, de te faire contaminer, de te faire manipuler, de ne pas y arriver, de te faire agresser ou encore d’être seul tout en ne t’ouvrant pas aux autres. Tu dois défier ces peurs.

Pour aimer Candice, aime-toi d’abord. Il faut réapprendre à t’aimer et aimer le présent. Tu pourras ensuite plus facilement te projeter. Reviens me voir quand je te donnerai le feu vert.

⸺ C’est entendu.

Timéo partit un peu déboussolé. Il ne savait pas vraiment à quoi s’attendre. Sa démarche ressemblait à celle d’un ivrogne qui ne retrouvait plus le sens de la route.

Que lui réservait Anton ? Il n’était pas au bout de ses surprises.

3 – Les faux-amis

Il fallut à Timéo trois jours pour se remettre de l’échange qu’il avait eu avec son ami psychiatre. Il se montait le bourrichon tout seul en se demandant s’il avait bien fait de lui raconter tous ces tourments.

Cela allait-il changer quelque chose ?

S’il ne le faisait par pour lui, il devait le faire pour Candice.

Il ouvrit le réfrigérateur. Il s’aperçut vite qu’il lui manquait l’essentiel.

Il se rendit dans sa pièce de travail, ouvrit son bureau pour en sortir un calepin. Il arracha délicatement une page. Le bureau était le seul endroit de la maison où tout était en vrac. Des miettes de pain s’étaient glissées entre des feuilles de papier et des enveloppes kraft.

On pouvait même deviner, derrière un pot de crayon rempli de stylos prêts à tomber, une ficelle et une peau de saucisson cachées dans le coin du bureau. À l’autre extrémité, un verre d’eau vide en apparence était posé. Une légère mousse blanchâtre était restée au fond du verre. Quelques petits grains s’étaient collés à l’intérieur.

Timéo avait pris quelques minutes auparavant un Efferalgan.

Depuis un moment, il avait l’impression d’avoir la tête dans un étau. Peut-être qu’il avait faim, il était proche de midi. À moins que cela ne soit le manque d’aération.

Tel un ermite, il était resté cloîtré durant trois jours sans vraiment voir la lumière du jour.

Il se dirigea vers la cuisine et se décida à ouvrir les volets, puis entrouvrir un battant de fenêtre. Pour calmer sa faim, il eut l’idée de se couper un quignon de pain mais ce dernier datait déjà de quatre jours. Il avait eu le temps de durcir.

Il retira d’un tiroir à cuisine un long couteau à pain à lame dentelée.

Il s’acharna quelques secondes sur ce pain. La lame du couteau avait beaucoup de mal à se faufiler un chemin à l’intérieur du pain.