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Laissez-vous entraîner hors des sentiers battus de la foi. Dieu a-t-il créé le monde en six jours ? L’église a-t-elle caché d’autres évangiles que les quatre que nous connaissons ? Dieu va-t-il nous juger sur nos actes ? Dans l’essai Questions et idées reçues sur la Bible, Joseph Chéhab répond à treize questions et remet parfois en cause des certitudes profondément ancrées en proposant des interprétations innovantes de ce livre sacré qui a façonné l’histoire de l’humanité. Nulle envie de choquer, seulement celle de réfléchir et d’envisager la Bible autrement en menant une réflexion basée sur l’étude des textes. Pour chaque thématique, l’auteur part d’une idée reçue qu’il analyse, décrypte, réfute, tout en apportant un éclairage historique et philosophique. Pendant plus de vingt ans d’études théologiques, Joseph Chéhab, que l’on peut qualifier de théologien cartésien, a cherché des réponses logiques aux interrogations bibliques qui le taraudaient et aux incohérences qui le perturbaient. Il livre ici le fruit de son travail rigoureux et documenté, et suggère une approche différente. Le lecteur croyant sera surpris, voire bousculé, le lecteur agnostique sera intrigué et le lecteur en quête de réponses sera interpellé, mais tous seront intellectuellement stimulés. Et si la diversité des points de vue faisait grandir notre foi…
À PROPOS DE L'AUTEUR
Joseph Chéhab a une double formation : ingénieur en informatique et docteur en théologie biblique. Déjà auteur du livre "Le Père peut-il juger ses enfants ?", publié aux Éditions du Cerf, il enseigne actuellement la théologie biblique à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth
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Seitenzahl: 256
Veröffentlichungsjahr: 2024
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ISBN : 978-2-38625-186-3
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Joseph Chéhab
Questions et idées reçues sur la Bible
À Fayek, Éva, Robert et Sophie
C’était il y a plusieurs décennies. L’adolescent que j’étais entra un dimanche dans une église. La lecture du jour était tirée de l’évangile selon saint Jean. L’extrait qui suit a aussitôt suscité mon attention :
« 31Si je me rendais témoignage à moi-même, mon témoignage ne serait pas recevable ; 32c’est un autre qui me rend témoignage, et je sais que le témoignage qu’il me rend est conforme à la vérité. 33Vous avez envoyé une délégation auprès de Jean, et il a rendu témoignage à la vérité. » (Jean 5,31-33)
C’est Jésus qui parle. Aux autorités juives qui refusaient de le reconnaître comme le Messie attendu, Jésus donna le témoignage du Baptiste sur lui comme preuve de son identité d’envoyé de Dieu. Et c’est justement ce témoignage qui m’avait alors interpelé. Pour un adolescent, sceptique par définition et de surcroît épris de science comme je l’étais (le magazine Science et Vie était mon « livre » de chevet), une telle « preuve » ne pouvait pas passer. Un doute traversa aussitôt mon esprit : Jean-Baptiste n’était-il pas le cousin de Jésus ? Comment pouvons-nous admettre son témoignage comme preuve de la messianité de Jésus ? Et si les deux étaient de mèche ?1Je ne sais pas si cet incident était derrière ma décision d’entreprendre des études théologiques bien des années plus tard. Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’il est resté bien enfoui dans ma mémoire. Il m’est revenu il y a seulement quelques mois quand j’ai de nouveau entendu le même passage de l’évangile.
Ce qui est certain aussi, c’est que ma formation scientifique d’ingénieur et ma carrière professionnelle d’informaticien n’ont fait que renforcer mon esprit cartésien. J’ai longtemps essayé de trouver une logique dans des croyances qui me semblaient plutôt hermétiques à la raison. Les incohérences que je trouvais dans les évangiles ne faisaient qu’engendrer davantage de questions auxquelles je tentais de répondre par des lectures extrabibliques, sans grand succès il faut bien l’avouer, jusqu’en 2002 où une occasion s’est présentée à moi pour faire des études théologiques. J’ai ainsi repris le chemin de l’université pour une licence, puis un master, puis un doctorat en théologie biblique, puis des recherches postdoctorales, en parallèle avec de l’enseignement universitaire. Aujourd’hui, je suis assez satisfait des réponses, logiques, que j’ai trouvées à mes interrogations bibliques passées et je crois avoir le bagage suffisant pour chercher des réponses aux questions qui ne manqueront pas de surgir dans l’avenir.
