Toi, mon bébé prématuré - Alexandra Tressos-Le Dauphin - E-Book

Toi, mon bébé prématuré E-Book

Alexandra Tressos-Le Dauphin

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Beschreibung

« RCIU (retard de croissance intra-utérin), quatre lettres qui annoncent l’apocalypse. Quatre lettres dont je n’avais jamais entendu parler et qui vont changer ma vie à jamais. L’aventure de la maternité commence et alors qu’en apparence tout va bien, à l’intérieur de mon ventre, c’est le chaos. Un mal sourd ronge ma fille qui lutte contre un ennemi que sa propre mère a généré. Une naissance en urgence, un sentiment de culpabilité qui perdurera de longues années, le service de réanimation et ses incertitudes, ses bips incessants. L’étage de néonatologie plus calme, là où la vie reprend doucement ses droits. La sortie du CHU Pellegrin, la peur au ventre. Mais aujourd’hui, Élina, tu es une magnifique petite fille en pleine forme. Puisse notre histoire aider de nombreux autres parents à garder espoir. »
Hôpital Pellegrin, Bordeaux. Une petite fille de 570 grammes vient de naître, prête à en découdre avec ce début de vie compliqué. Toi, mon bébé prématuré retrace le parcours d’Élina, grande prématurée. Ce témoignage est non seulement celui de ses parents, mais aussi celui d’autres couples qui ont vécu ce parcours du combattant qu’est la prématurité. La parole est également donnée au corps médical afin d’aider ceux dont l’enfant est arrivé en avance.

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© La Boîte à Pandore

Paris

http ://www.laboiteapandore.fr

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ISBN : 978-2-39009-451-7 – EAN : 9782390094517

Toute reproduction ou adaptation d’un extrait quelconque de ce livre par quelque procédé que ce soit, et notamment par photocopie ou microfilm, est interdite sans autorisation écrite de l’éditeur.

Alexandra Tressos-Le Dauphin

Toi, mon bébé prématuré

À propos de ce livre

La vie est riche en surprises. Bonnes ou mauvaises, elles modifient le cours des choses et nous amènent parfois vers des routes que l’on n’aurait jamais pensé emprunter.

Dans le creux de ma main s’est niché l’amour de ton papa, assez puissant pour te donner la vie, une amorce de vie bien chaotique qui nous a plongés dans l’effroi. Mais parce que tu es la guerrière des couveuses, ma petite Élina, je veux montrer à quel point ton courage et ta détermination nous ont impactés, assez pour que nous entrions tous dans un cercle positif où chacun des membres de notre famille entraînait l’autre pour tenir bon.

Plongeons-nous dans le passé pour mieux dévoiler l’avenir. C’est cela que je compte faire, chers lecteurs. Vous raconter comment une petite fille de 570 grammes a déjoué tous les pronostics. À travers ce témoignage entièrement authentique, j’espère vous redonner espoir, mais aussi amener un peu de lumière sur le personnel soignant.

Ce récit est un combat, celui de ma fille, condamnée avant même d’avoir vécu. La grande prématurité l’a frappée sans crier gare, amochant son corps et nos esprits. Et parce que vous êtes peut-être en train de vivre cette expérience traumatisante en ce moment même, je vous confie mes pensées, mes états d’âme, mes angoisses, mais aussi et surtout ses plus belles victoires, son souffle, son optimisme et son combat.

Parce que nos prématurés ont besoin de nous pour s’accrocher, y croire et se transcender malgré le terrible départ qu’ils ont connu.

Tu tenais dans le creux de ma main, dans un équilibre précaire entre ombre et lumière. Je vais essayer de raconter au mieux notre histoire.

Je remercie ta grand-mère Hélène qui, grâce à ses écrits consignés dans un cahier vert, m’a permis de colmater les imprécisions de ma mémoire. Amoureusement, elle a noté pendant des mois tes progrès, tes prises et pertes de poids, tes difficultés. Elle nous a quittés quand tu avais un an et demi. Qu’elle soit remerciée pour sa bienveillance.

