Pour une conscience de société en Afrique - Daniel Yékorominan Tuo - E-Book

Pour une conscience de société en Afrique E-Book

Daniel Yékorominan Tuo

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Beschreibung

Vivre au sein d’une société est une chose, tandis que comprendre les exigences de la vie sociale en est une autre. L’objectif de cet essai est de contribuer à la compréhension de ces exigences au sein des sociétés africaines. En effet, dans un contexte social africain marqué par des crises sociopolitiques persistantes, associées à des divisions ethniques et tribales qui entravent la formation de véritables nations africaines, ce livre s’efforce de proposer des solutions susceptibles de promouvoir l’émergence d’une conscience collective au sein de ces sociétés.


À PROPOS DE L'AUTEUR

Daniel Yékorominan Tuo, écrivain et étudiant originaire de Côte d’Ivoire, a entamé ses premières années académiques dans son pays natal. Actuellement installé en France pour poursuivre ses études supérieures, il nourrit une passion profonde pour la littérature et s’engage fermement à promouvoir les idéaux d’États de droit en Afrique et à favoriser l’amélioration des relations entre les individus

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Daniel Yékorominan Tuo

Pour une conscience

de société en Afrique

À la quête du sens de la vie en société

Essai

© Lys Bleu Éditions –Daniel Yékorominan Tuo

ISBN : 979-10-422-0878-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À la mémoire de mon ami, Dago Dago Hugues Fulgence Patrick !

À mon père, Tuo N’golo !

À mes Maîtres de France et de Côte d’Ivoire !

Nous ne sommes pas nés seulement pour nous […] notre patrie, nos amis réclament une part de notre existence.

Platon, cité parCicéron, Les stoïciens I, Paris,

Gallimard, 1962, p.502

Introduction

Aborder la question de la vie des Hommes au sein d’une société, c’est assurément aborder l’une des questions les plus essentielles. Car il s’agit de parler de l’humain et de son lieu d’existence ; s’intéresser à une telle question, c’est s’intéresser à une chose fondamentale en ce sens que la société n’est pas n’importe quelle entité ou sphère ; elle est le lieu où résident des Hommes, le lieu où a cours leur existence. Et le bon sens exige qu’un tel espace soit l’objet d’une analyse méticuleuse ; le bon sens exige de nous que nous prêtions attention à tout ce qui concerne la vie sociale.

Cette importance de la société est d’autant plus prégnante que ceux qui y résident se doivent de connaître le sens d’une vie en société. En effet, on peut vivre en société sans réellement connaître le sens que revêt une telle sphère ; être dans une telle situation de cécité, c’est forcément être disposé à poser des pas antisociaux, des pas qui ne riment pas avec l’esprit du cadre social. Car, c’est quand l’on connaît le sens de la vie en société que l’on parvient à adopter une posture qui va de pair avec cet esprit. Connaître ainsi les exigences sociales, c’est véritablement connaître l’essentiel à propos de la vie communautaire. La santé de toute société dépend en réalité de ce critère. Dans une société où les individus sont à jour en ce qui concerne ce fait, vous y remarquerez un développement authentique. Dans un tel cas, toutes les actions du corps social seront inscrites dans la ligne droite de la dignité de la société ; chacun, dans un tel espace, jouera à fond pour apporter sa pierre à l’édifice social.

Aborder cette thématique du point de vue des sociétés africaines n’est pas une superposition superfétatoire. On le sait, les sociétés africaines sont aujourd’hui empêtrées dans des contradictions profondes. Des sociétés où la vie sociale suit de façon permanente, les linéaments d’une atmosphère faite de guerres, d’instabilités sociopolitiques et de divisions sociales profondes. La vie au sein de nos sociétés africaines semble s’inscrire de plus en plus dans des paradoxes profonds. Cette expérience qui devait être le lieu où les individus riment avec leur nature, est devenue une expérience d’angoisse et de confusion profondes pour de nombreux peuples africains.

Le mal est tentaculaire, car nombre de nos sphères sociales semblent prises d’assaut par ces paradoxes sociaux dont nous faisions mention. Ces paradoxes concernent aussi bien les peuples dans leurs concerts sociaux que les ordres politiques qui président aux destinées de ces peuples. Il faut bien le dire, dans ce malaise, chacun à sa part de responsabilité en ce sens que c’est l’ensemble des actions posées par les individus au sein d’un cadre social qui animent la vie sociale. Lorsque ces actions correspondent aux exigences sociales, vous aurez forcément une expérience sociale placide, mais quand ce n’est pas le cas, vous devez vous attendre au contraire.

