Testament spirituel - Frédéric Serge Kogué - E-Book

Testament spirituel E-Book

Frédéric Serge Kogué

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Beschreibung

Cet ouvrage met en lumière l’engagement méconnu de Benoît XVI envers la jeunesse. Il vise à partager, avec tous, les réflexions mémorables de ce « Pape intellectuel » dédiées aux jeunes. Ces écrits sont empreints de la vision prophétique qui définit leur auteur.


À PROPOS DE L'AUTEUR 

Ex-directeur de la Pastorale des jeunes, le Père Frédéric Serge Kogué est titulaire d’un doctorat en Théologie dogmatique portant sur le thème « Benoit XVI, le sacerdoce et les jeunes ». Dans cet ouvrage, il revient sur cette relation absolument inconnue entre le pape et la jeunesse pour en dégager la fraîcheur, la richesse et l’actualité.

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Veröffentlichungsjahr: 2023

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Frédéric Serge Kogué

Testament spirituel

Ce que Benoît XVI a dit aux jeunes

d’hier, d’aujourd’hui et de demain

© Lys Bleu Éditions – Frédéric Serge Kogué

ISBN : 979-10-377-9951-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À Claire

À Stella Kate

Préface

N’est-ce pas téméraire et audacieux que d’écrire un livre sur les relations du pape Benoît XVI avec les jeunes ? Pour les catholiques de ma génération, le pape des jeunes c’est saint Jean-Paul II ! je me souviens encore de ce grand rassemblement organisé au Parc des Princes à Paris lors de son voyage en France en 1980, j’avais 19 ans : quel bel élan il avait alors donné à la jeunesse française par son charisme, sa proximité naturelle et la profondeur de ses propos !

Au contraire de Saint Jean-Paul II, le pape Benoît était un homme effacé, tout intérieur… On pouvait penser que les longues années passées comme préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi ne l’avaient pas préparé à affronter les foules et à présider les grands rassemblements de jeunes comme les JMJ dans lesquels son prédécesseur était si à l’aise ! Pourtant, son humilité, sa fragilité ont touché les jeunes dès le début de son pontificat, et ils ont découvert très rapidement la profondeur et la force de son témoignage de foi. Les méditations qu’il a prononcées, par exemple, lors des JMJ de Cologne ont profondément marqué et nourri les millions de jeunes catholiques rassemblés pour l’écouter. Ainsi est né ce qu’il convient d’appeler la génération « Benoît XVI ».

Aussi comment ne pas se réjouir que, quelques mois après son retour au Père, le père Frédéric Kogué publie un ouvrage qui présente aux lecteurs le riche héritage que le Pape Benoît laisse aux jeunes. En le lisant, vous découvrirez que si cet héritage s’est inscrit dans la continuité de celui laissé par Saint Jean-Paul II, Benoît XVI a eu à cœur de le recentrer sur Celui qui est à l’origine de la foi : l’expérience de la rencontre du Christ comme source de l’engagement missionnaire : le christianisme, avant tout, n’est pas une morale, mais une expérience de Jésus-Christ qui nous aime personnellement, jeunes ou vieux, pauvres ou riches ; il nous aime également lorsque nous lui tournons dos1. Ainsi rappelle-t-il aux jeunes à de nombreuses reprises que si les chrétiens sont appelés à chercher la vérité, celle-ci n’est pas une idéologie, une philosophie ou un catalogue de préceptes mais une personne, ce Dieu qui a fait le choix de se faire homme en Jésus-Christ. Inlassablement et dès le premier jour de son pontificat, il invitera les jeunes à repartir du Christ : Ainsi, aujourd’hui, je voudrais, avec une grande force et une grande conviction, à partir d’une longue expérience de vie personnelle, vous dire, à vous les jeunes : n’ayez pas peur du Christ ! Il n’enlève rien et il donne tout. Celui qui se donne à lui reçoit le centuple. Oui, ouvrez, ouvrez tout grand les portes au Christ – et vous trouverez la vraie vie2.

Le livre de Frédéric Kogué sera un outil précieux pour les jeunes et pour leurs éducateurs. Il permettra de garder vive la mémoire du pape Benoît et d’entrer plus avant, grâce à lui, dans la connaissance de notre Dieu qui ne peut faire l’économie de la rencontre aimante du Christ, Fils de Dieu et Frère des hommes. Le pape François poursuivra cette intuition en s’adressant aux jeunes. Il leur écrira : Si tu parviens à apprécier, avec le cœur, la beauté de cette nouvelle, et que tu te laisses rencontrer par le Seigneur, si tu te laisses aimer et sauver par lui, si tu entres en amitié avec lui et commences à parler avec le Christ vivant des choses concrètes de ta vie, tu feras la grande expérience, l’expérience fondamentale qui soutiendra ta vie chrétienne. C’est aussi l’expérience que tu pourras communiquer aux autres jeunes. « Parce qu’à l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive.3 »

+ Laurent Percerou

Évêque de Nantes

Président du Conseil

pour la Pastorale des enfants et des jeunes

au sein de la Conférence des évêques de France

Je vous remercie pour l’enthousiasme qui doit toujours caractériser vos âmes, non seulement dans vos jeunes années, pleines d’attentes et de rêves, mais pour toujours, même quand les années de la jeunesse seront passées et que vous serez appelés à vivre d’autres âges de la vie. Mais nous devons tous rester jeunes dans le cœur. Il est beau d’être jeune et tous aujourd’hui veulent être, veulent rester jeunes, et endossent le masque de la jeunesse.

Benoît XVI, Discours, 18 mai 2008

Visite pastorale à Savone et à Gênes

Introduction

Vous, les jeunes,

Vous n’êtes pas seulement l’avenir de l’Église et de l’humanité.

Comme s’il s’agissait d’une sorte de fuite du présent.

Au contraire : vous êtes le présent jeune de l’Église et de l’humanité.

Vous êtes son visage jeune.

Benoît XVI, 10 mai 2007

Samedi 20 août 2011. C’était à Madrid. Pendant la grande veillée de prière au cœur des Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ), une violente tempête se déchaîna. Elle faisait voler microphones, instruments de musiques, bâches et autres installations du comité d’organisation. Le Pape venait de perdre sa petite calotte4 blanche, emportée par le vent en furie. Le protocole et les agents de sécurité se précipitent pour lui adresser discrètement une question qui avait tout l’air d’une suggestion : Vu la météo très défavorable, voulez-vous vous retirer? Il répondit : Non, je reste avec les jeunes !

Ce Non, je reste avec les jeunes ! en disait long sur l’amour du Pape Benoît XVI pour les jeunes. Lorsqu’on évoque le binôme « papauté et jeunes », il est presque instinctif de penser à Jean-Paul II. Et pour cause : fondateur des Journées Mondiales de la Jeunesse en 1984, il a marqué les esprits comme étant le Pontife qui s’occupait et se préoccupait de la jeunesse. En revanche, en ce qui regarde son successeur, sa prédilection et son dévouement pour la cause de la jeunesse sont peu connus. Il est plutôt vu comme le Pape intellectuel. Très peu savent, par exemple, qu’il a passé une belle partie de son ministère de jeune prêtre au milieu des jeunes en paroisse et dans les universités. Voilà tout l’enjeu de ce livre : mettre en lumière ce qu’a été la relation de Benoît XVI à cette frange de la population mondiale et catholique. Cet ouvrage entend proposer à tous, les merveilleuses pages des réflexions que Benoît XVI a adressées aux jeunes, réflexions qui se lisent avec émerveillement et appétit et restent imprégnées de la vision prophétique qui caractérise leur auteur.

