TKT ça va le faire - Nathalie Lenglet - E-Book

TKT ça va le faire E-Book

Nathalie Lenglet

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Beschreibung

Une enquête ludique sur son quartier emmènera Xavier plus loin que tout ce qu'il avait imaginé...

Xavier Monfreidi découvre une nouvelle bouteille plastique de vin devant sa maison. Son épouse et lui en ont déjà repéré des identiques dans le quartier. Par jeu, ils décident de surveiller pour savoir qui les jette. Et un soir, éberlué, Xavier finit par le découvrir, mais il préfère ne rien dire à sa femme.
Seule avec trois enfants depuis la disparition inexpliquée de son mari quelques années plus tôt, Marie est en proie à de graves difficultés financières.
Entre mensonges, culpabilité et meurtres, commence alors à distance un étrange duel opposant Xavier désireux de concrétiser l’affaire de sa vie et Marie qui a perdu le contrôle des évènements. Pour elle, une seule chose importe : protéger ses enfants et leur assurer un avenir décent.

Connaît-on vraiment les personnes avec lesquelles on vit ? Cette histoire fait un pied de nez à ceux qui pensent détenir la réponse à cette question troublante et emporte le lecteur, sur un tempo stupéfiant, dans un scénario tordu mais fascinant.

EXTRAIT

Marie patienta un moment, puis elle gagna enfin son bureau. Elle se sentit défaillir en voyant la fenêtre ouverte, celle par laquelle José Rivoli était passé. Elle reprit vite ses esprits et s’attela à ses transactions. Encore quelques jours et ce serait bon.
Elle travailla d’arrache-pied jusque tard dans la soirée, puis remonta en voiture, s’arrêta à l’épicerie ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre, quelques centaines de mètres après l’usine.
— Bonjour, madame. Je vous mets la même chose que d’habitude ? lui fit l’épicier avec un sourire malsain.
— Oui, s’il vous plaît, répondit-elle d’un air gêné.
Sur le chemin du retour, elle mit la musique à fond, vida d’une traite sa bouteille en plastique de vin blanc ordinaire et la jeta par la
fenêtre quelques rues avant d’arriver chez elle.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Une fois que vous êtes embarqué dans cette histoire vous n'avez plus qu'une hâte, savoir comment cela va se finir. Des non-dits, des tromperies, des découvertes, du suspens, des menaces, des morts tel est le cocktail de ce livre que vous lirez d'une seule traite si jamais vous plongez le nez dedans. Pour les fans de suspens, de tensions, de littérature noire. -  Cathy_lit, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEUR

Nathalie Lenglet est fille et petite-fille de policier mais également une lectrice effrénée. Alfred Lenglet est commissaire de police et écrit depuis plusieurs années, une activité qui lui offre une bouteille d'oxygène dans son quotidien professionnel. Pourtant c'est le polar qu'il affectionne ! Il a en a signé plusieurs dont : Jeux mortels en hiver (Calmann-Lévy, 2016) , Temps de haine (Calmann-Lévy, 2017), Coeurs de glace (Calmann-Lévy, 2018).
Mariés depuis 1992, ils partagent le goût de la lecture. Nathalie a toujours été la première lectrice des romans d'Alfred. Cette fois, ils ont décidé de prendre la plume ensemble. Et le résultat est des plus surprenants et réussis ! Ils nous démontrent ici leur attachement à la famille et l'empathie qu'ils éprouvent pour les jeunes.

