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Adeline, la cinquantaine, deux enfants, en couple avec Pascal, s'accommode parfaitement de son existence monotone de petite-bourgeoise provinciale. Un jour, toutefois, une révélation inattendue ébranle profondément les certitudes de la mère de famille. Peu après, Adeline disparaît. Dès lors, les questions se posent et les masques tombent. Puis, les événements s'enchaînent et les rebondissements se multiplient. Les drames surgissent ; la mort rode. Toute une famille est subitement entraînée dans un tourbillon insensé dont chaque membre devra, à sa manière, tenter d'échapper. Toutefois, quoi que l'on décide, quoi que l'on fasse, rien ne s'arrête jamais ! Rien de grave, je t'assure : le récit palpitant d'une intrigue familiale aux allures de thriller.
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Seitenzahl: 172
Veröffentlichungsjahr: 2020
Merci à Solène pour sa précieuse collaboration
Histoires singulières
Histoires à vivre avec ou sans vous
Histoires fâcheuses
De bien curieuses histoires
Dérapages inattendus
Fractures familiales
Première partie : Plongée
Adeline
Pascal
Louise
Olivier
Amélie
Bertrand
Paul
Adeline
Deuxième partie : Survie
Louise
Alejandra
Louise
Docteur Ribera
Samedi 4 avril
Dès qu’il est sorti de la voiture, j’ai compris, à sa mine renfrognée, que quelque chose clochait.
Après le petit-déjeuner, il m’avait annoncé qu’il ne pourrait m’accompagner, comme chaque samedi matin, au marché hebdomadaire car, m’avait-il dit, il devait consulter le docteur Delannoy, notre généraliste, son ami d’enfance, pour une bricole. Une bricole ? Scotchée, j’avais tenté aussitôt de lui demander la raison pour laquelle, brusquement, il avait à voir le médecin mais, pour toute réponse, il avait haussé les épaules et m’avait répondu, laconiquement, que ce n’était rien, que je ne devais pas m’inquiéter. Puis, pour éviter toute discussion, sans plus attendre, il s’était levé, il avait enfilé sa veste et, sans un mot supplémentaire, il s’était esquivé. Alors, toute la matinée, j’avais tenté de m’occuper et de ne pas y penser mais, aux alentours de midi, ne le voyant toujours pas revenir et n’y tenant plus, je m’étais postée près de la fenêtre, à l’ombre du rideau, à l’attendre.
Il a claqué sa portière et, après avoir, me semble-t-il, hésité un instant, il s’est avancé sur l’allée. Calfeutrée derrière la porte, j’ai senti, au bruit de son pas lourd écrasant le gravier, mon cœur s’emballer et, pour éviter les palpitations, j’ai tenté, tant bien que mal, de réguler ma respiration. Mais dès qu’il a introduit la clé dans la serrure, j’ai cru défaillir. Après s’être frotté les semelles consciencieusement sur le paillasson, il est entré. Il ne m’a pas adressé le moindre sourire et, contrairement à son habitude, ne s’est pas approché pour m’embrasser sur la joue de manière machinale. Non, il m’a simplement frôlée, est passé près de moi sans réellement me voir, et est allé s’affaler de tout son long sur le divan du salon.
Après quelques minutes d’un silence pesant, tandis qu’il restait immobile, les yeux mi-clos, j’ai tenté de lui demander maladroitement, la gorge serrée et les jambes tremblantes, si tout allait bien. Il devait avoir oublié ma présence car, surpris par le son de ma voix, il a sursauté. Il s’est redressé quelque peu, ce qui lui a permis de reprendre un peu de consistance et, tout en me fixant du regard, il m’a lancé d’un ton volontairement désinvolte :
— Le toubib voudrait que tu m’accompagnes chez lui.
Aussitôt, j’ai senti le sol se dérober sous mes pieds et mon sang se glacer !
Lundi 6 avril
Dès notre entrée dans le cabinet de Delannoy, l’ami de Pascal, devenu notre toubib depuis notre mariage et notre installation dans ce quartier chic de la ville, il y a plus de vingt ans déjà, la situation m’a paru irréelle.
Alors que je m’attendais à ce que le docteur me dévoile avec précaution de quel genre de maladie incurable mon mari souffrait, il m’a immédiatement bombardée de questions plus saugrenues les unes que les autres sur mon état de santé. Déstabilisée — comme toujours lorsque je me trouve en situation de stress — j’en ai oublié aussitôt le motif premier de notre consultation et j’ai commencé à lui répondre docilement.
