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Entre nuit et mer, ce recueil explore les profondeurs de la mémoire et du silence. La nuit, propice à la rêverie comme à l’introspection, laisse surgir les ombres de l’histoire coloniale, de l’esclavage, de l’engagisme et de l’exil – choisi parfois, subi le plus souvent. La mer, tour à tour refuge et frontière, convoque les souvenirs de peuples déracinés, emportés loin de leurs terres. Elle accueille autant qu’elle rejette, indomptable, insoumise aux lois humaines. Dans ces poèmes, l’imaginaire du poète devient une traversée : celle des douleurs enfouies, des errances et des renaissances.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Avec "Songes des archipels silencieux", Ari Gautier fait résonner pour la première fois la voix oubliée de Pondichéry, marquée par l’esclavage et l’engagisme. Né d’une mère malgache et d’un père tamoul dalit, il revendique sa “NégroDalitalité” comme un hommage poétique à ces identités longtemps marginalisées. Ce recueil est le récit d’une mémoire rebelle, entre douleur et fierté, entre nuit et mer.
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Seitenzahl: 43
Veröffentlichungsjahr: 2025
Ari Gautier
Songes des archipels silencieux
Recueil
© Lys Bleu Éditions – Ari Gautier
ISBN : 979-10-422-7775-8
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Appelé par la mer, Ari Gautier trace les contours d’une poésie transocéanique, nourrie des vagues migratoires courant de l’Inde du Sud et de l’Afrique vers les îles de l’océan Indien. Son imaginaire versifié se fait le reflet de la voix des subalternes, des dalits et de leurs descendants, demeurée dans l’ombre de l’histoire globale. La lecture de son anthologie laisse entrevoir la richesse d’inspiration du vécu des esclaves et des engagés des îles à sucre, dont la mémoire reste encore à explorer et diffuser, par-delà des continents.
Céline Ramsamy-Giancone
Docteure en histoire contemporaine
Université de La Réunion
Dans le tumulte de l’océan, un cri s’étouffe,
Les vagues charrient des os sans nom,
Des mains noires, enchaînées, agrippent l’ombre,
Et le vent, complice, hurle leur affront.
Le bateau gémit. Dans la cale qui suinte l’oubli,
Sur les corps entassés comme des pierres brutes,
Le fouet claque, dessine des rivières rouges,
Et le soleil, aveugle, brûle leur mutisme.
Ô contrée volée, mère aux entrailles pillées,
Tes enfants marchent, pieds nus, sur une terre étrangère.
Leurs rêves noyés dans le supplice des négriers,
Leurs chants brisés par le sel et la misère.
Mais écoute, sous les fers, un souffle tremble,
Un murmure tisse des siècles de rage,
Dans leurs yeux, un feu que rien n’éteint,
L’esclave porte l’aube, même en cage.
Elle rampe, la violence.
Sous la peau crevassée des ravines,
Griffes de corail, souffle de cendre,
Elle suinte dans l’humus.
Goutte noire entre les racines du vacoa.
C’est un cri étouffé dans le roulis des galets,
Une machette qui dort sous la rouille,
Mais qui rêve encore de trancher.
Les silences, les chairs, les prières,
Elle a le goût du sel et du sang.
Fille des vagues qui battent les os des noyés,
Sœur des vents qui plient les filaos,
Elle danse, ivre, sur les cendres du volcan,
Maloya des damnés, tambour des oubliés.
Sous les cases, elle gratte,
Dans les yeux des enfants aux mains vides,
Elle grogne,
Bête affamée que nul ne dompte.
Née des chaînes brisées,
Des terres volées,
Des mots tus jusqu’à l’éclat.
Mais écoute : le tamarin pleure sa sève.
La mer rend ses morts au rivage,
Et dans le creux d’une main usée,
Un grain de lumière défie ses crocs.
La violence hurle.
Mais l’île, elle, respire encore.
Sous le ciel brûlant, plié comme un roseau,
Le girmitiya marche, dos courbé, fardeau muet.
Son silence laisse des sillons sur l’eau,
Rouge, sang séché d’un labeur discret.
Le vent ne lui parle pas, il siffle et s’enfuit,
La mer l’a craché sur ces rives sans nom,
Un contrat d’encre, une chaîne sans bruit,
Son souffle est une mélodie que nul n’entend résonner au fond.
Ses mains, nouées de cals, tissent la mort,
Canne à sucre, indigo, sueur pour les rois.
Il porte le monde, mais le monde l’ignore,
Ombre parmi les ombres, sans terre, sans voix.
Et pourtant, dans ses yeux, une braise vacille,
Un éclat d’étoile volé à la nuit noire.
Il rêve d’un manguier, d’un soleil qui brille,
D’un retour impossible au pays de mémoire.
Jahaji bhai, frère d’exil, fantôme vivant,
Ton pas lourd fait trembler la terre endormie.
Dans tes silences, hurlent mille vents,
Et ta peine est un poème que l’histoire a trahi.
Tel un linceul mouillé,
Le spleen s’étire, serpent d’encre, sur les toits fissurés.
Il jure que les étoiles saigneront pour moi.
Au loin, un chant créole enchaîné, un oppari étouffé.
Les vagues cognent, monotones, contre le quai rouillé,
Portant l’écho des voiles parties, des amours jamais revenus,
Le jasmin pend, flétri, aux fenêtres closes,
Et l’air pèse, saturé d’un sel qui brûle les vues.
Dans la pénombre d’une maison hantée,
Les murs perlent des souvenirs qu’on n’ose dire,
Le tic-tac d’une horloge brisée martèle le vide,
Et mon cœur, vieille barque, refuse de partir.
L’arbre neem tremble sous un vent qui ne soulage rien,
Les hiboux hululent, mandiravadis d’un rien éternel,
Le spleen n’est pas une lame, mais une pluie fine,
Qui noie l’âme dans un silence trop réel.
Ô bouteille, menteuse, prophète,
Chaque gorgée de ton poison est un chant aux dieux
Qui ont fui les échoppes de saarayam,
Leurs âmes trop propres pour cette boue.
Le sol tangue –
Une roue de rickshaw crache la fange,
Je règne, prince des caniveaux,