Sarah - Joy Quaratiello - E-Book

Sarah E-Book

Joy Quaratiello

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Beschreibung

« Je refuse de m’engager, d’aimer, par peur d’être brisée. Peut-être. »

Sora, jeune photographe, vit au Japon depuis ses 16 ans. Rêvant d’une grande carrière artistique, elle met tout en place afin de créer une exposition qui lui ressemble. Entourée de ses amis et de sa famille, elle œuvre tous les jours à donner le meilleur d’elle-même, que ce soit au niveau professionnel ou personnel. Tout se déroule comme elle l'imaginait. Tout, sauf cette rencontre qui va bouleverser tous ses plans.

Vivez au rythme des émotions dans ce roman bouleversant. Une aventure palpitante qui mènera Sora à découvrir un monde insoupçonné.


À PROPOS DE L'AUTRICE

Joy Quaratiello est née en 1994 dans le canton du Jura en Suisse. Elle réside désormais sur les rives du Léman près de Vevey. Dès son plus jeune âge, elle est fascinée par la création d'histoires. Sa passion pour l'écriture s'est développée plus tard, alimentée par son désir de partager ses récits avec le monde. C'est à travers "Sarah" qu'elle a trouvé la force de donner vie à ses idées.

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Joy Quaratiello

Sarah

© 2023, Joy Quaratiello.

Reproduction et traduction, même partielles, interdites.Tous droits réservés pour tous les pays.

ISBN 9782940723874

Le feu de signalisation passe au vert. La foule se précipite de l’autre côté de l’avenue. Je ne bouge pas, obnubilée par la multitude d’êtres alignés comme des soldats autour de moi. Quelqu’un me pousse brutalement afin de me sortir de mes pensées. J’avance. C’est Hina, ma sœur. Je n’arrive pas à suivre notre conversation. Mon cerveau est en ébullition. Un flot incessant d’informations le traverse, ma créativité s’est réveillée. D’où provient cette agitation ? Je réalise actuellement le projet qui clôturera mes études, je ne pense qu’à ça. Je suis en dernière année à l’école d’art de Tokyo. Passionnée par la photographie depuis toujours, j’ai choisi cette voie par intérêt. Je dirais même par vocation.

– Sora, tu pourrais au moins faire semblant de m’écouter.

Ma sœur me parle. Je m’excuse de ne pas avoir participé. Nous arrivons devant la maison de nos parents. Il est tard.

– Ah, vous voilà ! Sora, tu n’as pas mis de veste. Tu vas encore attraper froid. Et toi, Hina, dépêche-toi de venir mettre la table.

Irritée par notre retard, notre mère en oublie presque de nous saluer. Vite, il faut passer à table. Soupe miso1, riz et poisson grillé. L’alliance parfaite.

– Alors, Hina, tu n’as toujours pas trouvé de petit ami ?

Les histoires d’amour ne m’intéressent pas vraiment. Cette conversation m’ennuie déjà. Notre mère, quant à elle, adore ça. Elle rêve de marier ses filles rapidement. Déconcertée, Hina lui répond que non.

– Et toi, alors ? m’interroge-t-elle.

– Chaque semaine, c’est la même rengaine. Tu sais très bien que ce n’est absolument pas ma priorité en ce moment. Mais ne t’inquiète pas. Tu serais la première au courant si cela devait changer !

Je l’entends marmonner dans son coin. Cette discussion est close, mais pour combien de temps encore ?

Hina ricane, car elle sait tout de ma vie, beaucoup plus que notre mère. J’accumule les histoires sans lendemain. Rien de sérieux. Une distraction. Je n’ai aucune envie de m’engager, encore moins de m’investir. La totalité de mes actions, de mes pensées, est destinée à mon art. Un jour peut-être, je trouverai quelqu’un avec qui partager ma vie. Pour le moment, je me sens en décalage avec les jeunes d’ici. Les Japonais sont souvent trop obséquieux à mon goût. Lisses, anodins. Les étrangers, eux, sont juste à la recherche d’une Japonaise innocente, un peu prude.

Hina rêve de trouver son prince charmant. Comme notre mère, c’est une vraie fleur bleue. Nous sommes totalement différentes et pourtant inséparables. Complémentaires, je dirais. Elle est douce, réfléchie et déterminée, contrairement à moi qui ai un tempérament de feu et qui agis à l’instinct, spontanément. J’aime l’action. Elle, la routine.

