Quatre saints (annoté) - Louis Lavelle - E-Book

Quatre saints (annoté) E-Book

Louis Lavelle

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Beschreibung

  • Texte révisé suivi de repères chronologiques.
«  Les saints sont au milieu de nous. Mais nous ne parvenons pas toujours à les reconnaître. Nous ne croyons pas qu’ils puissent habiter cette terre. Nous pensons qu’ils l’ont tous quittée. Nous les invoquons comme s’ils étaient tous au ciel et que nous ne puissions attendre d’eux que des grâces invisibles et surnaturelles. Il serait trop ambitieux de vouloir les imiter : à peine notre nom de baptême nous suggère-t-il parfois l’idée d’une protection qu’ils pourraient nous donner ; car ils sont devenus les ministres de Dieu et les dispensateurs de ses dons. Mais c’est leur mort qui a fait d’eux des saints, qui a réalisé cette transfiguration spirituelle sans laquelle ils ne seraient que des hommes comme nous. Et ils sont maintenant tellement purifiés qu’il ne subsiste plus d’eux que l’idée d’une vertu qu’ils ont incarnée et qui agit en nous, à travers leur image, sans que nous puissions jamais espérer l’égaler.» L.Lavelle.
 

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Quatre saints

Louis Lavelle

Table des matières

De la sainteté

1. Les saints au milieu de nous

2. Le saint va toujours jusqu’à l’absolu de lui-même

3. Le saint indifférent à sa condition humaine

4. Un saint possible en chacun de nous

5. Le point de rencontre du sensible et du spirituel

6. Un regard qui ne tremble pas

7. Cessant d’être présent à l’ego, il devient présent à tout ce qui est

8. Notre prénom et la genèse innombrable des saints

9. La spiritualisation de l’existence dans le souvenir

10. Union des vivants et des morts

11. Du souvenir à l’idée vivante, qui est l’âme

12. Le saint, le héros et le sage

13. Le saint fait du monde un perpétuel miracle

La spiritualité franciscaine

La contemplation selon Saint-Jean de la croix.

Sainte-Thérèse ou l’union de la contemplation et de l’action

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Saint François de Sales ou l’unité de la volonté et de l’amour

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Repères chronologiques

Couverture

Notes

Copyright © 2022 Philaubooks, pour ce livre numérique, à l’exclusion du contenu appartenant au domaine public ou placé sous licence libre.

ISBN : 979-10-372-0244-4

De la sainteté

Chapitre1

Les saints au milieu de nous

Les saints sont au milieu de nous. Mais nous ne parvenons pas toujours à les reconnaître. Nous ne croyons pas qu’ils puissent habiter cette terre. Nous pensons qu’ils l’ont tous quittée. Nous les invoquons comme s’ils étaient tous au ciel et que nous ne puissions attendre d’eux que des grâces invisibles et surnaturelles. Il serait trop ambitieux de vouloir les imiter : à peine notre nom de baptême nous suggère-t-il parfois l’idée d’une protection qu’ils pourraient nous donner ; car ils sont devenus les ministres de Dieu et les dispensateurs de ses dons. Mais c’est leur mort qui a fait d’eux des saints, qui a réalisé cette transfiguration spirituelle sans laquelle ils ne seraient que des hommes comme nous. Et ils sont maintenant tellement purifiés qu’il ne subsiste plus d’eux que l’idée d’une vertu qu’ils ont incarnée et qui agit en nous, à travers leur image, sans que nous puissions jamais espérer l’égaler. Ce serait pour nous une dérision de penser qu’un homme que nous avons pu voir et toucher, dont nous avons observé les faiblesses, les ridicules ou les fautes, qui a été mêlé à notre vie et dont le front n’avait point d’auréole, ait gravi devant nous le chemin de la sainteté sans que nous en ayons rien su. Mais la sainteté est invisible sur la terre comme au ciel et beaucoup plus difficile à discerner quand elle revêt les apparences du corps que quand nous la portons dans notre pensée comme une image ou comme une idée.

Pourtant le saint n’est point un esprit pur. On ne saurait le confondre avec l’ange. La mort même ne saurait faire de lui un ange. Car la sainteté appartient d’abord à la terre. Elle témoigne que la vie que nous menons ici, toute mêlée au corps, avec ses faiblesses, avec ses trivialités, est capable de recevoir le reflet d’une lumière surnaturelle, qu’elle peut acquérir une signification qui la dépasse, qui nous apprend non pas seulement à la supporter, mais à la vouloir et à l’aimer. Il nous semble toujours que le saint est un être d’exception, qui s’est séparé de la vie commune, qui ne participe plus à sa misère et qui vit en communion avec Dieu, et non plus avec nous. Mais cela n’est pas vrai : c’est parce qu’il vit en communion avec Dieu qu’il est le seul homme qui vive en communion avec nous, alors que tous les autres en restent jusqu’à un certain point séparés.

