Traité de la Confiance en la Miséricorde de Dieu - Jean-Joseph Languet de Cergy - E-Book

Traité de la Confiance en la Miséricorde de Dieu E-Book

Jean-Joseph Languet de Cergy

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RÉSUMÉ : "Traité de la Confiance en la Miséricorde de Dieu" est une oeuvre spirituelle qui explore la profonde relation entre l'homme et la miséricorde divine. Écrit par Jean-Joseph Languet de Cergy, ce traité s'adresse à ceux qui cherchent à approfondir leur foi et à comprendre la nature bienveillante de Dieu. L'auteur y développe une réflexion théologique sur la confiance que les croyants peuvent placer en Dieu, malgré les épreuves et les doutes qui jalonnent la vie humaine. Languet de Cergy s'appuie sur des textes sacrés et des enseignements de l'Église pour démontrer que la miséricorde de Dieu est infinie et accessible à tous ceux qui s'ouvrent à elle avec sincérité. Le livre invite à une introspection personnelle et propose des moyens concrets pour renforcer sa foi et sa confiance en Dieu. Il traite également de la manière dont la miséricorde divine peut transformer la vie des croyants, en leur apportant paix et réconfort. En somme, ce traité est un guide spirituel pour ceux qui souhaitent vivre une foi plus profonde et authentique, en s'appuyant sur la certitude de l'amour inconditionnel de Dieu. L'AUTEUR : Jean-Joseph Languet de Cergy est un théologien et écrivain français du XVIIIe siècle, connu pour ses contributions à la littérature spirituelle. Né en 1677, il a consacré sa vie à l'étude et à l'enseignement de la théologie, en se spécialisant dans la spiritualité chrétienne. Languet de Cergy a été influencé par les courants mystiques et dévotionnels de son époque, ce qui se reflète dans ses écrits. Il a occupé plusieurs postes ecclésiastiques importants, où il a pu partager sa vision de la foi et de la miséricorde divine. Son oeuvre la plus notable, "Traité de la Confiance en la Miséricorde de Dieu", témoigne de son profond engagement envers la diffusion des valeurs chrétiennes. Bien que peu d'informations personnelles soient disponibles sur sa vie, l'impact de ses écrits continue de résonner chez ceux qui cherchent à approfondir leur compréhension de la foi chrétienne. Languet de Cergy est décédé en 1753, laissant derrière lui un héritage spirituel qui continue d'inspirer les croyants à travers le monde.

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Seitenzahl: 220

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Table des matières

Notice sur M. Languet, Archevêque de Sens

PARTIE I

La miséricorde de Dieu peu connue, particulièrement des âmes timides qui se livrent trop à la crain

Diverses sources de cette crainte.

On explique de quelle crainte on parle dans ce Traité. Il y a une crainte utile et nécessaire : on

Des mauvais effets de la crainte excessive. Le premier, c'est le découragement.

Second effet funeste de cette crainte ; la tristesse du cœur : péril de cet état.

Troisième effet funeste de la crainte ; l'affaiblissement de la tendresse dans l'amour de Dieu. D'a

Seconde preuve de la tendresse que doit avoir notre amour envers Dieu. C'est la confiance qui excit

Cette tendresse de l'amour divin est détruite par la défiance et par la crainte.

Continuation du même sujet. Différence de deux âmes, dont l'une se gouverne par l'amour, et l'autre

Portrait d'un autre juste qui se gouverne principalement par la crainte.

Ceux qui se conduisent par l'amour et par la confiance doivent être plus agréables à Dieu, et plus

Autres preuves de la vérité précédente. Trois fondements solides de notre confiance. Le principal,

Bonté de Dieu plus sensible dans sa tendresse pour les pécheurs.

Non seulement cette confiance est établie sur des fondements solides, mais elle paraît être d'une o

C’est faire injure à Dieu, de lui refuser cette confiance qu'il demande de nous.

Nouveaux caractères de la confiance en la miséricorde de Dieu. Cinq avantages qu'on y trouve.