Ce que Benoît XVI a pu confier aux jeunes garde toute sa richesse et sa fraîcheur. Ses textes ont beaucoup à dire aux jeunes d’aujourd’hui, d’hier et de demain. Je me propose, par une petite série de questions, d’accompagner le lecteur jusqu’au seuil de chaque texte tout en m’éclipsant le plus possible de la scène, afin de le laisser goûter et savourer les délices de la cohérence interne irrésistible de l’argumentation du Pape. Chaque adresse du Pape aux jeunes est résumée et concentrée dans un titre qui pourrait aider à savoir là où l’on va. Il n’est pas nécessaire de rappeler que le langage est accessible à tous, loin des idées reçues sur une présumée difficulté de lecture et de compréhension des réflexions du Souverain Pontife allemand. Si les jeunes n’ont pas eu du mal à le comprendre, alors nous pouvons oser conclure, sans risque de nous tromper, que les moins jeunes devraient, de manière plus aisée, saisir la simplicité de sa pensée.

Puissent les uns et les autres trouver en ce livre un remède et un réconfort contre le mal de vivre qui gagne tant de cœurs jeunes et moins jeunes !

L’héritage de Jean-Paul II

et la nouvelle approche de Benoît XVI

Une approche et une sensibilité éducative ratzingerienne

L’élection du souverain Pontife

a élargi le cœur du cardinal Ratzinger

et a changé son langage.

Carlo Nanni

Chaque personne humaine est fruit et produit de sa propre éducation et de son propre parcours. À cette vérité anthropologique ne saurait échapper J. Ratzinger/Benoît XVI. En effet, la formation et l’éducation de Joseph Ratzinger en ont fait un Pape Benoît XVI dont l’approche et la sensibilité sont particulières et tout à fait orientées vers la réflexion, la pensée et la théologie. Il n’arrête jamais de proposer une approche théologique de chaque élément qu’il se prend à analyser. Il est donc difficile de se retrouver en face d’un thème de réflexion que Benoît XVI n’ait jamais sondé d’un point de vue théologique.

En effet, il appréhende très fortement la présence du mal dans le monde et dans l’Église, la papauté, les signes des temps, la pédophilie, la question des juifs et celle des orthodoxes, l’œcuménisme, la souffrance et la croix, l’histoire et son sens, le relativisme moral, cultuel et culturel, les différentes formes d’oppressions idéologiques, la « saleté » dans le monde et dans l’Église, la famille, l’éthique et la bioéthique, etc. Le professeur Carlo Nanni fait cette analyse : « Ratzinger, théologien raffiné, semble très attentif à la dimension intellectuelle et à la mentalité profonde, personnelle et culturelle qui soutient les comportements individuels et collectifs. »5

Cependant, pour ses plus fins observateurs, le passage à la papauté a quelque peu modifié les habitudes et les attitudes de Joseph Ratzinger. Des changements ont été notés et relayés au point de vue de son langage, de son sourire, voire de son « cœur » :

Comme advenu pour d’autres Papes, on est tenté de penser que l’élection du souverain Pontife a élargi le cœur du cardinal Ratzinger et a changé son langage. Bien sûr, comme cela a été confirmé par ceux qui l’ont fréquenté et pratiqué, l’élection a dilaté son cœur et son sourire. Si depuis les loges de la basilique vaticane, le soir de son élection (19 avril 2005), avec gentillesse, il parla en allemand de « messieurs les cardinaux », dans le discours d’« inauguration » à la place Saint-Pierre, le dimanche 24 avril 2005, par quatre fois, il appela « chers amis », ceux qui l’écoutaient et sept fois il répéta le mot « joie »6.

Benoît XVI, rappelons-le, a dû porter sur ses épaules le lourd héritage de la succession à Jean-Paul II. Si ce dernier était plus enclin à l’anthropologie de la théologie, le constat a été toujours plus évident, en ce qui concerne Benoît XVI, d’un profil plutôt basé sur la théologie de l’anthropologie.

« De l’anthropologie de la théologie à la théologie de l’anthropologie »

Il me semble sentir la main forte de Jean-Paul II qui serre la mienne ;

il me semble voir ses yeux souriants et entendre ses paroles,

qui s’adressent de manière particulière à moi… :

« N’aie pas peur ! »

Benoît XVI, 20 avril 2005

Pendant près d’un quart de siècle, Joseph Ratzinger a été un collaborateur proche et éminent du Pape Jean-Paul II. Plusieurs témoignages font de lui la « tête pensante » des documents et autres interventions officielles du Pape polonais. Après son élection comme Pape, il parle des sentiments contrastants qui l’animent avant d’évoquer la consolation qui sent provenir de l’illustre prédécesseur défunt :

Grâce et paix en abondance à vous tous (cf. 1 P 1, 2) ! En ces heures deux sentiments contrastants cohabitent en mon âme. D’une part, un sentiment d’inadéquation et de trouble humain en raison de la responsabilité qui m’a été confiée hier, en tant que Successeur de l’Apôtre Pierre sur ce Siège de Rome, à l’égard de l’Église universelle. D’autre part, je ressens en moi une profonde gratitude à l’égard de Dieu, qui – comme la liturgie nous le fait chanter – n’abandonne pas son troupeau, mais le conduit à travers les temps, sous la direction de ceux qu’Il a lui-même élus vicaires de son Fils et qu’il a constitués ses pasteurs (cf. Préface des Apôtres, I)… Cette profonde reconnaissance pour un don de la divine miséricorde prévaut malgré tout dans mon cœur. Et je considère ce fait comme une grâce spéciale qui a été obtenue pour moi par mon vénéré Prédécesseur, Jean-Paul II. Il me semble sentir sa main forte qui serre la mienne ; il me semble voir ses yeux souriants et entendre ses paroles, qui s’adressent de manière particulière à moi en ce moment : « N’aie pas peur ! »7

Pour ce qui regarde les activités papales, Benoît XVI n’omettra jamais de mentionner sa volonté ainsi que le besoin de repartir de l’héritage de Jean-Paul II. Un si puissant héritage et un si éloquent pontificat ne sauraient être laissés sous silence ou mis de côté. Le professeur Carlo Nanni souligne à ce sujet :

Au point de vue de l’action papale, Benoît XVI, plusieurs fois, a déclaré de repartir de l’héritage du Pape Wojtyla. Un héritage qui n’est pas du tout facile à gérer, non seulement parce qu’il est impossible de le réitérer en raison des différences personnelles, des différences de tempérament et même des différences physiques entre les deux Papes, mais aussi et surtout en raison des nombreuses problématiques qu’un tel héritage véhicule en soi. Sans vouloir parler des lumières et ombres d’un grand Pape, l’agenda de Benoît XVI, sans aucun doute, a été appelé à continuer et surtout approfondir les intuitions et les gigantesques initiatives de son prédécesseur. Il est en effet impossible de succéder à un Jean-Paul II sans devoir repartir de ces axes forts pour lesquels le monde entier l’observait et l’admirait : la question de la paix et de la guerre préventive, les droits de l’homme et la dénonciation des aliénations du communisme, le néo-capitalisme, le dialogue interreligieux, les problématiques relatives au choc des civilisations, l’hébraïsme, l’islam, les demandes de pardon adressées par l’Église au monde, au monde de la science, à l’Afrique, aux frères séparés, aux Hébreux, etc., les voyages, la question des béatifications et des canonisations, le rapport avec les mass médias et la planète médiatique. C. Nanni précise qu’il est impossible de ne pas sentir le poids de toutes les problématiques des ouvertures et fermetures qui ont été souvent mises sur le compte de Jean-Paul II : comme celles qui regardent le féminisme et le rôle des femmes dans l’Église, la liberté de la recherche théologique et l’approche des désaccords dans l’Église, la collégialité ecclésiale et le rôle de la curie. Le dialogue œcuménique et le primat de Pierre, le rapport avec le monde post-moderne lié au consumérisme, le rapport avec les nouvelles technologies (…) et les questions éthiques (…). On serait tenté d’insinuer que si le Pape Jean-Paul II s’est projeté de toutes ses forces, à apporter Jésus au monde, aux hommes, aux jeunes, Benoît XVI semble faire sienne l’intention de reporter le monde, les hommes, les jeunes au Christ.8

