Tous ou personne - Rachel Daniel - E-Book

Tous ou personne E-Book

Rachel Daniel

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Beschreibung

Tous ou personne conte l’histoire d’une famille juive étroitement unie, confrontée soudain à un autre monde, un monde où il faudra vivre désormais sans espoir de retour à la terre que l’on a quittée. Un récit habité par les voix de ceux qui hantent l’esprit de la plus jeune d’entre eux avec son regard de petite fille, d’adolescente et de femme. Un parcours difficile pour Rachel Daniel, mais aussi pour les femmes qui l’entourent, particulièrement Liliane, sa sœur aînée, pianiste prodige qui composera des chansons pour Barbara. Une trajectoire quasi initiatique pour ces jeunes filles prises dans un conflit de loyauté entre les exigences d’une mère attachée aux traditions et leurs aspirations à s’en affranchir. Au fil des pages, nous vivons cette migration des cœurs, des consciences et des identités dans le mouvement singulier de la mémoire, rythmé par l’émotion et le jaillissement intense des souvenirs. Une histoire d’exil, de famille, de femmes.

À PROPOS DE L'AUTRICE 

Institutrice puis professeure de lettres, Rachel Daniel traverse durant de longues années une profonde souffrance émotionnelle et psychique. Ce n’est qu’après un long travail de conscience, des études complètes de psychologie clinique et maintes explorations psychothérapeutiques qu’elle se libérera enfin de ses démons intérieurs. Elle deviendra elle-même psychanalyste et psychothérapeute, profession qu’elle exerce depuis plus de trente ans.

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Seitenzahl: 282

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Rachel Daniel

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tous ou personne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Rachel Daniel

ISBN : 979-10-422-5815-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

1

 

 

 

Maman, ne pleure pas, nous partons tous ensemble pour une grande aventure !

 

Papa, souffle encore dans la corne de bélier pour rejoindre l’appel qui nous rassemble, comme les hirondelles avant le grand départ.

 

Nous avions fait nos paquets, vendu ce qu’il y avait de plus lourd. « Quel dommage ! se lamentait ma mère. Le piano en acajou que ma tante m’avait offert et le service de toilette en argent ! »

Elle devait regretter souvent par la suite.

Nous partions ce matin-là, comme des millions d’émigrés avant nous, dans l’espoir d’un autre lieu. La France, « Je pars en France ! ».

Je me souviens de ma fierté pour l’annoncer à cette petite copine blonde.

Je ne savais pas que c’était la dernière fois que j’empruntais la rue qui tournait en montant, aveuglante de lumière.

 

« Je pars en France ! »

 

Je ne sais pas si elle a participé à mon enthousiasme… Nous étions heureux de partir, tous réjouis de vivre une grande aventure, étonnés sans doute de notre audace.

Tous ensemble, comme pour un départ en vacances.

« Tous ou personne ! » mon père s’accrochait à sa devise, annulant toute ombre de contestation. Nous ne laisserions pas plus longtemps notre grande sœur toute seule en France.

C’est en calèche que nous avons descendu les rues qui nous menaient au port.

« Alfred, je t’avais dit de prendre un taxi, ah ! Cet homme ! »

De l’intérieur de la voiture, nous avons eu la dernière vision de la ville où nous étions nés, où nous avions vécu nos joies et nos peines, où nous avions dormi, rêvé, respiré, aimé, espéré et nos ancêtres avant nous, durant des siècles.

Dans les rues qui descendaient vers le port claquait le trot régulier et tranquille du cheval qui nous menait vers notre nouveau monde.

J’avais sept ans.

 

 

 

 

 

2

 

 

 

En voyant la côte s’éloigner, Liliane a dit solennellement à Michèle : « C’est une page qui se tourne, celle de notre enfance, une belle enfance ! »

 

Ce n’était pas la première fois que nous traversions la Méditerranée. Un autre souvenir se superposait vaguement durant le voyage. Nous étions partis trois ans auparavant pour rendre visite à notre famille française : la vieille tante Cécile, la cousine de Lamotte-Beuvron et un autre cousin qui habitait Paris. Sur le bateau, nous avions exploré les ponts. Mon père nous montrait les dauphins qui nous suivaient dans de joyeuses chorégraphies. Je me penchais à travers le bastingage, fascinée par les vagues autour du sillon que traçait la coque sombre du bateau dans le bleu profond.

