Traquenard à Coober Pedy - Evelyne Traversi - E-Book

Traquenard à Coober Pedy E-Book

Evelyne Traversi

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Beschreibung

Le dernier tome de cette trilogie nous invite au voyage, à la découverte, à l’exploration, à l’aventure, d’une façon différente et singulièrement inattendue.

L’action se déroule dans l’outback australien en plein désert aride des environs de Coober Pedy. L’auteure nous fait traverser l’immensité de ce continent aux antipodes de l’Europe. Elle nous dévoilera certaines pratiques du peuple Aborigène, appelé également le peuple du temps des rêves.

 Interpol est plus que jamais décidé à mettre fin à la cavale de Marc qui, après de multiples rebondissements, arrive à rejoindre son ami Paul le Belge en Australie. À peine pose-t-il le pied à Coober Pedy, une petite ville minière située en Australie-Méridionale, qu’il se trouve entrainé dans une terrible de prises d’otages.

Le marché mondial de pierres précieuses alimente les réseaux criminels internationaux qui disposent des sentinelles aux quatre coins du globe dont leur mission est d’alerter sur tout ce qui pourrait avoir une grande valeur marchande.

Paul, propriétaire de plusieurs exploitations minières, vient de découvrir une veine d’opale noire d’une beauté exceptionnelle et justement d’une valeur inestimable. L’argent étant le nerf de la guerre, un groupe de la milice de Wagner est envoyé sur place pour s’emparer de ces opales noires. À cette fin, ces mercenaires n’hésiteront pas à séquestrer et à mettre en danger les employés de la mine, dont plusieurs Aborigènes, créant une tension explosive dans ce désert inhospitalier.

Les répercussions se compliquent et deviennent une affaire d’État. Quel sera l’implication de Cobar, le chef de la tribu aborigène des Pitjantjatjars ? Que vient faire l’armée australienne dans cette scabreuse affaire ? Les ouvriers bloqués dans la mine pourront-ils être sauvés ? Qu’adviendra-t-il de Marc, tombera-t-il dans la toile d’araignée déployée par les deux agents d’Interpol, et connaitra-t-il une trêve ?


À PROPOS DE L'AUTRICE

Evelyne Traversi - Après des études de droit, l’auteure a exercé les fonctions de greffier des services judiciaires en région parisienne, puis pendant près de dix années dans des territoires d’Outre-mer (île de La Réunion, Mayotte et la Guyane). Au contact de la population, elle a découvert d’autres us et coutumes qui l’ont inspirée et ont contribué avec son expérience professionnelle à la sortie de ses romans.

Ce métier, qu’elle a aimé passionnément, lui a permis de voyager dans les quatre coins du monde et d’être au plus près des populations qu’elle rencontrait et qu’elle découvrait.











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Éditions Encre Rouge

®

CC Salvarelli – 20218 PONTE-LECCIA

Mail : [email protected]

ISBN : 978-2-37789-791-9

Dépôt légal : Avril 2024

 

TRAQUENARD

À

COOBER PEDY

 

Australie

Évelyne Traversi

Ce roman est une œuvre de fiction. Si certains lieux sont réels, les situations et les personnages décrits sont issus de l’imagination de l’auteure. Par conséquent, toute ressemblance avec des personnes et des faits existants, ou ayant existé, serait purement fortuite.

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les « analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information », toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. Copyright © 2024

 

Il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas vers quel port il navigue.

Sénèque (philosophené vers l’an 4 av. J.-C. à Corduba et mort le 12 avril 65 apr. J.-C.)

 

Les personnages

Agent Matrix, inspecteur de police à Alice Springs

Antonio, dit l’Italien

Baxter, l’avocat

Bill, l’adjoint du shérif Travis

Brasco, le mayor de la ville de Coober Pedy

Capitaine Robert

Cobar, chef de la tribu des Pitjantjatjara

Commissaire de police

Curtis, le chef d’équipe de Paul

Éva Paros, agente d’Interpol

Francine, propriétaire de l’Outback Bar

Georges, un délinquant

Günter, l’associé de Paul

Igor, un mercenaire russe

Ingrid, ex-femme de Marc, et compagne de Tony

Jessica, agente d’Interpol

Juge Harrison

Kevin, un mercenaire

Koa, jeune aborigène

Long Jack, amoureux de Naata

Marc Rutéroy

Naata, amoureuse de Paul

Nelson, une fripouille

Paul, dit Paul le Belge

Tampi-Tampi, père de Naata

Tony, docteur volant (Tome I)

 

 

Chapitre premier

Lueur en Australie

 

-1-

Coober Pedy, Outback, Australie du Sud

Paul arriva à l’aéroport de Coober Pedy, qui se situait à environ cinq kilomètres de la ville, juste à temps pour voir l’avion de la compagnie Rex Airlines, en provenance d’Adélaïde, se poser sur la piste. Au bout de quelques minutes, les passagers commencèrent à en descendre, et en file indienne, ils se dirigèrent vers le sas de contrôle obligatoire en forme d’entonnoir.