À cette différence d’approches pourrait se greffer une différenciation dans la prospective religieuse chrétienne :

Jean-Paul II a parlé de Dieu, du Christ de l’évangile du point de vue de l’homme, en relation à sa dignité, aux valeurs, aux dangers, aux rêves de l’homme et des jeunes. Il a, pour ainsi dire, souligné l’anthropologie de la théologie. Il suffirait de penser aux discours sur la paix, la justice, le dialogue, etc. ; avec à la clé un grand consensus/désaccord « horizontal », sociologistique, journalistique, des mass médias (…). Benoît XVI semble plutôt regarder l’homme du point de vue de Dieu, du Christ, qui deviennent et sont fondamentaux à la dignité, aux valeurs, aux dangers des rêves de l’homme. Il soutient la théologie de l’anthropologie. D’où l’attention aux rapports foi et raison, au contexte socioculturel, au tournant de la modernité, à la vérité et au relativisme culturel post-moderne. Résultat : une raréfaction du consensus, mais également d’une meilleure intelligence des données de la chrétienté9.

Et c’est surtout dans le spécifique du rapport avec les jeunes que se notera plus encore la nouveauté du Pape Benoît XVI dans la continuité avec son prédécesseur Jean-Paul II.

Le rapport avec les jeunes :

nouveauté dans la continuité

Je pense en particulier aux jeunes.

À eux (…) va mon étreinte affectueuse…

Je continuerai à dialoguer avec vous, chers jeunes,

avenir et espérance de l’Église et de l’humanité,

en écoutant vos attentes dans l’intention de vous aider

à rencontrer toujours plus en profondeur le Christ vivant,

Celui qui est éternellement jeune.

Benoît XVI, 20 avril 2005

Jean-Paul II et les jeunes : une histoire d’amour unique et irremplaçable

Le rapport particulier et unique qui existait entre Jean-Paul II et les jeunes est indéniable. Ce pape leur a témoigné un amour unique que ceux-ci ont toujours su restituer jusqu’au bout à celui qui a été – et est – appelé aujourd’hui encore le « Pape des jeunes » :

Le Pape Jean-Paul II a démontré une prédilection particulière, un rapport privilégié avec les jeunes avec les jeunes et cela lui a été rendu de façon totale (comme d’ailleurs ils l’ont démontré de toutes les manières avec leur participation à sa souffrance, à sa mort, à ses obsèques). Comme cela a été dit, le jour de sa mort (2 avril 2005) et celui des obsèques étaient devenus une journée des jeunes non prévue. Les Journées Mondiales des Jeunes inventées par lui ont fait un « bruit » difficilement contestable, au-delà des interprétations des « observateurs extérieurs »10.

Jean-Paul II a su s’imposer non seulement comme un ami, mais encore et surtout comme une réelle référence pour les jeunes et pour les moins jeunes. Et ceci était palpable non seulement sur le plan spirituel et humain, mais également au point de vue du leadership, toutes choses qui ne laissent point indifférent le monde des jeunes toujours en quête d’authenticité :

Dans un monde trop effrayé par le terrorisme, par l’insécurité existentielle et par l’incertitude, mais aussi par l’absence de leaders authentiques, il y a certainement aussi un grand « besoin de charisme ». Jean-Paul II a été, pour beaucoup, une référence convaincante en matière humaine, spirituelle, vitale (avant même d’être une référence morale et politique). Et son cercueil, posé là, en plein milieu de la place, à distance de tout le reste, a certainement dû être une grande leçon de leadership pour les nombreux puissants de la terre et pour ces mêmes cardinaux qui les entouraient.11

Force est de remarquer que les dispositions et qualités personnelles du Pape polonais l’ont emmené à proposer au monde de son époque Q/quelque chose, voire Quelqu’un qui lui faisait énormément défaut et dont il sentait en tout cas un pressant besoin, une nouvelle façon d’être, une nouvelle manière d’entrer en relation avec les personnes, une autre spontanéité des rapports humains et sociaux, une autre manière de se rendre présent sans devenir ni formel ni politiquement correct ; son caractère direct transmettait chaleur et accueil à ceux dont il se rapprochait.

Le monde des jeunes, en particulier, s’est rendu compte bien vite que Jean-Paul II était un des leurs : il croyait en eux, il savait les attendre et les écouter sans les juger, il rejoignait leurs cœurs, il avait le don de les « sentir » et de les encourager, il les exhortait à ne pas avoir peur de l’avenir mais à faire confiance à un Dieu qui ne déçoit pas, il ne se faisait aucun scrupule quand il décidait de leur serrer la main et de les « regarder droit dans les yeux » pour mieux passer son message, il transmettait émotion et joie, il a su leur enseigner que l’Église, comme la société, est faite d’hommes et de femmes qui sont capables d’erreurs, il était un témoin vivant de la bonne nouvelle.

L’insistance sur l’éducation des jeunes

Et c’est à cet énorme Pape-jeune-et-ami-des-jeunes que succédera un certain Benoît XVI qui, sans brader sa propre nouveauté, ne manquera pas de donner une ligne de continuité à tout le labeur de son prédécesseur. Une telle intention transparaît déjà comme volonté soumise à la grâce de Dieu lors du discours tenu par le nouveau Pape au lendemain de son élection :

Je pense en particulier aux jeunes. À eux, les interlocuteurs privilégiés du Pape Jean-Paul II, va mon étreinte affectueuse dans l’attente, si Dieu le veut, de les rencontrer à Cologne à l’occasion de la prochaine Journée Mondiale de la Jeunesse. Je continuerai à dialoguer avec vous, chers jeunes, avenir et espérance de l’Église et de l’humanité, en écoutant vos attentes dans l’intention de vous aider à rencontrer toujours plus en profondeur le Christ vivant, celui qui est éternellement jeune.12

Cette belle et claire intention du nouveau Souverain Pontife n’emportera pas, de façon soudaine et automatique, l’adhésion de tous ; mieux elle rencontrera plutôt un mélange de perplexité et de confiance, de doute et de foi, de peur et d’abandon, etc. Tandis que certains jeunes avaient du mal à « faire le deuil du Pape Jean-Paul II » en restant accrochés à sa mémoire et en pensant qu’il était irremplaçable, d’autres, en revanche, osaient la confiance en une nouvelle figure qui ne manquera pas de devenir guide et père pour tous, à la suite et sur les traces du très regretté Jean-Paul II. En tout cas prévaudra l’espérance que le nouveau Pape soit également un réel point d’appui et une nouvelle solide référence. Carlo Nanni fait observer :

