Sang-titre - Sébastien Decoster - E-Book

Sang-titre E-Book

Sébastien Decoster

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Beschreibung

Atteint d’un cancer rare, l’auteur de ce recueil ose nommer l’innommable et cherche à « donner du sens à l’insensé ». À travers ses vers, il exprime la lutte contre son « passager noir », la violence des traitements et les bouleversements qu’ils engendrent. Entre « souvenirs d’enfance comme autant d’ancrages », méditations philosophiques et confidences, il tisse un récit intime, « où l’ombre côtoie la lumière ». "Sang-titre", rédigé au fil des traitements, des douleurs et des doutes, est le témoignage d’un combat à la fois intime et universel, invitant chacun – malade, soignant, aidant, proche ou simple lecteur – à mieux comprendre ce que signifie « avoir un cancer ».

À PROPOS DE L'AUTEUR

À 40 ans, Sébastien Decoster apprend qu’il est atteint d’un cancer du sang rare qui s’attaque à ses reins, une maladie pour laquelle les médecins n’ont encore aucun traitement éprouvé. Conscient de l’issue incertaine, il trouve refuge et force dans l’écriture.

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Seitenzahl: 84

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Sébastien Decoster

Sang-titre

Ma bataille contre le cancer du sang

Recueil

© Lys Bleu Éditions – Sébastien Decoster

ISBN : 979-10-422-6685-1

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À ma femme,

merci d’avoir été là, chaque jour, chaque nuit.

Sans toi, cette bataille aurait été bien plus rude

À vous, médecins, infirmiers, aides-soignants,

et tout le personnel du service hématologie de Mulhouse,

merci d’avoir été ces anges qui ont veillé sur moi

Préambule

Avant de plonger dans les profondeurs de mon être et d’explorer l’épreuve qui a bouleversé ma vie, il m’a semblé essentiel de poser un point de départ : celui d’une existence avant que le cancer ne vienne frapper à ma porte et m’assaillir de plein fouet.

À toi, lecteur, qu’importe qui tu es : malade, en rémission, soignant, aidant ou proche d’un être touché par cette maladie, je ressens le besoin de te dire qui je suis avant tout. J’ai choisi de le faire à travers les premiers poèmes de ce recueil. Mon intention ? Te rappeler que le cancer ne choisit pas ses victimes. Il surgit, sans prévenir, et chamboule tout. Te donner envie de savourer chaque instant. T’expliquer que je suis né au cœur d’une vallée sidérurgique, façonnée par des cultures entremêlées et où le ciel pollué se teintait d’orange. Tu vois… il y a toujours du beau dans la laideur. Te dire que je n’ai pas suivi les traces de mon père ouvrier sidérurgiste, mais que je me suis engagé dans le travail social. Te chuchoter que depuis près de vingt ans, mon métier m’anime et me consume tout à la fois, au service de la protection de l’enfance. Un métier qui impose de s’impliquer avec ses tripes, d’encaisser sans fléchir, de se forger une armure émotionnelle. Un métier où l’on est confronté, jour après jour, aux oubliés d’une société fracturée, à l’indicible de la violence faite aux enfants. Il est évident que cela façonne une manière différente de ressentir, de gérer ses émotions… et de faire face au cancer. Pour moi, l’écriture et la poésie ont été un refuge, un moyen d’expression, pour faire face à cette lutte implacable.

Ces deux dernières années n’ont épargné ni mon corps ni mon âme. Apprendre que notre couple ne pourrait pas avoir d’enfant. Accompagner mon père jusqu’à son dernier souffle après une bataille acharnée contre cette même maladie. Puis, au moment où nous pensions enfin goûter au bonheur – une maison achetée, un foyer bâti, une promotion méritée pour mon épouse – le cancer est revenu s’insinuer dans nos vies. Silencieux, latent peut-être depuis longtemps, il s’est engouffré dans les fissures du destin.

Ce recueil est le témoignage de mon combat. Un exutoire né des prises de sang et des chimiothérapies. J’espère que ces mots, tissés les uns aux autres, pourront offrir un peu d’espoir, un souffle d’évasion ou simplement mettre en lumière ces maux que les mots ordinaires ne savent plus dire.

La vallée des anges

Dans la vallée où les vents soupirent,

Résonne l’écho d’un passé qui inspire,

Les hauts fourneaux en décrépitude se dressent,

Témoins muets d’une époque en détresse.

Autrefois, flamboyantes sentinelles de l’industrie,

Les fiers géants de fer, symboles de vie,

Emplissaient l’air de leur rugissement puissant,

Tandis que les ouvriers s’armaient de courage ardent.

Ils étaient les héros de cette contrée fière,

Des hommes robustes, forgés par la chaleur,

Leur front perlé de sueur, leur peau marquée,

De l’acier dans les veines, leur sang imprégné.

Dans leurs gestes, la symphonie du labeur,

Un ballet précis, une danse sans peur,

Le feu dans leurs yeux, la force dans leurs mains,

Ils construisaient le futur, loin des lendemains incertains.

La vallée résonnait d’un chant mélodieux,

Celui des âmes travailleuses aux cœurs généreux,

Les valeurs de solidarité et de fraternité,

Étaient les piliers de leur identité.

Mais le temps s’est érodé, les machines se sont tues,

Les hauts fourneaux ont perdu leur lueur continue,

La vallée a connu des jours sombres, des peines,

Mais jamais elle n’a renoncé, elle reste digne et sereine.

Aujourd’hui, les hommes continuent de se battre,

Dans les sillons tracés par leurs pères, ils s’entremêlent,

La culture ouvrière reste leur flambeau,

Et leur héritage, ils le portent haut.