Sixième avantage de cette confiance. Elle est pour nous d'une consolation infinie dans toutes nos p

PARTIE II

Objections des âmes trop timides et scrupuleuses. — Première objection : la justice de Dieu. — Port

Réponse à la première objection. Quelque terrible que soit notre Dieu, il est pour nous encore plus

Continuation du même sujet. Jésus-Christ est le plus favorable de tous les juges : premièrement par

Secondement, Jésus-Christ est un juge compatissant.

Troisièmement, Jésus-Christ est à la fois notre juge et notre ami.

Quatrièmement, Jésus-Christ est un juge intéressé au succès de notre salut.

Cinquièmement, quoique Dieu soit un juge plein de justice, c'est précisément parce qu'il est juste,

Suite de la même pensée. Autre raison qui prouve que la justice même de Dieu doit fortifier notre c

Seconde objection des âmes timorées. La grandeur et la multitude de leurs péchés.

Réponse à l'objection précédente. Les sentiments de Dieu envers le pécheur sont des sentiments de m

Dieu appelle le pécheur, et les menaces mêmes qu’il fait en l'appelant sont plus propres à exciter

Confirmation de ce qu'on vient de dire. Image de la tendresse avec laquelle Dieu recherche le péche

Troisièmement, Dieu, après avoir parlé en vain, veut bien encore attendre avec patience le retour d

Quatrièmement, Dieu reçoit le pécheur avec bonté, dès le moment qu'il revient à lui.

Suite du même sujet, comment Dieu reçoit les pécheurs. Parabole de l'Enfant prodigue. Image de notr

Continuation de la même parabole. Image de la bonté de Dieu dans celle de ce père de famille qui re

Cinquième caractère de la bonté de Dieu pour les pécheurs : en les recevant il leur pardonne aiséme

Sixièmement, non seulement Dieu pardonne au pécheur pénitent, mais il semble même le favoriser plus

Suite de la même matière. Etre trop effrayé de ses péchés, est quelquefois un raffinement de l'amou

Dernière objection des âmes défiantes : Le petit nombre des élus. Réflexion générale sur cette véri

Autre réflexion sur cette vérité. La confiance en Dieu est un moyen d'assurer en quelque façon sa p

Principale réponse à l'objection précédente. Le petit nombre des élus est une vérité consolante pou

Seconde marque de la prédestination, la conversion et la protection particulière.

Troisième marque de la prédestination, la persévérance dans le bien : nouvelles raisons de l'espére

Qui sont ceux qui ont des marques encore plus assurées de leur prédestination ? Ce sont ceux qui so

Preuve de la vérité précédente. Premièrement ; c’est dans les souffrances que se trouve la vocation

Seconde preuve. C'est dans les souffrances que se trouve l'expiation la plus sûre du péché. Avantag

Troisième preuve. La précaution la plus assurée contre le péché se trouve dans l’affliction.

Quatrième et dernière preuve. Les afflictions forment en nous la ressemblance avec Jésus-Christ. Ce

Avertissement sur cet ouvrage

L'estimable auteur du petit traité que nous publions le fit paraître pour la première fois en 1718. Plusieurs éditions en ont été faites, il a même été réimprimé depuis la révolution. Nous remarquons que toutes les éditions sont conformes aux premières, et cet ouvrage, quoique écrit avec pureté et même élégance, n'est ni bien connu ni assez répandu. Il est cependant peu de traités plus utiles aux personnes qui s'adonnent à la piété et plus propre à les préserver du découragement, à leur faire goûter les douceurs du service de Dieu, et à les entretenir dans ces sentiments de confiance qui adoucissent les peines intérieures et font trouver légères les croix les plus pénibles. C'est aux âmes qui se découragent facilement dans le chemin de la vertu, qui se troublent au souvenir de leurs fautes, que les jugements de Dieu pénètrent d'une trop grande terreur, que nous offrons de nouveau ce traité. La doctrine qu'il renferme est pure et solide, et la manière dont il est écrit est bien supérieure à celle des ouvrages du même genre, dont le style est quelquefois négligé.