Après un grand éducateur comme l’a été Jean-Paul II, les jeunes trouveront en Benoît XVI un grand maître. Il y en a qui ont pensé que Benoît XVI est et sera un Pape plus didactique, soucieux d’expliquer les raisons de l’Église pour les manifester clairement à tous et en particulier aux jeunes. Il s’est consacré à la cause des jeunes et à leur éducation tout en rappelant, à ce sujet, la responsabilité du monde adulte, invitant parents, éducateurs, prêtres, autorités politiques, opinions publiques à prendre conscience de l’urgence éducative. Cela est devenu pratiquement un leitmotiv dans ses discours.13

Ce terme de l’éducation des jeunes générations lui tient en effet particulièrement à cœur. Le 21 janvier 2008, il publie la Lettre du saint Père Benoît XVI au diocèse et à la ville de Rome sur le devoir urgent de l’éducation, laquelle lettre tire origine de son intervention au Colloque du diocèse de Rome sur le thème : « Jésus est le Seigneur. Éduquer à la foi, à la sequela, au témoignage » (Basilique Saint-Jean du Latran, 11 juin 2007). À l’occasion, il a abordé la question de l’urgence de l’éducation tout en insistant sur le fait qu’éduquer n’est pas seulement transmettre une capacité et une habileté à faire. Pour lui, l’objectif essentiel de l’éducation est celui de la formation de la personne afin qu’elle soit « capable de vivre pleinement et de donner sa contribution au bien de la communauté ».14

Le 13 décembre 2007, en rencontrant les nouveaux ambassadeurs, Benoît XVI soulignera l’attention particulière qui doit être consacrée aux jeunes générations en leur montrant qu’elles constituent la première richesse d’une nation et combien leur éducation doit être considérée comme une nécessité primordiale en ce sens qu’elle « permettra à chaque jeune d’acquérir une confiance en soi-même, d’espérer en l’avenir, de s’occuper de ses propres frères et sœurs en humanité et de vouloir prendre part à la croissance de la nation. L’éducation est une arme particulièrement importante dans la lutte contre la dispersion qui peut habiter le cœur des jeunes et être à l’origine de nombreux actes de violence individuels et collectifs. »15 Il est évident que Benoît XVI, en ce qui concerne les jeunes, a su braquer les projecteurs dès le début sur la question fondamentale de l’éducation de la personne en en formant l’intelligence, la volonté, la capacité à aimer, la liberté tout en l’aidant à compter sur le Seigneur vu la faiblesse et la fragilité de la nature humaine. Car ni les forces humaines ni les aptitudes humaines suffiraient à l’édification totale et complète d’une personne et d’une personnalité humaine. Il faut et faudra le secours de la Grâce, c’est-à-dire le secours du Seigneur, maître de nos vies.

Nous entrons à présent dans le détail des messages délivrés par le Saint-Père directement aux jeunes. Nous n’en proposons évidemment que les versions françaises qui sont, en général, des traductions. Nous regroupons ces différentes adresses du Pape par genre littéraire (discours, homélies, messages, etc.) par thématique mais aussi selon les années (chronologie).

Benoît XVI

Qu’a-t-il dit aux jeunes ?

Discours – interviews

Cracovie, 27 mai 2006 :

Construire sur le Christ

Soyez des témoins de l’espérance,

de cette espérance qui ne craint pas

de construire la maison de sa propre vie,

parce qu’elle sait bien qu’elle peut compter

sur le fondement qui ne s’effondrera jamais :

Jésus Christ notre Seigneur.

Benoît XVI, 27 mai 2006

Le 27 mai 2006, dans le parc de Blonie à Cracovie, Benoît XVI tient un discours à l’endroit des jeunes présents qui étaient environ 1 500 000.

Les paroles essentielles de ce texte sont : construire – roc – maison – pierre – Jésus – vie – désir. Elles aident à comprendre que ce discours du Pape est une belle métaphore présentée aux jeunes afin de les inviter à construire la « maison » sur le roc. Car dans le cœur de chaque homme, il y a le désir d’une maison qui soit solide, accueillante et joyeuse. Il s’agit d’un désir légitime qu’il ne faut pas fuir et dont il ne faut pas avoir peur.

La question de fond est comment construire cette maison et sur quoi/qui la construire ? Une autre question importante : de quelle maison s’agit-il ? Y a-t-il une maison plus importante que la seule maison de pierre ?

Chers jeunes amis,

Je vous souhaite une cordiale bienvenue ! Votre présence me réjouit. Je suis reconnaissant au Seigneur de cette rencontre chaleureuse et cordiale. Nous savons que lorsque « deux ou trois sont réunis au nom de Jésus, Il est là au milieu d’eux » (cf. Mt 18, 20). Mais vous êtes ici aujourd’hui bien plus nombreux ! Je remercie chacun et chacune d’entre vous. Jésus est donc ici avec nous. Il est présent parmi les jeunes de la terre polonaise, pour leur parler d’une maison qui ne s’écroulera jamais, parce qu’elle est bâtie sur un roc. C’est la parole évangélique que nous venons d’écouter (cf. Mt 7, 24-27).

Chers amis, dans le cœur de chaque homme, il y a le désir d’une maison. D’autant plus que dans un cœur jeune, il y a une grande aspiration à posséder sa propre maison, qui soit solide, dans laquelle non seulement on peut rentrer avec joie, mais où l’on peut également recevoir avec joie tous ses invités. C’est la nostalgie d’une maison dans laquelle le pain quotidien soit l’amour, le pardon, le besoin de compréhension, dans laquelle la vérité soit la source d’où jaillit la paix du cœur. C’est la nostalgie d’une maison dont on puisse être fiers, dont on ne doive pas avoir honte et dont on ne doive jamais pleurer l’effondrement. Cette nostalgie n’est autre que le désir d’une vie pleine, heureuse, réussie. N’ayez pas peur de ce désir ! Ne le fuyez pas ! Ne vous découragez pas à la vue de maisons effondrées, de désirs évanouis, de nostalgies disparues. Le Dieu Créateur, qui place dans un jeune cœur l’immense désir du bonheur, ne l’abandonne pas ensuite dans la difficile construction de cette maison qui s’appelle la vie.

Mes amis, une question s’impose : « Comment construire cette maison ? » C’est une question qui assurément a déjà résonné plusieurs fois dans votre cœur et qui y reviendra encore très souvent. C’est une question qu’il faut se poser à soi-même plus d’une fois. Chaque jour, elle doit être devant les yeux du cœur : comment construire cette maison qu’on appelle la vie ? Jésus, dont nous venons d’entendre les paroles dans le texte de l’évangéliste Matthieu, nous exhorte à construire sur le roc. Ce n’est qu’ainsi, en effet, que la maison ne s’effondrera pas. Mais que veut dire construire sa maison sur le roc ? Construire sur le roc veut dire avant tout : construire sur le Christ et avec le Christ. Jésus dit : « Ainsi quiconque écoute ces paroles que je viens de dire et les met en pratique, peut se comparer à un homme aisé qui a bâti sa maison sur le roc » (Mt 7, 24). Il ne s’agit pas de paroles vides de sens dites par le premier venu, mais des paroles de Jésus. Il ne s’agit pas d’écouter n’importe qui, mais d’écouter Jésus. Il ne s’agit pas d’accomplir une chose parmi tant d’autres, mais d’accomplir les paroles de Jésus.