Mon frère voulait absolument voir « Les Baléares ». Ce nom nous paraissait magnifique et mystérieux. Il provoquait toujours des exclamations admiratives chez les adultes. Ceux-ci sortaient pendant que nous dormions, afin de ne pas rater le fameux spectacle. Aussi, cette nuit-là, nous étions descendus de nos couchettes et avions guetté ce qui suscitait tant d’enthousiasme. J’aperçus, au-delà de la nuit noire, des lumières qui tremblaient au loin… Légèrement désappointés, nous avions néanmoins proclamé fièrement : « Nous aussi, on a vu les Baléares ! »

Aujourd’hui comme nous hier, les immigrants qui arrivent en France ont des regards pleins d’espoir et d’émerveillement…

Pour nous qui avions gagné la nationalité française, la métropole était une terre promise qui nous offrait d’autres possibilités que celle de rester dans un monde où l’espace semblait se réduire aux traditions célébrées par une famille omniprésente et une ville portuaire, coincée entre mer et montagne, où nous n’avions été durant des siècles qu’une population de seconde zone…

 

Le sort, ironiquement, nous amenait dans un des lieux les plus bourgeois de l’agglomération parisienne. Deux jours plus tard, nous débarquions dans une rue qui m’apparut étonnamment silencieuse. Cachées derrière les vitres, nous découvrions une population inconnue et plutôt intimidante, nous qui avions rêvé, idéalisé cet ailleurs. Les « Français », les « Européens », comme disait ma mère avec respect et admiration.

 

Ainsi, c’était là, cette France, dont le nom seul avait des résonances à l’attrait fascinant.

Elle se résumait en cette rue, un peu triste, aux arbres mélancoliques, en deuil de leurs feuilles déjà pourries… Douceur grise et pluvieuse d’une fin de mois d’août parisienne. C’est ainsi que j’ai commencé à connaître la nostalgie. Quelques années après, je compris qu’il n’y aurait plus de retour.

Perdue à jamais, l’odeur lourde et forte du port où j’ai quitté la rue de mon enfance et la foule agitée qui se bousculait sur les trottoirs…

Ne pas oublier le cri des porteurs d’eau, le taureau sauvage et habillé d’or que l’on menait par les ruelles brûlantes. Monstre noir, accompagné d’un homme noir, démon dansant au rythme lancinant d’un tambourin infatigable… Du balcon, je regardais, hypnotisée et terrorisée.

Dans la rue grise, au contraire, peu de spectacles : des regards impassibles, des écolières sages en bleu marine, et parfois, le désert.

Où se trouvaient les gens ? Étrangement silencieux, les Européens, avec cette faculté, comme les oiseaux, la nuit, de se rendre parfaitement invisibles.

C’est un de mes grands sujets d’étonnement, aujourd’hui encore, la traversée de villes, de villages qui me donnent l’impression d’être inhabités, comme si chacun, chez soi, se terrait dans l’ombre.

 

C’est ici que nous allions vivre jusqu’à ce que chacun de nous parte pour sa propre vie avec d’autres compagnons.

 

Michèle me confia bien plus tard : « Qu’est-ce que nous étions heureuses d’arriver dans un bel immeuble ! Neuilly, tu te rends compte, c’était fabuleux… ! Pour moi, la France, c’était le pays où l’on mettait du beurre jusque dans les trous du pain… » Elle se rappelait les termes exacts de son livre de lecture, avec un ravissement gourmand.

 

Je veux me souvenir, retrouver la mémoire intacte de ces instants, ouvrir enfin les yeux, me dégager du poids de cette torpeur, ne plus être la passagère d’un train dont je n’ai pas choisi l’itinéraire. Arrêter le temps et contempler les trajectoires même si elles ne prennent forme que sur la ligne d’arrivée et que tout au long du parcours, nous doutons d’avoir choisi la bonne direction.

 

« Tu dois chanter ! » C’était une évidence pour l’homme en robe orange de mon rêve et j’avais senti ma gorge prendre des dimensions prodigieuses. J’avais suivi, dans le labyrinthe, le chant de la dame en noir qui me guidait jusqu’à sa demeure… Ces voix m’attirent vers le gouffre d’une autre évidence, d’un ailleurs familier et inconnu. Longtemps pourtant, je fus perdue ne sachant quelle direction prendre, même si parfois mes rêves nocturnes étaient pleins de certitude.

Je me crée au fur et à mesure, serpent qui sort de sa mue. Je suis de n’être pas et ce moi n’est pas moi…

 

Là, tombée par hasard du ventre gonflé de ma mère, sous l’œil placide de ma grand-mère…

Papa, marionnette aux jambes devenues trop maigres, toujours préoccupé de satisfaire sa maussade femelle, irritée, mécontente, les yeux sombres roulant sous de mauvaises pensées, inquiète, furieuse, les cheveux en désordre.