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Contenu

Page de titre

Dédicace

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Glossaire

Le mot de l'éditeur

Bonus littéraire

Dans la même collection

Copyright

À nos enfants,
Erwin, Nils, Nanncy et Mancia
1
Xavier Monfreidi empoigna les deux poubelles jusqu’au portail de sa propriété. Il ouvrit un battant, traversa la route en jetant un œil de chaque côté, les rangea côte à côte et fit demi-tour pour rentrer. À peine avait-il esquissé ce geste qu’il se ravisa. Il se retourna. Une bouteille de vin en plastique avait été jetée sur le carré d’herbe juste derrière le trottoir. Il pesta contre l’indélicatesse de certains de ses voisins, attrapa la bouteille d’un air dégoûté avec deux doigts, et retraversa pour la mettre dans un sac de tri sélectif. Il détestait le manque de savoir-vivre des autres et ramassait systématiquement tout ce qui traînait devant chez lui. Il referma le portail et regarda cette fichue bouteille à travers le sac transparent. Elle contenait un vin blanc ordinaire. Il se souvenait en avoir déjà trouvé des identiques en se promenant à proximité de la maison. En l’examinant plus attentivement, il lui sembla voir des taches rougeâtres, comme du sang séché. Il n’y avait pas prêté attention en la ramassant.
Il appela son épouse à l’étage.
— Aurélie ! Tu peux venir voir, s’il te plaît ? J’ai trouvé quelque chose de curieux.
Le visage de la jeune femme apparut en haut de l’escalier.
— C’est quoi ton mystère ?
Il lui fit signe de le rejoindre. Elle descendit les marches en sautillant et se pendit à son cou.
— Lors de nos promenades, nous avons trouvé à plusieurs reprises des bouteilles d’un pinard très bon marché. Tu t’en souviens ? La dernière fois, c’était pas loin de la maison, juste avant le ralentisseur.
Aurélie Monfreidi acquiesça, ne comprenant toutefois rien à l’air de conspirateur pris par son mari pour une aussi banale histoire. Il vit du désappointement dans ses yeux.
— Figure-toi que je viens d’en trouver une similaire juste devant chez nous. Je l’ai ramassée pour ne pas la laisser traîner. Il y a des taches rouges dessus, on dirait du sang.
— Et alors ?
— Je me posais juste la question de savoir si c’est la même personne qui picole cette vinasse et qui nous laisse ses flacons en cadeau.
Aurélie sourit.
— Une enquête de l’inspecteur Monfreidi !
— Du commissaire ! s’il te plaît. Une enquête criminelle. À tous les coups, le coupable est un maçon des environs, un Portugais qui rentre chez sa bergère et qui jette sa bouteille pour ne pas prendre une remontée de bretelles. Il s’est d’ailleurs peut-être blessé sur son chantier !
— Le cliché ! Pas de racisme, monsieur le commissaire. Des preuves !
— Eh bien, je vais vous en fournir en surveillant le quartier, être vigilant et plus attentif. L’enquête sera bientôt bouclée, vous pouvez en être certaine, ma p’tite dame !
Ils s’embrassèrent. Xavier remonta dans son bureau.
Aurélie et Xavier vivaient depuis un peu plus de six mois dans une coquette maison d’un village du Val de Saône, au nord de Lyon. Ils étaient les heureux parents de Mancia, sept ans, et de Léna, cinq ans. Architecte de formation, Xavier avait quitté un important cabinet pour créer sa propre entreprise de conseil en intérieur et en rénovation. Aurélie, professeur d’histoire, enseignait à mi-temps dans un établissement privé.
Un peu avant midi, Xavier délaissa ses plans et ses dessins, alors qu’une bonne odeur arrivait jusqu’à son bureau. Pour la fin de semaine, les filles étaient chez leurs grands-parents.
Après avoir cuisiné une ratatouille maison, Aurélie faisait griller des morceaux de lard. Xavier déboucha une bouteille de rosé, attrapa deux beaux verres à pied dans le buffet du salon. Il s’approcha de sa femme, lui tendit un verre et fit le service. Ils trinquèrent et mangèrent tranquillement, les yeux dans les yeux, heureux.
Le repas terminé, Xavier aida Aurélie à débarrasser la table, puis lui prit délicatement la main. Il l’entraîna vers la chambre avec un sourire malicieux, l’embrassa dans le cou et la déshabilla lentement. Ils tombèrent sur le lit et s’aimèrent avec des gestes langoureux.
Aurélie ferma les yeux en posant la tête sur le torse de son mari. Après quelques minutes de bien-être, alanguie par les douceurs de l’amour, elle tourna la tête vers lui. Les yeux grands ouverts, Xavier fixait le plafond.
— Tu penses à quoi ? lui demanda-t-elle.
— Je repense à cette bouteille…
— Elle t’inspire quoi ?
— Une bouteille de cette sorte ? Un mauvais alcool, ça m’inspire la dépendance, la déchéance et la honte. À tous les coups, c’est un mec qui picole en cachette.
— Un alcoolique honteux.
— Tu connais des alcooliques joyeux, toi ?