Tout au long de ce parcours biblique, je suis arrivé à des interprétations qui vont parfois à l’encontre des idées reçues, les miennes ou celles de mes étudiants. J’en ai rassemblé quelques-unes dans cet ouvrage. Le point de départ de chaque article sera donc une idée que je crois reçue (elle ne l’est pas forcément pour tous les lecteurs). Je la présenterai sous forme interrogative pour éviter toute provocation inutile. Il faut néanmoins préciser que le contenu de l’article ne se résumera pas toujours à la réfutation de cette idée. J’essaierai de profiter de l’occasion pour fournir des informations complémentaires au thème principal.
Mais avant d’entamer le premier sujet, il convient de présenter quelques informations générales sur la Bible.
Le mot Bible vient du grec ta biblia, un mot au pluriel qui veut dire les livres, ou la bibliothèque. En effet, la Bible est une compilation de livres dont la rédaction s’étale sur de longs siècles. Elle se compose de deux grands ensembles : l’Ancien Testament et le Nouveau Testament.
L’Ancien Testament est l’appellation que les Chrétiens ont donnée à la collection des livres saints du peuple juif. C’est pour cela que cette collection est aussi appelée la Bible hébraïque.
Le mot testament est une traduction du grec diathêkê qui signifie convention, contrat, ou encore alliance, en référence à l’alliance que Dieu a conclue avec son peuple sur le mont Sinaï après l’avoir sorti d’Égypte où le peuple était tenu en esclavage. Il lui a alors donné les Tables de la Loi à suivre (aussi appelée le Décalogue ou les Dix Commandements). Comme il était d’usage à l’époque, l’alliance fut conclue par un sacrifice, et le peuple promit d’être fidèle aux termes de cette alliance, c’est-à-dire à la loi divine :
« 4Moïse écrivit toutes les paroles du Seigneur ; il se leva de bon matin et bâtit un autel au bas de la montagne, avec douze stèles pour les douze tribus d’Israël. 5Puis il envoya les jeunes gens d’Israël ; ceux-ci offrirent des holocaustes et sacrifièrent des taureaux au Seigneur comme sacrifices de paix. 6Moïse prit la moitié du sang et la mit dans les coupes ; avec le reste du sang, il aspergea l’autel. 7Il prit le livre de l’alliance et en fit lecture au peuple. Celui-ci dit : “Tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique, nous l’entendrons.” 8Moïse prit le sang, en aspergea le peuple et dit : “Voici le sang de l’alliance que le Seigneur a conclue avec vous, sur la base de toutes ces paroles.” » (Exode 24,4-8)
Cet évènement (l’exode* ou la sortie d’Égypte) constitue le premier moment fort de l’histoire du peuple juif. Il est encore célébré de nos jours lors de la fête de la Pâque juive (ou Pessa’h).
