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Un jour ou l'autre, inévitablement, de fâcheux écueils viennent entraver le cours régulier de toute existence. Il aura suffi d'événements tout à fait anodins pour que la vie des personnages des quatre nouvelles de ce livre vire au cauchemar. Pour eux, très vite, les tuiles s'amoncellent. Puis, au plus fort des bourrasques, les masques tombent, les secrets se révèlent. Tous les espoirs s'envolent ; toutes les illusions se perdent. Mais la vie continue, encore et toujours. Tantôt drôles, choquantes, émouvantes, et écrites d'une plume directe, osée, incisive et subtile, les aventures inattendues des protagonistes de ces histoires aux rebondissements imprévisibles vous captiveront, à coup sûr !
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Seitenzahl: 136
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Merci à Solène pour sa précieuse collaboration
Histoires singulières
Histoires à vivre avec ou sans vous
De bien curieuses histoires
Dérapages inattendus
Fractures familiales
Rien de grave, je t’assure
Amies d’enfance
Une collègue envahissante
Fumer nuit à la santé
Profession de foi
La matinée avait été particulièrement sombre.
J’avais quitté la maison à six heures dans l’espoir de rallier la capitale assez tôt pour éviter les inévitables embouteillages journaliers mais, pas de bol, à l’approche de Bruxelles, je m’étais retrouvé dans des files interminables – deux poids lourds polonais étaient entrés en collision à l’aube – et l’autoroute était complètement bloquée.
Décidément, il n’y a plus que des bahuts des pays de l’est qui circulent en Belgique, avais-je alors songé.
J’avais pris mon mal en patience mais, à l’arrivée au boulot – je travaille comme magasinier dans une imprimerie –, mon boss, gros connard, n’avait pas apprécié.
— Vous n’avez qu’à utiliser les transports en commun, m’avait-il dit sèchement en me toisant de haut.
Bien sûr, chef, c’est évident, avais-je pensé en le fixant méchamment. Moins d’une heure de trajet en bagnole sans incident ou plus du double en empruntant bus, train et métro dont la station la plus proche est située à un gros kilomètre de la boîte. Ouais, y’a pas à hésiter ! Mais chef, vous êtes un génie. Comment n’avais-je pas envisagé plus tôt cette solution ? Les transports en commun, le fin du fin !
Pff ! J’aurais dû lui mettre un coup de boule à cet enfoiré.
Je n’avais pas cherché d’embrouilles, j’avais fermé ma gueule.
Et évidemment, toute la journée fut du même acabit.
Jusqu’à la machine à café du réfectoire qui rendit l’âme au moment où je me servais.
Au retour, rebelote, bouchons à n’en plus finir.
Triste monde, avais-je alors pensé tout en patientant dans la file.
Mais ouf, vendredi soir… week-end !
Arrivé à la maison, j’aurais voulu être accueilli sur le seuil de la porte par celle qui partage mon existence depuis dix ans déjà.
— Veux-tu que je te serve un petit apéritif pour te remettre de cette journée bien éprouvante ou préfères-tu que je te fasse couler un bain immédiatement, mon chéri ? aurait-elle été censée me dire.
— Un bain avec massage relaxant, lui aurais-je répondu.
Le rêve, quoi !
Mais non, rien de tout cela.
On n’est pas dans un film romantique ici. On est dans la vraie vie. Faut se réveiller, Marc, m’étais-je dit. Depuis l’époque merveilleuse des années cinquante, les bonnes femmes se sont drôlement émancipées !
Et, effectivement, comme la plupart du temps à mon retour, la baraque était désespérément vide.
De sortie, ma bourgeoise.
Je me suis donc fait couler le bain seul, j’ai oublié le massage bienfaisant et je me suis servi, pour me consoler, un verre de crémant de Bordeaux.
Enfin détendu après avoir avalé une deuxième coupe de ce délicieux remontant, j’ai allumé la télé.
J’ai commencé par suivre une chaîne d’infos mais comme on n’y parlait que d’otages décapités, de menaces de guerre et d’épidémie mondiale à nos portes, j’ai zappé.
Non mais, ils ne vont quand même pas me gâcher le week-end ces journalistes à deux balles, me suis-je dit. Et avec une météo au beau fixe, en plus.
À vingt-deux heures, elle n’était toujours pas rentrée et mon estomac qui gargouillait s’en inquiétait. Mais, tandis que je vérifiais dans le frigo si elle avait quand même pensé à nous acheter deux plats cuisinés chez le traiteur avant de partir, mon portable a sonné. C’était elle :
— Marc, faut que tu rappliques dare-dare. Je crois que j’ai commis une grosse bêtise, m’a-t-elle dit d’une voix paniquée.