Aucun signe extérieur ne le distingue du passant sur lequel notre regard ne s’arrête pas. Et en apparence sa vie ressemble à la vie de tous les hommes. On le voit préoccupé de la tâche qui lui est donnée et dont il semble qu’il ne se détourne jamais. Il ne refuse rien de ce qui lui est proposé : et tout ce qui lui est offert est pour lui occasion. Il est présent à chacun et à tous et d’une manière si spontanée et si naturelle qu’il agrandit seulement la société que nous formons avec nous-même. On ne voit pas, comme on pense qu’il le faudrait, qu’il renonce à la nature, ou que les défauts du caractère se trouvent en lui vaincus et abolis. Il peut être violent et colérique. Il reste sujet aux passions. Il ne songe pas, comme tant d’hommes, à les dissimuler. Et de le voir souvent s’y livrer est une sorte de scandale qui nous éloigne de le considérer comme saint et nous incline souvent à nous mettre au-dessus. On peut dire sans doute que ces passions, il les mortifie, mais elles sont une condition, un élément même de sa sainteté. Car la sainteté elle-même est une passion ou, si ce mot nous choque, elle est une passion convertie. Il y a dans la passion une force dont la sainteté a besoin pour s’arracher au préjugé et à l’habitude. Et la passion prend toujours racine dans le corps, c’est elle qui le soulève et qui le porte au-dessus de lui-même. Il n’y a rien de plus beau que de voir ce feu qui s’alimente des matériaux les plus impurs et dont la flamme au sommet produit tant de lumière.

Chapitre2

Le saint va toujours jusqu’à l’absolu de lui-même

Dans chacun des hommes qui nous entourent, il y a un saint en puissance. Il ne le deviendra pas toujours. Car il y a aussi en puissance un criminel ou un démon. Et l’angoisse où nous sommes et dont la plupart des modernes pensent qu’elle est la conscience elle-même, exprime cette incertitude de savoir si c’est l’un ou si c’est l’autre qui triomphera un jour. Cette angoisse, les jansénistes l’ont connue. Mais le plus souvent, on pense pouvoir se contenter d’une vie médiocre où l’on ne rencontrera que des besognes banales à accomplir, que des intérêts temporels à satisfaire. Le propre du saint, c’est qu’il va toujours jusqu’à l’absolu de lui-même. Il n’y a pas d’homme dont la vie soit aussi proche des mouvements spontanés de la nature : il y est pour ainsi dire livré ; c’est en eux qu’il puise tout son élan. Or, cette nature, on peut penser qu’il la combat : mais il faudrait dire plutôt qu’il en pousse toutes les impulsions jusqu’au dernier point, jusqu’au point où elles lui apportent une satisfaction parfaite et qui le comble. Elles l’obligent à dépasser les limites de la nature afin précisément que la nature atteigne en lui le but vers lequel elle tend. Ainsi voit-on le mathématicien, dans l’idée de limite, pousser jusqu’à l’infini une série de termes et pourtant la franchir. Et de même le saint ne met jamais en jeu et ne nous suggère jamais que les sentiments les plus familiers : et nul homme n’est plus accessible. Mais c’est de ces sentiments même qu’il va faire l’usage le plus extraordinaire : car il ne parviendra à leur donner toute leur puissance qu’en les forçant, pour se réaliser, à dépasser l’emploi auquel nous les avions jusque-là consacrés ; au moment où ils se consomment, il semble qu’ils se renoncent, ou qu’ils se changent en leur contraire. Ainsi on reconnaît dans le saint tous les élans de la nature et on ne les reconnaît pas pourtant. C’est une erreur de penser qu’il ne fait que les combattre, car la nature aussi vient de Dieu. Il la surnaturalise. Il retrouve en elle son origine, sa destination et son sens. Et l’on comprend sans peine que celui qui reste pris à l’intérieur de la nature ne cesse de rabaisser et d’avilir toutes les forces dont elle lui a donné la disposition. Car le divin et le démoniaque sont composés des mêmes éléments. Une simple inflexion de la liberté suffit à changer l’un dans l’autre. C’est dans la vie selon l’esprit que la vie de la nature reçoit son véritable accomplissement. C’est défigurer la nature de ne pas voir qu’elle est une figure. C’est refuser toute sa valeur à l’immanence que de vouloir y demeurer et de ne point voir que c’est de la transcendance qu’elle vient, que c’est vers la transcendance qu’elle va, et que c’est dans la transcendance elle-même qu’elle donne un accès, furtif et précaire, mais que la mort seule peut achever.