Notice sur M. Langues, Archevêque de Sens

Dieu qui a permis que son Église fût souvent déchirée par le schisme et l'hérésie, et attaquée avec violence par l'erreur, ne l'a jamais abandonnée : il lui a ménagé sans cesse de nouvelles occasions de triomphe, en suscitant des hommes capables de la défendre par leurs talents, et de l'édifier par leurs vertus. Sans avoir le génie de ces sublimes apologistes dont s'honore le christianisme, l'archevêque de Sens, à qui nous consacrons cette courte notice, se montra dans le dernier siècle, le noble défenseur de la religion, et s'engagea dans de longs combats pour assurer son triomphe :

Jean-Joseph Languet de Gergy naquit en 1677 à Dijon, où son père était procureur général au parlement. Il était frère du vertueux Languet, curé de la paroisse de Saint-Sulpice, où son zèle pour la maison de Dieu et sa charité pour les pauvres ont laissé de précieux souvenirs. Compatriote de Bossuet, Languet qui avait embrassé l'état ecclésiastique, eut le bonheur d'obtenir son estime et sa bienveillance. C'est à sa sollicitation qu'il entra dans la maison de Navarre, où l'évêque de Meaux avait étudié dans sa jeunesse, et où, dès cet âge tendre, il avait laissé entrevoir ce qu'il serait un jour. C'est là que l'abbé Languet reçut le bonnet de Docteur ; il fut par la suite nommé supérieur de cette maison. Ce fut encore Bossuet qui l'introduisit à la cour. La place d'aumônier de madame la duchesse de Bourgogne était vacante, on la demandait avec instance : Bossuet de son côté fit connaître à Louis XIV l'abbé Languet comme digne de la remplir ; la place lui fut accordée ; et quand celui-ci vint faire au roi ses remerciements, le monarque lui déclara qu'il ne l'avait nommé que sur la demande et sur les bons témoignages de M. de Meaux. L'abbé Languet était alors grand vicaire d'Autun. Mais Louis XIV qui savait si bien apprécier le mérite des hommes dont il était entouré, ne tarda pas à l'appeler à l'évêché de Soissons. Ce fut une de ses dernières nominations.

L'Église de France était alors agitée par les attaques du jansénisme. Le père Quesnel, prêtre de l'Oratoire, ami du célèbre Arnaud, avait composé un livre intitulé, Réflexions morales sur le nouveau Testament ; mais cet ouvrage était malheureusement infecté du venin de l'hérésie : il fut examiné à Rome ; et Clément XI, qui occupait alors le trône pontifical, condamna par une bulle cent une propositions qui en furent extraites : cette bulle est la fameuse constitution Unigenitus. Louis XIV la fit adresser à tous les évêques de France : cent dix l'acceptèrent purement et simplement ; douze ou treize refusèrent de la recevoir ou ne la reçurent qu'avec des restrictions. L'évêque de Soissons, s'éleva avec force contre ceux qui appelaient de cette décision du Saint Siège. Depuis 1718, chaque année de son pontificat fut signalée par ses mandements et d'autres écrits contre les appelants de la bulle du pape, et contre les livres que l'on produisait en faveur du parti. Entre les prélats appelants, Jean de Soanen, évêque de Sénez, se montrait un des plus ardents fauteurs du jansénisme. Il composa une instruction pastorale injurieuse à la constitution Unigenitus, et dans laquelle il recommandait la lecture Des réflexions morales du père Quesnel, défendue par cette bulle. Cité devant un concile de treize évêques, il fut suspendu de ses fonctions et exilé dans une abbaye. Ce jugement excita des mécontentements ; cinquante avocats du parlement de Paris s'élevèrent en faveur du prélat condamné. Dans cette nouvelle attaque l'évêque de Soissons ne garda pas le silence : toujours ardent défenseur de la constitution, il écrivit en faveur du concile, et contre la consultation des cinquante avocats, qui fut supprimée par un arrêt du Conseil. Ses ouvrages de controverse, dont il augmentait le nombre tous les jours, lui avaient acquis, dans l'Église de France et dans l'Etat, une grande considération. Il reçut même de Rome des témoignages d'estime. Le souverain pontife répondit par un bref très honorable à l'envoi qu'il lui avait fait de ses ouvrages polémiques.