Construire sur le Christ et avec le Christ signifie construire sur des fondations qui s’appellent l’amour crucifié. Cela veut dire construire avec Quelqu’un qui, nous connaissant mieux que nous-mêmes, nous dit : « Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime » (Is 43, 4). Cela veut dire construire avec Quelqu’un qui est toujours fidèle, même si nous manquons nous-mêmes de fidélité, parce qu’il ne peut pas se renier lui-même (cf. 2 Tm 2, 13). Cela veut dire construire avec Quelqu’un qui se penche constamment sur le cœur blessé de l’homme et dit : « Je ne te condamne pas. Va, désormais ne pèche plus » (cf. Jn 8, 11). Cela veut dire construire avec Quelqu’un qui, du haut de la croix, étend ses bras, pour répéter pour toute l’éternité : « Je donne ma vie pour toi, homme, parce que je t’aime ». Construire sur le Christ veut dire, enfin, fonder sur sa volonté tous ses désirs, ses attentes, ses rêves, ses ambitions et tous ses projets. Cela signifie dire à soi-même, à sa propre famille, à ses amis et au monde entier mais surtout au Christ : « Seigneur, dans la vie je ne veux rien faire contre Toi, parce que tu sais ce qui est le mieux pour moi. Toi seul as les paroles de vie éternelle » (cf. Jn 6, 68). Mes amis, n’ayez pas peur de miser sur le Christ ! Ayez la nostalgie du Christ, comme fondement de la vie ! Allumez en vous le désir de construire votre vie avec Lui et pour Lui ! Parce que celui qui mise tout sur l’amour crucifié du Verbe incarné ne peut pas perdre.

Construire sur le roc signifie construire sur le Christ et avec le Christ, qui est le roc. Dans la Première Épître aux Corinthiens, saint Paul, en parlant du chemin du peuple élu à travers le désert, explique que « tous ont bu… à un rocher spirituel qui les accompagnait, et ce rocher c’était le Christ » (1 Co 10, 4). Les pères du peuple élu ne savaient certes pas que ce roc était le Christ. Ils n’étaient pas conscients d’être accompagnés par Celui qui, lorsque viendrait la plénitude des temps, s’incarnerait, prenant un corps humain. Ils n’avaient pas besoin de comprendre que leur soif serait satisfaite par la source même de la vie, capable d’offrir l’eau vive pour étancher tous les cœurs. Ils burent toutefois à ce roc spirituel qui est le Christ, parce qu’ils avaient la nostalgie de l’eau de la vie, ils en avaient besoin. En chemin sur les routes de la vie, nous ne sommes peut-être parfois pas conscients de la présence de Jésus. Mais précisément cette présence, vivante et fidèle, la présence dans l’œuvre de la création, la présence dans la Parole de Dieu et dans l’Eucharistie, dans la communauté des croyants et dans chaque homme racheté par le Précieux Sang du Christ, cette présence est la source inépuisable de la force humaine. Jésus de Nazareth, Dieu qui s’est fait Homme, est à nos côtés dans le bonheur comme les difficultés et il a soif de ce lien, qui est en réalité le fondement de l’authentique humanité. Nous lisons dans l’Apocalypse ces paroles significatives : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi » (Ap 3, 20).

Mes amis, que veut dire construire sur le roc ? Construire sur le roc signifie également construire sur Quelqu’un qui a été rejeté. Saint-Pierre parle à ses fidèles du Christ comme d’une « pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie, précieuse, auprès de Dieu » (1 P 2, 4). Le fait indéniable de l’élection de Jésus de la part de Dieu ne dissimule pas le mystère du mal, en raison duquel l’homme est capable de rejeter Celui qui l’a aimé jusqu’à la fin. Ce rejet de Jésus de la part des hommes, évoqué par saint Pierre, se prolonge dans l’histoire de l’humanité et arrive également jusqu’à nos jours. Il n’y a pas besoin d’un esprit très incisif pour s’apercevoir des multiples manifestations du rejet de Jésus, même là où Dieu nous a permis de grandir. Souvent Jésus est ignoré, il est tourné en ridicule, il est proclamé roi du passé, mais non d’aujourd’hui et encore moins de demain, il est remisé dans le placard des questions et des personnes dont on ne devrait pas parler à haute voix et en public. Si, dans la construction de la maison de votre vie, vous rencontrez ceux qui méprisent les fondations sur lesquelles vous êtes en train de construire, ne vous découragez pas ! Une foi forte doit traverser les épreuves ! Une foi vivante doit toujours croître. Notre foi en Jésus Christ, pour rester telle, doit souvent se mesurer à l’absence de foi des autres.

Chers amis, que veut dire construire sur le roc ? Construire sur le roc veut dire être conscient que l’on rencontrera des contrariétés. Le Christ dit : « La pluie est venue, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont déchaînés contre cette maison, et elle n’a pas croulé » (Mt 7, 25). Ces phénomènes naturels ne sont pas seulement l’image des multiples contrariétés du destin humain, mais ils indiquent également leur prévision normale. Le Christ ne promet pas que sur une maison en construction ne s’abattra jamais une tempête, il ne promet pas qu’un raz-de-marée ne bouleversera pas ce que nous avons de plus cher, il ne promet pas que des vents impétueux n’emporteront pas ce que nous avons construit parfois au prix d’énormes sacrifices. Le Christ comprend non seulement l’aspiration de l’homme à une maison durable, mais il est pleinement conscient également de ce qui peut réduire en ruines le bonheur de l’homme. Ne vous étonnez donc pas des contrariétés, quelles qu’elles soient ! Ne vous découragez pas à cause d’elles ! Un bâtiment bâti sur le roc ne veut pas dire une construction échappant au jeu des forces de la nature, inscrites dans le mystère de l’homme. Avoir bâti sur le roc signifie pouvoir compter sur la conscience que, dans les moments difficiles, il existe une force sur laquelle on peut s’appuyer de manière sûre.

Mes amis, permettez-moi d’insister : que veut dire construire sur le roc ? Cela veut dire construire avec sagesse. Ce n’est pas sans raison que Jésus compare ceux qui écoutent ses paroles et les mettent en pratique, à un homme sage qui a construit sa maison sur le roc. Il est stupide en effet de construire sur le sable, lorsqu’on peut le faire sur le roc, en ayant ainsi une maison en mesure de résister à toutes les tempêtes. Il est stupide de construire sa maison sur un terrain qui n’offre pas les garanties de résister dans les moments les plus difficiles. Qui sait ? Peut-être est-il plus aisé de fonder sa vie sur les sables mouvants de sa propre vision du monde, de construire son avenir loin de la Parole de Jésus, et parfois même contre celle-ci. Il n’en demeure pas moins que celui qui construit de cette manière manque de prudence, parce qu’il veut se persuader lui-même et persuader les autres qu’aucune tempête ne se déchaînera dans sa vie, qu’aucune vague ne frappera sa maison. Être sage signifie savoir que la solidité de la maison dépend des fondations. N’ayez pas peur d’être sages, c’est-à-dire n’ayez pas peur de construire sur le roc !

Mes amis, encore une fois : que veut dire construire sur le roc ? Construire sur le roc veut dire également construire sur Pierre et avec Pierre. Le Seigneur lui dit en effet : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’Hadès ne tiendront pas contre elle » (Mt 16, 18). Si le Christ, le Roc, la pierre vivante et précieuse, appelle son apôtre une pierre, cela signifie qu’il veut que Pierre, et avec lui l’Église tout entière, soient le signe visible de l’unique Sauveur et Seigneur. Ici, à Cracovie, la ville bien-aimée de mon Prédécesseur Jean-Paul II, l’indication de construire sur Pierre et avec Pierre ne surprend certes personne. Aussi, je vous dis : n’ayez pas peur de construire votre vie dans l’Église et avec l’Église ! Soyez fiers de l’amour pour Pierre et pour l’Église qui lui est confiée. Ne vous laissez pas tromper par ceux qui veulent opposer le Christ et l’Église ! Il n’y a qu’un seul roc sur lequel il vaut la peine de construire sa maison. Ce roc est le Christ. Il n’y a qu’une seule pierre sur laquelle il vaut la peine de faire reposer toute chose. Cette pierre est celui à qui le Christ a dit : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église. » (Mt 16, 18) Vous, les jeunes, vous avez bien connu le Pierre de notre temps. C’est pourquoi n’oubliez pas que ni le Pierre qui nous observe à présent depuis la fenêtre de Dieu le Père, ni ce Pierre qui est maintenant devant vous, ni aucun des Pierre à venir ne sera jamais contre vous, ni contre la construction d’une maison durable sur le roc. Au contraire, il engagera son cœur et ses mains à vous aider à construire la vie sur le Christ et avec le Christ.