Chapitre3

Le saint indifférent à sa condition humaine

Le propre de la sainteté, c’est de nous découvrir la relation entre les deux mondes, c’est-à-dire entre le matériel et le spirituel, ou encore de nous montrer qu’il n’y a qu’un monde, mais qui a une face obscure et une face lumineuse, et qui est tel que nous pouvons nous laisser séduire par son apparence, avec laquelle nous ne cessons de passer et de périr, ou pénétrer jusqu’à son essence, qui relève cette apparence elle-même et nous en découvre la vérité et la beauté. Le saint est à la frontière des deux mondes. Il est, au milieu du visible, le témoin de l’invisible, mais que nous portons tous au fond de nous-même et que le visible cache ou révèle, selon la direction même de notre regard. Il faut donc que le saint vive au milieu de nous, qu’il soit assujetti à toutes les misères de l’existence, qu’il paraisse même accablé par elles afin que toutes les grandeurs de la terre nous paraissent indifférentes et qu’il montre d’une manière plus éclatante que les véritables biens sont ailleurs. Aussi pense-t-on souvent que c’est dans la contrainte que la vie lui impose, dans les souffrances qu’il reçoit ou qu’il s’inflige à lui-même, dans les tortures ou dans le martyre, que la sainteté manifeste le mieux son essence. Et c’est dans le martyre que l’on saisit le mieux la pureté du témoin. Mais il y a d’autres formes de témoignage qui ont un caractère plus secret. Tous les saints n’ont pas été appelés au martyre. Mais l’imagination a besoin de ces grands exemples pour mesurer la distance entre la sainteté et la réussite. La sainteté est une grande réussite spirituelle, indifférente à l’autre, et qui la méprise.

Mais nul ne choisit la condition qui lui sera offerte, ni les exigences qu’elle pourra lui imposer. La sainteté peut être sur le trône où l’on reconnaît presque unanimement que les difficultés qu’elle rencontre sont les plus grandes. Elle se cache sous l’habit du mendiant, où on est souvent plus incliné à la trouver. Mais nul ne sait s’il faut plus d’effort pour échapper au démon de l’orgueil ou au démon de l’envie. En réalité, nous nous complaisons à trouver un contraste violent entre la sainteté et la condition qui lui est imposée : et elle nous apparaît d’une manière plus saisissante soit au sommet de la grandeur humaine, lorsque celle-ci est oubliée ou méprisée, soit dans le dernier état de la misère humaine, lorsque celle-ci est acceptée ou aimée. Mais le propre de la sainteté, c’est d’être naturellement invisible, comme le monde spirituel dans lequel elle nous propose d’entrer. La sainteté du mendiant ou du roi n’est pas aisée à discerner sous les traits du mendiant et du roi. Car elle est inséparable d’une attitude tout intérieure que nous lui prêtons et qui trouve en nous un mystérieux écho : alors le mendiant et le roi ressemblent au saint inconnu que nous côtoyons tous les jours sans qu’aucune marque nous le fasse reconnaître.

Le saint peut être un savant, un théologien, un fondateur d’ordres : mais ce n’est pas par là qu’il est saint, bien que la sainteté trouve une expression dans toutes les œuvres qu’il réalise, comme elle en trouvait une dans la manière de gouverner ou de tendre la main. Car le saint peut être cet homme du commun qui semble absorbé par les besognes les plus simples, à la fois solitaire et ouvert à tous, dont la vie extérieure paraît se réduire à quelques habitudes et dont nous surprenons parfois ou bien un simple geste, le plus familier et le plus inattendu, et qui pourtant résout, comme si tout allait de soi, une situation que l’on regardait jusque-là comme inextricable, ou bien un sourire profond et lumineux, qui, sans rien changer à l’état des choses, change pourtant l’atmosphère où nous les voyons. Le saint fait pour nous de la vie un miracle perpétuel, mais qui, sans bouleverser en rien l’ordre naturel, se découvre à nous, à travers cet ordre même, par une sorte de transparence.