Allongée sur le ventre, Aurélie prit ses joues dans le creux de ses mains en dévisageant son mari. Elle eut un sourire moqueur en faisant « non » de la tête.
— Je connais toutefois un homme qui prétend souvent, je cite : « L’alcool fait du bien à l’homme lorsque c’est la femme qui le boit ! »
— C’est pas drôle. Que peut signifier une bouteille jetée ainsi sur le trottoir ?
— Une bouteille à la rue, comme on dit une bouteille à la mer !
— Exact ! Mais là, il n’y a pas de papier roulé à l’intérieur, fit Xavier comme s’il réfléchissait à haute voix. S’il faut découvrir un message, il est subliminal. Il tient sans doute à la bouteille en plastique – une matière très peu noble pour du vin – jetée négligemment dans la rue, à ce vin de mauvaise qualité à peine bon à faire une sauce. Et puis, il y a ces petites taches qui font penser à du sang. C’est troublant, presque inquiétant si on y réfléchit un peu mieux…
Aurélie sourit.
— Je ne crois plus à ton histoire de maçon, reprit-elle.
— Alors ? fit Xavier comme s’il menait un interrogatoire.
Elle balança la tête d’un air désolé, en plein doute.
— Un jeune, un vieux ?
— Un homme, une femme ?
— Un riche, un pauvre ?
— Un voisin, quelqu’un de passage ?
— Houla, pas trop de questions ! s’exclama Aurélie, sinon nous n’arriverons à rien.
— Au contraire, fit Xavier le plus sérieusement du monde. Nous devons poser les hypothèses, comme de véritables enquêteurs. Si cette personne boit, c’est peut-être pour noyer un problème d’argent ou une peine de cœur, une rupture sentimentale…
— Elle est au chômage depuis peu ou alors elle fait un travail pénible, pas très intéressant. Elle boit à cause de son triste quotidien.
— Elle a des soucis de santé et boit pour les oublier !
— C’est un lent suicide alors, avec cette cochonnerie, releva Aurélie.
— Si c’était un criminel qui noie sa culpabilité dans l’alcool ?
Xavier dénicha un carnet dans les tiroirs de son bureau et retranscrivit aussitôt toutes les présomptions évoquées, pour ne rien oublier. Il revint s’asseoir sur le bord du lit.
— Et si on mettait en place une surveillance ?
— Tu es sérieux ?
— Très sérieux ! Si nous voulons connaître la vérité sur cette affaire de bouteille, il n’y a pas à hésiter !
— Vendu ! dit Aurélie, surprise toutefois que son mari en fasse tant pour une découverte aussi insignifiante.
Le reste de l’après-midi, Xavier Monfreidi travailla sur le projet de clients de Curis-au-Mont-d’Or. Ils venaient d’acheter un vieux corps de ferme et souhaitaient conserver l’extérieur de l’ancien bâtiment, tout en rénovant l’intérieur de façon moderne. Xavier avait carte blanche et se faisait plaisir. Absorbé par son travail, il en oublia cette histoire de bouteille. Mais il y repensa aussitôt son ordinateur refermé.
Il sortit de la maison, avança jusqu’au trottoir et examina attentivement les environs, à la recherche du meilleur endroit pour surveiller le secteur, la nuit venue. Il s’était en effet forgé une première certitude : les faits se produisaient en fin d’après-midi ou en soirée… Il n’imaginait pas la personne boire tôt le matin avant de prendre son travail ou passer là en pleine journée. Il posa le regard sur le lampadaire installé près du mur de son voisin. Dès la nuit tombée, il éclairait parfaitement l’entrée de l’impasse, juste devant la maison. En se cachant derrière le portail ou la haie de sa propriété, il lui suffisait de trouver un angle approprié pour surveiller la rue.
Xavier s’accroupit derrière le portail, mais aucune vue satisfaisante ne s’offrait à lui. Il longea la haie et finit par se décider pour un endroit, à côté du figuier de la terrasse. Il dégagea quelques branches. De là, il pouvait facilement apercevoir le coin des poubelles, le trottoir et la bande herbeuse où il avait découvert la bouteille.
Trois soirs de suite, Xavier Monfreidi surveilla le secteur. Rien ne se produisit. Il se mettait en place à dix-neuf heures, jusque vers minuit. Chaque matin, il vérifia les abords de sa propriété, sans découvrir de bouteille. Tout restait possible. Aurélie proposa de participer à l’opération. Cette complicité enchanta le couple.
— Nous n’allons pas rester côte à côte, ce serait contre-productif, constata Xavier. Je mettrai la voiture sur le parking un peu plus loin, l’un de nous s’y cachera. Nous pourrons mieux surveiller la rue. Qu’en penses-tu ?
Aurélie acquiesça, excitée, comme une adolescente, par cette expérience nouvelle.
— Pour échanger entre nous, je te propose d’utiliser les talkies-walkies des filles, dit-elle.
Xavier leva son pouce.
Aurélie chercha dans la chambre de sa fille Mancia et les trouva dans une caisse à jouets. Par chance, elle avait des piles rechargeables compatibles. Elle fit quelques essais concluants, puis prépara des sandwichs pour la longue soirée de veille.
— Qui se met dans la voiture ? cria-t-elle à son mari.