Ce que je vous propose, c’est un récit à quatre mains et deux mémoires. La mienne, imprécise dans les faits mais plus exacte dans le ressenti ; celle de la grand-mère d’Élina, précise dans le déroulé des événements, basée sur les notes qu’elle a prises tout au long du parcours de vie d’hôpital de sa petite-fille.

Enfin, parce que la prématurité revêt divers visages, j’ai souhaité mêler à mon récit le témoignage de parents avec qui je me suis liée d’amitié au travers de forums d’échanges. J’ai aussi fait appel à des professionnels de santé, pour amener une vision médicale plus poussée à mon récit. J’espère ainsi répondre le mieux possible à vos attentes, chers lecteurs.

Comprenez que ce livre n’est pas une histoire romancée. C’est le récit d’un combat pour vivre, une lutte acharnée qui arrive tous les jours dans les services de réanimation pédiatrique. Si j’ai employé des termes techniques, je me suis efforcée d’en donner la signification. Je cherche à ce que vous puissiez mieux cerner les données médicales entourant la prématurité.

J’aurais pu détourner l’histoire d’Élina. Mais je trouve qu’il est important que je vous la livre dans sa réalité crue, avec ses victoires et défaites. J’espère ainsi vous embarquer avec justesse dans un récit authentique. Que mes mots résonnent en écho chez vous. Puissent-ils vous porter, vous donner espoir si vous êtes confrontés en ce moment même à la prématurité de votre enfant. Et si ce n’est pas le cas, peut-être que cet ouvrage vous aidera à mieux comprendre vos proches happés par une naissance en avance. Ils auront besoin de vous pour avancer.

Sachez, chers lecteurs, que je vous remercie infiniment de votre intérêt pour ce livre. J’ai décidé de reverser la moitié de mes droits d’auteur à l’hôpital Pellegrin de Bordeaux via son association, À p’tits pas, dont je vous parlerai dans le livre. L’implication et le professionnalisme des équipes du CHU ont permis de sauver ma petite Élina.

À chaque fois qu’une personne achète cet ouvrage grâce à vous, le montant que je pourrai reverser au centre hospitalier s’en trouvera augmenté. C’est ma façon de montrer aux médecins des services de réanimation et de l’unité néonatale que mon mari et moi leur sommes reconnaissants. C’est notre façon de soutenir l’association À p’tits pas du CHU Pellegrin, qui œuvre pour les bébés nés en avance.

Alors merci à vous pour votre précieuse collaboration.

CHAPITRE 1 : Ton papa et moi

J’ai rapidement su que ton papa serait l’homme de ma vie. Pourtant, crois-moi, il n’a pas été facile à convaincre. Et puis, une fois que j’ai attiré son attention, je l’ai laissé patienter. Petite revanche de ta maman, un brin rancunière sur ce coup-là.

Nous nous sommes rencontrés sur un terrain de tennis, au club où nous évoluions depuis des années sans jamais vraiment nous croiser. Le destin a fini par nous rapprocher après diverses péripéties, qui incluent le visionnage du film Titanic, sorti l’année de notre rencontre (et je peux te dire que ce jour-là, il n’y a pas eu que le bateau qui a sombré). Bref, c’était mal engagé.

Petit à petit, nous nous sommes rapprochés malgré nos différences. Six ans d’écart, des centres d’intérêt divergents… J’étais en terminale quand j’ai commencé à fréquenter ton papa et j’avais encore des études à boucler, là où lui avait déjà un travail stable depuis des années.

Très tôt, j’ai voulu un enfant. Mais il faut avouer que ce n’était pas le moment. Je devais terminer mes études et trouver un emploi en CDI : telles étaient les conditions demandées avant le grand projet de ta conception. Au fond de moi, je savais que ton papa avait raison, mais je voulais brûler les étapes, l’impatience étant l’un de mes défauts majeurs (à ce jour, c’est toujours le cas — j’ai même l’impression que c’est pire…).

J’ai donc terminé mes études et obtenu une maîtrise en langues étrangères appliquées, avant de compléter mon cursus avec une formation qualifiante d’un an en commerce, management et marketing.

J’ai alors 23 ans et cette idée en tête : trouver un boulot rapidement (pour viiiiite tomber enceinte et ne plus donner aucune excuse à ton papa). Cet emploi, je le décroche suite à ma formation en alternance : l’entreprise qui m’a accueillie durant cette période souhaite me conserver et m’offre un CDI.