— Quel genre ? lui ai-je répondu interloqué.
— Je t’en prie. Fais vite. J’ai un mec qui tambourine dans le coffre de la voiture.
— Tu as quoi ? Mais tu déconnes ou quoi ?
— Non, je t’assure. Je crois même qu’il est blessé.
— Mais qu’est-ce que tu baragouines, Pauline. Et puis, t’es où d’abord ?
— Sur le parking de la gare. Près de la bulle de récupération des bouteilles. Fonce et prends une couverture pour les petits.
— Les petits ! Mais quels petits ?
— Je t’expliquerai plus tard quand on aura résolu le gros problème du coffre. Aïe, on vient ! Fais vite mon amour ! m’a-t-elle dit d’une voix angoissée avant de raccrocher.
Y’a pas de doute, c’était du sérieux !
Marco, faut y aller presto, me suis-je dit.
Je me suis donc rhabillé en quatrième vitesse, ai chaussé mes Nike, emporté la couverture traînant sur le divan du salon pour en cacher les traces d’usure et suis parti la rejoindre en courant.
****
J’ai rencontré Pauline le jour de mes vingt-huit ans.
Pour fêter ça, Anne, la fille qui partageait ma vie à l’époque, m’avait invité dans le meilleur resto italien de la ville. Sûr que cela a dû lui coûter un os, la pauvre !
Nos relations n’étaient pas au beau fixe. À vrai dire, on commençait à s’emmerder royalement ensemble mais on ne voulait pas se l’avouer.
Pauline mangeait à la table à côté de la nôtre avec une copine. Dès que je l’ai aperçue, elle m’a fasciné. Très vite, malgré tous mes efforts, je ne parvins plus à ne pas tourner la tête constamment vers elle. Je ne pouvais plus détacher mon regard d’elle. De ses yeux noisette, de son sourire charmeur, de ses petits seins qui pointaient sous sa robe rouge de satin sexy à craquer, de ses longues jambes légèrement hâlées qu’elle prenait plaisir, tout en riant, à croiser et à décroiser lentement. Je ne voyais plus qu’elle.
Bref, j’étais raide dingue !
Arriva ce qui devait arriver. Anne me balança soudainement une demi-carafe d’eau sur la tête et quitta le resto tout de go.
Là, c’est évident, j’aurais dû la suivre, surtout après ce qu’elle venait de payer, mais, non, je suis resté.
Et tout a commencé.
Pauline fêtait également son anniversaire ce jour-là et le soir même, fameux cadeau, elle jouissait dans mes bras.
Il y a douze ans maintenant que cela dure. Et je ne m’en suis jamais lassé.
****
Purée, j’ai déjà plus de souffle. Deux petits kilomètres, c’est pas un marathon pourtant ! Je me suis surestimé.
Zut, je suis vraiment ballot ! Même si sa bagnole est déjà sur place, j’aurais dû prendre la mienne pour la rejoindre. On a beau vouloir préserver la planète, l’écologie a ses limites.
Allez, j’y suis presque.
****
Pauline a deux ans de moins que moi et je me suis vite rendu compte qu’elle n’avait rien d’une sainte-nitouche. Sûr qu’avant de me rencontrer, elle a dû en défoncer des plumards. J’ai rien eu à lui apprendre. Au contraire. Trois mois après notre première rencontre, elle débarquait dans mon minuscule appart au centre-ville mais, comme elle aime le grand air, après deux ans elle nous a déniché la maison de ses rêves : une demeure bourgeoise de la fin des années soixante avec hall, séjour, cuisine, véranda, deux salles de bains, trois chambres, cave, grenier, et, en prime, un magnifique jardin arboré. Superbe !
Mais l’entretien, je ne vous en parle pas ! Enfin, je n’ai pas à me plaindre puisque c’est elle qui a payé la bicoque. Et cash, en plus ! Rien à ajouter : du grand art. La classe pure.
Ah, qu’il peut être doux d’avoir des aïeux fortunés !
En contrepartie, elle m’a juste demandé de la retaper, notre belle demeure. Ça traîne, ça traîne mais je vais y arriver.
****
Mais bon Dieu, dans quel pétrin est-elle allée se fourrer ?
Étonnant car elle n’est pas du genre à chercher les embrouilles. Autant je suis impulsif, autant elle est dans l’analyse. Ouais, Pauline est beaucoup plus intelligente que moi. Pas évident à accepter pour un mâle mais je m’en suis accommodé. Une cérébrale romantique, voilà comment je la définirais. Elle adore les bouquins, les couchers de soleil, les petits déjeuners au lit, l’odeur de l’herbe fraîchement coupée…
Ouf ! j’y suis.