 

Le petit paquet de chair, enveloppé de chiffons, jambes molles pliées, jeté sur le tapis, n’était qu’une petite femelle de plus, égarée dans le tumulte de cette famille où elle atterrissait la dernière…

 

Tant de temps passé depuis, dans ce monde bruyant, parlant, essoufflé d’images…

 

 

 

 

 

3

 

 

 

Comment ont-ils pu décider de partir ? Sans doute ignoraient-ils que ce serait pour toujours. Nous nous sentions tellement chez nous dans ce coin de terre, environnés d’une nombreuse famille, bavarde, omniprésente : oncles, tantes, cousins, cousines…

Ils ne se doutaient pas du silence de ce nouveau monde, de son indifférence, de sa froideur.

 

Proximité, enchevêtrement, les quatre poussins toujours dans le même panier : « Tous ou personne ! Tous ou personne ! »

 

Bien plus tard, les grandes sœurs m’ont décrit l’appartement que nous avions quitté : « Un couloir large, une grande baie vitrée qui projetait une grande tache de lumière sur le carrelage… Les soirs d’été, nous restions sur le balcon, mais parfois on nous faisait rentrer de peur que nous n’apercevions certaines scènes… La nuit, on entendait des couples qui montaient en riant. Ils s’installaient sur le dernier palier, juste après le quatrième étage… Chaque mois, nous avions la clé de la terrasse. On en profitait pour faire griller les poivrons et les sécher au soleil. Il y avait deux bassins et une cheminée. On y mettait le linge à bouillir avec du bleu. On le retirait avec un grand bâton. On utilisait des planches de bois pour frotter. Le bassin de droite c’était pour tremper, celui de gauche pour rincer. Nous admirions la façon dont maman étendait les draps les uns à côté des autres. Quand la lessive était terminée, on entrait dans le bassin pour se laver. On enlevait le bouchon, l’eau savonneuse s’en allait, on pataugeait jusqu’au bout. On voyait de là-haut, une terrasse en contrebas. C’était amusant de regarder les gens en dessous… »

Tout ce monde s’observait depuis les balcons et parfois derrière les rideaux. Liliane n’avait pas encore quatorze ans, ses longs cheveux noirs ondulés encadraient son visage grave aux yeux profonds. Elle suscitait, sans vraiment s’en rendre compte, l’intérêt des garçons du voisinage.

Le voisin d’en face était tombé amoureux de ma grande sœur. La mère du jeune homme avait chuchoté à l’oreille de notre mère les sentiments que son fils lui avait confiés, sans doute dans l’espoir d’approcher sa jolie voisine.

« Il est amoureux de toi, il veut te demander en mariage. » Cela les fit bien rire. Liliane le regarda désormais avec une once d’ironie, elle était encore adolescente, lui était déjà chauve.

 

Petites photos écornées où nous apparaissons tous les quatre : les deux grandes sœurs, déjà hautes sur leurs jambes, et nous deux, plus patauds, le visage obscur, protégé du soleil par des petits chapeaux mous de coton blanc… Toujours cette vague crainte dans le regard. Petits êtres timides et sauvages.

Comme sur cette autre photographie plus floue : une petite fille de deux ou trois ans, un peu arrondie. Des cheveux encore fins, le contour du front estompé par un duvet plus clair, un énorme nœud de ruban sur le sommet droit de son crâne, ces nœuds semblables à de pâles laitues qui ornent les cheveux des vieilles poupées de porcelaine. Son front, plissé de peur. Ses yeux sombres fixent un objet invisible et effrayant. Sans doute, l’objectif du photographe. Trois mains la retiennent, dont une qui s’imprime dans la chair de son bras droit… Elle est sur le point de pleurer, d’après le creux apeuré du menton et les lignes des sourcils qui se rejoignent. Elle n’a pas envie d’être là.

 

 

 

 

 

4

 

 

 

On part avec l’illusion que le rivage, derrière soi, demeure tel qu’on l’a laissé, que le lieu de notre passé reste inchangé, immuable comme les vieilles personnes attachées à leurs habitudes et qu’on est sûr de retrouver à la même place. Mais, les vieilles personnes disparaissent, souvent plus soudainement que nous le supposions, et sont remplacées par des descendants qui prennent possession des lieux et y impriment leur présence. N’étant plus habités par les mêmes individus, ces lieux changent : le décor paraît insolite, si les personnages ne sont plus les héros de la pièce.