Cette situation nous montre clairement qu’il y a toujours un travail à faire ; ce constat nous montre que les questions sociales ou du moins les problématiques de la vie au sein d’une société doivent être absolument abordées en Afrique afin que les uns et les autres soient absolument informés à propos des exigences d’une vie communautaire. D’où le titre de cet essai. Chercher à construire des consciences de société en Afrique, c’est s’inscrire dans une vision qui consiste à favoriser l’avènement d’individus africains informés des exigences d’une vie sociale, des individus qui, de ce fait, adopteront des comportements qui vont de pair avec l’esprit social. C’est l’avènement de ces consciences de sociétés qui donnera du sens à nos différentes sphères sociales en proie de plus en plus à des confusions et paradoxes communs. Cet essai participe ainsi de cet effort qui consiste à acter la révolution mentale au sein du continent africain. Nous croyons que la révolution extérieure passe nécessairement par la révolution intérieure. Étant donné que c’est le dernier cité qui suscite les habitudes nécessaires à l’éclosion du premier.

Cet essai a pour objectif de nous rappeler les habitudes que nous avons à développer collectivement au sein de nos sociétés. Une société n’est pas une sphère des habitudes insulaires. Elle exige, de ses membres, un ensemble de pratiques observées collectivement ; pratiques qui, lorsqu’elles sont respectées et répétées par l’ensemble du corps social, assainissent l’expérience sociale et donnent un faciès digne à la société.

Ce travail s’inscrit ainsi dans la grande perspective qui vise à acter la renaissance africaine, renaissance qui favorisera l’avènement de l’Africain nouveau, celui qui se caractérisera par une conscience de société. Car, tout part de là ; tout dépend de ce point.

Chapitre I

L’Homme, un être voué à vivre en société

I – Les causes de la nature sociale de l’Homme

S’il y a bien une chose qui caractérise l’être humain, c’est sa nature sociale. En effet, l’Homme est un être voué à vivre au sein d’une société ; la société est le cadre où celui-ci parvient à trouver les instruments pouvant lui permettre de donner sens et consistance à sa vie, notamment dans son interaction avec les autres. Car une chose qui caractérise les êtres humains dans leur entièreté, c’est bel et bien les limites incorporées à leur nature. Autrement dit, tout Homme, quelles que soient sa taille, sa forme ou encore ses caractéristiques les plus profondes, est toujours limité puisqu’il ne peut se suffire à lui tout seul ; il a besoin de l’assistance des autres, de leurs talents et de leur présence afin de combler, par ce fait, les carences de sa propre nature. Les autres deviennent ainsi le gage d’un accomplissement profond pour tout être humain. Mieux, dans le concert social, les Hommes, en cohabitant, se complètent et érigent par ricochet la société à sa plénitude la plus lumineuse.

Le propre d’un Homme c’est qu’il ne peut pas tout faire à la fois. La nature ne l’a pas doté de toutes les qualités. Au sein d’un même cadre, nous le pensons, un seul et même individu ne peut être à la fois pilote, juriste, professeur, commerçant, ouvrier, diplomate. Mais, toutes ces fonctions seront exercées par des personnes différentes et ce, grâce à leurs différentes qualités. Cela permet de ce fait à tout Homme au sein d’une société, de bénéficier des talents des autres, de combler ses propres limites et de rimer ainsi avec sa nature. C’est pourquoi tout Homme est naturellement porté à vivre en société, car le faisant, il complète sa nature, il vit pleinement sa nature humaine. La société est le propre de tout individu, elle offre à chacun de ses membres, la possibilité de se renforcer en bénéficiant des expertises des autres. Si bien que tenter de s’isoler, conduirait immanquablement à une sorte de déchéance existentielle.