Je bouillonne. À la fois pour ce contrat en or, mais aussi (intérieurement) parce qu’il m’offre le top départ imminent de mon plus beau rôle : celui de maman. Bien sûr, je vais attendre quelques mois avant de lancer ce que l’on appelle sur les forums « les essais bébé ». Je commence à fréquenter des sites de mamans pour m’imprégner de l’univers de la petite enfance, histoire d’être prête au moment voulu.

J’anticipe. Enfin, ça, c’est ma version ; pour ton père, mon anticipation s’appelle plutôt de l’impatience. Il faut dire que je suis du genre à acheter des vêtements pour nourrisson avant même d’être enceinte. Je te rassure, je ne suis pas la seule. Le clan des « anticipatrices » est du genre conséquent, mais on ne se refait pas, vois-tu.

Dans cette même logique, je commence à fureter sur Internet à la recherche des moyens d’optimiser une éventuelle grossesse et me penche notamment sur la question de l’ovulation et des courbes de température. Impatience, quand tu me tiens ; à ce stade, je ne fais que me documenter, même si je sais déjà que j’y aurai recours si ta conception traîne.

Je te passe les détails sur la fameuse position du poirier - que j’ai d’ailleurs conseillée à une copine par la suite - afin d’améliorer les chances de conception et j’arrive droit au but (comme ton père, pardon pour cette image) : se pourrait-il que la petite graine ait pris bien plus rapidement que prévu ?

CHAPITRE 2 : Mon début de grossesse, ce moment heureux

Une odeur de café subtile s’invite dans mon bureau et vient me bercer d’un doute : cette nausée que je sens monter est-elle un signe précurseur d’une éventuelle grossesse ? ll me suffira de quatre secondes pour comprendre : l’appel des toilettes est trop fort, et les relents désagréables s’amplifient à mesure que le parfum du café envahit mon espace professionnel.

Je n’ai qu’une hâte : quitter mon bureau. Vite rejoindre mon domicile pour vérifier ce que je pense être le début d’une grossesse.

La patience ne fait pas partie de mes qualités ; je pense que vous l’aurez compris, chers lecteurs. Je regarde donc ma montre toutes les cinq minutes sur mon lieu de travail, écoutant à moitié mes collègues et réalisant, j’en ai bien peur, de piètres performances en matière de travail de bureau. À l’heure de la débauche, j’éteins mon ordinateur en toute hâte pour me précipiter dans ma voiture, direction mon domicile.

Guettant l’arrivée de mon mari, je tourne en rond comme un zèbre sur une piste de cirque, galvanisé par les cris du public. Un tour, puis deux, puis dix, je ressemble maintenant à un lion en cage, option crinière mal coiffée et cri bestial étouffé : mais que fait-il ? Dois-je commencer l’un de mes huit tests sans lui ? Vais-je pouvoir retenir mon urine encore longtemps ? Ne sous-estimez pas la puissance de cette question : elle est même capitale et décidera d’ailleurs du début de l’opération « un pipi pour un bébé ? » en fonction de l’urgence de la situation (autrement dit, selon le taux de remplissage de la vessie).

Je n’arrive d’ailleurs pas à croire que j’écris cela. Dans mon précédent livre, je vous parlais d’un BG1qui riait de ses flatulences. Ici, j’évoque l’urgence urinaire. Et après, je m’étonne de ne pas être prise au sérieux. Est-ce que Gilles Legardinier, Marc Lévy ou Maxime Chattam évoquent des éléments scatologiques dans leurs bouquins ? Je ne crois pas. C’est ce qui explique pourquoi leurs droits d’auteur prennent l’ascenseur direction le 112e étage, alors que je monte péniblement au rez-de-chaussée depuis le troisième sous-sol… Enfin, cela dit, pour Gilles Legardinier, j’ai un petit doute sur le fait qu’il n’ait jamais évoqué d’éléments odorants dans ses textes. J’adore ce qu’il écrit, mais je n’ai pas encore tout lu et je me demande si dans le lot, on ne retrouve pas des histoires de pets. Mais ne nous égarons pas. Pardon pour ce petit détour. Il n’y en aura pas d’autres, promis.