Chapitre4

Un saint possible en chacun de nous

Il faut apprendre à reconnaître les saints qui sont à côté de nous et le saint même qui est en nous, qui demande à naître et que nous refusons de laisser sortir des limbes. Le plus humble mouvement d’amour le montre tout près de paraître à la lumière, en nous comme en autrui. Mais ce mouvement, nous sommes incapable de lui donner aucune continuité, de l’affermir en nous, de rejeter dans l’ombre ce qui le contredit et où nous mettons notre intérêt le plus essentiel et notre unique point d’honneur. Il n’y a pas de saint qui ne connaisse de telles chutes. Et nul ne peut savoir s’il sera capable de se relever, ni par conséquent d’être sauvé ou perdu. Mais ce n’est point là notre affaire. Il suffit que nous fassions tout ce qui dépendra de nous pour empêcher en nous le saint de mourir. Il n’y a sur la terre que des saints possibles : ils ne reçoivent l’existence que d’eux-mêmes à travers beaucoup d’échecs, de tribulations et de manquements. C’est le courage qui fait les saints ; et le courage lui-même n’est rien de plus que la confiance dans une grâce qui vient de plus haut et qui est toujours présente, bien que nous ne sachions pas toujours nous ouvrir à elle.

Il semble, le plus souvent, que le saint, ce soit aussi celui qui a le plus de volonté, qui ne cesse de combattre et de vaincre. Mais on dirait aussi que c’est celui qui a le moins de volonté : car la volonté est toujours inséparable de l’amour de soi, elle cherche toujours la conquête et le triomphe. Or dans la sainteté, la volonté, pour ainsi dire, s’efface : elle laisse la place en elle à une action qui la surpasse infiniment, mais qui la soulève, à laquelle il s’agit seulement pour elle d’être docile ; elle laisse la place à l’amour. C’est assez que par ses mouvements propres elle refuse de lui faire obstacle. Aussi peut-on dire que les démarches de la sainteté sont toujours celles qui ont le plus d’aisance et de naturel : ce qui montre encore que la grâce, dans les deux sens que l’on donne à ce mot, est la perfection même de la nature.

On le voit bien quand on regarde autour de soi, dans le milieu qui nous est le plus proche, le seul où les êtres nous deviennent présents dans leur intimité même, et non pas seulement dans leur apparence, que nous interprétons toujours selon les lois qui régissent le monde des choses. Que de fois n’entendons-nous pas dire, ou ne disons-nous pas nous-même, en présence de certains êtres chez lesquels l’égoïsme semble absent, dont le corps est comme un corps de lumière et la conduite comme une spiritualité toujours agissante : c’est un saint, c’est une sainte ! Non pas que nous puissions jamais pénétrer le secret d’une vie, ni anticiper sur ce qu’elle pourra devenir un jour. Il y a des contacts pourtant qui nous apportent une sorte de révélation. Ils nous montrent à l’œuvre une sainteté vivante dont nous voyons comment elle se forme et comment elle s’exprime, et qu’au lieu de nous obliger à quitter le monde où nous vivons, elle lui donne la lumière qui l’éclaire et cette résonance intérieure sans laquelle il serait un fantôme flottant dans le vide.

Chapitre5

Le point de rencontre du sensible et du spirituel

Et pourtant il nous semble que le saint vit dans un autre monde que le monde où nous sommes. C’est comme s’il voyait ce que nous ne voyons pas, c’est comme s’il agissait selon des motifs autres que ceux qui nous déterminent. Il nous semble parfois qu’il est à côté de nous sans être avec nous. Et nous avons le sentiment que c’est parce que nous n’apercevons du réel que sa surface, au lieu qu’il en pénètre la profondeur et le sens. Il s’établit spontanément sur un plan de l’existence où nous ne pouvons atteindre qu’avec beaucoup d’attention et d’effort. Encore ne pouvons-nous pas y faire séjour : nous n’avons sur lui que des échappées. C’est un plan spirituel qui nous paraît être au-delà de la nature : et nous l’appelons justement surnaturel. Mais c’est pour le saint sa véritable nature : il nous étonne de s’y mouvoir avec un parfait naturel. Et par une sorte de paradoxe, les choses que nous avons sous les yeux, au lieu de se dissiper comme de vaines apparences, acquièrent le poids, la densité qui leur manquaient : elles deviennent des expressions et des témoignages. Elles font corps avec cette valeur cachée dont le saint nous apporte la révélation et qui trouve, dans le visage que le monde nous montre, une sorte de présence réalisée.