 

J’ai pris l’avion, un jour, très longtemps après. C’était un jour gris et froid. Des paquets misérables s’entassaient autour de nous, témoins pitoyables d’un maigre argent qu’ils avaient gagné en France. Visages humbles, lassitude, inquiétude. Impossible de les reconnaître dans leurs vilains habits à bon marché, dont les couleurs sombres se confondaient avec les peaux presque grises. Ils avaient été pour moi, indissociables du soleil et de la luminosité du ciel, et je les retrouvais, faisant la queue, dans un aéroport, les bras chargés de gros paquets grossièrement ficelés, eux-mêmes mal habillés dans de méchants costumes à l’Occidentale.

Des images me revenaient de mes anciens voyages en bateau, celles d’une foule d’hommes en rangs serrés, se pressant pour embarquer, les cheveux blanchis de poudre de D.D.T., matériel humain à bon marché qui voyageait dans les cales. Prêts à tout pour arriver dans cet ailleurs, dont ils rêvaient eux aussi et sur lequel ils fondaient tous leurs espoirs.

 

Je voulais retrouver la rue étroite, envahie par l’éblouissement blanc du jour, les cris et les plaintes aigus des enfants, reproches sans fin à des mères invisibles ou exaspérées, les égouts impudiques exhibant des ordures aux odeurs nauséabondes… L’horreur des crânes pelés des teigneux… Les gamins méprisants, pleins d’injures grossières, les visages fendus par la lumière de leur rire éclatant. Retrouver l’escalier, la rampe, le seau qu’on lançait du quatrième étage… Surveiller avec passion sa remontée avec son contenu. Interpellations d’étage à étage, signaux bruyants, communication fiévreuse et paresse irrésistible de ce monde écrasé par le soleil. Monter encore, pousser de nouveau la porte, retrouver le large couloir, le contact froid du carrelage… J’avais tendu une corde et j’essayais de sauter le plus haut possible… Me revient aussi une image plus floue d’une petite cousine qui avait une grosse tête. Elle m’exaspérait cette tête. Pourquoi souriait-elle sans cesse quoi qu’il se passe ? Un jour, elle dut m’énerver encore plus et cette expression de satisfaction devint insupportable. Je ne pus résister à l’envie de faire cesser ce contentement. Je la cognai de toutes mes forces contre le mur. Elle ne pleura pas et je fus soulagée de ne pas être punie. Curieusement, cette cousine, petite aussi à l’âge adulte, m’a exprimé plus tard une grande affection.

 

La salle à manger restait dans l’ombre des persiennes closes et presque toujours fermée comme un sanctuaire où l’on ne pénétrait que pour les grandes fêtes. Cependant, des effluves d’odeurs gourmandes se répandaient dans le couloir en provenance de la cuisine, lieu d’une constante activité, domaine où régnaient mères, tantes ou grands-mères. Pour le goûter, nous avions droit le plus souvent à des tartines de pain à l’huile et au sucre. Mais ma grande gâterie, c’étaient les tomates « avec de l’huile et du sel »…

Plus rarement venaient d’autres visiteurs : les petits porteurs d’eau que chacun appelait de sa fenêtre : « Merhlo ! » ou le marchand d’œufs dont les yeux sombres nous effrayaient.

 

Mes grandes sœurs témoignaient parfois de ce passé que je n’avais pas vécu :

« Nous devions acheter l’eau douce, il n’y en avait pas au robinet, le café, on le faisait à l’eau salée, si bien, que lorsqu’on a eu plus tard de l’eau douce, nous ne retrouvions pas le goût qu’il avait toujours eu pour nous, nous avons longtemps préféré notre ancien café à l’eau salée… »

Je sais en revanche que j’avais vu le marchand d’œufs. Il était passé un matin alors que les parents étaient absents, nous étions terrorisés. Mon frère avait crié « Au secours ! » par la fenêtre du couloir qui donnait sur la cour intérieure de l’immeuble, persuadé que nous étions en danger.

 

D’autres habitués tapaient à notre porte… Ainsi, le père de ma mère nous rendait régulièrement visite. Je revois le vieil homme que l’on reçoit en cachette. Le vagabond aux yeux charbonneux, cordonnier, comme mon grand-père paternel. Je n’ai de lui que cette image et la mauvaise photo minuscule que ma mère garde dans sa vieille valise. Je n’ai pas l’impression que nous ayons échangé un regard ou une parole.

 

Il venait, comme un pauvre, demander des nouvelles, savoir surtout ce qu’elle devenait, la belle Rivka qui l’avait définitivement rejeté. Avoir une chance de la revoir. Il savait qu’elle était veuve de son deuxième époux, que la grande vie pour elle était finie et que, désormais, elle vivait avec nous.