La célébrité que Languet s'était acquise dans le cours de ses controverses, lui avait ouvert les portes de l'académie. Il y avait été reçu en 1721 : le régent l'avait aussi appelé au conseil de conscience, et nommé à trois abbayes. En 1730, il prit possession d'un siège plus important que celui de Soissons ; il fut transféré à l'archevêché de Sens. Ce nouveau degré d'élévation le mit, pour ainsi dire, aux prises de plus près avec les ennemis de la constitution Unigenitus. Deux de ses suffragants, l'évêque d'Auxerre et l'évêque de Troyes, fortement prononcés contre cette bulle, trouvèrent dans l'archevêque de Sens, une opposition ferme à leurs opinions, et de longs démêlés s'élevèrent entre les trois prélats. M. L'évêque de Troyes avait introduit dans le Missel des changements étranges, qu'il fut obligé de rétracter en 1738.

Le zèle de M. Languet ne lui permit pas de voir avec indifférence les farces scandaleuses, exécutées au tombeau du diacre Pâris, dont les jansénistes voulaient accréditer la sainteté, par de prétendus miracles. Tandis que l'ingénieuse adresse du curé de Saint-Sulpice savait par la seule crainte du ridicule, purger sa paroisse des convulsionnaires, son frère, l'archevêque de Sens, employant l'arme puissante de la raison, démontrait l'imposture de ces miracles et l'absurdité des convulsions.

Mais tous ces travaux auxquels il se livrait pour la défense de la religion, ne lui faisait pas oublier le soin particulier du diocèse qu'il gouvernait. Il composait, pour l'usage des livres d'offices, et des catéchismes appropriés aux différents âges ; il établissait des petits séminaires pour l'éducation des jeunes gens destinés au service des autels ; et plein de goût et de zèle pour la décoration de la maison du Seigneur, il enrichissait de beaux ornements les églises de Sens. Sa sollicitude ne se bornait pas à sa ville épiscopale ; il parcourait tout le diocèse, visitait chaque paroisse, et ne manquait jamais d'y rompre le pain de la parole divine.

La carrière de ce prélat se prolongea jusqu'à soixante-seize ans. Plusieurs années avant sa mort, le roi l'avait appelé au Conseil-d'État. Il mourut à Sens le 11 mai 1753.

Sa vie fut un état de guerre perpétuelle. Constant adversaire des jansénistes, il en fut harcelé sans relâche. On essaya de rebuter son zèle par des libelles lancés dans le public. Ses talents même ne furent pas à l'abri de l'injustice de ses adversaires. Plusieurs fois le parlement attaqua ses écrits ; en supprima quelques-uns, et le condamna même à vingt mille livres d'amende pour une lettre qu'il avait avouée. Mais le régent défendit qu'on lui signifiât cet arrêt.

M. Languet a composé un assez grand nombre d'ouvrages, et plusieurs morceaux de ses productions font honneur à son savoir et à son esprit. Parmi plusieurs livres de piété remplis d'onction qu'on a de lui, on remarque son Traité de la confiance en la miséricorde de Dieu, bien propre, a dit un illustre écrivain, à la faire naître dans les cœurs des fidèles : il a écrit aussi un traité de l'esprit de l'Église dans les cérémonies, contre dom de Vert ; La vie de la sœur Marguerite du Saint-Sacrement, ouvrage plus connu sous le titre de Vie de la mère Marie Alacoque ; l'Office de la semaine sainte, avec les réflexions et méditations, dédiées à la reine pour l'usage de sa maison ; plusieurs catéchismes, une traduction des Psaumes. Nous ne citons pas une foule d'autres écrits composés dans le cours de ses controverses avec le parti janséniste.

PARTIE I

La miséricorde de Dieu peu connue, particuliè rement des âmes timides qui se livrent trop à la crainte.