Finalement, après seulement une minute à me demander si je dois attendre mon mari ou pas, je craque.

Je ne retire même pas mon manteau et file droit vers les WC pour mettre fin à ce suspense insoutenable. Les deux minutes d’attente du résultat me semblent interminables ; je demande aux tests de se dépêcher, comme s’ils pouvaient m’entendre et exaucer ma requête. Et le pire, voyez-vous, c’est que je reste persuadée que je ne suis pas la seule à avoir formulé cette demande particulière à des bandelettes pipi.

Oui, les futures mères sont impatientes. Cela débute dès le commencement et s’accentue vers la fin, même si dans mon cas, j’aurais largement préféré patienter plutôt que mettre au monde une petite fille trop pressée de naître.

Le verdict tombe enfin.

Le cœur battant, je compose le numéro de mon mari. Puis me ravise. Puis recompose. Et puis, non, finalement, je veux pouvoir lui dire en face et observer sa réaction. J’ai envie de respirer ses émotions, de les laisser m’envahir, comme une nouvelle vague de douceur après la première qui m’a assaillie à l’annonce de ma grossesse. J’ai envie de revivre ce moment galvanisant par procuration.

La porte s’ouvre enfin. Mon mari me dévisage, conscient qu’il se trame quelque chose. C’est l’avantage de mon visage expressif : quand il se passe un truc, il suffit de m’observer pour savoir si je suis en colère, prête à rugir ou si, au contraire, je me révèle sereine.

Ce soir, je suis en mode « excité », incapable de retenir la raison de mon énervement. Je brandis mes huit tests bandelettes achetés sur Internet il y a deux ans (je suis du genre à être impatiente et prévoyante) et annonce clairement la couleur : il se peut qu’ils soient porteurs d’une bonne nouvelle sous le jet de pipi.

Je préfère passer sur l’épisode des toilettes pour me concentrer sur le résultat final, décliné en huit fois pour être bien sûre : félicitations, je suis enceinte. La double barre est nette, le doute n’est pas permis.

Mon mari rayonne. Son sourire et sa montée de joie me comblent. Nous partageons un moment intense, condensé en quelques secondes. Certes, nos émotions vont retomber dans quelques instants, mais je les laisse encore nous entourer de leur chaleur bienveillante.

Dès le lendemain matin, je fixe un rendez-vous pour une prise de sang afin de confirmer l’évidence – et écarter toute suspicion d’intoxication alimentaire. Le résultat est sans appel et un joli taux vient confirmer la nouvelle : une grossesse datant de trois semaines.

Pendant des semaines, les WC deviennent mes meilleurs amis, mes confidents. Ils m’accueillent à chaque fois avec sérénité, ce qui contraste avec l’état d’urgence qui m’y amène. Bref, c’est la catastrophe. Je savais que les nausées pouvaient être puissantes les premiers mois, mais à aucun moment je n’avais envisagé qu’elles prendraient une telle ampleur.

Bon, maintenant, il va falloir garder ça pour nous pendant au moins neuf semaines. Je ne sais pas si vous mesurez l’exploit me concernant. En fait, je suis du genre à être superstitieuse et je préfère ne rien laisser transparaître pendant les semaines qui vont suivre.

Une multitude de questions se bousculent dans ma tête, toutes plus étranges les unes que les autres : et si mon dégoût soudain pour le café me trahissait ? Et si ma poitrine plus généreuse soulevait des interrogations ? Et si mes allers-retours aux toilettes éveillaient les soupçons ?

Je suis en ébullition intérieure tout en portant le masque de l’innocence. Dès que mes collègues ont le dos tourné ou que mes amis ne me regardent pas, il m’arrive même de sautiller sur place tant la joie ressentie est puissante.

Je suis comme électrisée, grisée par cette nouvelle configuration de moi-même : un petit être pousse, quasi imperceptible pour l’instant.

Évidemment, je prends rendez-vous chez ma gynécologue ; il faut que je me plonge dans le bain de ce qui va m’attendre. J’ai besoin d’être rassurée et aiguillée question procédures à suivre pour une grossesse.

