Quatrain de saisons - Chaouki Dachraoui - E-Book

Quatrain de saisons E-Book

Chaouki Dachraoui

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Beschreibung

Nous irons nous promener dans les champs, un épi de blé tendre en bouche. Nous parlerons de nos échecs et de nos entraves. Nous parlerons de notre passion. Tu souffleras sur nos serrures. Elles partiront en fumée, dans une légère brise de feu que nous happerons de nos mains. Les flammes s’écarteront à chacun de nos brassages pour se refermer aussitôt. Nous coudrons ton feu au mien et nos cicatrices disparaîtront. Des gardiens lumineux dispersent une nuée de poussières d’anges sur notre passage. Elles scintillent, pour retomber à nos pieds dans une extrême gravité. Les particules se télescopent en tournoyant, se pressent dans des brasillements individuels. Ils sont par terre, éparpillés comme au lendemain d’une joyeuse fête. Je ramasserai une poignée de cotillons rouges que je fixerai sur tes cheveux. Je te regarde. Tu seras coiffée d’un arc en ciel, fait de fragments délicats. Qu’as-tu emporté avec toi ? Des incendies, des trêves et des rêves d’unions qui m’écorchent encore le cœur… Miren est morte voilà dix ans. Je ne le découvre qu’aujourd’hui.


À PROPOS DE L'AUTEUR

Chaouki DachraouiL’auteur raconte son immigration en Belgique à travers ses quatrains. Le premier était "un printemps tunisien", déjà édité par 5 sens éditions. Dans ce nouveau recueil, il nous livre un été torride fait de passions et de déchirements. Il apprend à aimer, sans retenue, sans interdits, sans surveillance. Une recherche intérieure libre qui va le conduire à des excès. Il vit à l’intérieur d’un musée qu’il nous livre dans ses moindres recoins.

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Dachraoui Chaouki

Quatrain de saisons

 

L’été

 

 

Du même auteur

 

– Quatrain de saisons, le printemps

Roman, 5 Sens Editions, 2021

Flamenco.

 

Les pirouettes de sa robe virevoltante,

Écartent le tissu que sa danse égare,

découvrant ses jambes tourbillonnantes,

Dans un ballet de grâce, circulatoire.

 

Les mains, bombées en cœur, pivotantes,

Se joignent en supplique, puis, se séparent,

La danseuse tangue, avance, tâtonnante,

Traquant les sons diaboliques de la guitare.

 

Ses chaussures résonnent galopantes,

Frappant le sol par saccades libératoires,

Elle s’arrête un instant, reprend, arrogante,

Une danse vivante, fixée dans sa mémoire.

Un jour de solitude et de cafard je me suis mis à fouiller internet trente-huit ans après notre séparation.

Est-ce la solitude qui m’avait poussé à effectuer cette recherche ?

J’ai essayé toutes les orthographes de son prénom, basques et espagnoles. Je voulais découvrir son histoire cachée dans mes pixels, la comparer à la mienne afin d’y retrouver ses bonheurs et nos chemins perdus.

C’est au détour d’une extension d’un journal basque que j’ai vu sa petite photo en bas d’une annonce.

Je l’ai reconnue tout de suite.

Mon plaisir était réel de découvrir le visage de Miren après tant d’années. Ses cheveux étaient tirés en arrière, ils ondulaient dans des vagues toujours irrégulières. Son regard était dirigé vers le bas. On aurait dit qu’elle s’adressait à quelqu’un, elle me donnait l’impression qu’elle réfléchissait avant de répondre. Elle affichait un sourire que je ne connaissais que trop bien. Sa bouche était mi-ouverte. Ses yeux étaient lumineux, heureux. C’était une photo soudaine, prise sur le vif.

Elle portait une écharpe qui lui couvrait le cou.

 

Surpris, je la regardais sans déchiffrer les textes qui l’entouraient.

Elle était élégante.

 

En dessous de son nom était écrit « Miren, Goian bego ». Je me suis empressé de traduire ces deux mots.