Le deuxième moment fort est la grande catastrophe de l’an 587 avant J.-C. qui a vu la chute de la capitale Jérusalem entre les mains des Babyloniens, la destruction de son temple et la déportation du roi et d’une bonne partie du peuple à Babylone (l’exil*). Plusieurs prophètes attribuèrent cette catastrophe au Seigneur qui a envoyé l’ennemi babylonien châtier son peuple pour son infidélité continue à l’alliance du Sinaï. Mais Dieu, par la bouche du prophète Jérémie, promit au peuple de le restaurer et de renouveler son alliance avec lui :
« 31Des jours viennent – oracle du Seigneur – où je conclurai avec la communauté d’Israël – et la communauté de Juda – une nouvelle alliance. 32Elle sera différente de l’alliance que j’ai conclue avec leurs pères quand je les ai pris par la main pour les faire sortir du pays d’Égypte. Eux, ils ont rompu mon alliance ; mais moi, je reste le maître chez eux – oracle du Seigneur. 33Voici donc l’alliance que je conclurai avec la communauté d’Israël après ces jours-là – oracle du Seigneur : je déposerai mes directives au fond d’eux-mêmes, les inscrivant dans leur être ; je deviendrai Dieu pour eux, et eux, ils deviendront un peuple pour moi. 34Ils ne s’instruiront plus entre compagnons, entre frères, répétant : “Apprenez à connaître le Seigneur”, car ils me connaîtront tous, petits et grands – oracle du Seigneur. Je pardonne leur crime ; leur faute, je n’en parle plus. » (Jérémie 31,31-34)
Les Chrétiens ont vu l’accomplissement de cette promesse dans l’avènement de Jésus-Christ. Rappelons-nous de ce que le Christ a dit lui-même lors du dernier repas avec ses disciples :
« 20Et pour la coupe, il fit de même après le repas, en disant : “Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang versé pour vous.” » (Luc 22,20)
Par la suite, l’expression Nouvelle Alliance ou plutôt Nouveau Testament a été utilisée pour désigner le corpus des textes sacrés chrétiens. Et par conséquent, l’appellation Ancien Testament a été attribuée à la Bible hébraïque.
L’Ancien Testament a essentiellement été écrit en hébreu (quelques passages, notamment dans les livres de Daniel et d’Esdras, sont en araméen). À partir du IIIe siècle avant J.-C., ces livres ont été traduits en grec, une traduction communément appelée la Septante* à cause d’une légende selon laquelle soixante-dix scribes ont travaillé séparément sur la traduction du texte hébreu et sont arrivés au même texte grec final. Par la suite, d’autres textes rédigés directement en grec (comme le Siracide ou les livres des Maccabées) ont été ajoutés à la Septante mais ne sont pas considérés comme relevant du canon* des écritures par les Juifs. Pour les Chrétiens, la composition de l’Ancien Testament diffère selon la tradition ecclésiale : les catholiques et les orthodoxes suivent la composition de la Septante alors que les protestants suivent le canon juif.
L’ordre des livres diffère aussi d’une Église à une autre, selon que l’on suit la Septante ou la Bible hébraïque. Le classement des livres de cette dernière est le plus facile à retenir puisqu’il suit l’acronyme TaNaKh :
•T pour Torah (Loi en hébreu) : ce sont les cinq premiers livres de l’Ancien Testament, aussi appelés Pentateuque* : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome.
•N pour Nevi’im (Prophètes) : Osée, Amos, Ésaïe, Jérémie, Ézéchiel…
•K pour Ketuvim (Écrits) : Psaumes, Job, Proverbes…
Enfin, il convient de préciser qu’un livre est parfois un assemblage de textes écrits à différentes époques. Le peuple juif trouvait normal de relire ses textes sacrés et de les réadapter à de nouvelles conditions de son existence. D’où l’importance de connaître le contexte historique d’un texte afin de pouvoir dégager le message originel de son auteur pour, ensuite, l’actualiser dans notre présent.
Contrairement à l’Ancien Testament, la composition du Nouveau Testament est la même dans toutes les traditions chrétiennes. Nous y trouvons :
•Les quatre évangiles : Matthieu, Marc, Luc et Jean.
•Les Actes des apôtres, deuxième tome de l’œuvre de Luc ainsi qu’il est précisé dans l’introduction des Actes : « J’avais consacré mon premier livre, Théophile, à tout ce que Jésus avait fait et enseigné, depuis le commencement jusqu’au jour où, après avoir donné, dans l’Esprit Saint, ses instructions aux apôtres qu’il avait choisis, il fut enlevé. » (Actes 1,1-2). À comparer avec l’introduction de son évangile2.
•Les treize lettres ou épîtres de Paul. Elles ont été divisées en deux groupes : celles qui sont liées à une communauté ou à un lieu géographique (Romains, 1 et 2 Corinthiens…), et celles qui sont adressées à un individu (1 et 2 Timothée, Tite, Philémon) et, dans chaque collection, les lettres ont été classées par ordre de longueur décroissante.