Nous sommes en mars. Dans la salle d’attente de mon docteur, je suis stressée et excitée en même temps. J’attends d’en savoir plus. De planifier ma première échographie, celle où je verrai mon bébé pour la première fois. Enfin, disons plutôt, celle où j’entrapercevrai une partie de ce petit être…

Je dois vérifier que je suis bien immunisée contre la toxoplasmose (c’est le cas, merci Troissous, chat de mon enfance qui m’a griffée à maintes reprises face à mes assauts répétés pour l’embêter) et j’ai ma DPA (comprenez date prévue pour l’accouchement) : le 9 décembre.

Un peu avant Noël.

À ce moment-là, je ne sais pas encore que c’est à la rentrée des classes que tu vas naître, ma puce, bien trop en avance.

Ma première échographie a lieu dans un cabinet dédié. Elle mesure les éléments classiques : le périmètre crânien, la longueur du fémur… À ce stade, tout est encore un peu flou. La seule chose qui m’importe, c’est d’entendre le cœur de mon bébé. J’ai besoin d’être rassurée, de savoir que le petit être qui s’est niché dans mon ventre continue sa croissance.

L’écran me dévoile la vérité dans ce qu’elle a de plus beau. Mon cœur se serre. Ce que je ressens depuis des semaines prend vie sous mes yeux. Une larme perle, discrète ; elle signe ma joie de faire connaissance avec mon bébé. Mon mari me serre la main, certainement ému lui aussi. Il sourit. Tout simplement.

Je sais maintenant que je vais devoir attendre deux longs mois avant de te revoir, mon bébé.

***

Fin juillet, je me trouve au sommet de l’excitation : c’est notre deuxième rendez-vous. J’ai hâte de contempler l’évolution de mon bébé, de connaître son poids et d’être rassurée sur sa vie in utero. Je ne suis pas particulièrement stressée car, de mon côté, je vais bien. J’ai pris quelques kilos, ma tension est bonne, et rien ne traduit un problème quelconque.

J’entre donc dans le cabinet médical en confiance.

L’échographie suit son cours. Le docteur note les mesures et conclut avec cette phrase : « Votre fille est un peu petite ».

Je me focalise à cet instant sur la première information de la phrase, « c’est une fille » (youpie !), en occultant complètement la suite.

J’ai toujours voulu avoir une fille. Comme un besoin, je ne saurais pas trop l’expliquer. D’ailleurs, j’avais senti que j’attendais une puce ; c’était une évidence. J’ai laissé exploser ma joie et j’ai rapidement pensé à ma belle-mère et à la grand-mère de mon mari qui, j’en étais certaine, seraient ravies d’avoir une petite chérie à pouponner. Il faut dire que du côté de mon mari, les garçons règnent, les filles se font rares. La tendance s’est encore plus accentuée par la suite, puisque pléthore de cousins sont nés après Élina, et que c’est seulement récemment qu’une nouvelle puce est venue gonfler les rangs maigrichons des filles.

Quand nous annonçons la nouvelle à l’arrière-grand-mère d’Élina, elle a cette réaction spontanée : un cri de joie bien explicite, suivi d’un « c’est pas vrai ?! ». Puis, elle se ravise, consciente d’avoir trop montré à quel point elle espérait une petite fille.

Du côté des grands-parents, même attitude. Ma belle-mère rayonne à l’annonce du sexe de son petit-enfant, et ma mère montre aussi des signes d’enthousiasme. Les futurs grands-pères, quant à eux, accueillent la nouvelle le sourire aux lèvres. Tout le monde semble ravi.

Mais une ombre subsiste au tableau. Passées la découverte du sexe de ma fille et l’excitation, je me suis concentrée sur la deuxième partie de la phrase : « Votre fille est un peu petite ». Mon mari et moi n’étant pas des géants, avec notre point culminant respectivement à 1,68 m et 1,62 m, rien ne choque le médecin, qui me demande tout de même si je fume (certainement pas) et si je bois (encore moins).

Si le professionnel de santé semble serein, je suis plus sur la réserve. Il se trame quelque chose d’anormal, je le devine. Sentant l’angoisse monter, je prends rendez-vous avec ma gynécologue afin d’avoir son avis.