Dans la vallée des anges, subsiste un espoir,

Comme une étincelle au creux du désespoir,

Les hauts fourneaux peuvent s’éteindre, mais jamais,

Ne mourra la fierté de ceux qui ont forgé la vallée.

Alors que le vent murmure dans les ruines du passé,

Les hommes de la Fensch1 se lèvent, prêts à avancer,

Dans leur cœur brûle une flamme inébranlable :

Le travail comme symbole intarissable.

Héritage

Dans l’ombre de l’aciérie, mon corps s’est forgé,

Où tombent les copeaux, chaque jour, à mes pieds.

Mon sang, ce métal, coule d’une source amère,

L’héritage toxique d’une enfance en fer.

Les pluies de particules, souvenirs de douleur,

S’infiltrent dans mes veines, marquent ma chaleur.

Chaque goutte, une scorie2, un poids qui s’accumule,

Dans ce creuset d’acier, ma vie se module.

Les hauts-fourneaux crachent, brûlant ma raison,

Je suis ce minerai, pétri d’illusions.

Dans la métallurgie de ma chair qui se tord,

Le passager noir s’installe, comme un feu qui dévore.

La maison de mon enfance

Au 65, rue Abbé Nicolay, elle se dresse,

La maison de mon enfance, qui jamais ne cesse.

Elle abrite en ses murs les souvenirs d’antan,

Au cœur de la Cerisaie où résonne le temps.

Elle veille au sommet de la vallée des anges,

Sidérurgique, fumante, sous ses airs étranges.

Son balcon joli, comme un sourire offert,

Où chaque regard s’égarait dans l’horizon clair.

En haut, sa terrasse accueillait les rires de l’été,

Et côté potager, le soleil s’attardait.

Sa porte d’entrée toujours ouverte,

Une tasse de café toujours offerte.

Dans la cheminée, le feu dansait, vibrant,

Réchauffant bien plus que les corps, les sentiments.

Chaque flamme racontait une histoire ancienne,

Elle brûlait doucement, comme un souffle d’éden.

Le long couloir, complice des jeux d’enfants,

Portait l’écho des pas, tantôt pressés, tantôt lents.

Et la cave, profonde, gardienne des premières peurs,

Sombre et mystérieuse, abritait tant de lueurs.

Mais c’est bien dans la cuisine que l’on donnait le LA,

Dans des odeurs chaudes, les samedis midi on se retrouvait là,

Autour de la table, les premiers débats,

Des cris, des paroles fortes, ma famille est de ceux-là.

Elle avait une âme, cette maison chérie,

Je garde une tendresse infinie pour chaque recoin précis.

Elle vivait avec nous… elle vieillissait aussi,

Témoin de nos rêves, de nos joies, de nos soucis.

Et même aujourd’hui, dans le creux de nos cœurs éloignés,

Elle demeure bien évidemment celle que j’ai tant aimée,

Douce gardienne de mon enfance, celle qui m’a tant bercé.

Je sais qu’elle est encore là,

Je ne sais comment elle se porte, en hiver, en été,

Mais elle se trouve toujours là,

Au 65, rue Abbé Nicolay…

La Cerisaie3

La Cerisaie, refuge d’enfance et de jeux,

Où le ciel embrasé se teintait de feu,

Je courais dans les bois, explorant le secret

Des arbres complices, où nos cabanes naissaient.

On grimpait aux cerisiers, cherchant le goût sucré,

Les mains tachées de rouge, les poches remplies,

Et chaque tronc avait un nom murmuré,

Comme un ami discret, éternel abri.

Les soirs d’été, le chemin devenait scène,

Où l’on se retrouvait, voisins et amis,

Sur les marches usées, on partageait sans peine

Les histoires, les rires, les espoirs, les oublis.

Là-haut, la vue s’ouvrait, libre et apaisée,

Un monde préservé, à l’abri du tumulte,

Dans le doux souvenir de cette Cerisaie,

Un coin de paradis, que mon cœur exulte.

Sang berceau

Nos mains vides portent pourtant tant d’amour,

des bras prêts à bercer, un cœur à offrir.

Mais le destin a soufflé sur nos espoirs,

éteignant le rêve d’un enfant à venir.

Elle, ma femme au courage immense,

avait déjà fait la paix avec ce manque.

Puis moi, frappé à mon tour,

héritier d’un mal inscrit dans mes veines,

un sang trop lourd pour nourrir un berceau.

Sang berceau… drôle d’héritage,

filiation brisée que je ne pourrai transmettre.

Est-ce un deuil ou une délivrance ?

Parfois, je ne sais plus.

Mais dans ses bras, il y a un refuge,

dans son regard, une promesse de vie.

Nous ne serons jamais parents,

mais nous sommes plus que ce que dicte la chair.

Notre amour est une existence en soi,

une histoire qui n’a pas besoin de descendance

pour laisser une trace,

pour remplir nos jours d’un sens profond.

Alors je l’aime, je l’aime sans regret,

et même si parfois le manque revient,

je sais que nous sommes complets,

deux âmes tissées d’un même serment.

Un père sang est allé

Ce fut d’abord une attente indécente,

Puis les mots du docteur.

S’abat alors le malheur :

Une rencontre avec toi… étendu là.

C’est ton visage mais ce n’est déjà plus toi.

Vient alors le silence du face-à-face.

Dans ma bouche… un goût amer.

Dans ta bouche, le goût du sang.

Un peu plus loin, j’aperçois le dos courbé de maman.

Ses mains accablées entourent sa tête.

Puis, sur un dernier air de Reggiani,

La nuit froide arrive ici.

Me voilà seul dans cette chambre de réa.

Un dernier tête-à-tête père/fils. Nous y voilà.

Deux nuits entières à te tenir la main,

Te coiffer, t’éponger, te recouvrir.

Chaque quart d’heure le chant des machines