— Comme tu veux !
— Tu peux la prendre, ça te changera de la planque derrière la haie.
— Vendu ! répondit Xavier, plongé dans son travail.
À l’heure convenue, ils se mirent en place. Des voitures passèrent, des deux-roues, mais aucun piéton.
— On va encore faire chou blanc, constata la jeune femme avec dépit.
— Nous avons peut-être été repérés, répondit Xavier, à moins que nous ayons fait une erreur de jugement. Depuis le début, nous pensons que notre buveur est un piéton. Mais il peut aussi s’agir d’un automobiliste qui se débarrasse d’une bouteille par la fenêtre de sa voiture !
— Moi, j’y avais bien pensé, releva Aurélie.
— Chut ! Regarde bien, je vois quelqu’un s’approcher.
Une silhouette passa de l’ombre à la lumière, promenant un chien. L’homme ne remarqua ni Xavier ni Aurélie. Il ne se débarrassa d’aucune bouteille et poursuivit tranquillement sa promenade nocturne.
Les deux apprentis détectives soufflèrent en même temps, de dépit.
— Allez, on lève le camp, fit Xavier.
— Attends encore deux secondes !
Des phares venaient d’éclairer le coin de la rue. Une voiture arrivait lentement. Elle franchit le ralentisseur à très faible allure. Le lampadaire l’éclaira. C’était une petite voiture rouge que Xavier reconnut parfaitement.
Au moment où elle passait devant lui, il vit la conductrice jeter quelque chose par sa vitre. Les images défilèrent comme dans un film au ralenti. C’était une bouteille en plastique.
2
— Maman ! T’as lavé mon pull bleu marine et mon jean ? Maman ! Tu m’entends ?
Marie réagit enfin.
— Non, chérie, je n’ai pas eu le temps.
— Mais enfin, maman, ça fait trois semaines que je les ai mis à laver !
— Tu n’as qu’à les laver toi-même !
La jeune Paula, dix-sept ans, ne reconnaissait plus sa mère depuis un moment. Elle, toujours si douce et dévouée pour sa famille, avait soudainement changé de comportement. Elle était devenue aigrie, agressive… Elle passait son temps au travail et elle n’accordait plus un instant à ses enfants. Et quand elle était à la maison, Paula lui trouvait souvent un air absent.
À l’âge où elle aurait dû profiter de la vie avec ses amis, Paula devait seconder sa mère de plus en plus fréquemment. Malgré sa jeunesse, elle était très mature et elle avait vite compris, au départ de son père, qu’elle devrait s’occuper de la gestion de la maison ainsi que de sa sœur et de son petit frère.
Marie était à bout. Elle trimait au service comptabilité de son usine depuis vingt ans, mais son salaire était toujours aussi minimaliste. Juste de quoi survivre avec ses trois enfants.
Elle s’était retrouvée seule avec eux six ans auparavant lorsque son mari l’avait quittée, abandonnée même. Il avait disparu du jour au lendemain et il n’avait plus jamais donné signe de vie. Il n’avait jamais cherché à voir ses enfants, lesquels souffraient beaucoup de cette situation. Elle s’était peu à peu reposée sur sa fille aînée, comme accrochée à une bouée de sauvetage.
Leur maison se trouvait au fond d’une impasse. La toiture côté nord était couverte de mousse. La peinture des volets était écaillée. Le jardin n’était plus entretenu depuis longtemps. La demeure avait été achetée à crédit. Il lui restait encore quinze années à rembourser. Elle pensait bien être débarrassée des mensualités lorsque son mari avait disparu. Mais l’assurance n’avait rien voulu savoir. Tant qu’il n’y avait pas de corps, il ne pouvait être déclaré mort.
À l’intérieur, on trouvait une pièce de taille modeste qui intégrait une petite cuisine. Une table ronde trônait au milieu avec quatre chaises autour. De la vaisselle s’amassait çà et là sur le mobilier.
Marie et ses enfants avaient leur chambre à l’étage. Les filles dormaient dans la même et son fils dans un petit bureau aménagé. La salle de bains était commune. Du linge était dispersé dans les différentes pièces du haut.
Marie quitta la table du petit-déjeuner et monta se préparer. Vincent, le petit dernier, sept ans, passa en courant.
— J’y vais, maman. Xavier, le papa de Mancia, la nouvelle de la classe, m’emmène à l’école.
Marie fit un petit signe de la main, sans réagir vraiment. Xavier ? Encore ! Il n’avait que ce prénom à la bouche ces derniers temps !
Elle n’était plus en phase avec la réalité depuis quelques mois. Elle ne supportait plus sa condition si misérable. Sa maison avait besoin de rénovation, ses enfants avaient besoin de vêtements, de chaussures, mais elle n’arrivait plus à joindre les deux bouts. Elle avait intégré le conseil municipal du village afin de gagner quelques euros supplémentaires, mais cela n’était pas suffisant.
Tout allait pourtant bientôt changer. Elle avait tout prévu. Enfin presque. Si seulement elle avait pu être plus discrète… Rien ne serait arrivé… Mais elle allait s’en sortir, c’était une question de temps.