— Non, docteur, je n’ai pas de fièvre.
— Non, je n’ai pas de démangeaisons particulières au niveau de la vulve.
— Oui, je me sens en parfaite santé…
Cependant, au fur et à mesure que de nouvelles questions fusaient, je suis sortie peu à peu du brouillard ouaté dans lequel, tel un boxeur qui a encaissé un uppercut violent, j’avais été plongée.
— De quoi vous me parlez exactement, là, docteur ? j’ai demandé alors.
À cet instant, Delannoy a compris que quelque chose clochait. Il a arrêté de me fixer et a porté son regard vers celui de Pascal qui, mal à l’aise, les bras croisés sur le torse en signe de protection, a détourné les yeux.
— Tu lui en as quand même parlé avant de venir me voir ? lui a demandé le docteur, incrédule.
— Je comptais sur toi, lui a répondu Pascal, l’air contrit.
Delannoy a soupiré et marmonné :
— Mais bon Dieu, Pascal, je ne suis pas assistant social, tu sais.
— Pardon, Docteur, il lui a répondu tel un gamin pris en faute.
Delannoy a levé les yeux au ciel et, après s’être aperçu que je l’observais attentivement, il s’est ressaisi. Il a respiré profondément, soutenu mon regard, retrouvé une attitude doctorale et, d’une tirade, il m’a asséné son diagnostic sans appel :
— Madame, votre mari souffre d’une maladie sexuellement transmissible contractée, selon toute vraisemblance, lors de son récent séjour à l’étranger. Comme, selon ses dires, plusieurs rapports sexuels se sont déroulés entre vous depuis son retour, il vous faudra donc également, à titre préventif pour éviter salpingite et autres douceurs du même genre, entamer une cure d’antibiotiques.
À cet instant précis, le ciel m’est tombé sur la tête et une rage folle s’est emparée de moi !
L’orage a éclaté dès notre retour.
Le court trajet en voiture s’était déroulé sans encombre. Bien que la circulation fût fluide, Pascal, les mains scotchées au volant, s’était concentré anormalement sur la conduite du véhicule. Quiconque ne le connaissant pas aurait pu croire qu’il venait d’obtenir son permis de conduire et roulait seul pour la première fois. Pour ma part, tout en ruminant intérieurement, le visage bien tourné vers la droite pour ne pas avoir à observer celui en qui, hier encore, j’avais toute confiance mais qui, à présent, ne m’apparaissait plus que comme un vil traître, je m’étais contentée de regarder machinalement au travers de la vitre embuée les pâtés de maisons défiler. Seul le ronronnement régulier du moteur de la Volvo était parvenu à perturber le silence pesant de l’habitacle.
À peine avions-nous pénétré dans le salon que Pascal, prétextant l’heure de l’apéritif, m’a proposé un verre que je me suis empressée de refuser d’un hochement négatif de la tête et d’un vague grognement. Devant mon attitude rebelle, il a haussé les épaules et soupiré, s’est approché du bar où il s’est servi un verre de son meilleur whisky, celui qu’il se réserve habituellement pour les grandes occasions. Tout en avalant une première gorgée, il s’est approché de moi et a voulu me saisir par la taille. Autant surprise que dégoûtée, je me suis cabrée et je l’ai repoussé violemment.
— Adeline, ce n’était rien tout cela, je t’assure, m’a-t-il dit.
Là, évidemment, j’ai explosé :
— Comment ce n’est rien ! Tu dérailles ou quoi ? lui ai-je répondu. Monsieur part huit jours en Thaïlande en voyage d’affaires avec trois collègues et il en revient, comme si de rien n’était, avec, pardonne-moi le terme, une chaude-pisse. On peut en conclure que tu as de drôles de notions du rien, mon ami.
— Mais tu sais comment cela se passe là-bas, il a cru bon d’ajouter pour tenter de se justifier. Après le boulot, on est sortis, on a pris un verre, deux verres, et elles se sont approchées, tellement belles, tellement jeunes, tellement pimpantes. Tellement exotiques, quoi… Moi, tu me connais, je ne voulais pas franchir le pas mais, bon, je ne pouvais tout de même pas passer pour un briseur d’ambiance auprès de mes compagnons. Alors, oui, on est montés avec elles et on s’est un peu amusés, mais rien de grave, ma chérie, je t’assure.
