Sagesses - Ahmad Ibn Ajibah - E-Book

Sagesses E-Book

Ahmad Ibn Ajibah

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Beschreibung

Premier volume des Sagesses (al hikam), compilées par Ibn Ata Illah Sakandari, un maitre de la voie Shadhili. Ces sagesses simples et profondes sont indispensables à chaque chercheur de vérité désirant se connaître lui-même et son Seigneur afin de s'élever spirituellement. En effet, cet ouvrage traite de tous les aspects spirituels liés au cheminement et à la grande Unicité. Les aphorismes d'Ibn Ata Illah ont plusieurs niveaux de compréhension et s'adressent autant au débutant, qu'au cheminant et au connaissant. Un des successeurs d'Ibn Ata Illah, le maitre Ibn Ajibah, conscient de l'importance de ces sagesses, a décidé de les expliciter, pressentant la raréfaction des maitres spirituels. Il a donc écrit un livre intitulé iqad al himam : l'Éveil des aspirations spirituelles.

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Seitenzahl: 165

Veröffentlichungsjahr: 2019

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Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux.

Sagesses est la traduction de

« ibād un niam an iqāz il himam fī sharh al hikam »

du maitre ibn ajībah al-asanī

Transmit et compilé par le maitre Muhammad Saidi

Traduit de l’arabe par Karim Chahdi

Adapté par Julien Barbe

Mis en page par Jean-François Lacourt

Référencement et biographies par Aurélien Lépine

Corrigé par Dominique Dominique Lapp

SOMMAIRE

Presentation

Compter sur ses œuvres

1. Avoir moins d’espoir en cas de faux pas est un signe que l’on compte sur ses actions.

2. Ta volonté de te dépouiller (

tajrid

) de ce bas-monde en renonçant par toi-même aux moyens auxquels Dieu te permet d’avoir recours est la marque d’une passion enfouie. Ta volonté de recourir aux moyens, alors que Dieu t’impose le renoncement, prouve ton manque d’ambition spirituelle.

3. Les murs de la prédestination ne peuvent être transpercés par les aspirations que l’on projette.

4. Repose ton âme de sa gestion car un autre s’en charge.

5. Rechercher avec insistance ce qui t’est garanti et négliger ce qu’Il attend de toi témoigne de ton manque de clairvoyance.

6. Ne désespère pas si l’exaucement tarde à venir en dépit de tes invocations insistantes. Il a promis qu’il allait te répondre en ce qu’Il aura choisi pour toi, et non en ce que tu auras choisi pour toi-même, quand Il le voudra et non quand tu le voudras.

7. Ne doute pas de Sa promesse si elle ne se réalise pas même si le moment a été prescrit et déterminé, car cela pourrait nuire à ta clairvoyance et occulter la lumière de ton secret.

Les différents types d’œuvres

8. S’Il t’ouvre une voie dans la connaissance, peu importe que tes œuvres soient minimes. Il ne l’a fait que parce qu’Il veut se faire connaître à toi. Ne sais-tu pas que la connaissance est ce qu’Il te donne, alors que les œuvres sont ce que tu Lui offres ? Comment peux-tu comparer ce que tu Lui offres à ce qu’Il te donne ?

9. La nature des œuvres s’est diversifiée, afinque descendent différents états spirituels. Les œuvres sont des formes figées, mais leur âme contient le secret de la sincérité pure.

10. Enterre ton existence sous la terre de l’abandon, car ce qui pousse sans avoir été enterré ne parvient pas à maturité.

Ce qui est bénéfique pour le cœur

11. Rien n’est plus bénéfique pour le cœur qu’un isolement le faisant pénétrer dans le domaine de la méditation.

12. Comment un cœur pourrait-il recevoir l’illumination alors que les images des créatures se reflètent dans son miroir ?

L’apparition du Vrai dans Sa création

13. L’Univers tout entier est obscurité, mais la manifestation du Vrai le fait briller. Celui qui voit l’Univers sans voir Dieu en lui, avant lui ou proche de lui, c’est qu’il manque de lumière. Les soleils de la connaissance lui sont voilés par les nuages de la création.

14. Un des signes de Sa domination, gloire à Lui, est qu’Il te voile à Lui par ce qui n’existe pas.

PRESENTATION

Le livre qui suit est une explication des Sagesses (al hikam), compilées par Ibn Ata Illah Sakandari, un maitre de la voie Shâdhilî.