Elle me prescrit une échographie de contrôle, à faire dans un mois. Celle-ci va permettre de voir l’évolution de ma fille et de vérifier si elle bénéficie de conditions propices in utero. Elle termine son document en écrivant ces quelques mots, que je vois pour la première fois : « suspicion de RCIU2 ».

Me demandant de quoi il s’agit, j’entre ce sigle à peine revenue chez moi. Ce que je lis me paralyse sur place. « Bébé mort in utero », « prématurité », « faible poids », « croissance freinée »… Les mots s’enchaînent, tous plus noirs les uns que les autres.

Je viens de prendre conscience que l’on suspecte un dysfonctionnement grave de mon placenta, un problème si important qu’il met directement en danger la vie de ma fille.

À ce stade, je me dis que nous en sommes encore aux doutes : rien n’est confirmé. Pourtant, je suis en état de choc. Si jamais ce diagnostic s’avérait exact, non seulement cela entraînerait une naissance prématurée, mais cela impacterait sur nos vies de manière significative.

Je suis dévastée. Je dois patienter un mois pour voir l’hypothèse s’infirmer ou au contraire, enrouler son fil destructeur autour de toi, mon bébé.

***

Nous sommes début septembre. J’ai changé de cabinet d’échographie, refroidie par le manque de professionnalisme et le peu d’empathie de l’ancien. Le docteur me reçoit, m’installe et commence à prendre les mesures.

Les données enregistrées sont catastrophiques : ma fille est en train de s’éloigner de toutes les courbes de référence. Le RCIU est confirmé ; il va falloir consulter en urgence au CHU.

Le point sur le retard de croissance intra-utérin (RCIU)

Avant de continuer, il me paraît important de vous parler de ce qui m’a frappée. Je trouve qu’on ne prévient pas assez les futures mamans quant au problème de croissance in utero de leur bébé.

Pourtant, il concerne plus de 80 000 grossesses en France par an ! Pourquoi n’en entendons-nous pas parler ? Combien de bébés meurent encore in utero car le RCIU n’a pas été détecté à temps ?

Aujourd’hui, avec l’écriture de ce livre, je souhaite faire passer un message aux futures mamans : un bébé de faible poids à 22 SA3, c’est loin d’être anodin. Consultez. Insistez. Faites-vous confiance. Certains professionnels vont tenter de minimiser le problème, comme mon ancien échographiste qui a mis la petite taille de ma fille sur le compte de notre propre petite taille.

Comprenez qu’en prenant à la légère ce constat de « petit bébé », vous hypothéquez la vie de votre enfant. Excusez-moi d’être brutale, je cherche juste à faire passer un message préventif - et tant mieux si votre bébé de faible poids retrouve vite une courbe de croissance normale. Car cela arrive, bien sûr, et c’est tant mieux !

Concernant dix pour cent des nouveaux-nés, le RCIU reste la première cause de mortalité des bébés.

Dix pour cent ! Une valeur relativement élevée qui fait froid dans le dos. Aussi, demandez absolument une échographie de contrôle pour toute suspicion de retard de croissance. Elle permettra de voir comment votre bébé évolue. Si sa courbe de croissance se casse complètement, sortant ainsi des standards de référence, il faudra agir.

Concrètement, le retard de croissance intra-utérin (ou in utero) se définit comme un ralentissement anormal de la croissance du bébé par rapport à sa programmation génétique. Autrement dit, il va induire qu’un enfant qui devait peser 3,2 kg à la naissance se retrouvera avec un poids plutôt aux alentours de 2,4 kg.

Si cela s’avère moins dangereux en fin de grossesse, où l’enfant peut tout à fait vivre sans avoir à rester de longs mois à l’hôpital, cette anomalie peut être fatale lorsqu’elle intervient plus tôt dans la grossesse.

Le RCIU trouve son origine dans un dysfonctionnement du placenta, qui peine à jouer son rôle dans les échanges entre la mère et le bébé. Cette insuffisance placentaire peut être causée par divers facteurs, comme l’hypertension, l’âge, la malnutrition, le tabagisme ou encore l’usage de la drogue. Il existe même un gène spécifique pouvant expliquer un retard de croissance ou certaines anomalies chromosomiques.

