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Serima est accablée par la douleur et la peur, surtout à cause de la honte qui l’envahit, résultat des viols, des violences, du rejet et du harcèlement qu’elle a subis. Malgré sa souffrance, elle demeure protectrice envers son frère et sa sœur. Une décennie d’horreur a laissé des séquelles, mais l’écriture lui offre un réconfort. Un jour, un déclic survient, la poussant à choisir sa propre voie, en déclinant les attentes des autres et en embrassant sa propre existence.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Reine Aleaurmoon a rédigé ce livre pour briser le tabou entourant les actes qui laissent les victimes de violence marquées à vie. Elle conteste l’idée que les opprimés deviennent agresseurs à leur tour. Malgré le souvenir persistant de ces expériences, ces personnes avancent en portant leur douleur, surtout si elles trouvent un exutoire. L’écriture et la poésie ont été celui de l’auteure.
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Seitenzahl: 86
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Reine Aleaurmoon
Reviviscence
En dépit de ma peur honteuse
© Lys Bleu Éditions – Reine Aleaurmoon
ISBN : 979-10-422-0310-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Dix ans de vie, c’est court me direz-vous !
Pourtant, pour une enfant, cela peut paraître long. Trop long. Dix ans de honte, de peur, de douleurs et de souffrances, tant physiques que morales, cela semble une éternité.
C’est à presque neuf ans que ma vie a basculé dans le chaos. J’ai découvert que celle que j’appelais « maman » ne l’était pas.
En effet, celle qui m’avait donné la vie avait décidé de ne refaire surface que huit ans après m’avoir abandonnée.
Un coup de téléphone et voilà, mon monde s’écroule. Mon père est en colère et Inna, qui avait toujours été pour moi ma mère, dresse un mur insurmontable entre elle et moi, et ne me considérera plus jamais comme son enfant. Je serais désormais comme la tâche dans le tableau familial, l’erreur.
J’ai pourtant essayé de me faire aimer d’Inna, mais malgré mon jeune âge, je savais que rien ne redeviendrait comme avant. Pour autant, je ne m’attendais pas à devoir vivre l’enfer qui allait devenir mon quotidien pour de longues années.
Le silence peut être apaisant parfois, mais il peut devenir très pesant pour une enfant. Bien souvent, une fois adulte, on sourit et on se dit que les quelques fessées que l’on a reçues étaient sûrement méritées. Dans mes souvenirs à moi, il y a des orages de colère, des avalanches de coups et des pluies d’insultes. Et le pire, c’est cette peur. La peur de ce qui allait arriver, la peur de mal faire, la peur tout simplement.
Tout était bon pour soulager sa rage, Inna se servait de tout ce qui lui tombait sous la main, des objets qu’elle brisait sur mon visage, des manches à balai qui frappaient mon dos, des louches en fer, sur n’importe quel endroit de mon corps, ou encore ce couteau qui s’était enfoncé dans ma cuisse un jour. Je me souviens ne pas avoir eu mal tout de suite ; plutôt, je me rappelle avoir ressenti une chaleur qui se propageait, se répandait de l’intérieur vers l’extérieur de mon corps alors que le sang s’écoulait le long de ma jambe. C’est seulement à ce moment-là j’ai commencé à pleurer. Mais Inna ne supportait pas de me voir pleurnicher et j’ai dû apprendre, après quelques coups, à me retenir.
Cela peut paraître un peu étrange, mais l’enfant que j’étais a apprécié les instants qu’Inna a consacrés à me soigner en secret, pour que mon père ne sache rien. Elle ne s’occupait que de moi lorsqu’elle me soignait. C’étaient aussi les seuls moments où elle m’accordait de l’attention. J’avais l’impression de compter pour elle, d’être sa fille, comme avant.
Malgré la douleur, j’ai aimé cette femme. Elle avait pris soin de moi, contrairement à ma génitrice qui elle, m’avait laissée sur le bas-côté du chemin de sa vie. J’ai toujours respecté celle qui m’élevait, j’ai menti pour elle sur les origines de mes blessures, car à mes yeux, elle était ma maman. Et un enfant doit aimer sa mère. Avec le temps, la honte a envahi mon cœur ; même si mon père ne m’a donné qu’une seule fessée dans toute ma vie, il m’a détruite par des attentions et gestes monstrueux qui pour lui étaient des preuves d’amour. Il a brisé le respect que j’avais pour moi-même. Je devais supporter, chaque jour, cette peur honteuse.
Je me nomme Sérima et déjà à ma naissance, j’étais une erreur de parcours. Je suis née en Suisse, où mes parents avaient fui après avoir commis un vol.
Il n’a pas fallu longtemps à mes parents pour se séparer, notamment après que mon père m’ait découverte complètement déshydratée un soir, en rentrant du travail. En effet, ma mère, plutôt que de me nourrir, préférait passer son temps à lire ou coucher avec un autre homme, avec qui elle trompait mon père.
Ce soir-là, mon père était rentré de deux nuits de garde aux urgences de l’hôpital dans lequel il était brancardier, et il avait trouvé sa femme plongée dans sa lecture. Il s’était approché de mon petit lit et avait découvert mon corps inerte. Il avait interrogé sa femme, qui lui avoua alors ne pas avoir vu le temps passer et oublié de me nourrir.