De toutes les perfections de Dieu, que la raison et la foi nous découvrent, il me semble qu'il n'y en a point qu'on croie mieux connaître, et qu'on connaisse moins que sa miséricorde. On croit la connaître, puisqu'on en parle sans cesse. Elle entre dans toutes les réflexions que l'on fait sur les vérités éternelles. Elle est comme l'âme et le motif de tous les sentiments de piété qu'on excite en soi et qu'on y ressent. Si elle doit être la consolation des justes, il semble qu'elle soit encore plus aujourd'hui la ressource et l'appui des pécheurs.

Cependant je dis qu'on ne la connaît qu'à demi, qu'on s'en forme une idée peu juste et peu digne d'elle. Je le dis, principalement de tous ceux qui s'en servent comme d'un appui dans le libertinage de leur vie , qui continuent d'être méchants, parce que Dieu ne cesse d'être bon ; et qui comptent sur cette miséricorde, pour s'autoriser dans leur impénitence.

Cet état est commun, il l'a été dans tous les temps, et l'Ecriture condamne la témérité de ces présomptueux. Cependant il y en a d'autres qui paraissent plus éclairés, et qui le sont en effet mais qui ne le sont pas assez sur cette matière. Bien éloignés de trop présumer de la bonté de Dieu, ils connaissent toute l'étendue de l'obligation qu'ils ont de travailler à leur salut, et ils y travaillent en effet. Ils n'ont pour le monde ni pour ses plaisirs, aucun attachement ; ils craignent le péché souvent jusqu'au scrupule ; ils sont exacts à remplir les devoirs de leur état, et donnent chaque jour la meilleure partie de leur temps à la prière et à la pratique des œuvres de charité. Cependant, au milieu de ces saintes occupations, la miséricorde de Dieu semble n'avoir rien de consolant pour eux. Frappés de l'idée effrayante de ses jugements et de sa justice, ils oublient ce qu'un Dieu homme, un Dieu enfant, un Dieu Sauveur, un Dieu époux a d'aimable, pour ne s'occuper que de ce qu'un Dieu juge, un Dieu vengeur, un Dieu sévère a de terrible pour eux. A peine osent-ils espérer en lui. L'amour divin qui a pour d'autres tant de douceur, n'a rien de sensible pour eux, que l'inquiétude et la crainte de ne pas aimer assez. Ils s'affligent, ils tremblent, ils sont troublés. Leur cœur désolé ne goûte dans la pratique de la vertu, ni douceur, ni repos ; et on peut dire que si la confiance est montée dans les pécheurs jusqu'à la présomption, on trouve aussi des justes dont la crainte trop vive est poussée quelquefois jusqu'au découragement.

J'en ai vu plusieurs fois de ces âmes ferventes, livrées à ces troubles que je viens de décrire, et je n'ai pu m'empêcher de compatir à leurs peines. J'en ai vu même, et je n'y songe qu'avec frayeur, qui, trop faibles pour soutenir ces scrupules et ces craintes, sont tombées dans un abattement et un désespoir affreux ; parce qu'en redoutant la justice de Dieu, elles avaient oublié la confiance que sa miséricorde devait leur inspirer pour les soutenir. J'en ai vu d'autres qui, puisant dans la même source une autre sorte d'erreur, et qui, découragées de la piété qui leur coûtait tant d'inquiétude, abandonnaient entièrement la pratique des vertus chrétiennes, pour chercher dans le libertinage une paix qu'elles ne trouvaient point dans la ferveur du service de Dieu.

L'égarement des uns et des autres ne vient sans doute, que de ce qu'ils ne savent point mesurer selon les règles de la prudence chrétienne, les bornes de la justice et de la miséricorde de Dieu, et qu'ils en ignorent les règles et l'étendue : bien différents du prophète roi, qui, chantant également les louanges de ces deux attributs, trouvait dans l'un de quoi former cette crainte qui commence la sagesse, et dans l'autre de quoi inspirer cette confiance qui consomme la charité.

Si cette tentation est affligeante pendant la vie, elle est sans doute beaucoup plus funeste aux approches de la mort. Alors l'esprit affaibli et l'âme appesantie, comme dit l'écriture, par le corps qui se corrompt, ne peut guère soutenir les vives impressions de cette crainte. C'est cependant alors qu'elle doit se faire sentir plus vivement, parce que les jugements de Dieu doivent paraître bien plus terribles lorsqu'on les voit, pour ainsi dire, de près. Si dans le cours de la vie, leur souvenir effraie jusqu'au découragement, comment à la mort soutiendra-t-on leur approche sans désespoir ?