Et ce n’est pas uniquement des biens et de l’aide des autres qu’on a besoin ; mais aussi et surtout, l’autre par sa simple présence, objective ma vie, donne un sens à ma vie et me permet d’exister au sens propre du terme. Car, exister, c’est être toujours pour un autre, c’est vivre pour un autre ; c’est par le détour de l’autre que je me saisis moi-même en tant qu’être humain. Si bien que son absence me serait fatale, elle me rendrait quasiment fou. Sans les autres, je ne serais qu’une simple conscience qui ère sans sens. Vivre en présence des autres, partager le cadre social avec eux renforcent ma nature humaine, donnent du sens à ma vie. Tout cela considéré nous permet de voir qu’en vérité, une société n’est pas simplement un agrégat d’individus portés par des intérêts ultras hédonistes. Autrement dit, le concert social ne saurait être compris à l’aune de besoins hédonistes, besoins qui nous conduiraient à faire corps avec les autres. Le concert social se comprend et doit se comprendre avec beaucoup plus de profondeur. Tout espace social regorge une profonde signification ; toute société regorge une dimension ontologique, car c’est là que tout être trouve de quoi accomplir sa nature, notamment en bénéficiant de la simple présence des autres. C’est dans la vie sociale que tout individu trouve les compléments nécessaires à la réalisation de sa vie.

Tout cela nous montre clairement que, vivre en présence des autres, c’est donner une signification originale à sa propre vie. Dans le livre de Daniel Defoe, quand Robinson Crusoé fit naufrage, son premier souci fut de survivre physiquement ; une fois cela accompli et qu’il parvint à s’adapter à son nouveau cadre de vie, son souci fondamental fut de survivre psychiquement, survivre seul sans les autres. Cette expérience fut très amère pour celui-ci, car la vie sans les autres sonne insensée. C’est pourquoi, ce personnage pouvait reconnaître que la facette la plus atroce de cette épreuve à laquelle il était confronté était sans doute le fait d’avoir à vivre sans entendre une voix humaine, sans la présence d’une voix humaine avec laquelle échanger. C’est la raison pour laquelle sa rencontre avec vendredi constitua un déclic et une révolution profonds dans sa vie ; en effet, à cet instant, il pouvait à nouveau exister au sens propre du terme. Cette situation nous montre, en vrai, que ce ne sont pas uniquement des qualités des autres dont nous avons besoin, mais aussi de leur simple présence ; avoir à vivre sans les autres, c’est vivre dans l’indifférence, c’est mener une existence frelatée puisque c’est par le détour des autres que je me situe toujours et c’est grâce à eux que je m’améliore.

La société est, comme on le voit, le lieu de notre accomplissement, c’est le lieu naturel où la vie de tout individu s’objective puisque vivre hors de l’atmosphère sociale, c’est se condamner, ce serait quasiment s’ériger en une bête. C’est pourquoi Aristote, philosophe grec, reconnaissait à l’humain, le statut : « d’animal politique1 » ; autrement dit, la constitution de l’Homme, son parcours et sa vie riment avec la société ; il est naturellement porté à vivre au sein d’une ambiance sociale, car son pedigree concourt à cela. Vivre en société, c’est rimer avec sa nature, c’est combler sa nature, c’est se joindre aux autres pour construire un idéal et un projet communs. C’est construire ensemble, avec les autres, un destin commun.

Par ailleurs, la société est le cadre naturel ou la vie des êtres humains prend un élan authentiquement rationnel. Les êtres humains, on le sait, se démarquent par des passions qu’ils partagent au même titre ; ce sont des êtres animés bien souvent de volonté de domination, de volonté d’imposer aux autres leurs diktats et leurs visions des choses. Tout Homme pense toujours être le meilleur des êtres, il pense avoir hérité des dispositions les plus sensées, des dispositions les plus élevées. Il voudra, de ce fait, soumettre les autres et construire sur ceux-ci, sa domination, son règne. Cette situation est une potentielle situation de guerre entre les individus en ce sens que, aucun d’entre eux ne voudra courber l’échine dans le rapport aux autres. Le seul antidote à un tel ordre sulfureux, c’est la société ; la société est le fruit d’un contrat fut-il symbolique ou formelle entre les êtres humains. Autrement dit, elle est le cadre qui regroupe les individus autour de règles communes, règles censées constituer le ciment et le poteau indicateur des rapports sociaux. En vivant ainsi en société, les Hommes s’épargnent mutuellement en se reconnaissant des droits et devoirs. La société, en vertu de ses règles communes, rappelle les individus à l’ordre en leur proposant un cahier de charge à suivre impérativement pour le bien-être du corps social. Si bien que, vivre en société, ce n’est plus agir comme on le voudrait, mais vivre dans un cadre social, c’est s’insérer dans un ensemble d’actions profitables à la communauté, profitables au corps social.