Elle finit de se préparer et regagna le hall.
— Les filles ! En voiture !
Lucie, dix ans, et Paula s’engouffrèrent dans la petite Clio rouge en faisant grincer les portières. Même la voiture – 190 000 kilomètres au compteur ! – avait besoin d’être changée.
— Ce soir, c’est mamie qui vous récupérera. Je vais rentrer tard. J’ai du boulot, fit Marie.
— Encore ! Tu travailles toujours tard ! s’exclama Lucie.
— Je sais, ma chérie. Mais rassure-toi. Tout ira mieux bientôt.
Ses parents étaient de condition modeste et habitaient non loin de là. Sa mère, ancienne ouvrière, très active pour son âge, faisait partie de nombreux clubs et associations et était souvent très occupée. Heureusement, elle trouvait toujours du temps pour ses petits-enfants. Son père, facteur à la retraite, préférait rester à la maison et entretenir son jardin. Depuis quelque temps, il perdait la tête. De plus en plus souvent. Marie était effrayée à l’idée de devoir le placer un jour. Elle savait que sa mère ne le supporterait pas. Elle désirait ardemment leur offrir un cadre agréable pour les quelques années qu’il leur restait à vivre. Elle se l’était promis.
Arrivée sur son lieu de travail, Marie vit tout de suite un attroupement devant l’entrée. Un camion du SAMU était stationné près de l’accueil ainsi que les véhicules des sapeurs-pompiers et des gendarmes. Ces derniers avaient établi un périmètre de sécurité.
Marie se gara, descendit de voiture et s’avança lentement à la hauteur de ses collègues.
— Que se passe-t-il ?
— C’est José. Il s’est suicidé. Apparemment, il s’est jeté de la fenêtre hier soir, répondit Anna, la secrétaire du directeur.
— Oh ! mon Dieu ! Quelle horreur ! s’exclama Marie devenue soudain toute pâle.
José Rivoli était le responsable du service comptabilité où elle travaillait. C’était un homme jovial, agréable, mais malheureusement un peu trop curieux. Désormais, elle ne le croiserait plus jamais. Tout allait s’arranger pour elle. Elle en était sûre.
Elle observait les allées et venues des gendarmes. Ils devaient faire les constatations. Que cherchaient-ils ? Tout faisait penser à un suicide. Cette affaire allait être vite menée !
Subitement, Marie se retourna, car elle se sentait observée. Un de ses collègues, Paul, la fixait et il détourna vite son regard. Il travaillait au service commercial, juste à côté de la comptabilité. Avait-il vu quelque chose ? Marie tressaillit imperceptiblement.
Le directeur s’avança soudain en haut des marches et annonça que l’usine resterait fermée pour la journée. Il invita ses employés à revenir travailler le lendemain matin.
Cela contraria Marie. Elle avait prévu certaines opérations comptables qui nécessitaient sa présence. Les transactions quotidiennes étaient indispensables si elle voulait avoir des jours meilleurs. Elle s’approcha.
— Pardon, monsieur le directeur. J’avais beaucoup d’estime pour M. Rivoli, mais je dois impérativement préparer les paies et régler les factures de certains fournisseurs qui ne peuvent attendre.
Le directeur appréciait beaucoup Marie, une employée modèle depuis si longtemps. Elle n’hésitait pas à faire des heures supplémentaires quand cela était nécessaire.
— C’est d’accord, Marie. Dès que les gendarmes auront fini leur travail, vous pourrez entrer et vous fermerez tout lorsque vous vous en irez.
— Ne vous inquiétez pas, monsieur le directeur.
Le SAMU repartit dans un tintamarre assourdissant alors que le personnel se dispersait et que chacun rejoignait son véhicule.
Marie patienta un moment, puis elle gagna enfin son bureau. Elle se sentit défaillir en voyant la fenêtre ouverte, celle par laquelle José Rivoli était passé. Elle reprit vite ses esprits et s’attela à ses transactions. Encore quelques jours et ce serait bon.
Elle travailla d’arrache-pied jusque tard dans la soirée, puis remonta en voiture, s’arrêta à l’épicerie ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre, quelques centaines de mètres après l’usine.
— Bonjour, madame. Je vous mets la même chose que d’habitude ? lui fit l’épicier avec un sourire malsain.
— Oui, s’il vous plaît, répondit-elle d’un air gêné.
3
— Alors ? demanda Aurélie dans le talkie-walkie.
Encore perturbé par sa découverte, Xavier ne répondit rien. Incrédule, il revit la voiture rouge passer devant la maison. Que fabriquait là Marie à cette heure tardive et que signifiait cette bouteille ? Dans la lumière du lampadaire, il avait aperçu son regard, comme une menace, silencieuse et soyeuse, celle d’un fauve, capable de tuer avec une ombre de sourire dans les yeux.
Des coups frappés au carreau de la voiture le sortirent de sa torpeur. Hébété, il tourna lentement la tête.
— Tu m’as fait peur, dit Aurélie en ouvrant la portière. Tu ne répondais plus.