« Miren, Reposez en paix »…

C’était sa nécrologie !

Elle avait disparu à l’âge de cinquante-quatre ans.

 

J’étais atterré. J’avais du mal à réaliser cette évidence qui m’anéantissait progressivement.

 

Elle ne pouvait mourir avant moi dans une hâte injuste. J’étais plus âgé.

Notre histoire était gelée. Elle se trouvait dans nos frigos respectifs.

Est-ce qu’il y avait une date de péremption à nos sentiments ?

Étions-nous engagés pour un oubli éternel ?

 

Je lis et relis cette annonce sans trop y croire.

 

Je vis aujourd’hui avec les peines de cette nouvelle.

J’épouse celles passées, inexprimées, dans un consentement mutuel.

Je regrette nos bruits cacophoniques, nos bourdonnements, nos sentiments qui grésillaient. Je regrette l’extinction de cette passion enragée, écrasée dans nos silences d’après.

Je ne peux la laisser partir de la sorte.

Je ne peux que lui prêter mes mots d’aujourd’hui. Ils sont les siens, en retard comme à tous nos rendez-vous d’avant.

 

Je fus projeté quarante ans en arrière. Je regardais cet avis de décès sans trop y croire. Il était rédigé en basque. J’ai traduit chaque mot afin de construire des phrases audibles à cette douleur soudaine qui s’était emparée de moi, qui commençait à m’envahir, sans crier gare, sans aucune introduction progressive.

L’annonce datait de 2012, un certain vingt-sept décembre.

 

C’était une nécrologie de souvenir, commune, distante. Une formalité en quelque sorte.

Elle m’avait pris en traitre.

Des mots, des lignes, pour annoncer son départ quelque part dans l’au-delà, quelque part dans un monde parallèle.

 

Un de ses proches avait résumé sa vie par ces mots, une sorte d’épitaphe glaçante de réalisme : « Tu as passé ta vie à donner… Tu as vécu pour donner. »

 

Miren était infirmière.

 

Je cherche dans ce départ des réponses qui ne viendront jamais.

Je cherche des pardons et des paix intérieures.

Je cherche mes excuses dans le silence des siennes.

 

Elle avait quitté ce monde voilà dix ans.

Je ne le découvre qu’aujourd’hui.

Que faire de mon deuil si frais ? Si jeune, enfantin presque, qui vient à peine de naître ?

Que faire de ces éboulements liquides ?

 

Ce retard est sans pitié. Il est impératif. Le temps est un couperet, une guillotine huilée. Elle ne se grippe jamais.

 

J’étais libre de formuler toutes les réponses que je voulais, j’étais libre sans entraves.

 

Je pouvais jouer aux échecs à tour de rôle, je bougeais des blancs puis des noirs en me mettant à la place des deux joueurs que j’étais, dans une alternance fébrile qui pouvait perdre la partie, la gagner aussi. Je lui parlais et je répondais à sa place.

Un monologue incapable de patience.

 

J’ai scruté dans sa vie antérieure en fouillant les entrailles de mon ordinateur, afin de recoller nos départs respectifs. J’ai fouillé dans son nom, dans ce qu’il pouvait contenir.

 

J’ai voulu découvrir ses constructions de vies, les comparer aux miennes, ses joies, ses peines, superposer nos deux chemins en espérant voir y pousser, ne fût-ce qu’un seul regret.

Celui d’avoir divorcé alors que nous n’étions même pas mariés. Celui d’avoir mis fin à notre histoire devenue trop compliquée.

Une faim qui persiste, malgré les festins d’après.

 

Pourquoi ce manque persistant ? Pourquoi cette soif régulière qui refuse d’être étanchée ?

 

Elle s’est éteinte à cinquante-quatre ans, à la fleur d’un âge ingrat, seule, sans mari et sans enfants.

 

J’aurais aimé combler tous ces vides. J’étais prêt.

Ces mots sont un hommage rendu, à une passagère du passé, toujours présente.

 

Repose en paix Miren.