Dès que Rivka devinait son pas derrière la porte, elle roulait des yeux effrayés, comme si elle craignait encore sa violence, marmonnait des malédictions en arabe et courait se cacher au bout de l’appartement…

Et il repartait, découragé, avec un semblant de sourire pour ses descendants.

Il devait sans doute boire davantage, ces jours-là, errant de trottoir en trottoir, mendiant au hasard des rues… Heureusement, sa vieille sœur lui avait ouvert sa porte.

 

C’est l’oncle Émile qui a pris sa place de grand-père, le vieil homme « si doux » qui faisait la toilette des défunts. « Chaque fois qu’il rentrait, il nous faisait sentir ses mains pleines d’eau de Cologne. »

Fonction humble et indispensable comme toute tâche liée à la réalité de la mort, implacable et scandaleuse. On lui abandonnait ceux qu’on avait aimés, ou même haïs ou ignorés, mais qui avaient tous, à leur façon, fait exister le quotidien. Et c’était lui qui s’en chargeait, respectant scrupuleusement le rituel, dans une dévotion soumise et silencieuse, intimité secrète avec les corps sans refus, livrés à son savoir-faire, hérité d’une transmission ancienne et obstinée, avant l’ultime exposition aux yeux des proches et la disparition définitive.

Je distingue à peine sa silhouette, il me donne la main et je tiens un pot de chambre. Il marche d’un pas chancelant. Se doutait-il de sa fin prochaine, lui qu’on disait pouvoir, comme son frère, lire la mort sur le visage des futurs défunts ?

 

« Tu te souviens ? Nous avons tous sursauté. C’était trois jours après l’enterrement… Nous avons entendu sa voix qui m’appelait… Sa voix comme il l’avait les derniers temps, éraillée et cassée… »

 

Elle le répète une fois de plus, jouissant de ce moment terrifiant dont il faut toujours attester la réalité, même si elle doit se contenter, à présent, du hochement de tête silencieux de mon père, son vieux et fidèle serviteur, qui tente de prendre son air le plus convaincu.

 

Tu es la conteuse passionnée de notre légende, la mémoire la plus fidèle de notre haggada familiale, dont tu t’es faite, progressivement, la servante et la créatrice.

 

Il paraît que la grand-mère se moquait du vieil oncle, comme elle devait le faire plus tard de mon père. Peut-être ne les écrasaient-ils pas assez. Pas de respect pour les humbles sans nom et sans situation. Arrogance stupide de ces femmes ne pouvant estimer que ceux qu’elles craignaient.

Rire lourd et bestial de ces femelles abruties qui auraient mérité le mépris de mâles dominants, moins scrupuleux, qui leur auraient imposé silence.

 

Nous avions suivi un chemin terreux et rouge pour rendre visite au frère du vieil oncle. Pâle et couché, il guettait, lui aussi, l’ultime instant, où tout allait à jamais basculer.

Rouge sombre de cette terre aride. Que de morts ! Pas de cercueils, suaires blancs, lamentations, plaintes hystériques. Terreur, terreur. Je reste cachée dans mon petit lit, la tête collée au mur. Ma grand-mère parle de fantômes, la nuit va m’envahir de peur.

 

 

 

 

 

5

 

 

 

Ce soir-là, j’avais la fièvre, au fond de mon lit, je me sentais seule, dans la maison silencieuse, désertée par toute la famille, sortie pour applaudir Liliane.

« C’est toi qui lui apporteras les fleurs, à la fin du concert ! »

Nous étions fiers. À treize ans déjà, la ville d’Oran te fêtait et glorifiait ton talent. J’aurais aimé t’offrir ce bouquet, participer à cette célébration. J’avais attrapé la « roséole ». Dans mon petit lit, au fond du couloir, moi aussi, je fus recouverte de roses…

 

Maman a gardé la photo et l’article du journal. Les cheveux brillantinés, dans une robe de coton clair, Liliane tient un rouleau entre ses mains. On lui a accordé une bourse afin qu’elle poursuive ses études à Paris. La ville de la gloire, si lointaine et si prestigieuse. Ma grande sœur irait la conquérir.

On avait arrangé son départ, elle devait séjourner chez une cousine de maman qui habitait près de la capitale. Elle suivrait les cours pour rentrer au Conservatoire national et prendrait le train pour s’y rendre.

Son professeur de piano l’accompagnerait, d’Oran à Paris…

« À cinq ans, elle a joué la Marseillaise quand Papa est rentré de la guerre ! Chez l’oncle Ernest, il y avait Mme D… elle donnait des cours de piano. Elle m’a dit : “Cette enfant est très douée, il faut absolument lui donner des cours. Si vous voulez, je peux lui apprendre…” »

C’est ainsi que Liliane était devenue l’artiste de la famille. Elle partait en France, escortée de la vieille « Manzelle », son professeur qui l’avait toujours soutenue. Maman avait tout organisé. Sa cousine lui avait répondu. Tout s’arrangeait au mieux…

 

À quatorze ans, ma grande sœur est partie. Sans elle, la vie n’était plus la même. Nous suivions de loin ses exploits : elle avait été reçue première à l’entrée du conservatoire.