Ces sagesses simples et profondes sont indispensables à chaque chercheur de vérité désirant se connaître lui-même et son Seigneur afin de s’élever spirituellement. En effet, cet ouvrage traite de tous les aspects spirituels liés au cheminement et à la grande Unicité.

Les aphorismes d’Ibn Ata Illah ont plusieurs niveaux de compréhension et s’adressent autant au débutant, qu’au cheminant et au connaissant.

Un des successeurs d’Ibn Ata Illah, le maitre Ibn Ajibah, conscient de l’importance de ces sagesses, a décidé de les expliciter, pressentant la raréfaction des maitres spirituels. Il a donc écrit un livre intitulé iqad al himam : l’Éveil des aspirations.

Il a fourni un travail minutieux n’omettant aucun niveau de lecture ni de compréhension. Toutes les étapes et les états de l’âme sont décrits. Il ne s’est pas seulement arrêté à faire un constat, il est allé beaucoup plus loin en donnant des réponses génériques permettant à chaque lecteur de s’élever spirituellement et de surmonter les difficultés auxquelles il peut faire face tout le long de sa vie.

Notre maitre Mohammed Saidi, héritier de cette connaissance, a décidé de perpétuer cette tradition. Il a retravaillé iqad al himam en fournissant un travail d’authentification des ahadith, en séparant les chapitres par thématiques et en compilant les biographies des saints évoqués par Ibn Ajibah afin de faciliter la lecture.

Au vu de la décadence que connaît la société actuelle, il est apparu nécessaire de transmettre et partager cet héritage pour l’ensemble des francophones. En effet, dans un monde où les repères se perdent, ou les dangers et les difficultés sont de plus en plus grands, il est impératif de fournir des éléments de réponses, des marqueurs pour aider tout chercheur de vérité.

L’âme, l’interne et la spiritualité sont intemporels, universels, d’où le fait que ces enseignements soient toujours d’actualité et s’adressent à tout public. Tous les enseignements partagés peuvent être juxtaposés à des situations auxquelles nous faisons face dans divers aspects de notre existence comme le travail, la vie de couple, l’amitié, les épreuves de la vie.

Rien ne remplacera un maitre vivant et véritable, mais cet ouvrage peut servir de livre de chevet, qui accompagnera la personne tout au long de sa vie.

Karim Chahdi

Bien plus qu’un trésor parmi les trésors, iqad al himam est un véritable monument du soufisme (tassawuf).

Cet ouvrage, si unique en son genre, est composé de plus de deux cents sagesses, et leurs explications dans lesquelles leurs auteurs ont habilement compilé à la fois des versets du Saint Livre, des récits liés aux prophètes, des poèmes et des citations d’éminents savants, contiennent en substance toute la science du soufisme.

Le soufisme est l’âme de l’humanité, oublié et censuré, et dont les vestiges d’aujourd’hui nous laissent à peine entrevoir la silhouette de ce qu’il doit être. L’Homme, lui, a voilé son visage, tout comme il a voilé son propre cœur de la mission ontologique qui est la sienne, préférant les mondanités d’une vie insouciante et laxiste. En cela, iqad al himam est magistral, tant l’œuvre déterre de son lecteur la Lumière Pure qui l’habite, exhumant ce qu’il est devenu, ranimant ce qui doit l’être.

La traduction d’un tel thésaurus de l’âme humaine ne fut pas sans peine, et demanda un travail d’adaptation inévitable afin d’obtenir en français des mots au plus proche des sens. Ce fut chose possible par la grâce que Dieu nous a accordée qui nous donna l’amour de ce travail et nous honora de la présence de notre maître, Muhammad Saidi, à qui nous devons ce trésor et qui, infatigablement, répondit à l’ensemble de nos questions avec patience et tendresse.

Les choix ont été minutieusement pesés et réfléchis, car il n’est jamais simple d’approcher l’œuvre d’un tel maître sans se l’adjuger, qui plus est, dans un domaine aussi scrupuleusement rigoureux que le soufisme. Que Dieu nous pardonne, nos choix autant que nos erreurs. Amine.

Nous sommes fiers de vous livrer ce qui fut pour nous autant une aventure qu’un dénouement. À l’heure où les choix de chacun fixent les limites d’une société en perdition, iqad al himam est, nous le croyons, un support de cheminement inégalable et un élément décisif dans l’élaboration du monde de demain.