« Un cauchemar, toute cette histoire n’est qu’un horrible cauchemar », me suis-je dit avant de lui répliquer, blanche de colère :
— Vous me prenez vraiment pour une grosse conne, Monsieur Laporte. Oh ! le brave homme, qui a fait preuve de bienséance envers ses collègues et a accepté, par politesse, de participer à une partouze et de se taper quelques putes bon marché. Mais, dans ce moment de grand égarement, vous aviez sûrement oublié que, pendant ce temps-là, une femme fidèle avec laquelle, faut-il vous le rappeler, vous venez de fêter, en grande pompe, vos noces de porcelaine, vous attendait à la maison. Tout comme vous aviez oublié que les filles que vous tripotiez à l’aise ne devaient être guère plus âgées que vos deux propres enfants. Diable ! ceux-ci seront surpris, j’en suis sûre, lorsqu’ils apprendront que leur géniteur adoré, ce chantre de l’égalité des sexes, ce défenseur acharné des droits de la femme, cet anti-Weinstein par excellence, s’est avili de la sorte.
— Chérie, calme-toi, je t’en prie, et cesse de me vouvoyer, c’est insupportable, m’a-t-il dit, tandis que je tentais de reprendre mon souffle, exténuée par ma tirade interminable et rattrapée, une nouvelle fois, par une crise de tachycardie.
— Le mal est fait, je te prie de m’excuser, que veux-tu que j’y fasse, a-t-il ajouté, c’était une erreur de ma part, une erreur impardonnable, peut-être, mais l’erreur est humaine, non ? Et d’ailleurs, tous les prêtres que nous fréquentons à l’église, chaque dimanche, ne nous répètent-ils pas à longueur de sermons qu’il faut pouvoir pardonner à son prochain ?
Au bord de la crise de nerfs, je me suis réfugiée sur le canapé près de la baie vitrée donnant sur le jardin. Quelques moineaux et quelques pigeons, indifférents à notre discussion houleuse, picoraient sur la pelouse. Ah ! comme j’aurais voulu être l’un des leurs à cet instant afin de pouvoir m’envoler à ma guise dans le ciel azuré.
Après avoir quelque peu repris mes esprits, je me suis retournée vers lui. Il avait l’air tellement pitoyable, là, debout, au milieu de la pièce, le ventre bedonnant, son verre de whisky vide à la main, supportant soudain très mal son demi-siècle, que j’en eus presque pitié.
— Merci pour le cadeau, en tout cas, lui ai-je dit. Une cure d’antibiotiques, j’avais rêvé mieux.
— Qu’est-ce que tu comptes faire ? m’a-t-il demandé, le regard suppliant.
Effondrée, la tête étrangement vide, je n’ai su que lui répondre. J’ai senti tout à coup que les larmes commençaient à affluer sur mon visage et je me suis mise à hoqueter.
Il s’est approché et, de la main droite, m’a effleuré les cheveux.
— Je t’aime, tu sais, m’a-t-il dit.
L’espace d’une seconde, j’ai senti le doute s’immiscer en moi.
Hélas pour lui, il a, de suite, malencontreusement ajouté :
— Et de toute façon, cela ne me dérangerait pas si tu agissais de la même manière. Tu en as bien le droit.
Œil pour œil, dent pour dent. Telle était donc sa manière de fonctionner. C’en était trop.
Écœurée, je me suis levée, me suis approchée, l’ai giflé violemment et, avant de quitter la pièce en claquant la porte, je lui ai balancé :
— Je vais me gêner !
Mercredi 15 avril
— Promets-moi, Amélie, de faire comme si tu n’étais au courant de rien. Si je t’ai raconté cette maudite histoire, c’est parce que je ne veux pas te mentir. Je ne veux pas jouer la comédie, faire semblant devant ma propre sœur. Tu vois que des galères, j’en connais moi aussi, à présent. Oh ! pas comparables aux tiennes, je sais, mais tout de même. Depuis le temps que tu envies mon couple, mon ménage. Tu m’as souvent dit que j’ai une chance inouïe de pouvoir traverser la vie comme dans un conte de fées. Eh bien ! tu vois, le conte de fées, il a du plomb dans l’aile maintenant.
— Ouais, mais il aura duré un quart de siècle, ma belle. Dans une vie, c’est pas mal, tu sais.
— Arrête ! Tout n’a pas toujours été aussi rose que tu l’imagines, crois-moi.
— Et depuis votre altercation, comment ça se passe ? Tu vas le quitter ?