Xavier sourit timidement, tout en appuyant maladroitement sur le bouton du talkie-walkie. L’appareil crachota quelques bruits très faibles.
— Les piles sont sans doute déjà déchargées, bredouilla-t-il en guise d’explication.
— Il est tard, reprit Aurélie, il faut nous reposer. J’ai du travail demain, un tas de copies à finir de corriger et un nouveau cours à préparer.
Xavier acquiesça en redémarrant.
— Tu n’as rien vu ? demanda-t-il.
Aurélie fit « non » de la tête. Elle rentra. Il manœuvra lentement la voiture en observant les environs. Effectivement, derrière la haie, sa femme n’avait pu voir ni la conductrice ni son geste. Il rangea l’auto dans le garage. La lumière était allumée dans la salle de bains à l’étage. Il se dépêcha d’aller récupérer la bouteille.
C’était bel et bien une de ces bouteilles de vin bon marché, en plastique. Il la cacha dans le placard, avec ses outils. Il n’y avait aucune trace de sang sur celle-ci.
Afin de chasser les mauvaises vibrations encombrant son esprit, Xavier fit le tour de la maison. La fraîcheur de la nuit était tombée et quelques pas dans l’herbe l’apaisèrent. De la terrasse, il perdit son regard dans le ciel étoilé, alors que la lune montait depuis l’horizon. Des lumières rouges brillaient au loin, aux sommets des monts d’Or.
Xavier n’en revenait toujours pas. Que venait faire Marie dans cette histoire ? Il souffla et se décida à rentrer. La coïncidence était vraiment malheureuse.
Après avoir pris sa douche, Aurélie se coiffait.
— Tu en fais une tête, dit-elle. On croirait que tu as vu un fantôme. Tout va bien ?
— C’est juste un peu de fatigue. Je suis comme toi, j’ai du travail demain. Je dois finir un projet et les clients sont très exigeants. Je n’ai pas le droit de me louper.
Quand il rejoignit la chambre, Aurélie dormait déjà. Il éteignit, déposa un léger baiser sur la joue de sa femme et ferma les yeux.
Après quelques minutes, les battements affolés de son cœur s’arrêtèrent enfin. Il se força à respirer plus calmement pour tenter de s’apaiser. Il écouta les bruits autour de lui. Le souffle d’Aurélie lui parvenait, calme et régulier. Elle n’avait donc rien vu et elle ne se doutait de rien.
Xavier ouvrit les yeux et fixa le plafond sans vraiment le voir. Seule la lumière du radio-réveil éclairait la chambre d’un halo faible. De l’extérieur lui parvenait le bruit du vent dans les feuilles, musique apaisante en temps ordinaire mais qui finit par lui vriller les tympans.
Xavier se mit à paniquer. Marie avait peut-être découvert son plan. Il devait se méfier d’elle. Il avait croisé son regard et cela ne lui disait rien de bon. Ce n’était plus la femme crédule et presque timide qu’il avait séduite quelques années auparavant. Elle avait changé physiquement et moralement aussi. Il ignorait qu’elle avait un problème avec l’alcool. À voir ce qu’elle buvait, c’était une forme de déchéance qui la rendait sans doute encore plus dangereuse. Mais que faire ? Tout arrêter ? Attendre de savoir ce qu’elle manigançait ? Xavier tourna et retourna dans le lit, incapable de trouver le sommeil, pris d’une angoisse très forte.
Il se releva, enfila un survêtement, attrapa un paquet de cigarettes et sortit sur la terrasse du jardin. La lune, presque pleine, éclairait la pelouse et les arbres d’une lumière blanche étrange. Xavier frissonna. Pas à cause de la fraîcheur de la nuit, mais de la peur. Il alluma une cigarette.
Leur liaison remontait à plus de six ans. Quelques mois d’un amour explosif, exclusif, fou. Puis la chute, la rupture, les pleurs, les cris et les sanglots, la peur, la haine, une déchirure de plusieurs semaines, avant que la vie reprenne un cours normal.
Au moment de cette liaison, Xavier connaissait Aurélie depuis peu. Un coup de foudre. Un autre coup de foudre. À l’époque, il était trop fleur bleue, il ne savait guère résister au charme d’une femme. Aurélie et Marie étaient très différentes. D’ailleurs, à bien y réfléchir, tout les opposait, leurs physiques, leurs goûts vestimentaires, leurs talents amoureux. Deux choses les réunissaient pourtant, un charme fou et une fantaisie presque sauvage liée à un amour immodéré de la vie. C’est du reste cela qui l’avait fait craquer. Et puis l’interdit. Être un funambule sur une ligne de crête séparant deux volcans en éruption.
Xavier sourit malgré lui.
Il avait passé de délicieux moments dans les bras de Marie et il pensait leur histoire refermée à jamais. Jusqu’à la découverte des détournements d’argent qu’elle organisait dans son entreprise. Et pas des petites sommes ! Xavier avait favorisé l’installation de sa famille dans le même village qu’elle, pour mieux la surveiller. Et voilà que le stratagème se retournait contre lui ! Un comble !