Julien Barbe

IBN ATA ILLAH

Taj ad-Din Abu’l-Fadl Ahmad bn Muhammad bn Abd al-Karim bn Ata’illah as Sakandari, Al-Judhami ash-Shadhili, appelé communément Ibn Ata Illah Sakandari.

Ibn Ata Illah naquit entre 1250 et 1260 en Égypte, à Alexandrie, dans une célèbre famille de savants et de juristes issus de l’école de jurisprudence malékite. Ses racines remontent à une tribu d’Arabie nommée les Banu Judham.

Le cadre familial s’y prêtant, il emprunta la voie des sciences islamiques externes. Il se fit d’ailleurs connaître pour sa maîtrise de la jurisprudence, de l’exégèse coranique et sa récitation. Il maîtrisa aussi le domaine du hadith (analyse des chaînes de transmission et authentification des paroles prophétiques) ainsi que le credo sunnite (école de pensée Asharite). Il acquit notamment le statut de jurisconsulte (faqir) pour sa connaissance parfaite de la jurisprudence malékite. Il passa ainsi la première partie de sa vie plongée dans l’étude des sciences islamiques auprès des maîtres d’Alexandrie les plus prestigieux.

Durant cette période, il était un opposant aux soufis. Il disait : « celui qui dit qu’il y a une science (cf. soufisme) autre que celle qui est dans nos mains, alors il a prononcé un mensonge à l’égard de Dieu. »

Aux alentours de ses 18 ans, il fit la rencontre d’Al Mursi, le deuxième maître éducateur de la voie Shâdhilite qui était aussi le compagnon, disciple et successeur du maitre Ash-Shâdhilî. Cette rencontre marqua le tournant de la vie du jeune juriste. En effet, la personnalité de ce dernier eut un tel impact sur son cœur que tous ses préjugés s’évanouirent et il entra dans la Voie. Il raconte d’ailleurs sa rencontre dans son livre « Lata’if al Minan » :

«Avant que je ne devienne le compagnon d’Al Mursi, il y eut, entremoi et l’un de ses compagnons, que Dieu l’agrée, un différend. Je lui ai dit : “Il n’y a de savant que les gens de l’externe. Ces gens-là (les soufis) proclament des choses extraordinaires qui sont réprimandables par la Loi (shari’a).” Après cette altercation, je me suis dit : “va rencontrer le maître de cet homme et tu verras s’il présente sur lui les signes de la Vérité.” Je suis allé le voir et l’ai écouté parler des âmes, qui est un sujet qui relève du domaine de la Loi. Quand je l’ai entendu, toutes les objections que j’avais en moi ont disparu. »

Par la suite, il devint, que Dieu lui fasse miséricorde, disciple et compagnon intime d’Al Mursi pendant une dizaine d’années jusqu’à ce que les lumières de la connaissance l’illuminent et qu’il accède au rang des rapprochés de Dieu.

Son érudition et sa connaissance spirituelle furent telles qu’elles lui valurent une chaire dans la célèbre université d’Al-Azhar. Il enseignait aussi à l’école (madrasah) Mansuriyah à un cercle d’élèves plus proches. Ses discours pleins d’éloquences touchèrent de nombreux cœurs. Il eut notamment de nombreux disciples de renoms parmi les savants de l’externe. Et il forma aussi des disciples qui devinrent à leur tour des maîtres éducateurs accomplis. Après le décès d’Al Mursi, Ibn Ata Illah lui succéda et il devint troisième maître de la voie Shâdhilî.

Durant sa vie, il réalisa de nombreux prodiges, parmi lesquels on peut notamment conter :

– Un homme parmi ses élèves fit le pèlerinage à La Mecque (hajj), et il vit le maitre à chacune des étapes : lors de la circumambulation autour de la Kaaba, lors de la marche et à Arafat. Et lorsqu’il revint du pèlerinage, il rentra et salua son maitre puis lui demanda s’il était sorti du pays pendant son absence. Ibn Ata Illah lui répondit que non et lui demanda : « qui as-tu vu durant le pèlerinage ? » Le disciple lui répondit : « Je t’ai vu toi. » Le maitre sourit et dit alors « l’homme grandiose remplit l’univers. »

– Sa connaissance prodigieuse était telle que lors d’un échange avec ses disciples, il leur dit : « tous ceux qui s’alimentent auprès du Très-Haut sont au courant de chaque événement qui se produit dans Son Royaume. » Il regarda le groupe et leur demanda : « est-ce que parmi vous il y a une personne qui est au courant lorsque se produit un événement dans le Royaume de Dieu ? » Tous lui répondirent que non. Il leur dit alors : « Pleurez sur vos âmes. »

– Un autre de ses prodiges se réalisa lorsque Kamal Ibn Al Hamam, éminent juriste et maître de la tradition, visita la tombe du maitre et y lut la Sourate 11 « Houd ». À ce passage : « parmi eux il y a des malheureux et des bienheureux », Ibn Ata Illah répondit de sa tombe d’une voix retentissante : « O, Kamal, nous n’éprouvons ni malheur ni tristesse. » Suite à cela, Kamal Ibn Al Hamam demanda à être enterré auprès de lui.