— Non, je ne crois pas. Que veux-tu que je fasse ? Que je quitte cette maison cossue, bourrée de souvenirs merveilleux et dans laquelle j’ai mes habitudes depuis des années pour aller m’installer dans un minuscule appartement sans terrasse ni balcon ? Que je parte en guerre, au risque de tout perdre, pour une histoire minable dont je ne suis en rien responsable ? Non, Amélie, j’y suis, j’y reste. À trente berges, j’aurais probablement agi d’une tout autre manière, mais, mince, n’oublie pas que je fêterai mon demi-siècle dans quelques mois. Tout recommencer maintenant, à cet âge, franchement, je ne m’en sens pas la force.
— Merde, ce n’est pas vrai que tu vas lui pardonner et que vous allez reprendre votre petite vie commune comme si de rien n’était ? Non mais j’hallucine ! Je ne te reconnais plus, Adeline, plus du tout.
— Écoute Amélie, aujourd’hui, le fleuve a terminé sa crue. Il a retrouvé son lit sans tout emporter sur son passage. Et j’ai bien réfléchi. C’est sûrement mieux ainsi, non ?
— File-moi à boire, veux-tu. Tu me sidères. Ainsi, non seulement ton mec te trompe, mais, en prime, il te file la chtouille et, toi, tout ce que tu trouves à me dire est que le fleuve a terminé sa crue.
— Tiens, avale ce gin, cela t’évitera d’énoncer des bêtises à répétition.
— Et à propos de chtouille, tu en es où ?
— J’ai terminé mes deux boîtes d’antibiotiques depuis hier.
Hormis quelques problèmes de digestion, je me sens bien. Physiquement bien. Tu sais, les premiers jours qui ont suivi notre altercation, je ne lui ai plus adressé la parole. Pas le moindre mot. Ni le matin, ni le soir. Quand il rentrait du boulot, je m’arrangeais pour avoir déjà mangé et être confortablement installée devant la télé. S’il souhaitait dîner, il n’avait qu’à se débrouiller. Crois-moi si tu le veux, mais il n’a pas fait le moindre commentaire, ni exprimé le moindre reproche. Il n’avait pas intérêt de toute manière. Il a accepté cette épreuve que je lui ai infligée, stoïquement, comme une punition qu’il aurait amplement méritée. Puis, le dimanche, ton neveu Paul est venu dîner à la maison avec Bertrand. Nous les avions invités avant leur envol, samedi prochain, pour Ibiza et là, obligatoirement, on a dû se reparler, faire comme si… Et figure-toi qu’après leur départ, il a commencé à minauder, à minauder comme jamais. J’en étais gênée pour lui. Mais comme on avait bien bu tous les deux…
— Tu ne vas pas me dire que vous l’avez fait ?
— J’en ai un peu honte, mais si.
— Et il est guéri ?
— Elle était parfaite.
— Tu me sidères. Tu as tout oublié alors ?
— Tout oublié, à peu près.
— À peu près ?
— Oui, il m’a tout de même dit que cela ne le dérangerait pas si j’agissais de la même manière.
— T’es sérieuse, là ?
— Je suis tentée. La fidélité a ses limites, non ?
Lundi 20 avril
Trois jours. Trois jours qu’Adeline s’est évaporée dans la nature. J’en suis malade.
Vendredi matin, nous avons pris notre petit-déjeuner ensemble dans la cuisine. Elle m’avait préparé des œufs brouillés, ce qui n’avait d’ailleurs pas manqué de m’étonner. Elle était joyeuse, avait insisté pour que j’aille déposer des graines pour les oiseaux avec elle dans le jardin avant de partir pour le bureau. J’avais un peu ronchonné car j’étais déjà en retard mais je n’avais pas voulu la contrarier. Il aurait été dommage que le temps retourne à l’orage alors que celui-ci venait de s’éloigner. Quand je suis sorti, elle m’a rattrapé sur le seuil de la porte et elle a déposé un baiser sur mes lèvres. Je lui ai souri tendrement. J’ai pensé qu’elle avait tiré un trait sur le passé et décidé de refermer à tout jamais cette maudite parenthèse. Du haut de ses cinquante ans, je l’ai trouvée plus séduisante que jamais. « À ce soir, je t’aime », lui ai-je dit. Elle a souri. « On pourrait se faire un ciné ce soir et aller manger chez le Grec après », ai-je ajouté avant de monter dans ma voiture. « Pourquoi pas ? » m’a-t-elle répondu. Le soir, à mon retour, elle avait disparu.