Que vivait-elle pendant que nous imaginions son nouvel univers ? Désormais, elle avait découvert un monde que nous ne connaissions pas encore… Après quelque temps cependant, elle commença à exprimer dans ses lettres un certain malaise. Elle ne supportait pas d’être loin de nous.

Alors, ils n’ont pas hésité ! Il fallait que nous partions tous, pour qu’elle puisse poursuivre ses études… Avec la vieille demoiselle, elles avaient trouvé l’appartement de Neuilly. Le couple de locataires qui l’habitait avait décidé de vivre en Algérie… Il était peintre, il aimait les couleurs et le paysage d’Afrique du Nord et voulait poursuivre son œuvre là-bas, de l’autre côté de la mer. Elles ont conclu rapidement un échange… C’est ainsi que l’été suivant nous sommes tous partis… Il paraît que le jour de notre départ, le grand-père nous a accompagnés jusqu’au bateau. Il a remis à maman la phicomène, le morceau de matzah qu’il avait gardé de la pâque précédente pour que ça nous porte chance… J’ai dû oublier sa présence à cet instant. Ce devait être pourtant son ultime apparition… Tous ces hommes fuient comme des fantômes dans l’ombre incertaine du souvenir.

 

 

 

 

 

6

 

 

 

Nous avons ainsi échappé aux moments les plus violents de ce qui était en train de devenir une guerre qui allait désormais sceller notre sort et faire de l’Algérie une terre à jamais perdue.

 

Les arrivées à Paris se superposent dans les archives confuses du passé. C’était sans doute l’année précédente. Elle était venue nous attendre à la gare d’Austerlitz… Son grand manteau vert, le quai plein de monde… Je l’ai vue de loin et j’ai couru vers elle…

Ma grande sœur aux yeux attentifs et inquiets.

 

Je suis retournée là-bas, longtemps après, pour un très bref séjour. Les rues étaient grises, c’était l’hiver. Des étrangers habitaient la ville de mon enfance. Les façades s’étaient assombries, le décor avait vieilli et les personnages avaient disparu, remplacés par des inconnus… La ville de mon passé n’était plus la même. Elle avait perdu ses couleurs. Il y faisait même un peu froid.

J’ai filmé la rue où nous habitions, tout près de la grande synagogue, transformée désormais en bibliothèque… Notre guide m’avait prévenue qu’une grande explosion avait fait disparaître une partie des immeubles et j’ai cru un moment que je ne retrouverai pas la maison. Mais soudain, je me suis revue toute petite, faisant signe à ma mère avant de traverser le boulevard pour aller à l’école… J’ai fermé les yeux et je me suis dirigé tout droit vers l’immeuble où nous habitions.

De jeunes filles époussetaient les tapis à la fenêtre, exactement, comme j’avais vu faire ma mère trente ans plus tôt. Elles ont refusé que je monte… Les commerçants du coin avaient disparu : le menuisier, le bureau d’un cousin de ma mère, le cordonnier… Plus la mosrè non plus avec ses chats et ses rats, plus de petit voisin avec son beau vélo tout neuf… Tous ceux qui faisaient partie de notre monde s’étaient enfuis… Il y avait eu la guerre dans ce pays. Nous, nous l’avions vécue de loin, à Paris. Mais elle avait bel et bien existé… Des hommes et des femmes étaient morts, d’autres avaient pris la fuite pour toujours.

 

« La valise ou le cercueil », ils me l’avaient assez répété, ceux que j’ai revus par la suite, à Paris ou ailleurs !

À ce moment, je n’ai pas mesuré leur drame ! Ni celui de ma mère qui chaque nuit rêvait qu’elle retournait là-bas !

C’était la fin d’un monde, la fin de votre monde et le début d’un autre pour lequel nous étions mal préparés…

 

Avec le guide, nous avons fait un tour au « village nègre », les têtes des chameaux dépecés, les marchandages irrités et têtus qui se disputent, entourés d’un attroupement indifférent et tout à coup le tintement métallique de la crécelle du petit vendeur : « Calentica ! » Resurgit soudain un temps ancien, odeur de pois chiches grillés, lourde saveur de farine épaisse…

Le même son ! Le même goût ! Plongeon brutal dans le passé… D’autres images quasi oubliées se bousculent…

 

Nous sortons de la grande salle de bains maure, enveloppés de serviettes éponges. Posés au-dessus du sol, comme des paquets, nous attendions, mon frère et moi de savourer la limonade acide et sucrée à laquelle nous avions droit après notre bain… À peine y prenions-nous goût, qu’elle nous était retirée pour passer à la bouche de l’autre… Une petite bouteille, cela suffisait pour deux.