Aujourd’hui encore, les enseignements spirituels d’Ibn Ata Illah se perpétuent dans les cercles de spiritualités musulmans. Écrivain prolifique, il fut l’auteur de quelques ouvrages incontournables dans la spiritualité musulmane.

On peut citer parmi ses ouvrages disponibles en français :

De l’abandon de la volonté propre (Al-Tanwir fi isqat al-tadbir), trad. AbdAllah Penot (Alif Éditions, 1997)

La sagesse des maîtres soufis (Lata’if al-minan fi manaqib al-shaykh Abil-Abbas al Mursi wa shaykhi-hi al-shadhili abi l-Hasan), trad. Éric Geoffroy, Les Écritures Sacrés (Bernard Grasset, 1998)

Traité sur le nom Allâh (Al qasd Al Mujarrad fi ma’rifat al-Ism al-Mufrad, « Le Livre de l’Aspiration exclusive sur la Connaissance du nom Allah »), trad. Maurice Gloton (Éditions Les Deux Océans, 2001)

La clef de la réalisation spirituelle et l’illumination des âmes (Miftâh alfalâh wa misbâh al-arwâh), trad. Riordan Macnamara, Héritage spirituel (Éditions Albouraq, 2002)

Et son œuvre la plus répandue :

Hikam : paroles de sagesse : suivies d’un choix d’Epitres et des Entretiens confidentiels (Al-Hikam), trad. Titus Burckhardt & El Hâj ’Abd-ar-Rahmâne Buret, Collection Ratna, joyaux de la tradition orientale (Arché, 1999)

Ibn Ata Illah retourna auprès de son Seigneur au Caire en 1309 alors qu’il était âgé d’une soixantaine d’années. Puisse Dieu lui faire miséricorde. Amine.

IBN AJIBAH

Ibn Ajibah était un homme de sciences, de sagesses et un saint accompli. Il vit le jour en 1747àAl-Khamis, un village au nord-ouest de Tétouan au Maroc, dans une famille descendant du Prophète réputée pour sa piété et sa droiture. Ibn Ajibah manifesta très jeune de hautes aptitudes spirituelles et s’impliqua sans relâche dans la recherche de Dieu. Lorsqu’il était jeune enfant, à l’heure de la prière, il criait à sa mère « Lève-toi, va prier ! » Ne s’arrêtant que lorsque sa mère le prenait sur son dos pour aller prier.

Il fut très tôt attiré par les sciences religieuses, si bien qu’à treize ans seulement il avait entièrement appris le Coran. Préférant la solitude et le retrait plutôt que la compagnie des enfants de son âge, Ibn Ajibah quitta son village pour apprendre la psalmodie du Coran. Et après avoir passé cinq années auprès de plusieurs maîtres, il s’élança dans l’étude des sciences exotériques pendant douze ans à Tétouan et à Fès. C’est alors qu’il découvrit, parmi les nombreux ouvrages qu’il étudia, les « Hikam » d’Ibn Ata Illah qui provoquèrent en lui le profond désir de rentrer dans la voie du Soufisme.

Ibn Ajibah nous délivre dans son autobiographie que son corps cherchait Dieu dans les sciences et dans les actes d’adoration ; il passait ses nuits à veiller en prière jusqu’à l’aube ; son cœur était lui aussi consacré à l’invocation de Dieu. Si bien qu’après avoir lu à plusieurs reprises les Hikam d’Ibn Ata Illah, il désira ardemment, l’année de ses trente ans, abandonner ses études et vendre ses livres pour se dévouer entièrement à l’invocation de Dieu et à la prière sur le Prophète . Une nuit, alors qu’il priait dans le mausolée du maître Sidi Talha, il vit en songe ce dernier, lui conseillant de continuer à étudier la science. C’est ce qu’il fit, par respect pour le maître Sidi Talha, bien que son cœur n’était plus qu’orienté vers l’invocation de Dieu et à la prière du Prophète . Cette même prière qui lui faisait voir de brillantes lumières, des ornements et des choses extraordinaires dont il se détournait. De plus, il lisait le Coran dès qu’il le pouvait, si bien que chaque mois il parvenait à quatorze lectures complètes du livre saint.