De là viennent souvent ces inquiétudes, ces agitations, ces répugnances que l'on remarque quelquefois avec étonnement dans des justes qui ont vécu avec ferveur, et qu'on est surpris de voir mourir avec amertume et désolation. Hélas ! Ce n'est pas l'attachement à la vie qui en est la cause : il n'y en a point d'autre qu'une crainte immodérée des jugements de Dieu, que l'espérance ne rassure point. Saint Hilarion n'est pas le seul qui ait eu besoin de chercher, dans la longueur de sa pénitence, de quoi rassurer son âme timide, qui semblait à l'heure de la mort hésiter de sortir pour aller à Dieu, dont elle redoutait les jugements.

Diverses sources de cette crainte.

Ces craintes et ces alarmes paraissent les mêmes dans tous ceux qui les éprouvent. Cependant en plusieurs, elles ont des sources différentes. Dans les uns, elles viennent de pure ignorance : souvent, comme je l'ai dit, on ne connaît ni la mesure de la justice de Dieu, ni l'étendue de sa miséricorde. On ne connaît pas plus l'espérance chrétienne, beaucoup moins connaît-on ce que c'est que la confiance, qui est le fruit et la perfection de cette vertu. La tendresse du cœur et la consolation qu'elle y produit, effet ordinaire de cette confiance, n'est pas moins ignorée. Enfin, ce que l'on ignore encore plus, c'est l'alliance de cette tendresse de la confiance avec la ferveur de la charité, qui doit y trouver sa douceur et sa consommation.

Des âmes plus éclairées ne sont pas toujours exemptes de ces mêmes craintes. En elles, ces craintes viennent de la tentation du démon, qui, ne pouvant séduire le juste par l'excès de la confiance par lequel il séduit tant de pécheurs, cherche à le tromper par une voie contraire, et à le jeter dans le découragement et dans le désespoir, soit en lui exagérant la sévérité inexorable des jugements de Dieu, soit en grossissant aux yeux de son humilité le nombre et l'énormité de ses fautes passées ; soit en lui reprochant par des scrupules continuels ses chutes journalières, ou l'imperfection de ses bonnes œuvres.

Ces esprits malins qui, comme le dit l'Écriture, créés pour la vengeance, redoublent leur fureur dans la consommation de notre vie, emploient cette tentation avec encore plus de force contre les justes et contre les pécheurs, à l'heure de la mort. C'est alors qu'ils font leurs derniers efforts pour leur inspirer ce désespoir, parce qu'ils savent que c'est le seul moyen qui leur reste, ou d'affaiblir la charité des uns ou de mettre obstacle à la pénitence des autres.

On peut trouver une troisième source de ces alarmes dans la volonté même de Dieu. Tout plein qu'il est de tendresse pour une âme fidèle, il se plaît cependant quelquefois à l'effrayer par la vue de ses jugements ; et au lieu de la consoler par le souvenir de ses miséricordes, il semble les lui refuser et l'abandonner. Il lui dérobe sa présence sensible et la consolation de son amour, pour éprouver par ses rigueurs le courage de la persévérance. C'est ainsi que dans le Cantique des Cantiques, l'époux se cache pour un temps pour éprouver la fidélité de l'épouse, et peut-être aussi pour lui faire trouver plus de douceur dans le plaisir de le retrouver. C'est ce que les saints ont éprouvé si souvent dans les sécheresses, les dégoûts, et les privations intérieures, dans ces terreurs et ces désolations où l'âme se croit presque abandonnée. Etat que tous les maîtres de la vie spirituelle ont si bien décrit, et dont nous trouvons des peintures dans les psaumes de ce saint roi qui devait beaucoup à la miséricorde de Dieu, mais qui n'a pas ressenti moins vivement toutes les terreurs de sa justice.