– J’aimerais bien avoir un petit ami, moi, chuchote Hina.

– Eh bien, ne te gêne pas. En plus, ça ferait plaisir à maman.

Le sujet, que je n’écoute qu’à moitié, car je suis peu intéressée, perdure dans la conversation entre ma mère et ma sœur. Hina dit qu’elle aimerait se marier, avoir une famille. Encouragée par ma mère, ma sœur se met à rêver d’un futur peu réaliste.

 

De retour à mon appartement, je ne me sens pas fatiguée. Je m’assieds sur mon lit, puis me laisse tomber. Les yeux rivés sur le plafond, je ressasse nos conversations familiales. Pourquoi est-ce aussi important de trouver l’amour ? Je ne me retrouve pas dans ces schémas. A-t-on besoin d’être deux pour accomplir de grandes choses ? Est-ce vraiment mieux que de le faire seule ? Je n’ai jamais été amoureuse. Je ne sais pas ce que ça fait de perdre pied par amour ou d’être capable de tout pour cet autre. Un jour, je le serai peut-être. J’apprécierais, je crois, malgré tout.

J’appelle Jiro, mon meilleur ami. Nous parlons pendant des heures. Jiro est un peu plus vieux que moi. Il a déjà terminé ses études et vient de commencer un nouvel emploi pour le prestigieux magazine de mode Vogue. J’adore l’écouter. Il a un don pour conter ses histoires. Il n’hésite jamais à abuser des détails et en faire des tonnes pour captiver son auditoire. Sa vie professionnelle a l’air exaltante. Son travail dans la communication le passionne et le rend heureux. Je suis contente pour lui. Je lui dis.

Je lui touche un mot de la discussion familiale que nous avons eue, car je sais déjà qu’il me comprend, qu’il a la même opinion que moi. Ça me réconforte.

Compère de la première heure, Jiro habitait dans notre quartier étant petit. Plein de vie et extrêmement positif, il nous tire vers le haut, Hina et moi.

1 Soupe à base de pâte de soja fermentée.

Le soleil tape sur mon visage. L’automne est doux. Shimokitazawa2 est bien plus calme qu’Harajuku3. Moins excentrique, moins touristique. L’ambiance me correspond. Je déambule d’un bâtiment à l’autre. Je me sens dans mon élément. Ici, les magasins vendent des articles vintage. L’atmosphère y est jeune et artistique.

Malgré tout, la mélancolie me parcourt. Lorsque je suis seule, je me perds souvent dans mes pensées. Je m’interroge, remets mes choix en question. Cette fois, un sentiment de solitude s’empare de moi. Pourtant, mes journées sont surchargées, mes amis toujours à mes côtés, mais, ponctuellement, je ressens une distance entre ce que je vis et ce que j’aimerais vivre. Ironie. Quel est ce manque qui m’envahit certaines fois ? Il est impossible à comprendre. Impossible à définir.

J’essaie un t-shirt. Je nage dedans. Il me plaît. Je l’achète. Je continue de naviguer dans cette rue. M’arrête devant un magasin. Un couple est à l’intérieur. La fille tient un pull dans ses mains sur lequel un chien avec un chapeau de père Noël est brodé au centre. Ils rigolent, ont l’air heureux. Je ne profite pas vraiment de ce moment. Rentrer me paraît approprié, je n’ai plus rien à faire ici.

Sur le chemin du retour, je repense à ce couple. Je les envie un instant. Ils avaient l’air bien ensemble. Épanouis. Je me demande si je le suis. Évidemment, j’ai toujours cru que oui. Je vis dans un endroit que j’affectionne, j’ai des proches aimants, mais me manque-t-il quelque chose ? J’ai toujours pensé que l’amour, la vie de couple n’étaient pas faits pour moi. Me serais-je juste voilée la face ? Par peur, peut-être. Crainte de l’ennui, de la monotonie, de la lassitude, je ne sais pas. Si un jour je goûtais à ça, si je me laissais tenter par le fruit défendu, le regretterais-je ? En y réfléchissant, ma vie n’a été qu’une succession de déceptions et d’abandons. Cette croyance est ancrée en moi et m’empêche de faire confiance. Je refuse de m’engager, d’aimer, par peur d’être brisée. Peut-être.