Dans mon cas, il reste inexpliqué. « La faute à pas de chance », me dit-on. Ma gynécologue me raconte que plusieurs de ses patientes ont fumé et bu jusqu’à la fin de leur grossesse sans que cela soit préjudiciable pour leur bébé. Ironie du sort : je n’ai jamais ni fumé, ni bu d’alcool de ma vie, et te voilà tout de même touchée par un phénomène grave.

Oui, je le vis comme une injustice. Pourquoi mon bébé ? J’ai de la rancœur pendant des semaines vis-à-vis de ces futures mamans enceintes jusqu’aux yeux, la cigarette alerte pendant aux lèvres. Et puis, j’ai gommé ce sentiment négatif et me suis concentrée sur ce qui importait vraiment : être dans les meilleures dispositions d’état d’esprit possibles pour accompagner au mieux ma fille.

Le RCIU ne peut pas être dépisté de manière précoce, et c’est ce qui le rend si dangereux. La preuve, à l’échographie des cinq mois, le docteur ayant pratiqué l’examen n’a pas mesuré la gravité de ce qui se passait sous ses yeux : « Votre fille est un petit peu petite, mais vous et votre mari n’êtes pas bien grands ».

Voilà où l’on en était. Ce médecin n’a même pas évoqué l’éventualité d’un RCIU, alors qu’en cherchant plus tard sur Internet, je me suis rendu compte que les mensurations de ma puce indiquaient déjà clairement que quelque chose se tramait…

La preuve avec les mesures de mes deux enfants, prises au même âge gestationnel. Comment un docteur habitué à mesurer des bébés in utero a-t-il pu passer à côté d’un retard qui commençait déjà à se voir ? Pourquoi ne pas avoir au moins abordé le sujet et prévu une échographie de contrôle ? Mon fils Mattéo, né trois ans après Élina, était considéré à ce stade dans la norme, même s’il était loin d’être un grand bébé. Sa sœur, elle, accusait déjà du retard notamment sur deux éléments clés : le périmètre abdominal et céphalique. En voici la preuve :

Éléments mesurés à ٢٢ SA + ٤

Élina

Mattéo

Périmètre abdominal

154,6 mm

184 mm

Périmètre céphalique

184,7 mm

200 mm

Longueur fémorale

38 mm

40 mm

Longueur humérale

37 mm

38,1 mm

Poids fœtal estimé

410 grammes

580 grammes

C’est moi qui avais insisté pour réaliser une échographie de contrôle, car les 410 grammes m’avaient mis la puce à l’oreille. Mes copines enceintes, dont la date prévue d’accouchement était à peu près la même que la mienne, annonçaient toutes des bébés dont le poids variait entre 570 et 750 grammes à ce stade. Pour moi, il était évident que quelque chose ne tournait pas rond.

L‘échographie de contrôle a été réalisée par le nouveau cabinet médical que j’avais choisi, vu le fiasco du premier. Là, le verdict est tombé…

Éléments mesurés à ٢٧ SA + ١

Élina

Mattéo

Périmètre abdominal

178 mm

238 mm

Périmètre céphalique

216 mm

246 mm

Longueur fémorale

44 mm

50 mm

Longueur humérale

42 mm

49 mm

Poids fœtal estimé

580 grammes

1055 grammes

Élina s’était éloignée de toutes les courbes. Ce qui commençait à s’amorcer à l’échographie des cinq mois s’est amplifié en quatre semaines. Pourquoi le professionnel de santé ne m’a-t-il pas alertée dès l’échographie morphologique ?

Son diagnostic un peu trop léger a failli coûter la vie de ma puce. Si je ne m’étais pas inquiétée, que se serait-il passé ?

Je lui en ai tellement voulu… Heureusement, je ne l’ai jamais revu. Je vous avoue en toute franchise que si ma fille n’avait pas survécu à cause du manque de discernement de ce professionnel, mon mari et moi aurions intenté un procès au cabinet médical.

***

1. Le Beau Gosse dans Célibataire ? Faut pas t’en faire !

2. Retard de croissance intra-utérin.

3. SA : semaine d’aménorrhée (durée pendant laquelle vous n’avez pas vos règles en partant du premier jour de vos dernières règles).