Les treize épîtres ont été attribuées à Paul, mais quelques-unes seraient l’œuvre de ses disciples. Celles qui sont incontestablement de la main de Paul sont les sept suivantes, dans l’ordre supposé de rédaction : 1 Thessaloniciens, Galates, Philippiens, Philémon, 1 Corinthiens, 2 Corinthiens, Romains.
•L’épître aux Hébreux qui a longtemps été attribuée à Paul.
•Les sept épîtres dites catholiques, c’est-à-dire universelles, car elles ne sont pas adressées à une communauté particulière : Jacques, 1 Pierre, 2 Pierre, 1 Jean, 2 Jean, 3 Jean, Jude.
•L’Apocalypse.
Vingt-sept livres en tout, tous rédigés en grec. Et quand ils citent l’Ancien Testament, les auteurs le font, à quelques exceptions près, selon la version grecque, c’est-à-dire la Septante. La période de rédaction va des années 50 pour les lettres pauliniennes authentiques jusqu’aux années 130 pour la 2e lettre de Pierre.
En effet, Paul est le premier auteur du Nouveau Testament. Du fait de son activité missionnaire, il a trouvé nécessaire d’écrire aux communautés qu’il a établies pour les consolider dans leur foi et répondre aux questions qu’on lui adressait3. Pour ce qui est des évangiles, il faut savoir que la première prédication chrétienne fut orale. Jésus lui-même n’a rien écrit, et les premiers disciples ne sentaient pas le besoin de laisser une trace écrite vu qu’ils vivaient dans l’attente d’un retour imminent du Christ4. Ils ont dû probablement noter les paroles de Jésus dans des recueils qui leur servaient de guide dans leur prédication. Un de ces recueils nous serait parvenu indirectement dans les évangiles eux-mêmes. Je m’explique.
Dès les premiers siècles, les divergences et les similitudes entre les quatre évangiles ont attiré l’attention des Pères de l’Église. Il a fallu néanmoins attendre le XVIIIe siècle pour que les biblistes commencent à proposer des solutions à ce qui a été appelé le problème des évangiles synoptiques* (Matthieu, Marc et Luc), ainsi appelés car ils peuvent être disposés en trois colonnes et comparés d’un seul coup d’œil (du grec syn-optikos). Il s’agit de trouver une explication à la forte ressemblance entre ces trois évangiles : la trame narrative est la même et beaucoup de versets sont identiques, à tel point que près de 92 % des versets de Marc se trouvent dans les deux autres évangiles. Aujourd’hui, la solution communément admise est la théorie des deux sources. Selon celle-ci, Marc aurait été rédigé en premier (à la fin des années 60) ; Matthieu et Luc, une quinzaine d’années plus tard, auraient écrit leur évangile en partant de deux sources communes qu’ils avaient à leur disposition : l’évangile de Marc ainsi qu’une deuxième source aujourd’hui perdue. Les biblistes l’ont appelée la source Q pour Quelle (source en allemand). Elle consiste en des paroles de Jésus communes à Matthieu et Luc mais que l’on ne trouve pas dans Marc. Ces deux évangélistes avaient aussi des informations propres à chacun d’entre eux, à l’exemple des évangiles de l’enfance complètement différents5.
Le schéma serait donc comme suit :
L’évangile de Jean, quant à lui, a une trame narrative complètement différente des synoptiques et ne partage que peu de versets avec eux. Il aurait été rédigé à la fin du premier siècle.
Les livres du Nouveau Testament ont été écrits en grec comme nous l’avons dit. Les manuscrits originaux des auteurs ne nous sont malheureusement pas parvenus. Nous disposons néanmoins de plus de 3000 manuscrits, partiels ou totaux, dont les plus anciens remontent au deuxième siècle. Ces manuscrits ne sont pas tous identiques à 100 % : il y a parfois des erreurs de copiage, d’autre fois des interprétations ajoutées au texte d’origine. Mais le nombre important de manuscrits a permis aux spécialistes d’arriver à une édition critique qui sert de référence à nos traductions modernes.