 

À bientôt, sur le pas d’un nuage.

Je toquerai à ta porte faite de rosée et de brouillard. Tu flotteras dans une brume de vapeur, un peu surprise par cette visite.

Je te tiendrais par la main. Nous irons nous promener dans les champs, un épi de blé tendre en bouche. Nous parlerons de nos échecs, de nos entraves. Nous parlerons de notre passion.

Tu souffleras sur nos serrures.

Elles partiront en fumées, dans une légère brise de feu que nous happerons de nos mains. Les flammes s’écarteront à chacun de nos brassages pour se refermer aussitôt. Nous coudrons ton feu au mien et nos cicatrices disparaîtront.

Les grillons du paradis accompagnent nos pas de fakir qui marchent sur des tessons de braises indolores.

J’observe tes pieds. Elles apparaissent puis disparaissent, comme si elles inspiraient… puis expiraient des souffles marcheurs.

Tu étais intermittence et battements.

J’entendais ton cœur qui cognait dans ta main. Je pouvais sentir sa douce rondeur, lové dans le creux de ma main gauche. Il vibrait contre le mien à travers des doigts ventricules et veines confuses.

Nos passions fusionnaient dans des incendies ravageurs que plus rien ne pouvait éteindre.

Nos flammes s’étreignaient noyées dans nos sens, soudain, interdits…

Des gardiens lumineux dispersaient une nuée de poussières d’anges sur notre passage. Elles scintillaient… pour retomber à nos pieds dans une extrême gravité.

Les particules se télescopaient en tournoyant, se poussaient, se pressaient dans des brasillements individuels.

Elles gisaient par terre, éparpillées comme au lendemain d’une fête. Je ramasse une poignée de cotillons rouges que je fixe sur tes cheveux.

Je te regarde.

Tu es coiffée d’un arc-en-ciel, fait de fragments délicats.

Le disco Rojo

Je travaillais dans un petit théâtre de marionnettes. Il était situé en plein cœur de Bruxelles, dans l’îlot sacré.

Dans un premier temps, je me suis essayé à la manipulation de poupées trop lourdes.

On les tenait par une tringle coincée dans le creux d’une main. On devait la dandiner, la balancer, l’incliner à gauche puis à droite afin qu’elle puisse avancer, se battre en duel.

 

Le bar du théâtre servait des bières typiques telles que la kriek, la gueuse et le faro.

 

Nous étions six manipulateurs… Nous surplombions un carré fait d’un décor en bois. Chacun de nous tenait une anse métallique recourbée, qui se terminait par une tige fichée dans la tête d’une marionnette raide, d’un mètre de haut.

Il nous fallait avoir la main pour actionner convenablement ces pantins. Un très bon manipulateur faisait oublier la marionnette. Elle avait soudain une âme. Elle devenait humaine le temps d’un spectacle.

Les deux fils qui pendouillaient et qui étaient accrochés aux deux mains, servaient à manier les bras et avant-bras.

 

Les moments les plus délicats survenaient lors de duels pour les besoins de la pièce jouée.

Elles s’étripaient dans un souci de réalisme extraordinaire.

Nous devions les bouger rapidement en esquivant les coups de sabres ou d’épées, en donner aussi, afin de raconter des histoires passionnantes.

 

José était le créateur de ce musée et de beaucoup de pièces qu’on y jouait. Il avait hérité l’endroit de son père, au point qu’une dynastie s’était créée. Les fils succédaient aux pères dans des générations inventives qui amélioraient ce qui existait.

 

Il portait régulièrement une casquette en pied-de-poule, c’était la signature de cet artiste talentueux. On le reconnaissait de loin grâce à cette coiffe bien typique, sa moustache et sa petite barbichette.

Je pense qu’il avait créé son personnage principal à son image. C’était une petite poupée, qui portait la même casquette que José. Son costume – en pied-de-poule aussi – se composait d’une redingote, une queue-de-pie, dont les lèvres rabattantes et les revers de poches étaient noirs. Des chaussettes rouge sang montaient jusqu’aux genoux du petit personnage tonitruant.