Je me suis servi un whisky. Je devrais tâcher de réduire ma consommation. Je ressens de plus en plus souvent une douleur sourde à l’abdomen. Côté droit, côté foie. Et puis, je grossis. Je ne supporte plus cette brioche qui m’empêche de fermer mon pantalon. Sans parler de ma condition physique. Louise m’a ridiculisé au tennis le mois dernier et je n’ose même plus affronter son frère Paul, bien plus puissant qu’elle. En définitive, on les a bien réussis nos jumeaux dizygotes, même s’ils nous ont causé pas mal de soucis.
Misère, si elle a fait cela pour se venger et m’ennuyer, elle a réussi au-delà de tout ce qu’elle pouvait imaginer. Il n’y a rien à dire, j’ai foiré sur ce coup-là, mais enfin, personne n’est mort, tout de même !
Tiens, faudrait penser à tapisser à nouveau le salon. C’est fou comme je remarque ce genre de choses depuis que je tourne en rond ici à l’attendre.
Ah ! j’adore cette maison bourgeoise à deux étages construite au début du vingtième siècle. Dire que nous y habitons déjà depuis plus de vingt ans. Comme le temps passe. Adeline venait d’accoucher quand on l’a repérée. On avait eu le coup de foudre immédiatement en la découvrant avec son énorme jardin arboré. Sa proximité avec la rivière qui coule en contrebas avait achevé de nous séduire. À l’époque, les parents d’Adeline nous avaient fameusement aidés pour que nous puissions l’acheter et la rénover. Qu’ils reposent en paix.
Bon, faut que je bouge. Trois jours, ce n’est plus raisonnable. Ce n’est plus une punition qu’elle m’inflige, c’est un supplice. En septante-deux heures, j’ai bien dû l’appeler deux cents fois sur son portable. Et deux cents fois, je suis tombé sur son foutu répondeur et ces quelques mots, débités d’un ton glacial : « Bonjour, je ne suis pas disponible. Veuillez me laisser un message ». Difficile d’imaginer plus laconique comme formule. Les deux, trois premières fois, ne sachant exactement que dire, j’ai balbutié quelques phrases après le bip mais finalement, très vite, je me suis contenté de raccrocher. De toute manière, elle ne me rappelle pas.
Zut ! faudra bien que je me décide à prévenir les enfants de la disparition de leur mère. Elle est forcément partie se réfugier chez sa sœur. Amélie a dû être ravie de l’accueillir chez elle. Cette femme me déteste. Toujours prête pour les mauvais coups, cette dégénérée. Suis-je responsable si elle n’est pas capable de se trouver un mec qui ne la plaque pas après six mois ? Suis-je responsable si, Adeline et moi, nous formons un couple uni depuis tant d’années ? Avec son gigolo de l’époque, elle a dilapidé la part d’héritage reçue de ses parents en moins d’un an, et maintenant elle a le culot de nous reprocher d’avoir réussi à nous constituer un petit pactole, nous les bobos friqués, comme elle dit. Petite conne, va ! Je la vois d’ici compatir et consoler sa grande sœur. Peut-être, même, verset-elle une larme avec elle. Mais intérieurement, la situation doit la combler. Oui, intérieurement, tout en me vouant aux gémonies, elle doit jouir comme elle n’a jamais joui dans les bras d’un homme.
Merde ! plus rien dans le frigo. Je vais descendre en ville manger une merguez avec frites. Le régime attendra. Faut que je déstresse.
Mardi 21 avril
Deux heures du mat. Je suis dans le jardin, assis dans l’herbe, à observer le ciel avec, pour ne pas changer, un verre vide à la main. Dès qu’elle revient, j’arrête, je le jure.
C’est fou mais toutes ces constellations resteront toujours un grand mystère pour moi. Jamais je n’ai été capable de repérer la moindre étoile. La Grande Ourse, la Petite Ourse, Orion… Non, si je lève les yeux, je ne discerne qu’une multitude de points plus ou moins lumineux dans une immensité infinie. Et pourtant, cela me fascine. Ah ! que de fous rires n’avons-nous pas connus, Adeline et moi avec les enfants, quand Paul, tout petit encore, mais déjà féru d’astronomie, tentait de me guider désespérément à la recherche de tel ou tel astre.
« Et si Adeline n’était pas chez sa sœur ? » m’a suggéré subitement mon subconscient, tandis que je somnolais tout à l’heure. Depuis, le doute s’est immiscé dans ma tête et une inquiétude profonde a envahi tout mon être.