Nous trouvons bien évidemment plusieurs traductions dans une langue donnée. Chacune a sa raison d’être et la comparaison entre différentes versions peut parfois se révéler instructive. Mais s’il faut choisir une, j’opterai pour la TOB* (Traduction Œcuménique de la Bible) car, d’une part, elle n’a pas de biais théologique puisque ses traducteurs appartiennent à différentes traditions ecclésiales (catholiques, protestantes et orthodoxes) et, d’autre part, elle est très proche du texte d’origine (traduction littérale) et bien commentée. Les versets cités dans cet ouvrage le sont d’ailleurs selon la TOB.
Finalement, il convient de noter que ni la ponctuation, ni la présentation en paragraphe, ni les titres de ces paragraphes ne figurent dans le texte grec : ils sont le fait de chaque traducteur/éditeur.
Des propos ici risquent de choquer quelques-uns. Ils sont le fruit de plus de vingt ans d’études théologiques et de recherches bibliques, qui ont certes remis en cause plusieurs certitudes passées, mais qui n’ont fait que raffermir une foi qui se posait des questions.
1 Je rassure mes lecteurs : il n’en est rien. Mon erreur a été de mélanger les récits évangéliques. Le « cousinage » entre Jésus et le Baptiste n’est rapporté que dans l’évangile selon Luc et cette mise en relation n’est probablement que rédactionnelle, c’est-à-dire imaginée par l’auteur pour faire un lien entre les traditions de Jésus et celle du Baptiste.
2 « 1Puisque beaucoup ont entrepris de composer un récit des événements accomplis parmi nous, 2d’après ce que nous ont transmis ceux qui furent dès le début témoins oculaires et qui sont devenus serviteurs de la parole, 3il m’a paru bon, à moi aussi, après m’être soigneusement informé de tout à partir des origines, d’en écrire pour toi un récit ordonné, très honorable Théophile, 4afin que tu puisses constater la solidité des enseignements que tu as reçus. » (Luc 1,1-4)
3 Un exemple parmi d’autres : « Venons-en à ce que vous m’avez écrit… » (1 Corinthiens 7,1).
4 Voir ci-dessous « Jésus a-t-il annoncé son retour à la fin des temps ? » en page 139.
5 Voir ci-dessous « Les évangiles nous racontent-ils la vie du Christ ? » en page 65.
Il est difficile, dans un livre de questions sur la Bible, d’échapper à ce sujet. Depuis plus de douze ans que je donne à l’université un cours d’introduction à la lecture biblique, il n’y a pas une année où cette question n’ait été soulevée par mes étudiants lors de la première séance de cours. En effet, le récit de la création du monde en 6 jours semble s’opposer aux théories scientifiques sur la genèse de notre monde, tout particulièrement aux théories du Big Bang et de l’évolution des espèces, ce qui pousse des personnes à rejeter en bloc et la Bible et la religion chrétienne.
Il n’est pas question ici de reprendre le vieux débat entre foi et science, ni d’interpréter le texte de sorte qu’il devienne compatible avec ce que la science nous raconte (une idée parfois avancée est que le jour n’est pas à être compris comme 24 heures), ni de considérer, d’une manière purement subjective, que le texte est symbolique. Il s’agit plutôt de démontrer, par les textes bibliques, que le récit de la création n’a pas été inclus dans la Bible pour raconter le comment de la création.
En fait, il n’y a pas un récit de la création dans la Bible, mais deux, qui se suivent :
Le premier récit : Genèse 1,1 –2,4a
« 11Commencement de la création par Dieu du ciel et de la terre. 2La terre était déserte et vide, et la ténèbre à la surface de l’abîme ; le souffle de Dieu planait à la surface des eaux,
« 3et Dieu dit : “Que la lumière soit !” Et la lumière fut. 4Dieu vit que la lumière était bonne. Dieu sépara la lumière de la ténèbre. 5Dieu appela la lumière “jour” et la ténèbre il l’appela “nuit”. Il y eut un soir, il y eut un matin : premier jour.