Il avait une bonne bouille sympathique, un langage châtié. Sa mine débonnaire, effrontée – dans la plupart des textes de José – avait fait de cette poupée une véritable mascotte très connue. On venait de loin pour l’écouter et le voir.

 

Régulièrement, la poupée changeait de costume pour les besoins des scènes et des pièces. Cependant, seul le costume en pied-de-poule reste encore tenace et bien ancré dans ma mémoire. À cause de la casquette commune sans doute, que partageaient l’artiste et sa création.

José avait appelé sa marionnette « Woltje, le petit ketje de Bruxelles ».

 

Je me tenais à la droite d’Eric tentant de faire cavaler ma marionnette.

Derrière nous, José vociférait, lisait son texte de mémoire, alternant les invectives en Brusseleir, les cris, les supplications.

D’une voix forte, il était un des quatre mousquetaires, pour ensuite prendre la voix fluette d’une servante, obséquieuse et intimidée.

Il avait la faculté de passer d’un personnage à un autre avec une facilité déconcertante.

 

Mon travail de marionnettiste n’avait duré qu’une seule nuit, le temps d’un spectacle.

Je ne voulais pas quitter cet endroit magique. Il fourmillait d’ondes positives. La clientèle était jeune en majorité. On accueillait régulièrement des touristes de passage, émerveillés dès qu’ils franchissaient la porte de l’estaminet.

Le pic des affluences se situait à quatorze heures, seize heures, vingt heures et vingt-deux heures au début et à la fin des deux séances théâtrales, chaque week-end.

Le théâtre programmait douze pièces par an, une par mois.

À l’approche des fêtes de Noël, on jouait la nativité et le massacre des innocents.

 

Il existait deux salles de spectacle. La première se trouvait au rez-de-chaussée, la seconde au grenier.

Un petit musée de marionnettes existait au premier étage. C’était l’occasion de vendre quelques personnages qui avaient réussi à ravir des spectateurs au point qu’ils voulaient ces acteurs sans voix, chez eux.

Le jeu continuait dans leur tête d’enfant dans une féerie enchanteresse.

Ce musée servait – aussi – de retraite à des marionnettes ayant servi. Parfois, éclopées, elles hantent la galerie avec leurs yeux fixes, leurs peintures écaillées d’avoir reçu trop de coups.

 

On m’avait proposé de tenir le bar. Nous étions une dizaine d’étudiants de différents horizons. Nous nous relayions à tour de rôle pour assurer les services du matin et du soir.

Le café-théâtre ouvrait ses portes vers onze heures. Il fermait vers une heure du matin ou plus tard. Nous avions pour consigne de ne jamais demander aux clients de partir, il fallait attendre qu’ils le fassent d’eux-mêmes.

Autant vous dire que le départ du dernier client était un signal de rapidité. Tout devait aller vite, le nettoyage des sols, des tables et des chaises. Il fallait vider les cendriers, mettre en place des boissons en compensation de celles vendues.

Il nous fallait calculer la recette, la glisser dans une enveloppe, la déposer dans un coffre au sous-sol.

Parfois, je bénéficiais de l’aide de clients ou de mes potes insomniaques qui passaient souvent au café-théâtre, à l’approche de la fermeture. Ils m’aidaient à tout mettre en place.

 

Cette impatience de quitter les lieux était souvent due aux soirées estudiantines qui étaient organisées après les examens.

On appelait ces fêtes des TD. Des initiales qui signifiaient « Thé Dansant », un surréalisme Belge que j’adorais, car personne n’était dupe.

Bien entendu on servait de tout, sauf du thé.

Nous étions jeunes. L’avenir nous appartenait. Nous cherchions à rire par tout moyen. Parfois nous créions des situations burlesques afin d’en rire, même aux dépens de l’un de nous.

C’était le temps de l’insouciance, de la bohème, celui de tous les excès, celui de toutes les découvertes, celui de toutes les passions.