Chers amis, en méditant les paroles du Christ sur le roc comme fondation adéquate pour notre maison, nous ne pouvons manquer de relever que la dernière parole est une parole d’espérance. Jésus dit que, malgré le déchaînement des éléments, la maison ne s’est pas effondrée, parce qu’elle était fondée sur le roc. Dans cette parole il y a une extraordinaire confiance dans la force du fondement, la foi qui ne craint pas de démentis parce qu’elle est confirmée par la mort et la résurrection du Christ. Telle est la foi qui, après de nombreuses années, sera confessée par saint Pierre dans sa lettre : « Voici que je pose en Sion une pierre angulaire, choisie, précieuse, et celui qui se confie en elle ne sera pas confondu » (1 P 2, 6). Assurément « il ne sera pas confondu… ». Chers jeunes amis, la peur de l’échec peut quelquefois freiner même les rêves les plus beaux. Elle peut paralyser la volonté et rendre incapables de croire qu’il puisse exister une maison construite sur le roc. Elle peut persuader que la nostalgie de la maison est seulement un désir de jeunesse et non un projet de vie. Avec Jésus, dites à cette peur : « Une maison bâtie sur le roc ne peut s’écrouler » ! Avec saint Pierre, dites à la tentation du doute : « Celui qui se confie dans le Christ ne sera pas confondu ! » Soyez des témoins de l’espérance, de cette espérance qui ne craint pas de construire la maison de sa propre vie, parce qu’elle sait bien qu’elle peut compter sur le fondement qui ne s’effondrera jamais : Jésus Christ notre Seigneur.

Sãn Paolo, 10 mai 2007 :

Le sens de la vie

Le « lendemain » dépend beaucoup de la manière

dont vous vivez l’« aujourd’hui » de la jeunesse.

Devant vos yeux, mes très chers jeunes,

vous avez une vie dont nous souhaitons qu’elle soit longue ;

mais il n’y en a qu’une, elle est unique :

ne permettez pas qu’elle passe en vain,

ne la gaspillez pas.

Benoît XVI, 10 mai 2007

Du 9 au 14 mai 2007, Benoît XVI effectue au Brésil un voyage apostolique à l’occasion de la VIe conférence générale de l’épiscopat latino-américain et des Caraïbes. C’est dans ce creuset qu’il rencontre les jeunes brésiliens et latino-américains au stade municipal « Paulo Machado de Carvalho » de Pacaembu à San Paulo et tient à leur endroit un vibrant discours. C’était le 10 mai 2007.

Les mots les plus utilisés sont : vie – nous – vous – Jésus – Dieu – Jeune – Jeunesse – Église. Elles nous font comprendre que le thème plus récurrent en absolu est « vie ». Le Pape entame avec les jeunes une réflexion sur le texte de Mathieu 19, 16-22. Il parle d’un jeune, qui courut à la rencontre de Jésus. En ce jeune, il voit tous les jeunes du Brésil et de l’Amérique latine : que dois-je faire pour que ma vie ne soit pas inutile ?

Le Pape propose Jésus comme étant le Seul capable de donner une réponse, parce qu’il est le Seul qui puisse nous garantir la Vraie Vie. C’est pourquoi c’est également le Seul qui parvienne à montrer le sens de la vie présente et à lui donner une plénitude de contenu16.

Benoît XVI, enfin, rappelle aux jeunes qu’ils peuvent être de vrais protagonistes. Mais de quoi ? Comment ? Et pourquoi ?

Chers jeunes !

Chers amis et chères amies !

« Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres […] puis viens, suis-moi » (Mt 19, 21).

1. J’ai voulu ardemment vous rencontrer au cours de mon premier voyage en Amérique latine. Je suis venu inaugurer la Ve Conférence de l’épiscopat latino-américain qui, comme je l’ai souhaité, se déroulera à Aparecida, ici au Brésil, dans le Sanctuaire de Notre-Dame. Elle nous conduit aux pieds de Jésus, pour que nous apprenions ses leçons sur le Royaume et elle nous pousse à être ses missionnaires, afin que les peuples de ce « Continent de l’espérance » aient en Lui pleinement la vie.

Vos Évêques du Brésil, au cours de leur Assemblée générale de l’année dernière, ont réfléchi sur le thème de l’évangélisation de la jeunesse et ils vous ont remis un document. Ils ont demandé que vous l’accueilliez et que vous le perfectionniez tout au long de l’année. Au cours de cette dernière Assemblée, ils ont repris ce thème, enrichi par votre collaboration, et ils souhaitent que les réflexions qui ont été faites et les orientations proposées servent d’indication et de phare sur votre chemin. Les paroles de l’Archevêque de São Paulo et du responsable de la Pastorale de la Jeunesse, que je remercie, confirment l’esprit qui fait battre le cœur de chacun de vous.

Hier soir, en survolant le territoire brésilien, je pensais déjà à notre rencontre d’aujourd’hui dans le Stade de Pacaembu, avec le souhait d’embrasser chacun de vous dans une grande accolade au style brésilien et d’exprimer les sentiments que je porte au plus profond de mon cœur et que, de façon très opportune, l’Évangile d’aujourd’hui a voulu nous indiquer.

J’ai toujours ressenti une joie très particulière au cours de ces rencontres. Je me souviens en particulier de la XX Journée mondiale de la Jeunesse, que j’ai eu l’occasion de présider il y a deux ans en Allemagne. Certains d’entre vous, qui sont présents ici, étaient déjà là ! Il s’agit d’un souvenir émouvant, en raison des fruits abondants de grâce accordés par le Seigneur. Il n’y a aucun doute que le premier fruit, parmi tant d’autres, que j’ai pu constater a été celui de la fraternité exemplaire entre tous, comme démonstration évidente de la vitalité éternelle de l’Église pour le monde entier.

2. C’est pourquoi, chers amis, je suis certain qu’aujourd’hui se renouvelleront les mêmes impressions que lors de cette rencontre en Allemagne. En 1991, le Serviteur de Dieu, le Pape Jean-Paul II, de vénérée mémoire, disait, au cours de sa visite dans le Mato Grosso, que les « jeunes sont les premiers protagonistes du troisième millénaire […] ce sont eux qui traceront le chemin de cette nouvelle étape de l’humanité » (Discours, 16 octobre 1991). Aujourd’hui, je me sens poussé à faire la même observation avec vous.