« 6Dieu dit : “Qu’il y ait un firmament au milieu des eaux et qu’il sépare les eaux d’avec les eaux !” 7Dieu fit le firmament et il sépara les eaux inférieures au firmament d’avec les eaux supérieures. Il en fut ainsi. 8Dieu appela le firmament “ciel”. Il y eut un soir, il y eut un matin : deuxième jour.
« 9Dieu dit : “Que les eaux inférieures au ciel s’amassent en un seul lieu et que le continent paraisse !” Il en fut ainsi. 10Dieu appela “terre” le continent ; il appela “mer” l’amas des eaux. Dieu vit que cela était bon.
« 11Dieu dit : “Que la terre se couvre de verdure, d’herbe qui rend féconde sa semence, d’arbres fruitiers qui, selon leur espèce, portent sur terre des fruits ayant en eux-mêmes leur semence !” Il en fut ainsi. 12La terre produisit de la verdure, de l’herbe qui rend féconde sa semence selon son espèce, des arbres qui portent des fruits ayant en eux-mêmes leur semence selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon. 13Il y eut un soir, il y eut un matin : troisième jour.
« 14Dieu dit : “Qu’il y ait des luminaires au firmament du ciel pour séparer le jour de la nuit, qu’ils servent de signes tant pour les fêtes que pour les jours et les années, 15et qu’ils servent de luminaires au firmament du ciel pour illuminer la terre.” Il en fut ainsi. 16Dieu fit les deux grands luminaires, le grand luminaire pour présider au jour, le petit pour présider à la nuit, et les étoiles. 17Dieu les établit dans le firmament du ciel pour illuminer la terre, 18pour présider au jour et à la nuit et séparer la lumière de la ténèbre. Dieu vit que cela était bon. 19Il y eut un soir, il y eut un matin : quatrième jour.
« 20Dieu dit : “Que les eaux grouillent de bestioles vivantes et que l’oiseau vole au-dessus de la terre face au firmament du ciel.” 21Dieucréa les grands monstres marins, tous les êtres vivants et remuants selon leur espèce, dont grouillèrent les eaux, et tout oiseau ailé selon son espèce. Dieu vit que cela était bon. 22Dieu les bénit en disant : “Soyez féconds et prolifiques, remplissez les eaux dans les mers, et que l’oiseau prolifère sur la terre !” 23Il y eut un soir, il y eut un matin : cinquième jour.
« 24Dieu dit : “Que la terre produise des êtres vivants selon leur espèce : bestiaux, petites bêtes, et bêtes sauvages selon leur espèce !” Il en fut ainsi. 25Dieu fit les bêtes sauvages selon leur espèce, les bestiaux selon leur espèce et toutes les petites bêtes du sol selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon.
« 26Dieu dit : “Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il soumette les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toute la terre et toutes les petites bêtes qui remuent sur la terre !”
« 27Dieucréa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa ; mâle et femelle il les créa.
« 28Dieu les bénit et Dieu leur dit : “Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la. Soumettez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et toute bête qui remue sur la terre !”
« 29Dieu dit : “Voici, je vous donne toute herbe qui porte sa semence sur toute la surface de la terre et tout arbre dont le fruit porte sa semence ; ce sera votre nourriture. 30A toute bête de la terre, à tout oiseau du ciel, à tout ce qui remue sur la terre et qui a souffle de vie, je donne pour nourriture toute herbe mûrissante.” Il en fut ainsi. 31Dieu vit tout ce qu’il avait fait. Voilà, c’était très bon. Il y eut un soir, il y eut un matin : sixième jour.
« 21Le ciel, la terre et tous leurs éléments furent achevés. 2Dieu acheva au septième jour l’œuvre qu’il avait faite, il arrêta au septième jour toute l’œuvre qu’il faisait.