 

Il était une heure du matin. Je venais de tourner la clé dans la serrure de la lourde porte du café. Je fermais.

– Où va-t-on ?

– Disco Rojo… C’est le TD des infirmières, me répondit Sadok… Ce sera chaud !

 

Le bal des infirmières était fort réputé dans les milieux étudiants. Très certainement la surcharge de travail, les horreurs qu’elles côtoyaient dans les hôpitaux leur donnaient une envie effrénée de s’amuser sans limite.

C’était l’occasion pour elles de tout envoyer bouler.

Sadok était motorisé. Sa copine Sophie lui prêtait régulièrement une deux chevaux poussive de couleur jaune. On ne pouvait la rater.

À son bord, nous avions remonté la Place Saint-Jean, le Sablon, pour bifurquer vers le milieu de la rue Blaes.

Le Disco Rojo était quasi en face de la place du jeu de balle, en plein quartier marolles.

La peinture extérieure de la discothèque était bleu foncé. On pénétrait dans un large hall dont la seule issue indiquait l’entrée. Une table basse barrait l’accès. Pour entrer, il nous fallait acquitter le PAF (participation aux frais). Un cachet lumineux, phosphorescent, était clairement marqué sur le revers de nos mains. En cas de contrôle, pas de tickets à montrer, il suffisait de tendre le bras.

L’ambiance battait son plein.

La piste était noire de monde. Garçons et de filles se déhanchaient au rythme d’une musique endiablée. L’endroit sentait la bière à gogo mélangée à des effluves de parfums divers, forts et discrets en même temps.

Les mélanges s’unissaient sans discernements.

Les danseurs poussaient des cris de libération. Des têtes blondes et brunes tressautaient dans un magma de lumières féériques, tournoyantes.

 

Soudain, la musique avait baissé d’un ton. Elle devenait sensuelle. La piste était un peu plus éclairée. On découvrait les traits des visages.

Les danseurs tournaient en rond sur la musique entrainante de « la Bamba ».

Les étudiants n’attendaient que cet intermède qui allait fixer la soirée. Généralement ce type de danse était suivi par toute une série de slows qui allait confirmer la conquête du soir dans un rapprochement des cœurs et des corps.

La Bamba était l’occasion de finir la soirée en beauté, de tenter un couple d’essai.

Imaginez un cercle, dans lequel des danseurs sont prisonniers. Le code de cette danse voulait que quand un garçon plaisait à une fille, elle se dirigeait vers lui, l’embrassait. Ce baiser était une délivrance pour lui, un sauf-conduit, qui l’autorisait quitter la chaîne circulaire. Il se dirigeait alors vers l’intérieur du cercle et choisissait à son tour une autre fille qui attendra sa prochaine délivrance par le baiser d’un autre danseur.

 

Une drague décisive, qui facilitait nos approches de paons. Nous étendions nos queues en éventail dans des parades, en vue de paraitre plus beaux, plus virils.

Aucun bagou enjôleur, aucun discours de ligature. Il suffisait d’étreindre le cercle en tenant les voisins de droite et de gauche par la taille.

Les bouts des doigts s’accrochaient à des chairs solubles, tellement souples et délicates au toucher. Les pressions étaient élastiques, à peine perceptibles, faites de tentations meubles, presque caressantes.

On pressait les habits au lieu de les tenir. Derrière le tissu rêche, se construisait la divination d’une peau douce, plate, effleurée par l’intérieur des doigts d’une main.

Parfois, le corps de l’autre fuyait dans une soudaine réaction de surprise naturelle, des retraits face à l’inconnu. Les muscles se dérobaient dans des esquives fugaces. Ils se tendaient dans une chair de poule méfiante pour se détendre instinctivement, simultanément. Ils finissaient par s’enflammer dans des abandons qui pouvaient survenir à n’importe quel moment.

La Bamba était la danse des cinq sens en éveil.

 

Il fallait ensuite attendre le bon vouloir d’une belle fille, attendre son baiser libérateur qui allait confirmer son choix.

Il faut dire que quand