Pauvre mère, toujours mesure, économie, un peu pour faire beaucoup… Nous étions pauvres et c’était déjà un luxe. Nous avons appris à nous suffire.

 

Finis aujourd’hui, les yeux fermés sur le vent, les ciels d’illusion et d’espoir, les parfums gourmands et chaleureux, la mer d’écume sur nos corps toujours surpris et nos faces naïves de rires fous.

Le soleil inondait nos mémoires, nos paupières confiantes, nos fronts nus et offerts. Parfums, chaleur éblouissante derrière les stores baissés… Nous ne doutions pas d’exister…

 

Nous nous sommes dissous peu à peu, en traversant la mer. Fantômes, fâchés… Maman, tu te perds en petites brisures, reconstituer la mosaïque incomplète, à la recherche de nos débris, avec ta démarche devenue incertaine.

Paris, ville de ma propre absence. D’une rue à une autre… D’une rue, où nous étions le centre du monde, à une autre, où nous nous sentions perdus et pauvres. D’une rue, bavarde et turbulente, à une autre où l’on se croise sans se parler. Paris, aux lieux de proximité et de solitude.

 

 

 

 

 

7

 

 

 

Derrière la vitre, je devine la rue grise et toujours pareille. Ma grand-mère, assise près du pan relevé de rideau, guette comme un chat le moindre mouvement. Elle tourne ses pouces et hoche la tête sur son cou branlant de chair molle et fatiguée, étirée par endroits jusqu’à la transparence. Friperie ancienne, mais bien blanche.

« Moi, j’ai la peau claire ! » Revendication d’une noblesse naturelle qui vous conférait le privilège de ressembler à ces Européens que vous admiriez tant !

 

« Relève tes cheveux, on dirait une gitane ! »

Avoir l’air sérieux, bien élevé.

« Ta sœur, avec son petit pull bleu marine, on la prenait toujours pour une fille de riche. »

Ne pas avoir l’air trop pauvre. En tout cas, « ni sale ni déchiré ! »

 

Il a été difficile d’agrandir l’espace de ces trois pièces où nous vivions à sept : la grand-mère et nous six.

Ma mère aimait parfois tout bousculer. Nous l’aidions à changer les meubles de place : la salle à manger devenait la chambre, on déménageait de nouveau le grand fauteuil de plastique vert sur lequel j’ai longtemps dormi à côté de Liliane… On se retrouvait côté rue ou côté jardin.

Et puis, l’on recommençait… Cherchant, sans se décourager, la meilleure combinaison…

Accueillir la famille était un devoir, auquel on ne pouvait même pas imaginer se soustraire. Ils ont été nombreux à vous imposer leurs valises et à s’installer dans votre chambre que vous vous sentiez obligés d’offrir. C’était parfois de la piraterie et du sans-gêne, mais vous n’osiez pas refuser.

 

Derrière la fenêtre, en réclusion dans notre rez-de-chaussée… Vitres et portes fermées. À l’extérieur, aucune exubérance. De temps en temps, une personne silencieuse, absorbée dans ses pensées, passe, juste à côté de moi, ne soupçonnant pas que je la regarde, cachée derrière le rideau…

Pauvres, perdus dans un monde de riches…

À cette époque, il n’y avait que deux petits immeubles, dans la rue. Celui dans lequel nous habitions, et un autre, tout au bout, sur le trottoir opposé… Nous observions avec admiration, les allées venues des grandes maisons, « les hôtels particuliers », comme elle aimait le répéter, avec son accent typiquement pied-noir, où les « t » se transformaient en « tch » et les « o » se fermaient exagérément… Ah non ! Elle ne passait pas inaperçue ! Honte alors d’avoir une mère trop pittoresque, si dissemblable des dames du beau monde, aux manières si raffinées… Ma pauvre mère, le front têtu, barré par les principes d’un monde qui n’existait déjà plus !