« 3Dieu bénit le septième jour et le consacra car il avait alors arrêté toute l’œuvre que lui-même avait créée par son action. 4Telle est la naissance du ciel et de la terre lors de leur création. »
Le deuxième récit : Genèse 2,4b-24
« Le jour où le Seigneur Dieu fit la terre et le ciel, 5il n’y avait encore sur la terre aucun arbuste des champs, et aucune herbe des champs n’avait encore germé, car le Seigneur Dieu n’avait pas fait pleuvoir sur la terre et il n’y avait pas d’homme pour cultiver le sol ; 6mais un flux montait de la terre et irriguait toute la surface du sol. 7Le Seigneur Dieu modela l’homme avec de la poussière prise du sol. Il insuffla dans ses narines l’haleine de vie, et l’homme devint un être vivant. 8Le Seigneur Dieu planta un jardin en Eden, à l’orient, et il y plaça l’homme qu’il avait formé. 9Le Seigneur Dieu fit germer du sol tout arbre d’aspect attrayant et bon à manger, l’arbre de vie au milieu du jardin et l’arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais.
« 10Un fleuve sortait d’Eden pour irriguer le jardin ; de là il se partageait pour former quatre bras. 11L’un d’eux s’appelait Pishôn : c’est lui qui entoure tout le pays de Hawila où se trouve l’or12– et l’or de ce pays est bon – ainsi que le bdellium et la pierre d’onyx. 13Le deuxième fleuve s’appelait Guihôn ; c’est lui qui entoure tout le pays de Koush. 14Le troisième fleuve s’appelait Tigre ; il coule à l’orient d’Assour. Le quatrième fleuve, c’était l’Euphrate.
« 15Le Seigneur Dieu prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Eden pour cultiver le sol et le garder. 16Le Seigneur Dieu prescrivit à l’homme : “Tu pourras manger de tout arbre du jardin, 17mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais car, du jour où tu en mangeras, tu devras mourir.”
« 18Le Seigneur Dieu dit : “Il n’est pas bon pour l’homme d’être seul. Je veux lui faire une aide qui lui soit accordée.” 19Le Seigneur Dieu modela du sol toute bête des champs et tout oiseau du ciel qu’il amena à l’homme pour voir comment il les désignerait. Tout ce que désigna l’homme avait pour nom “être vivant” ; 20l’homme désigna par leur nom tout bétail, tout oiseau du ciel et toute bête des champs, mais pour lui-même, l’homme ne trouva pas l’aide qui lui soit accordée. 21Le Seigneur Dieu fit tomber dans une torpeur l’homme qui s’endormit ; il prit l’une de ses côtes et referma les chairs à sa place. 22Le Seigneur Dieu transforma la côte qu’il avait prise à l’homme en une femme qu’il lui amena. 23L’homme s’écria :
« “Voici cette fois l’os de mes os et la chair de ma chair, celle-ci, on l’appellera femme car c’est de l’homme qu’elle a été prise.”
« 24Aussi l’homme laisse-t-il son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et ils deviennent une seule chair. »
Au premier abord, il peut sembler au lecteur que le second passage est une suite au premier, donnant plus de détails sur la création de l’être humain. Mais une lecture plus attentive ne laisse aucun doute : nous sommes bien en face de deux récits de création contenant des divergences difficilement réconciliables.
La première différence a trait au nom du Créateur. Dans le premier récit c’est Dieu (Élohim en hébreu) alors que dans le second c’est le Seigneur Dieu (Yahvé Élohim) et ce, de façon systématique : pas une seule exception. Ceci nous permet d’inférer que les deux textes ont des auteurs différents et appartiennent même à des traditions différentes. Nous y reviendrons dans la section suivante.
La deuxième différence concerne le mode de création. Dans le premier récit, Dieu crée à partir de rien, ex nihilo : en disant (Que la lumière soit !), en séparant (la lumière de la ténèbre, les eaux inférieures au firmament d’avec les eaux supérieures), en faisant (le soleil, la lune et les étoiles) ou, pour les êtres vivants, en créant (le verbe hébreu bara). Le deuxième récit, lui, ne décrit pas la création du cosmos ; il s’intéresse plutôt à la création des êtres vivants. Et là, on voit le Seigneur Dieu, tel un potier, modeler l’homme et les bêtes à partir de la poussière du sol.