Les poumons carbonisés, mais j’y suis.
****
— Mais putain Pauline, t’as les seins qui remuent. Qu’est-ce que t’as sous ton sweater ?
Le regard dans le vide, l’air désemparé, Pauline hausse les épaules, relève légèrement son sweat bleu ciel de la main gauche, passe la droite sous celui-ci et en ressort deux chatons entièrement noirs. Les malheureux frissonnent et il m’est d’avis qu’ils ne sont pas sevrés depuis longtemps.
— Tu te rends compte de ce qu’il a osé faire ce connard ? Mais, dis Marc, est-ce que tu te rends compte de ce qu’il a fait ? me hurle-t-elle à la figure.
À vrai dire, pour l’instant, sinon qu’il est plus de vingt-deux heures, qu’on n’a pas encore bouffé et qu’au lieu d’être occupés à se câliner sous la couette, je me retrouve, le souffle court, sur le parking près de la gare désertée avec, face à moi, ma femme désemparée, deux chatons dans les bras, je ne me rends compte de rien, ou de pas grand-chose.
— Mon amour, calme-toi, je t’en prie, lui dis-je. Allez, viens, entre dans la voiture. On retourne à la maison, tu me raconteras tout cela à tête reposée. Et puis, finalement, pourquoi t’es pas rentrée directement avec la bagnole ? Ce n’est quand même pas ces deux minets qui t’auraient empêchée de rouler.
— Et lui, alors ? me lance-t-elle le doigt pointé vers le coffre de la voiture. Et avant que j’aie pu lui répondre quoi que ce soit, elle s’engouffre dans l’habitacle, côté passager.
Seigneur, mais je suis en plein cauchemar là. Il faut que je me réveille !
Je dois en avoir le cœur net. Je m’approche de l’arrière du véhicule, regarde machinalement aux alentours si personne ne vient, inspire profondément et, d’un coup sec, ouvre le capot.
Merde, elle n’a pas menti. Y’a bien un mec là-dedans. Et même qu’il n’a pas l’air bien frais. Endormi, évanoui, mort ? Je ne le sais pas exactement. En revanche, ce que je sais précisément, c’est que, dans le bide, il a le couteau planqué habituellement sous le siège passager de la voiture !
J’en ai assez vu.
Je referme le coffre, m’introduis en quatrième vitesse dans la bagnole et démarre en trombe. Mes pneus crissent sur le bitume.
La nuit est noire.
La pluie se met à tomber à grosses gouttes drues.
L’orage va éclater.
On se croirait dans un polar en noir et blanc des années soixante, me dis-je en fonçant vers la villa.
****
C’est sûr qu’elle a dû être fameusement révoltée ma Pauline. Elle est d’un naturel posé mais quand ça la dégoûte vraiment, elle se tient plus. Faut qu’elle agisse. À vrai dire, elle est facile à vivre à condition de ne pas empiéter sur ses plates-bandes. Elle a des convictions bien arrêtées et ne s’en laisse pas facilement conter.
Une chose est sûre, elle ne supporte pas les curetons, sauf les purs, comme elle dit, mais ils sont rares. Allez savoir pourquoi. Enfin, celui-ci, il ne ressemble pas pour deux sous à un abbé. Mais bon, depuis qu’ils n’ont plus de soutane, c’est pas toujours facile de les reconnaître. Regardez le père Gilbert.
— Il est mort ? me demande-t-elle.
— Je crois pas, lui dis-je, pour ne pas la paniquer davantage.
En fait, je n’en sais fichtre rien.
— Qu’est-ce qu’on va faire ? me lâche-t-elle d’une petite voix presque inaudible.
Et moi, en mâle protecteur :
— Ne t’inquiète pas, je suis là.
Mince, le mec qui a déclaré que pour tout être normalement constitué, réfléchir posément n’est pas chose aisée à réaliser en situation de stress extrême, n’est pas un couillon. Je confirme ses propos. Pourtant, maintenant, il faut que j’agisse.
Pauline est entrée dans la maison avec les chats. Quand je lui ai dit de ne pas s’inquiéter, que j’allais m’occuper de tout, elle m’a sauté au cou et embrassé violemment sur la bouche. Je me suis retrouvé aussi vite avec une trique d’enfer et, à vrai dire, s’il n’y avait eu ce problème urgent à résoudre, je l’aurais embrochée immédiatement.