Le Seigneur apprécie, sans aucun doute, votre vie chrétienne dans les nombreuses communautés paroissiales et dans les petites communautés ecclésiales, dans les Universités, dans les collèges et dans les écoles et, en particulier, dans les rues et sur les lieux de travail des villes et de la campagne. Mais il faut aller de l’avant. Nous ne pouvons jamais dire que cela suffit, parce que la charité de Dieu est infinie et le Seigneur nous demande, ou mieux, exige que nous élargissions nos cœurs, afin qu’en ceux-ci, il y ait toujours davantage d’amour, de bonté, de compréhension pour nos semblables et pour les problèmes qui impliquent non seulement la coexistence humaine, mais également la sauvegarde effective et la protection de l’environnement naturel, dont nous faisons tous partie. « Nos bois ont davantage de vie » : ne laissez pas s’éteindre cette flamme d’espérance que votre Hymne national place sur vos lèvres. La destruction de l’environnement en Amazonie et les menaces contre la dignité humaine de ses populations exigent un plus grand engagement dans les domaines d’action les plus divers que sollicite la société.

3. Aujourd’hui, je désire réfléchir avec vous sur le texte de saint Matthieu (cf. 19, 16-22), que nous venons d’écouter. Il parle d’un jeune, qui courut à la rencontre de Jésus. Son impatience mérite d’être soulignée. Dans ce jeune, je vous vois tous, jeunes du Brésil et de l’Amérique latine. Vous êtes accourus des diverses régions de ce continent pour notre rencontre. Vous voulez écouter, de la voix du Pape, les paroles de Jésus lui-même.

Vous avez une question cruciale, rapportée dans l’Évangile, à lui soumettre. C’est la même que celle du jeune qui courut à la rencontre de Jésus : que devons-nous faire pour obtenir la vie éternelle ? Je voudrais approfondir cette question avec vous. Il s’agit de la vie. La vie qui, en vous, est exubérante et belle. Que faire de celle-ci ? Comment la vivre pleinement ?

Nous comprenons immédiatement, dans la formulation de la question elle-même, que ne sont pas suffisants le « ici » et le « maintenant » ; autrement dit, nous ne réussissons pas à limiter notre vie dans l’espace et dans le temps, pour autant que nous prétendions élargir ses horizons. La vie les transcende. En d’autres termes : nous voulons vivre et non mourir. Nous sentons que quelque chose nous révèle que la vie est éternelle et qu’il est nécessaire de s’engager pour que cela ait lieu. Bref, celle-ci est entre nos mains et dépend, d’une certaine manière, de notre décision.

La question de l’Évangile ne concerne pas seulement l’avenir. Elle ne concerne pas seulement ce qui adviendra après la mort. Au contraire, il existe un engagement dans le présent, ici et maintenant, qui doit garantir l’authenticité et par conséquent l’avenir. En un mot, cette demande remet en question le sens de la vie. C’est pourquoi elle peut être formulée ainsi : que dois-je faire afin que ma vie ait un sens ? C’est-à-dire : comment dois-je vivre pour saisir pleinement les fruits de la vie ? Ou encore : que dois-je faire pour que ma vie ne soit pas inutile ?

Jésus est le seul qui puisse nous donner une réponse, parce qu’il est le seul qui puisse nous garantir la vie éternelle. C’est pourquoi c’est également le seul qui parvienne à montrer le sens de la vie présente et à lui donner la plénitude de son contenu.

4. Mais avant de donner sa réponse, Jésus remet en question la demande du jeune sous un aspect extrêmement important : pourquoi m’interroges-tu sur ce qui est bon ? Dans cette question se trouve la clé de la réponse. Ce jeune perçoit que Jésus est bon et qu’il est un maître. Un maître qui ne trompe pas. Nous sommes ici parce que nous avons cette même conviction : Jésus est bon. Il se peut que nous ne sachions pas expliquer pleinement la raison de cette perception, mais il est certain qu’elle nous rapproche de Lui et qu’elle nous ouvre à son enseignement : un maître bon. Celui qui reconnaît le bien veut dire qu’il aime. Et celui qui aime, selon l’heureuse expression de saint Jean, connaît Dieu (cf. 1 Jn 4, 7). Le jeune de l’Évangile a eu une perception de Dieu en Jésus Christ.

Jésus nous assure que seul Dieu est bon. Être ouvert à la bonté signifie accueillir Dieu. Ainsi, Il nous invite à voir Dieu dans toutes les choses et dans tous les événements, même là où la majorité voit seulement une absence de Dieu. En voyant la beauté des créatures et en constatant la beauté présente dans chacune d’elles, il est impossible de ne pas croire en Dieu et de ne pas faire l’expérience de sa présence salvifique et réconfortante. Si nous réussissions à voir tout le bien qui existe dans le monde et, plus encore, à faire l’expérience du bien qui provient de Dieu lui-même, nous ne cesserions de nous approcher de Lui, de le louer et de lui rendre grâce. Il nous remplit sans cesse de joie et de biens. Sa joie est notre force.

Mais nous ne possédons que des connaissances partielles. Pour comprendre le bien, nous avons besoin d’aides, que l’Église nous offre en de nombreuses occasions, surtout dans la catéchèse. Jésus lui-même montre ce qui est bon pour nous, en nous donnant sa première catéchèse. « Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements » (Mt 19, 17). Il part de la connaissance que le jeune homme a déjà certainement reçue de sa famille et de la Synagogue : en effet, il connaît les commandements. Ils conduisent à la vie, ce qui veut dire qu’ils nous garantissent l’authenticité. Ce sont les grands indicateurs qui nous montrent la juste voie. Celui qui observe les commandements est sur le chemin de Dieu.

Il ne suffit pas, toutefois, de les connaître. Le témoignage a plus de valeur que la science, ou plutôt, c’est la science elle-même appliquée. Ils ne sont pas imposés de l’extérieur, ils ne limitent pas notre liberté. Au contraire : ils constituent de vigoureuses stimulations intérieures, qui nous portent à agir dans une certaine direction. À leur fondement se trouvent la grâce et la nature, qui ne nous laissent pas inertes. Nous devons marcher. Nous sommes poussés à faire quelque chose pour nous réaliser. Se réaliser à travers l’action, en réalité, c’est se rendre réels. Nous sommes, en grande partie, à partir de notre jeunesse, ce que nous voulons être. Nous sommes, pour ainsi dire, l’œuvre de nos propres mains.

5. Ici, je m’adresse de nouveau à vous, chers jeunes, car je veux entendre de vous aussi la réponse du jeune de l’Évangile : toutes ces choses, je les ai observées dès ma jeunesse. Le jeune de l’Évangile était bon. Il observait les commandements. Il marchait sur le chemin de Dieu. C’est pourquoi Jésus, à peine l’eût-il vu, l’aima. En reconnaissant que Jésus était bon, il donna la preuve que lui aussi était bon. Il avait une expérience de la bonté et, donc, de Dieu. Et vous, jeunes du Brésil et de l’Amérique latine, avez-vous déjà découvert ce qui est bon ? Suivez-vous les commandements du Seigneur ? Avez-vous découvert que cela est le véritable et unique chemin vers le bonheur ?

Les années que vous êtes en train de vivre sont les années qui préparent votre avenir. Le « lendemain » dépend beaucoup de la manière dont vous vivez l’« aujourd’hui » de la jeunesse. Devant vos yeux, mes très chers jeunes, vous avez une vie dont nous souhaitons qu’elle soit longue ; mais il n’y en a qu’une, elle est unique : ne permettez pas qu’elle passe en vain, ne la gaspillez pas. Vivez avec enthousiasme, avec joie, mais surtout avec un sens de responsabilité.

Très souvent, j’entends trembler nos cœurs de pasteurs, lorsque nous constatons la situation de notre époque. Nous entendons parler des peurs de la jeunesse d’aujourd’hui. Elles nous révèlent un énorme manque d’espérance : la peur de mourir, au moment où la vie est en train d’éclore et tente de trouver la voie de sa réalisation ; la peur d’échouer, pour ne pas avoir découvert le sens de la vie ; et la peur de rester à l’écart, face à la rapidité déconcertante des événements et des communications. Nous constatons le pourcentage élevé de morts parmi les jeunes, la menace de la violence, la prolifération déplorable des drogues qui bouleverse jusqu’à sa racine la plus profonde la jeunesse d’aujourd’hui. C’est donc pour cette raison que l’on parle de jeunesse égarée.

