Sur l'inconséquence du jugement public de nos actions particulières - Denis Diderot - E-Book

Sur l'inconséquence du jugement public de nos actions particulières E-Book

Denis Diderot

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Beschreibung

Extrait : "Et c'est ainsi que de bouche en bouche, échos ridicules les unes des autres, un galant homme est traduit pour un plat homme, un homme d'esprit pour un sot, un homme honnête pour un coquin, un homme de courage pour un insensé, et réciproquement. Non, ces impertinents jaseurs ne valent pas la peine que l'on compte leur approbation, leur improbation pour quelque chose dans la conduite de sa vie. Ecoutez, morbleu ; et mourez de honte."

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EAN : 9782335001532

©Ligaran 2015

Sur l’inconséquence du jugement public de nos actions particulières

Rentrons-nous ?

– C’est de bonne heure.

– Voyez-vous ces nuées ?

– Ne craignez rien ; elles disparaîtront d’elles-mêmes, et sans le secours de la moindre haleine de vent.

– Vous croyez ?

– J’en ai souvent fait l’observation en été, dans les temps chauds. La partie basse de l’atmosphère, que la pluie a dégagée de son humidité, va reprendre une portion de la vapeur épaisse qui forme le voile obscur qui vous dérobe le ciel. La masse de cette vapeur se distribuera à peu près également dans toute la masse de l’air ; et, par cette exacte distribution ou combinaison, comme il vous plaira de dire, l’atmosphère deviendra transparente et lucide. C’est une opération de nos laboratoires, qui s’exécute en grand au-dessus de nos têtes. Dans quelques heures, des points azurés commenceront à percer à travers les nuages raréfiés ; les nuages se raréfieront de plus en plus ; les points azurés se multiplieront et s’étendront ; bientôt vous ne saurez ce que sera devenu le crêpe noir qui vous effrayait ; et vous serez surpris et récréé de la limpidité de l’air, de la pureté du ciel, et de la beauté du jour.

– Mais cela est vrai ; car tandis que vous parliez, je regardais, et le phénomène semblait s’exécuter à vos ordres.

– Ce phénomène n’est qu’une espèce de dissolution de l’eau par l’air.

– Comme la vapeur, qui ternit la surface extérieure d’un verre que l’on remplit d’eau glacée, n’est qu’une espèce de précipitation.

– Et ces énormes ballons qui nagent ou restent suspendus dans l’atmosphère ne sont qu’une surabondance d’eau que l’air saturé ne peut dissoudre.

– Ils demeurent là comme des morceaux de sucre au fond d’une tasse de café qui n’en saurait plus prendre.

– Fort bien.

– Et vous me promettez donc à notre retour…

– Une voûte aussi étoilée que vous l’ayez jamais vue.

– Puisque nous continuons notre promenade, pourriez-vous me dire, vous qui connaissez tous ceux qui fréquentent ici, quel est ce personnage long, sec et mélancolique, qui s’est assis, qui n’a pas dit un mot, et qu’on a laissé seul dans le salon, lorsque le reste de la compagnie s’est dispersée ?

– C’est un homme dont je respecte vraiment la douleur,

– Et vous le nommez ?

– Le chevalier Desroches.

– Ce Desroches qui, devenu possesseur d’une fortune immense à la mort d’un père avare, s’est fait un nom par sa dissipation, ses galanteries, et la diversité de ses états ?

– Lui-même.

– Ce fou qui a subi toutes sortes de métamorphoses, et qu’on a vu successivement en petit collet, en robe de palais et en uniforme ?

– Oui, ce fou.

– Qu’il est changé !

– Sa vie est un tissu d’évènements singuliers. C’est une des plus malheureuses victimes des caprices du sort et des jugements inconsidérés des hommes. Lorsqu’il quitta l’Église pour la magistrature, sa famille jeta les hauts cris ; et tout le sot public, qui ne manque jamais de prendre le parti des pères contre les enfants, se mit à clabauder à l’unisson.

– Ce fut bien un autre vacarme, lorsqu’il se retira du tribunal pour entrer au service.

– Cependant que fit-il ? un trait de vigueur dont nous nous glorifierions l’un et l’autre, et qui le qualifia la plus mauvaise tête qu’il y eût ; et puis vous êtes étonné que l’effréné bavardage de ces gens-là m’importune, m’impatiente, me blesse !

– Ma foi, je vous avoue que j’ai jugé Desroches comme tout le monde.

– Et c’est ainsi que de bouche en bouche, échos ridicules les unes des autres, un galant homme est traduit pour un plat homme, un homme d’esprit pour un sot, un homme honnête pour un coquin, un homme de courage pour un insensé, et réciproquement. Non, ces impertinents jaseurs ne valent pas la peine que l’on compte leur approbation, leur improbation pour quelque chose dans la conduite de sa vie. Écoutez, morbleu ; et mourez de honte.