Pauline et moi en amour, c’est top. Au début, je pensais qu’elle allait vite se lasser de moi. Le cul, ça ne dure qu’un temps, je suis pas dupe. Mais non, elle continue à apprécier. C’est vrai, on ne baise plus autant qu’au début mais lorsqu’on passe à l’action, c’est toujours aussi bon. De plus, niveau cérébral, malgré nos caractères différents, on réussit à vivre sur la même fréquence. Et, y’a pas à dire, là est l’essentiel. Je crois qu’elle m’aime vraiment. Ouais, je suis heureux avec elle. Je l’aime aussi.
Faut que je la sorte de ce foutu pétrin.
****
Bizarre, cette paire de menottes avec laquelle je viens d’attacher l’autre au radiateur de la cave. Nous n’avons pourtant jamais été très fétichistes ni guère portés sur les accessoires. Je ne me souviens vraiment plus dans quelles circonstances nous nous les étions procurées.
Décidément, ma mémoire fout le camp.
****
Après avoir entré la voiture au garage, je m’étais armé de ma batte de base-ball – j’ai pourtant jamais su jouer au base-ball – et, en ouvrant une nouvelle fois le coffre, j’étais prêt, au moindre signe de velléité de sa part, à défoncer le crâne de ce gogo mais, par chance, il était toujours inconscient.
Bien qu’il ne soit pas bien gros, je dirais une bonne soixantaine de kilos, j’ai connu alors les pires difficultés pour réussir à le hisser sur mes épaules et à le descendre dans la cave. J’ai cru que j’allais me péter le dos mais, bon, de ce côté, finalement, cela a l’air d’aller.
Pff ! je suis en nage. Ma chemise est détrempée. Mais, en définitive, pourquoi l’ai-je descendu ? J’aurais dû simplement aller le déposer devant les urgences de l’hôpital. Ils sont habitués à recueillir les colis suspects là-bas. Les rixes qui tournent mal, c’est pas ce qui manque dans la région. D’un autre côté, si l’autre s’en tire, il aurait peut-être pu alors mener les flics jusqu’au pas de notre porte. Il connaît peut-être même Pauline, le connard. Qui sait ? Et puis, il y a des caméras partout maintenant. Donc sûrement aussi devant les urgences de l’hosto. Non, finalement, j’ai bien agi. Dans la vie, mieux vaut ne pas se faire remarquer.
Après l’avoir menotté, j’ai récupéré le couteau en le retirant délicatement du bide de l’intrus. Faut dire que c’est un souvenir de famille auquel je tiens particulièrement. Mon grand-père l’avait trouvé, juste après la libération, lors d’une fouille, sur l’un des soldats allemands emprisonnés qu’il était chargé de surveiller. Fabrication artisanale garantie !
Pff ! J’en ai eu le cœur retourné. J’ai bien cru que j’allais lui dégueuler dessus. La lame n’était pas trop profondément enfoncée, je dirais pas plus de quatre centimètres, et j’ai cru bien faire en lui déversant un peu de désinfectant sur la plaie, mais c’est là qu’il s’est réveillé ! Il m’a fait peur, l’andouille. Il a poussé un hurlement semblable à celui d’un vampire à qui l’on aurait enfoncé un pieu dans le cœur. Je l’ai rendormi aussi sec d’un crochet du droit bien ajusté.
Mince, près de minuit, et on n’a toujours pas bouffé !
****
Pauline m’attend dans le salon. Elle doit avoir pris une douche. Elle porte pour tout vêtement une robe de nuit blanche échancrée, sur le dos de laquelle ses cheveux mi-longs encore humides laissent des traces. Ses tétons pointent sous le tissu. Une envie irrésistible de l’embrasser, de la caresser, de la mordre, de la posséder me saisit. Je la regarde et elle me regarde. Le même désir nous habite. Nous nous rejoignons et nos bouches se rencontrent, nos langues se mêlent, nos corps se déchaînent. Pendant un temps infini, nous nous libérons de cette tension insupportable subie au cours de cette folle soirée et jouissons à même le sol comme rarement auparavant nous avions joui.
Les chats sont endormis sur le canapé.
À la cave, un homme est enchaîné.
Enlacés, nos sens apaisés, nos corps repus, nous récupérons. La tension est retombée. Un silence reposant habite la pièce. Après avoir poussé un profond soupir, Pauline se lève lestement et se dirige, nue, vers la cuisine. Elle en revient deux flûtes et une bouteille de champagne à la main.
— Vas-y. Ouvre-la. Nous l’avons bien mérité, me susurre-telle à l’oreille.
Je m’exécute. Sa quiétude me sidère. Aurait-elle oublié ?
Elle s’approche des chatons et se met à les caresser nonchalamment tout en les consolant d’une voix mièvre :
— Mes pauvres amours. Avez-vous mangé suffisamment ? N’ayez pas peur, vous êtes en sécurité à présent. Ici, il ne vous arrivera rien.