Mais alors que je vous regarde, jeunes ici présents, qui rayonnez de joie et d’enthousiasme, je revêts le regard de Jésus : un regard d’amour et de confiance, dans la certitude que vous avez trouvé la voie véritable. Vous êtes les jeunes de l’Église. Je vous envoie donc vers la grande mission d’évangéliser les jeunes garçons et les filles qui errent dans ce monde, comme des brebis sans pasteur. Soyez les apôtres des jeunes. Invitez-les à marcher avec vous, à faire la même expérience de foi, d’espérance et d’amour ; à rencontrer Jésus pour se sentir réellement aimés, accueillis, avec la pleine possibilité de se réaliser. Qu’eux aussi découvrent les voies sûres des commandements et qu’en les parcourant, ils arrivent à Dieu.

Vous pouvez être les protagonistes d’une société nouvelle, si vous cherchez à mettre en pratique une conduite concrète inspirée par les valeurs morales universelles, mais aussi un engagement personnel de formation humaine et spirituelle d’importance vitale. Un homme ou une femme qui ne serait pas préparé aux défis réels que présente une interprétation correcte de la vie chrétienne de son propre milieu serait une proie facile pour tous les assauts du matérialisme et du laïcisme, toujours plus actifs à tous les niveaux.

Soyez des hommes et des femmes libres et responsables ; faites de la famille un centre rayonnant de paix et de joie ; soyez des promoteurs de la vie, de son commencement à son déclin naturel ; protégez les personnes âgées, car elles méritent le respect et l’admiration pour le bien qu’elles vous ont fait. Le Pape s’attend également à ce que les jeunes cherchent à sanctifier leur travail, en l’accomplissant avec compétence technique et avec diligence, pour contribuer au progrès de tous leurs frères et pour illuminer avec la lumière du Verbe toutes les activités humaines (cf. Lumen gentium, n. 36). Mais, surtout, le Pape souhaite qu’ils sachent être les protagonistes d’une société plus juste et plus fraternelle, en remplissant leurs devoirs à l’égard de l’État : en respectant ses lois ; en ne se laissant pas emporter par la haine et par la violence ; en tentant d’être des exemples de conduite chrétienne dans leur milieu professionnel et social, en se distinguant par l’honnêteté dans les rapports sociaux et professionnels. Qu’ils se souviennent que l’ambition démesurée de richesse et de pouvoir conduit à la corruption de soi et des autres ; il n’y a pas de raisons valables qui justifient la tentative de faire prévaloir ses propres aspirations humaines, qu’elles soient économiques ou politiques, à travers la fraude et la tromperie.

Il existe, en dernière analyse, un immense horizon d’action dans lequel les questions d’ordre social, économique et politique acquièrent une importance particulière, à condition que leur source d’inspiration soit l’Évangile et la Doctrine sociale de l’Église. La construction d’une société plus juste et solidaire, réconciliée et pacifique ; l’engagement à freiner la violence ; les initiatives de promotion d’une vie vécue en plénitude, de l’ordre démocratique et du bien commun, en particulier celles qui visent à éliminer certaines discriminations existant dans les sociétés latino-américaines et qui ne doivent pas être des causes d’exclusion, mais plutôt d’enrichissement réciproque.

Ayez surtout un grand respect pour l’institution du Sacrement du mariage. Il ne pourra pas y avoir de bonheur véritable dans les foyers si, dans le même temps, il n’y a pas de fidélité entre les époux. Le mariage est une institution de droit naturel, qui a été élevée par le Christ à la dignité de Sacrement ; c’est un grand don que Dieu a fait à l’humanité. Respectez-le, vénérez-le. Dans le même temps, Dieu vous appelle à vous respecter les uns les autres également lorsque vous tombez amoureux et vous vous fiancez, car la vie conjugale, qui par disposition divine est réservée aux couples mariés, sera une source de bonheur et de paix uniquement dans la mesure où vous saurez faire de la chasteté, en dehors et à l’intérieur du mariage, un rempart de vos espérances futures. Je vous répète ici à tous que « l’éros veut nous élever […] vers le Divin, nous conduire au-delà de nous-mêmes, mais c’est précisément pourquoi est requis un chemin de montée, de renoncements, de purifications et de guérisons » (Lettre encyclique Deus caritas est [25 décembre 2005], n. 5). En peu de mots, il requiert un esprit de sacrifice et de renoncement pour un bien plus grand, qui est précisément l’amour de Dieu sur toutes les choses. Essayez de résister avec force aux pièges du mal existant dans de nombreux milieux, qui vous pousse à une vie dissolue, paradoxalement vide, en vous faisant égarer le don précieux de votre liberté et de votre vrai bonheur. Le véritable amour « cherchera toujours plus le bonheur de l’autre, il se préoccupera toujours plus de l’autre, il se donnera et il désirera “être pour” l’autre » (ibid., n. 7) et, pour cette raison, sera toujours plus fidèle, indissoluble et fécond.

Comptez dans ce but sur l’aide de Jésus Christ qui, par sa grâce, rendra cela possible (cf. Mt 19, 26). La vie de foi et de prière vous conduira sur les voies de l’intimité avec Dieu et de la compréhension de la grandeur des projets qu’il a pour chaque personne. « À cause du Royaume des Cieux » (ibid., v. 12), certains sont appelés à un don total et définitif, pour se consacrer à Dieu dans la vie religieuse, « grand don de la grâce », comme cela a été déclaré par le Concile Vatican II (cf. Décret Perfectae caritatis, n. 12). Les personnes consacrées qui se donnent totalement à Dieu, mues par l’Esprit-Saint, participent à la mission de l’Église, en témoignant de l’espérance du Royaume céleste parmi tous les hommes. C’est pourquoi je bénis et j’invoque la protection divine sur tous les religieux qui, dans la vigne du Seigneur, se consacrent au Christ et à leurs frères. Les personnes consacrées méritent vraiment la gratitude de la communauté ecclésiale : moines et moniales, contemplatifs et contemplatives, religieux et religieuses consacrés aux œuvres d’apostolat, membres d’Instituts séculiers et de Sociétés de Vie apostolique, ermites et vierges consacrées. « Leur existence rend un témoignage d’amour au Christ lorsqu’ils marchent à sa suite selon la proposition de l’Évangile et que, avec une joie intime, ils assument le style de vie qu’Il a choisi pour lui-même » (Congrégation pour Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, Instruction Repartir du Christ, n. 5). Je souhaite qu’en ce moment de grâce et de profonde communion dans le Christ, l’Esprit-Saint réveille dans le cœur de tant de jeunes un amour passionné, en suivant et en imitant Jésus Christ chaste, pauvre et obéissant, totalement tourné vers la gloire du Père et vers l’amour de nos frères et de nos sœurs.

6. L’Évangile nous assure que ce jeune qui courut à la rencontre de Jésus était très riche. Nous entendons cette richesse, pas seulement sur le plan matériel. La jeunesse elle-même est une richesse singulière. Il faut la découvrir et la mettre en valeur. Jésus l’a tellement appréciée qu’il finit par inviter ce jeune à participer à sa mission de salut. Il avait en lui-même toutes les qualités requises pour une grande réalisation et une grande œuvre.