Emportant le nourrisson, il était reparti aux urgences où j’avais été prise en charge, et sauvée.
Sauvée cette fois, pour souffrir plus tard. Après avoir surpris sa femme dans les bras d’un autre en rentrant du travail, après des discussions houleuses, Orlan, mon père, avait décidé de rentrer en France avec la fille que sa femme avait eue avant leur rencontre et moi. Il avait reconnu ma demi-sœur, et la considérait comme son propre enfant. Ce fut ce jour-là que ma mère, ne jugeant pas utile de me retenir, m’avait perdue à jamais.
En arrivant en France, mon père avait été rattrapé par le passé et avait été condamné à une peine de prison. Même s’il avait été dénoncé par ses complices, et même si les forces de l’ordre avaient fait pression sur lui, il n’avait donné aucun nom. Il savait que c’étaient ses complices, sa propre famille, qui l’avaient dénoncé. Avant d’être enfermé, il avait rencontré Inna à un dîner chez sa sœur et sa famille qui vivaient à Paris. Ils avaient vécu quelques semaines ensemble. Pour gagner un peu d’argent, il aidait un ami dans son bar où il jouait chaque soir aux cartes, et Inna, déjà enceinte avant leur rencontre, attendait un enfant dont le père s’était enfui en entendant la nouvelle. C’est tout naturellement que mon père avait donné son nom à l’enfant, un petit garçon, et il nous avait aussi confiées, ma sœur et moi, à la garde de cette femme qui allait devenir ma mère par procuration.
La période qu’a passé mon père en prison fut le moment que choisit ma génitrice pour se souvenir qu’elle avait des enfants. Elle s’était montrée un jour, devant notre porte. Lorsqu’elle avait demandé à Inna de nous rendre à elle, cette dernière lui avait expliqué que je lui avais été confiée et qu’elle ne pouvait emmener que l’aînée, car elle n’était pas d’Orlan. Cela avait soulagé ma génitrice, qui finalement n’était venue récupérer que ma sœur. Elle ne comptait pas prendre soin de nous, mais avait pour projet de nous confier à sa propre sœur, qui avait accepté et n’assumerait l’éducation que d’une seule enfant. Nous étions les enfants qu’elle avait mis au monde, mais nous ne semblions, apparemment, pas très importantes pour elle.
Après la sortie de prison de mon père, nous avons continué à vivre quelque temps sur Paris. Inna avait donné la vie à son petit garçon que mon père avait reconnu comme le sien et ensemble, ils ont par la suite eu une fille, faisant de moi l’aînée de trois enfants, à l’âge de trois ans.
Nous vivions comme une famille normale, et lorsque j’ai eu quatre ans, nous sommes partis pour la campagne, dans la région d’origine de mon père. Nous étions installés dans un pavillon où de nombreux travaux étaient à faire, mais il était entouré d’un terrain conséquent, d’un jardin suffisamment grand pour être cultivé et pour nous donner les légumes dont nous avions besoin, ainsi que pour installer un élevage d’une centaine de lapins. Nous menions avec mon frère et ma sœur une vie heureuse jusqu’à cette fin d’après-midi d’automne où ma génitrice avait appelé chez mon père alors qu’il était absent.
Inna et mon père étaient partis faire des courses, me confiant la maison ainsi que la garde de mon frère et ma sœur. Je me souviens que nous étions en train de chahuter quand le téléphone avait sonné et que j’avais répondu. Une femme était au bout du fil. Après m’avoir demandé si j’étais bien Sérima, elle m’avait appris qu’Inna n’était pas ma mère, et que c’était elle, ma vraie mère. Tout était brouillé dans mon esprit. Des milliers de questions se bousculaient, et puis soudain une peur… la peur d’informer Inna et mon père de l’appel téléphonique de cette femme.
Il était vingt heures, j’avais entendu la voiture rentrer dans la cour. Je sortais aider mes parents à rentrer les courses. Comme à leur habitude, ils m’avaient demandé : « personne n’est venu, personne n’a téléphoné ? »
Je leur expliquais alors ce coup de téléphone étrange et je leur tendais un numéro que m’avait dicté cette femme. Ils étaient entrés dans une colère terrible, mon père rappela le numéro, et des cris, des insultes fusaient de tous côtés. À partir de ce jour, plus rien n’a jamais été normal, ma vie avait basculé dans l’horreur. Je me souviens encore du regard d’Inna, un regard froid, qui me reniait. Mon père m’avait assise sur ses genoux et m’avait expliqué que c’était vrai, mais que cette femme n’avait jamais cherché à me voir et qu’il allait régler ça. Ce qui était arrivé, car je n’ai plus jamais entendu parler de cette femme. Mais le mal était fait.
En quelques heures, j’avais perdu ma génitrice et la femme qui avait toujours été ma mère, Inna.
Mon père a toujours été considéré par notre entourage comme un père extraordinaire, qui aimait ses enfants. Ce que les autres ne savaient pas c’est que moi, il m’aimait trop, ou mal, mais pas comme un père devrait aimer sa fille.