Leçon inaugurale faite au COLLÈGE DE FRANCE le 2 Décembre 1941 - Louis Lavelle - E-Book

Leçon inaugurale faite au COLLÈGE DE FRANCE le 2 Décembre 1941 E-Book

Louis Lavelle

0,0
4,99 €

-100%
Sammeln Sie Punkte in unserem Gutscheinprogramm und kaufen Sie E-Books und Hörbücher mit bis zu 100% Rabatt.
Mehr erfahren.
Beschreibung

Métaphysicien français. Professeur à Strasbourg, puis à la Sorbonne (1932-1934), enfin au Collège de France. Louis Lavelle commence par la psychologie philosophique : La Perception visuelle de la profondeur et La Dialectique du monde sensible (Strasbourg, 1921). Son oeuvre comprend en outre : La Dialectique de l'éternel présent : de l'Être (1928) ; La Conscience de soi (1933) ; La Présence totale (1934) ; Le Moi et son destin (1936) ; De l'acte (1937) ; Le Mal et la souffrance (1941) ; Du temps et de l'éternité (1945) ; Quatre Saints (1951) ; De l'âme humaine (1951) ; Traité des valeurs (2 vol., 1951-1955). Dans son discours de réception et leçon inaugurale faite au collège de France, il revient sur les principaux domaines de prédilection dont la métaphysique de l'Etre. L'attitude préférée de Lavelle est celle de l'émerveillement. Son message, à l'égard de l'Être auquel nous participons, est celui d'un « optimisme de confiance » ; à laquelle cette leçon inaugurale fait écho.

Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:

EPUB
MOBI

Seitenzahl: 39

Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Mesdames, Messieurs,

Au moment de commencer cette leçon inaugurale, je suis heureux d’exprimer mes remerciements et ma reconnaissance à l’Assemblée des professeurs du Collège de France qui m’a fait l’honneur de me désigner par son vote pour occuper la chaire de philosophie dont la vacance venait d’être déclarée et à Monsieur le Secrétaire d’État à l’Éducation Nationale qui a bien voulu agréer et confirmer par sa décision la proposition de cette assemblée. Mais ce n’est pas sans émotion que je mesure la responsabilité qu’ils m’ont cru capable de porter, d’abord en maintenant cet enseignement traditionnel de la philosophie pure qui doit satisfaire aux ambitions les plus hautes de la réflexion humaine, mais auquel il n’y a pas un esprit sincère qui ne craigne de se sentir inégal, ensuite en me proposant comme modèles les maîtres illustres qui m’ont précédé dans cette chaire et dont la présence, je l’espère, y demeurera toujours vivante, enfin en m’obligeant à soumettre ma propre pensée à un examen sévère pour discerner en elle ce qui est digne d’en être communiqué à un auditoire si attentif et si cultivé et pour ne point manquer, en face des besoins les plus profonds et les plus constants de la conscience et dans la situation anxieuse où notre époque l’a placée, à ce qu’elle est en droit d’attendre et d’espérer.

La philosophie est de toutes les disciplines de l’esprit celle à laquelle nous demandons le plus et qui nous émeut le plus profondément. Quand on feint d’ignorer ce qu’elle est, c’est pour témoigner qu’elle n’a point d’objet propre, comme la grammaire ou la physique, et que nous ne pouvons la distinguer de notre vie elle-même dès qu’elle commence à s’interroger sur son propre destin. Elle fait taire toutes nos préoccupations particulières, elle interrompt toutes les besognes dans lesquelles nous étions engagé pour nous mettre en face de nous-même et nous obliger à chercher le sens de cette existence qui nous est donnée et qu’il nous appartient de remplir : mais elle ne nous sépare du monde que pour nous permettre d’en découvrir l’essence cachée, elle ne nous divertit de nos tâches les plus familières qu’afin de donner à la plus humble une lumière intérieure qui la justifie.

Nous sentons tous que la découverte philosophique doit résider dans une vue très simple que nous cherchons à obtenir sur ce tout de l’Être où notre être propre vient s’inscrire par un miracle de tous les instants ; mais c’est cette vue très simple qui est aussi la plus difficile à acquérir.Elle traverse parfois notre pensée comme un éclair, mais il est presque impossible de la maintenir et de la fixer. Il arrive que l’accumulation de nos connaissances la trouble, au lieu de la confirmer et de l’étendre. Nous ne parvenons qu’avec la plus grande peine à la traduire par des mots ; et les difficultés du langage philosophique, l’abstraction qu’on lui reproche, sont l’effet de cette gageure par laquelle, sans rien altérer de sa pureté, nous voulons pourtant en prendre possession par l’analyse, en retrouver la présence dans tout ce que nous sommes capables de voir, de penser et de sentir. Aussi n’y a-t-il qu’une philosophie, comme il n’y a qu’un monde : et les différences que l’on observe en elle mesurent seulement son degré de profondeur. C’est pour cela aussi que la philosophie ne connaît pas le même progrès dans le temps que les sciences de l’univers matériel : Platon, Saint Thomas, Descartes, si l’on néglige ce qui les rattache à leur époque, c’est-à-dire le langage, les moeurs et l’état de leurs connaissances, si l’on cherche le centre indivisible de leur pensée et leur intention la plus secrète, sont nos contemporains. C’est pour cela enfin que la philosophie, comme la vie qui recommence chaque matin, est toujours identique et toujours nouvelle : c’est qu’il n’y a en elle aucun objet que l’on rencontre et que l’on quitte, qui nous séduit ou qui nous rebute. C’est qu’elle est la conscience elle-même qui ne cesse de se créer par une constante attention à cette intimité du réel où chaque chose se découvre à elle dans son état naissant, au point où le temporel semble s’écouler de l’éternel.