La société, espace naturel de la vie humaine, devient ainsi comme le lieu de parachèvement de l’humanité que portent les Hommes. Car on le sait, l’être humain est la créature la plus élevée de l’univers. Il a, à ce titre, un certain nombre de droits inaliénables, notamment le droit à la vie, le droit à la liberté, le droit au respect, le droit à un mieux-être, pour ne citer que ceux-là. Or, en dehors de la vie sociale, la réalisation de ces droits inaliénables n’est pas forcément garantie puisque dans un tel état, il n’existerait aucune disposition susceptible de protéger à coup sûr les individus contre les velléités extérieures. La vie hors de l’ambiance sociale, nous disait, à juste titre Hobbes, est une vie exposée à la : « guerre de chacun contre chacun2. » La société au contraire, assure ou du moins, est censée assurer l’effectivité des droits humains fondamentaux grâce à des dispositions matérielles ou formelles. Cet espace apparaît, on le voit, comme l’autre de l’Homme, c’est-à-dire un cadre auquel toute personne est intimement liée. En d’autres mots, l’espace social est cet espace qui, en dernier ressort, complète et accomplit la nature humaine en ce sens que, sans elle, cette nature demeurerait inachevée et en proie à des susceptibilités de tout genre. Là où, hors de toute sphère sociale, l’individu serait en proie aux scories de sa condition, la société l’améliore et lui permet d’arborer des manteaux véritablement humains. Il quitte grâce à elle, la sphère de l’instinct, pour s’intégrer dans des exigences sociales. La nature sociale de l’Homme se voit par ce fait.

L’Homme est naturellement admis au sein d’une société, car c’est là qu’il complète sa nature ; la société est l’espace qui lui donne les autres qualités dont sa nature a besoin ; elle devient de ce fait, la continuatrice de la nature humaine. C’est au sein de cette sphère que toute personne acquiert l’éducation, la discipline qui sont des dispositions indispensables à toute organisation ou à toute interaction humaine.

L’Homme naît, grandit et meurt au sein d’une société ; le cadre social est ainsi, l’espace au sein duquel se meuvent les linéaments de sa vie, de son histoire. Si bien que vivre hors de la société, c’est s’autoamputer d’une partie de soi, c’est refuser d’accomplir véritablement sa vie. L’Homme et la société, c’est une même histoire, ce sont les deux faces d’une même pièce d’argent. La société est ce qui réunit les individus autour d’un projet commun, celui d’objectivation de leur vie.

Vivre en société, on le voit, n’est pas le fait d’un pur hasard, cela n’est pas un fait banal comme beaucoup pourraient le croire. C’est le résultat d’une exigence de la nature humaine. La nature humaine ne va pas de soi ; elle se nourrit, se développe et s’objective à partir d’un certain nombre de faits. Autrement dit, la nature humaine, nature la plus élevée, a besoin de la présence d’une kyrielle de conditions pour briller et connaître une plénitude profonde. Et l’un de ces faits, le plus fondamental d’ailleurs, c’est l’espace social, cadre où l’Homme, en présence de ses semblables, devient fort, devient solide, rime avec sa nature et résiste aux susceptibilités extérieures. L’espace social a un rapport naturel à l’être humain. Tout, dans la nature de l’Homme, concourt à la vie au sein d’une société. En société, ses limites trouvent compensations, sa vie prend du sens. La société est le lieu naturel où s’objective la vie de tout individu. Elle fait table rase des passions et pulsions des êtres humains en les faisant rimer avec des exigences, des règles communes. Et c’est grâce à ces règles communes que la société parvient à susciter en ses membres, la capacité d’avoir un regard global, un regard d’ensemble. La société est de ce fait, l’espace naturel où a cours la vie des individus. Cela montre également que tout espace social repose sur un ensemble de bases rationnelles qu’il faut connaître, comprendre et suivre afin de permettre à l’expérience sociale de véritablement se dérouler selon sa nature intrinsèque.