Quand il l’avait croisée à la sortie de l’école, Marie avait quelque chose de mystérieux et d’inquiétant dans les yeux, elle avait soutenu son regard sans ciller, sans l’ombre d’une émotion. Il s’était alors instauré entre eux un jeu de dupes fait d’évitements, de non-dits, de regards biaisés. Quand les enfants s’étaient rapprochés, à s’inviter l’un chez l’autre, Xavier n’avait rien pu faire pour l’éviter. Une réaction hostile de sa part aurait été suspecte. Aurélie aurait fini par se douter de quelque chose.
Heureusement, Marie était demeurée discrète, presque effacée. Xavier en avait éprouvé un profond soulagement, jusqu’à la découverte de ce soir : que venait-elle faire avec ses bouteilles jusque devant chez lui ? Et ce sang ? Une menace ?
Xavier tira plusieurs bouffées et souffla lentement les volutes de fumée. Il s’était crispé en ressassant cette vieille histoire. C’était insensé.
Il se repassa lentement le film des évènements de la soirée. Il n’y avait plus de doute possible. En venant lancer ses bouteilles à proximité de chez lui, Marie lui envoyait un message. Mais ce n’était pas un S. O. S. Xavier ne pouvait l’analyser ainsi. C’était plutôt une provocation, une sorte d’ultimatum.
Comment s’étaient-ils rencontrés ? Une drôle d’histoire. Marie lui avait envoyé un mail en se trompant de destinataire. Il avait répondu. Ils s’étaient écrit durant plusieurs semaines, avant de se rencontrer enfin et de s’aimer. Un coup de foudre réciproque. « Une folie ! » pensa-t-il.
Pourquoi leurs chemins se croisaient-ils ainsi au rythme de leur vie ? C’était un hasard. Le mot résonna dans sa tête de longues minutes. Oui, bien sûr, un pur et stupide hasard !
Xavier se tourna lentement, le cou endolori par trop de tensions. Il réfléchit et tenta de récapituler calmement les différentes étapes, depuis leur rencontre jusqu’à la scène de ce soir. Y avait-il une place pour le hasard dans tous ces évènements ? Bien sûr que oui ! Ce n’était que du hasard !
Xavier souffla. Il demeura immobile un long moment, incapable de réfléchir davantage à la situation, l’esprit assailli de mille incertitudes. Et si cette situation incroyable avait été préméditée, orchestrée, dans ses moindres détails… depuis le début, depuis le premier mail… Xavier ne put réfréner un frisson désagréable.
Au moment de sa liaison avec Marie, il végétait dans un cabinet d’architectes de Lyon, sans la possibilité de s’épanouir, sans aucune capacité à développer son esprit créatif. Il s’ennuyait, même s’il était bien payé. On ne lui donnait aucune occasion de briller, de faire valoir son talent. Il avait vécu dans la facilité, sans jamais se donner à fond. Il avait même magouillé avec quelques entrepreneurs peu scrupuleux, pas pour l’argent, mais pour le seul plaisir du frisson de l’interdit, pour braver la morale, la société, ces têtes bien-pensantes de la petite bourgeoisie bohème de Lyon qu’il fréquentait, mais qu’il détestait. Frisson ! Mais le frisson du doute de cette nuit n’avait pas, comme autrefois, la même saveur que celui de la transgression.
En y réfléchissant un peu mieux, l’entreprise de Marie travaillait peut-être bien pour le cabinet. Xavier ne s’en souvenait plus vraiment. Il lui fallait vérifier. Dans ses papiers, cachés dans une pochette au milieu de ses affaires professionnelles, il avait conservé des documents de l’époque. Juste de quoi se protéger, si un jour une vieille affaire puante remontait à la surface. Rien de méchant. Une simple précaution. Il s’en félicita et se retint un moment d’aller vérifier dans la foulée. Ce n’était pas le moment qu’Aurélie le surprenne à fouiller dans ses dossiers. Il serait bien en mal d’explications. Demain matin, tranquillement, discrètement, il aurait tout le temps de le faire, sans risque.
Le doute, affreux, terrible, le heurta de nouveau de plein fouet. Non, ce n’était pas possible. Marie était une gentille cruche. Un très beau corps, des seins magnifiques, des hanches divines, un port de tête de reine. Mais pas la finesse d’une aguicheuse. Ce n’était pas une calculatrice, capable de prévoir les coups, voire de les anticiper.
Le cœur de Xavier battait à tout rompre, emporté par un élan de folie. Le doute se transformait dans son esprit en une panique irraisonnée. Il devait absolument se calmer, retrouver un peu de lucidité. Quand bien même Marie aurait fait exprès de lui envoyer le fameux mail, elle n’avait jamais rien su de ses petits arrangements, des enveloppes discrètes qui lui permettaient à l’époque de mener une double vie. Et que Mancia s’entiche du petit Vincent, alors là, n’en parlons pas. Le jeu du hasard mais sans l’amour !
Xavier se recoucha sans bruit, mais se sentit soudain trempé de la tête aux pieds par une sueur désagréable, celle d’un entêtement coupable. Aurélie dormait toujours paisiblement. Par chance, elle avait à peine bougé.
4