2 Quartier branché au sud-ouest de Tokyo connu pour ses bars et ses friperies.

3 Quartier animé et haut lieu de la mode au sud-ouest de Tokyo.

Le magasin est vide. Tous nos collègues sont déjà partis, il ne reste que ma sœur et moi. Nous nous réjouissons de pouvoir enfin fermer la boutique.

– J’ai très envie de sortir ce soir. Allons manger ensemble ! propose Hina.

– C’est une excellente idée. J’ai vraiment besoin de changer d’air.

Mon moral change tous les jours. Avec l’automne qui s’est installé, le manque de soleil et de chaleur me rendent un peu aigrie. Négative, je n’arrive pas à me projeter dans l’avenir, j’ai l’impression de stagner dans ma vie. J’aimerais en faire plus, toujours plus. Cela fait six mois que mes études sont terminées et je n’arrive pas à décrocher de grands contrats. De plus, je travaille toujours chez ce fleuriste, alors que je m’étais juré d’arrêter une fois mon diplôme en poche.

Récemment, je me suis lancé le défi de créer une exposition de photographies. Pour cela, j’ai besoin de beaucoup de temps et d’argent. Deux choses que je n’ai pas en abondance, malheureusement.

Comme souvent, nous atterrissons dans un restaurant de nouilles. Rien de mieux pour nous réchauffer le cœur qu’un bol de udon4. Le restaurant est rempli. Le brouhaha assourdissant ne nous empêche pas de discuter. Quels sont les derniers évènements importants à raconter ? Quelle nouvelle lui annoncer ? Ma sœur est ma plus grande confidente et surtout ma meilleure conseillère. Elle n’hésite jamais à me donner son avis sincère ou à me rappeler à l’ordre lorsque j’explore des chemins trop douteux.

Nos plats arrivent. Les nouilles épaisses flottent dans un bouillon gras. Quelques champignons les accompagnent et, sur le dessus, se dressent deux crevettes panées. L’odeur est douce et délicate. Je me délecte de ce repas.

 

Ce soir, l’envie de prolonger notre sortie nous amène dans un bar branché de la capitale. Nous n’y avons jamais mis les pieds. C’est Jiro qui nous l’a conseillé, lui qui est toujours au courant des lieux tendances à fréquenter. Il y est déjà allé. C’est somptueux, nous a-t-il dit. Nous l’y retrouvons.

Lorsque nous entrons, nous sommes immédiatement choqués par la taille de l’établissement. Chose peu courante à Tokyo, il y a même un deuxième étage. Une sorte de mezzanine ouverte sur le reste. Ça m’a l’air privé. La décoration est de style industriel. Un grand escalier en métal permet d’accéder au niveau supérieur. Sur cet espace, il y a des tables mais aussi de grands canapés d’une couleur sombre, proche du bordeaux. À l’endroit où nous sommes, seulement des tables en bois et métal. La musique n’est pas très forte, mais permet d’instaurer une ambiance agréable.

Nous retrouvons Jiro et Yumi, ma camarade de classe. Le quatuor est au complet. Nous buvons quelques verres, rigolons. Soudain, l’atmosphère change. Autour de nous, les gens commencent à chuchoter. Un homme vient à l’instant d’entrer dans le bar, suivi par trois autres garçons. Il marche vite, d’un pas sûr. Son regard est fixe. Il ne divague pas. Il dégage une prestance impressionnante.

Dès que je le vois, je suis complètement hypnotisée. Il est englouti dans un blouson de cuir et ses cheveux bruns lui couvrent le front, lui tombent devant les yeux. Il n’est pas très grand, mais paraît important. J’aperçois des tatouages sur ses poignets et quelques piercings sur ses oreilles rougies par le froid. Il me captive.

– Sora ! Ne le regarde pas comme ça, lance ma sœur en me tapant sur la nuque afin que je baisse la tête.

– Ne me dis pas ce que je dois faire, Hina.

– Ce n’est pas n’importe qui, Sora, ta sœur a raison. On ne plaisante pas avec ces gens-là.

Jiro, toujours au courant de tout, nous explique que, d’après les rumeurs, cet endroit est tenu par des yakuzas5.