Il devint ainsi un éminent savant qui vivait dans l’aisance. Il rentra dans la voie suite à sa rencontre avec le maître Al Darqawi et son élève Al Buzidi, dont il devint le disciple. Son maître commença son éducation spirituelle en lui préconisant le port de vêtements rapiécés, le don de ses biens, la mendicité, et le port de la roseraie autour du cou. Ceci, dans le but de s’attirer les blâmes des autres afin d’arriver à la perte de la distinction sociale. En effet au début de son entrée dans la Voie, Ibn Ajibah jouissait d’un grand prestige et d’un grand respect dans le cercle des savants et auprès des gens en général.

Il dit d’ailleurs : « aussitôt après mon initiation, je revêtis une djellaba de tissu grossier. Lorsque le maître me vit ainsi vêtu, il se réjouit beaucoup et acquit la certitude que je recevrais des lumières sur les secrets spirituels. Le jour suivant, je fis mon entrée dans la ville de Tétouan, vêtu de cette djellaba avec le groupe des disciples qui prononçaient “La Ilaha Ila Allah”. Beaucoup de gens nous regardaient, étonnés. J’entendis alors, au-dedans de moi, mon âme qui appelait au secours et criait ; mon corps ruisselait de sueur : c’était en effet la première fois que j’éprouvais une cassure. »

Ces comportements qui sortaient de la norme sociale attristèrent grandement sa famille et les gens de Tétouan, on le pleurait comme s’il était décédé.

Ibn Ajibah quitta ensuite la ville de Tétouan avec les disciples de son maître Darqawi, il retourna dans son village et y construisit un centre spirituel avec la permission de son maître. Durant quatorze ans, Ibn Ajibah parcourut la campagne avec ses disciples pour appeler les gens à revenir à Dieu et à La Voie. Suivant ses inspirations, ses pérégrinations furent l’objet de nombreux imprévus. Ce fut pour ses élèves de véritables voyages initiatiques. Au bout de trois années seulement, Ibn Ajibah comptait près de six-cents disciples qu’il recevait dans ses deux zawiyas. Il écrivit le livre iqad al himam, commentaire du livre al hikam d’Ibn Ata Illah, une trentaine années après l’avoir découvert.

Plusieurs de ses écrits ont été traduits en français :

Le soufi Marocain Ahmad Ibn Ajibah et son Mi’raj, Glossaire de la mystique musulmane, Études Musulmanes XIV (Librairie Philosophique J. Vrin, 1989)

Deux traités sur l’unité de l’Existence (Taqyidan fi wahdat al woujoud) (Al Quobba Zarqua, 1995)

L’ascension du regard vers les réalites du Soufisme (Kitab Mi’raj al-Tashawwuf ila Haqa’iq al-Tasawwuf), trad. Jean-Louis Michon, Héritage spirituel (Editions Albouraq, 2010)

Ibn Ajibah mourut en 1809 à l’âge de 62 ans à cause de la peste, qui avait également emporté ses enfants quinze années auparavant. Tout le long de sa vie, il fut grandement éprouvé puisqu’il perdit une vingtaine d’enfants. Son corps fut d’abord enterré à Ghmara puis déplacé auprès des siens. Une source d’eau est apparue autour du cercueil du maître, où aujourd’hui encore les gens vont boire, et vantent ses propriétés miraculeuses.

Aurélien Lépine

CHAPITRE 1

COMPTER SUR SES ŒUVRES

1. Avoir moins d’espoir en cas de faux pas est un signe que l’on compte sur ses actions.

Si tel était le cas, la science du soufisme (tassawuf ) n’existerait pas. Les résultats des véritables œuvres, et la récolte des fruits des actes purs, sont illustrés par la phrase suivante : « celui qui œuvre en fonction de la science qu’il a héritée de Dieu, il apprendra ce qu’il ne connaît pas encore. »1

Ainsi, notre maître Ibn Ata Illah commence à traiter le sujet des œuvres en disant : « Compter sur une chose revient à s’appuyer dessus et s’y fier ». L’acte est un mouvement du cœur u du corps. Si ce mouvement est fait en accord avec la Loi (shari’a