« Mais que faisait Xavier seul dans sa voiture à cette heure ? Il m’a vue. C’est sûr ! » Marie avait remarqué son regard surpris. Elle avait pris l’habitude de lancer ses bouteilles à cet endroit, en entrant dans le village, avant d’arriver chez elle. Elle n’avait jamais fait le rapprochement avec la proximité de la maison de Xavier. « Quelle idiote ! Si ça se trouve, il ramasse toutes mes bouteilles ! »
Elle se retrouva soudain plusieurs années en arrière. Elle avait rencontré Xavier à la suite d’un mail envoyé par erreur. Tout s’était enchaîné si vite. Il lui avait donné un peu d’évasion, car sa vie, à cette époque, était sens dessus dessous. Il lui avait fait oublier ses soucis et l’avait aidée à surmonter ses difficultés. De son côté, il avait eu un vrai coup de foudre, et il semblait bien à Marie que la fin de leur histoire avait été compliquée pour lui. D’ailleurs, quand elle l’avait revu six mois auparavant à la sortie de l’école, il s’était troublé. Était-il revenu pour elle ? Peut-être ne l’avait-il pas oubliée ? Elle se souvenait des coups de fil passés dans la nuit à la suite de leur séparation. Elle avait fini par débrancher son téléphone fixe et éteindre son mobile. Puis, plus rien, pendant des années, jusqu’à ce qu’elle le retrouve dans ce village.
Tout se passait pourtant de façon civilisée et Xavier semblait garder ses distances. Ce qui l’ennuyait un peu, c’est que Vincent se soit entiché de sa fille Mancia. Désormais, son fils parlait de Xavier comme d’un père formidable, un père qu’il n’avait jamais eu. À force de fréquenter Mancia, le jeune garçon s’était peut-être imaginé une vraie vie de famille. Il fallait que cela cesse. Marie souhaitait aujourd’hui changer d’existence à tout prix !
Elle arriva enfin chez elle, se gara et descendit de voiture. Elle titubait. Les effets de l’alcool se faisaient sentir. Elle se mit à sangloter. Il fallait qu’elle se reprenne pour ne pas offrir un spectacle aussi affligeant à ses enfants, pour garder les idées claires et ne pas compromettre la réussite de son plan. Elle avait commencé à boire au départ de son mari. C’était devenu une drogue. Personne ne s’en était rendu compte. Sauf peut-être Xavier ce soir… Quand tout irait mieux, elle ferait une cure, elle se l’était promis.
Elle se composa une figure normale et entra dans la maison. Paula avait mis la table et préparé le dîner comme de plus en plus souvent. La jeune fille observa sa mère, inquiète.
— Tout va bien, maman ? Tu es toute pâle.
Marie s’assit sur une chaise.
— Ça va, ma chérie, je suis juste fatiguée, car j’ai beaucoup de travail.
Soudain, Lucie apparut en haut des escaliers. Elle les descendit quatre à quatre et s’élança dans les bras de sa mère.
— Tu me manques, maman, dit-elle. Papa me manque aussi. Où est-il ?
Marie tressauta. Cette question la décontenançait à chaque fois.
— Je ne sais pas, ma chérie.
Elle se remémora ce jour, six ans auparavant, où Michel avait disparu. À cette époque, il venait de perdre son emploi de technicien de maintenance dans une petite entreprise spécialisée dans les machines agricoles. Il s’était laissé aller à la suite de ce chômage soudain et de plusieurs candidatures avortées. Ne croyant plus en rien, il avait délaissé Marie et les enfants, passant ses journées devant la télévision ou au lit, sombrant peu à peu dans la déprime. Marie s’était sentie impuissante, incapable de lui faire reprendre pied.
Xavier était alors entré dans son existence. Il lui avait redonné le sourire et elle avait fini par retrouver confiance en la vie. Elle avait alors compris qu’elle n’aimait plus son mari. Au fil des semaines, il était devenu un véritable parasite. Un jour, elle imagina ce que leur assurance de prêt pour la maison pourrait lui rapporter. Si son mari venait à mourir, elle n’aurait plus à payer les échéances. Il aurait pu tomber gravement malade, succomber à une crise cardiaque. À l’époque, Marie avait tout espéré, tout envisagé. Et elle n’en était pas très fière aujourd’hui.
Seulement, un soir, Michel avait bel et bien disparu sans laisser de trace et sans une explication. Que lui était-il arrivé ? Avait-il deviné ses intentions ? Avait-il découvert sa liaison avec Xavier ? Ou avait-il tout simplement voulu changer de vie ? Elle ne le savait pas et elle ne le saurait peut-être jamais. Sa voiture était restée là et Michel avait disparu avec ses seuls papiers. Une enquête avait été ouverte pour disparition inquiétante, mais cela n’avait rien donné. Aucun témoin, aucune trace.
Xavier avait été particulièrement présent à ses côtés, pour la consoler et la conseiller. Mais sans corps, sans la certitude de sa mort, l’assurance n’avait pas fonctionné. La relation avec Xavier s’était éteinte à ce moment-là. La vie de Marie était alors devenue un enfer. Elle avait commencé à boire, puis à négliger ses enfants.