La troisième différence, et de loin la plus importante, est relative à l’ordre des « éléments » créés. Dans le premier récit, la création de l’homme est l’apogée de l’œuvre divine : après avoir créé un espace de vie et l’avoir peuplé de toutes sortes d’animaux, marins, aériens et terrestres, Dieu crée l’être humain et lui donne pouvoir de domination sur les autres créatures. Comme si la finalité de la création est justement l’être humain. De plus, il le crée « à son image », « mâle et femelle » en même temps (Genèse 1,27).
Dans le second récit, le schéma est tout autre. En premier lieu, des versets 2,5 (et il n’y avait pas d’homme pour cultiver le sol) et 2,15 (le Seigneur Dieu prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Eden pour cultiver le sol et le garder), nous pouvons conclure que Dieu crée l’homme pour cultiver le sol et le garder. Il modèle donc l’homme avec la poussière de la terre et lui insuffle l’haleine de vie. Puis il trouve que la charge est trop lourde pour un homme seul. Il crée alors les animaux pour l’aider : « Il n’est pas bon pour l’homme d’être seul. Je veux lui faire une aide qui lui soit accordée » (2,18). Cette aide ne sera toutefois pas suffisante : « l’homme ne trouva pas l’aide qui lui soit accordée » (2,20). Aussi lui crée-t-il une compagne : la femme.
Les deux récits nous montrent donc des différences notables : le nom du Dieu créateur, le mode de création, sa finalité, ainsi que l’ordre des « éléments » créés. Il est ainsi clair que la ou les personnes qui ont rassemblé ces textes savaient très bien que ces récits n’ont pas vocation à raconter comment Dieu a créé le monde, mais qu’il l’a tout simplement créé. Il ne faut donc pas les lire littéralement, mais essayer de dégager la théologie voulue par leurs auteurs, à savoir l’image de Dieu qu’ils veulent nous véhiculer et la relation entre Dieu et l’homme qu’ils supposent.
La suite du texte de la Genèse ne peut que renforcer le caractère non historique de ces textes. Nous savons tous que le premier couple humain a eu deux fils, Caïn et Abel, et que le premier ne va pas tarder à tuer son frère par jalousie (Genèse 4). À la suite de cela, Dieu maudit le meurtrier, le chasse de la terre abreuvée par le sang de son frère et le condamne à une vie de vagabondage. Tout cela paraît cohérent : une faute humaine suivie d’un châtiment divin. Ce qui surprend, en revanche, est la réaction de Caïn :
« 13Caïn dit au Seigneur : “Ma faute est trop lourde à porter. 14Si tu me chasses aujourd’hui de l’étendue de ce sol, je serai caché à ta face, je serai errant et vagabond sur la terre, et quiconque me trouvera me tuera.” » (Genèse 4,13-14)
Mais qui va trouver Caïn pour le tuer ? Quels êtres humains se trouvent sur terre hormis Adam, Ève et Caïn lui-même ? Et le texte continue :
« 17Caïn connut sa femme, elle devint enceinte et enfanta Hénok. » (Genèse 4,17)
Mais d’où vient la femme de Caïn ? Et d’où viennent les femmes de toute sa descendance : celles de Hénok, Irad, Mehouyaël, Metoushaël ou encore Lamek ? (Genèse 4,18-19) Il est évident que les auteurs de ces textes n’ont pas cherché à nous faire un compte rendu de la création du monde. Mais qui sont justement ces auteurs ? Et quelle est l’histoire qu’ils entendaient nous raconter ?
Depuis fort longtemps, des auteurs ont relevé des anachronismes et des différences stylistiques et théologiques dans le Pentateuque*. À la fin du XIXe siècle, un modèle explicatif, communément appelé théorie (ou hypothèse) documentaire, s’imposa et régna sur l’exégèse biblique durant plusieurs décennies. Selon ce modèle, le Pentateuque serait la fusion de quatre documents intitulés Élohiste (relatif à Élohim, Dieu en hébreu), Yahviste (relatif à Yahvé, le nom propre du Dieu d’Israël), Deutéronomiste (relatif au Deutéronome, le cinquième livre du Pentateuque) et Sacerdotal