Leur monde avait l’air si différent du nôtre, leur insouciance, leur détachement et parfois, leur hauteur, leur ironie…

Nous avions débarqué au mois d’août : à sept dans le petit appartement sans meuble, parmi les caisses, les cartons, et avec très peu d’argent…

 

 

 

 

 

8

 

 

 

Au fur et à mesure que je nous raconte cette histoire, je mesure à quel point notre mère a été le capitaine obstiné de ce navire qu’elle a réussi à maintenir, s’accrochant au gouvernail et gardant le cap, malgré les tempêtes qui l’ont bousculé et chahuté en tous sens…

Mon père fut le second silencieux, chargé des besognes d’exécution et qui ramène le carburant nécessaire à la vie du moteur… Le salaire paternel était notre seul revenu. Quel drame lorsqu’il fut licencié de la banque ! Un épisode tragique où les cris de ma mère atteignirent les extrêmes. Nous les avons encore dans nos oreilles :

« Il a quitté la banque… ! » Elle hurlait sans réserve, le ciel s’abattait sur nos têtes, nous devenions les victimes d’une catastrophe sans précédent. Mon père prenait l’identité d’une sorte de malfaiteur qui nous avait menti et mettait notre existence en danger… « Qu’est-ce que nous allons devenir ? ». Je sentais, à l’intérieur de ma poitrine d’enfant de quatre ans, la profonde déchirure que les lamentations de ma mère agrandissaient de plus en plus : je découvrais que mon père pouvait être coupable ! Son air penaud et ses misérables protestations, recouvertes par le flot torrentiel des plaintes et des malédictions maternelles, accentuaient cette nouvelle certitude.

 

Il était désormais déchu. Mon père, profil bas, avocat de causes toujours perdues… Il restait pourtant son serviteur zélé, son disciple inconditionnel.

« Demande pardon à ta mère ! » Il fallait faire taire cette machine infernale, ce ressassement qui envahissait notre espace sonore durant des heures : « Tetènè ! Mais elle est mauvaise ! Qu’est-ce qu’on va faire avec cette fille ! Je n’en peux plus… Je vais me jeter dans la Seine ! »

Et lui, il prenait peur, il venait chercher l’enfant qui avait osé se révolter pour qu’elle vienne se soumettre…

 

 

 

 

 

9

 

 

 

Vous aviez tout vendu, en dehors des bons vêtements et des meilleurs matelas. Il fallait avoir un peu d’argent devant nous. On défaisait les cartons, on coupait les ficelles, on déchirait les papiers d’emballage… C’était la fête ! Nous nous réjouissions de notre audace !

 

Il fut décidé que j’irais avec ma grand-mère, chez sa sœur, la grand-tante Cécile qui vivait en Sologne. Je reviendrais pour la rentrée des classes. J’allais vivre durant plusieurs semaines, pour une fois loin de mes parents, de mes sœurs et de mon frère, entre ces deux vieilles dames.

Heureusement, la vieille tante, en bonne pédagogue, m’avait présentée à la famille d’une maison voisine. Demeure bourgeoise, avec court de tennis et parc de jeu pour les enfants. Je n’en avais jamais autant vu…

Une pulsion irrésistible me poussait à monter le plus haut possible sur la balançoire, à pédaler de toutes mes forces sur le vélo.

« Attention ! Nous on ne peut pas t’apprendre ! » prévenaient très raisonnablement les trois petites filles : deux sœurs blondes dont je ne me souviens pas des noms et Odile, la fille des voisins.

Mais je pédalais quand même, droit devant moi… Je ne savais ni freiner ni tourner, je me heurtai à la clôture et tombai lourdement sur mon genou droit.

On me désinfecta, on me mit un pansement. « Elle est très courageuse ! Elle ne pleure pas ! »

La maman d’Odile me soigna plusieurs fois. « Nous allons assister à une leçon de courage ! » disaient les petites filles, et je sentais l’exaltation d’être une véritable héroïne…

Longtemps cependant, les mots que ma grand-tante avait employés, pour me présenter, ont résonné en moi : « Oh ! Vous savez, elle est allée à l’école avec des Espagnols et des Arabes… Alors, si elle se tient mal, n’hésitez pas à me la renvoyer ! »

Vieille vaniteuse, fière de son privilège de parler sans accent et de porter le nom d’un vrai Français : « Je m’appelle Madame Lefèvre, moi ! Ils sont juifs ! Moi, je suis française ! »

Je l’ai entendue claironner ces mots d’une voix rageuse, quelques années plus tard, lorsque mon père, grâce à moi, l’a mise à la porte !

 

J’avais donc pris l’habitude, d’aller quotidiennement chez Odile. C’était un après-midi de dimanche et jour de réception. Je riais aux éclats, lorsque c’était mon tour d’être projetée, les pieds quittant la terre, tandis qu’à l’autre bout de la planche, Odile atterrissait accroupie, presque tassée, les deux pieds enfoncés dans le sol.