Or, soit que ce soit ignorance, tentation ou épreuve, il est toujours important de préparer des consolations à ces âmes troublées, et de les rassurer dans une crainte souvent excessive, toujours dangereuse, et qui est quelquefois une source funeste de relâchement. Car, comme je l'ai déjà dit, si la confiance est portée par l'orgueil du pécheur jusqu'à la présomption, il n'est pas étonnant que la crainte soit poussée quelquefois, dans des âmes timides, jusqu'au découragement et au désespoir.

On explique de quelle crainte on parle dans ce Traité. Il y a une crainte utile et nécessaire : on ne combat ici que celle qui est excessive.

Qu'on remarque cependant que ce n'est que l'excès de la crainte que je prétends attaquer, et non pas la crainte en elle-même. Car il est vrai de dire qu'il y a une crainte salutaire, qui non seulement fraie le chemin de la sagesse, et qui en jette les fondements, mais qui doit même rester dans le cœur du juste, et le soutenir dans tous les états de sa vie, et même dans tous les degrés de la perfection. C'est sans doute le défaut de cette crainte nécessaire qui entretient dans la tiédeur tant d'âmes qui se croient justes, et qui ne le sont pas, parce que le démon les a séduites par la présomption, l'illusion et l'orgueil.

On peut ajouter même qu'il y a des âmes saintes et choisies, qui ne marchent dans les voies de la piété, et qui ne vont à Dieu que par la route de la crainte. Elles sont fidèles à Dieu, précisément parce qu'elles le craignent. Leur crainte, il est vrai, n'est pas cette crainte purement servile qui n'a en soi aucun mélange d'amour, ou qui n'en a que de légères impressions. C'en est une qui suppose l'amour, mais qui l'emporte sur l'amour, quant à l'impression sensible. Je la comparerais volontiers à celle de ces enfants qui, par l'austérité de ceux qui les gouvernent, se forment dans l'éducation un naturel timide. Quoiqu'ils aiment leur père, ils sont toujours, à son égard, dans l'appréhension et la terreur. Ils croient qu'il ne les regarde que pour les punir, ou qu'il ne leur parle que pour les reprendre. Ils ont pour lui tous les sentiments d'amour que la nature leur a donnés ; mais ce que cet amour devrait avoir de tendre et de sensible, est étouffé par les impressions trop vives de la timidité. Telle est la disposition de ceux dont je parle. Ils aiment Dieu, mais leur crainte se fait plus sentir que l'amour ; et il est bon qu'ils soient conduits par cette route, toute autre leur serait peut-être préjudiciable : car il n'y a que cette crainte si vive qui puisse contenir un cœur naturellement présomptueux, et humilier un esprit que la vanité enfle à chaque moment. De là vient que Dieu fait ressentir de temps en temps aux âmes les plus ferventes ces impressions de terreur et d'effroi, pour les contenir par-là dans l'humiliation, et pour réprimer l'orgueil que pourrait exciter l'abondance des grâces qu'elles reçoivent.

Bien loin de condamner ces sentiments, j'admire la bonté de Dieu, qui veut bien s'abaisser jusqu'à étudier, pour ainsi dire, nos dispositions, pour leur proportionner ainsi ses grâces, et les accommoder à nos faiblesses. Je le prie de tout mon cœur de répandre cet esprit de crainte dans tant d'âmes présomptueuses, qui, peut-être, déshonorent la dévotion par leur orgueilleuse confiance. Mais je n'écris point pour elles. Je n'écris pas non plus pour les pécheurs qui s'autorisent de la miséricorde de Dieu pour persévérer dans leur impénitence. Il y a déjà pour les uns et pour les autres assez de livres ; il ne tient qu'à eux d'en profiter. Il semble même que dans ces derniers temps, on a pris plus de soin que jamais d'intimider les fidèles, en leur découvrant tout ce que la religion a d'effrayant, et toute la sévérité des jugements de Dieu. Mais s'il est nécessaire d'intimider, il n'est pas moins important de rassurer aussi quelquefois ; et puisque la crainte a ses défauts, ses excès, et par conséquent ses périls, il faut qu'elle ait aussi ses remèdes.

Des mauvais effets de la crainte excessive. Le premier, c’est le découragement.

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