Il scrutait les voyageurs, tentant d’apercevoir son ami. Ils ne s’étaient pas revus depuis plus de dix ans. Certes, de temps à autre, ils se connectaient via Skype et il y a trois jours, après une longue discussion où Marc lui relatait ses déboires malgaches et guyanais, spontanément il lui proposa de venir à Coober Pedy en Australie.

Avant de descendre l’escalier mobile placé devant la porte de l’avion, Marc regarda autour de lui. Un paysage proche de la désolation s’étalait sous ses yeux.

« Je suis arrivé sur la planète Mars ! » pensa-t-il la gorge serrée.

L’enthousiasme et l’excitation de ce voyage commençaient à s’ébranler.

« Ai-je pris la bonne décision en venant ici ? »

Revoir son ami le remplissait de joie, de plus, cela lui donnait également l’occasion de rencontrer les aborigènes, de connaître leurs mystères, de s’imprégner de leurs us et de leurs cultures tellement différentes et combien déroutantes de la culture européenne ! Mais ce qui finit par le convaincre à s’expatrier de l’autre côté du monde, c’était la possibilité de régler ses comptes avec Ingrid, son ex-femme.

Marc ne lui pardonnait pas d’avoir, pendant son incarcération dans la prison de Tsiafahy{1}, demandé le divorce, vidé leur compte bancaire et vendu leur demeure parisienne ainsi que les véhicules. Son avocat lui annonça sans aucun ménagement qu’Ingrid se trouvait à Alice Springs, une ville du Territoire du Nord en Australie et distante d’environ six cent quatre-vingts kilomètres de Coober Pedy et que contrairement à lui, elle vivait une existence paisible en compagnie d’un certain Tony.

Il venait de passer des mois d’enfer entre Madagascar et la Guyane, alors, était-ce par colère, par jalousie ou par contrariété, sans aucun doute les trois à la fois qu’il contacta son ami Paul le Belge, installé depuis plusieurs décennies à Coober Pedy, une ville distante d’environ six cent quatre-vingts kilomètres d’Alice Springs. Là-bas, il trouverait le moyen d’entrer en relation avec son épouse, qu’il considérait toujours comme telle. De caractère rancunier, Marc n’acceptait pas qu’on le mette devant un fait accompli, on ne le quittait pas ainsi, sans aucune raison apparente.

C’était bien la première fois qu’Ingrid prenait l’initiative de lui imposer une situation. Quelle mouche l’avait piquée ? Après vingt années de mariage, elle l’abandonnait à la première difficulté sérieuse. Elle avait failli au premier devoir d’une épouse qui est : « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance, article 212 du Code civil. » Lui avait toujours été présent pour elle, même si de temps à autre il partait vagabonder dans d’autres draps que les siens, pour y vivre des histoires sans lendemain et finalement sans importance. Il ne comprenait pas le comportement tout à fait inhabituel de son épouse. Des explications semblaient nécessaires.

D’ailleurs, pourquoi s’installer à vingt-trois mille kilomètres de Paris, quelle idée saugrenue ? Une question restait en suspens et le taraudait : d’où sortait ce Tony ?

Ce n’était pas uniquement pour avoir des réponses à toutes ces questions qu’il s’expatriait de l’autre côté de l’hémisphère terrestre, il fallait également qu’il se fasse oublier de la justice malgache et française, mais aussi d’Interpol.

Ses trois amis, Raoul à Saint-Laurent-du-Maroni, Paul à Coober Pedy et Arthur à Moroni avaient répondu présent, et grâce à l’aide du Péruvien{2}, son visa australien d’une validité de six mois, lui fut délivré en un temps record. Il savait que Paul espérait que sa venue à Coober Pedy serait définitive, en y réfléchissant bien, que pouvait-il perdre de plus ? Que lui restait-il de sa vie parisienne ? Toutes les épreuves qu’il venait de traverser lui faisaient prendre conscience qu’en un rien de temps, tout pouvait basculer, que rien n’était figé dans le marbre (et encore, le marbre avec le temps s’érodait). Il comprenait ce que ressentait un naufragé perdu sur une île déserte. Actuellement, il vivait une période troublée et compliquée, et il comptait sur la solidarité de ses amis, car eux ne s’éclipsaient pas au regard des épreuves difficiles qu’il traversait. Tous les trois le soutenaient, il aurait fait de même pour chacun d’entre eux. Cette situation le plongeait dans une forme proche de la léthargie contrastant avec son tempérament de vainqueur, évidemment qu’il rebondirait, pour l’instant, il voulait juste se reposer.

— —Bon séjour, monsieur, nous espérons que ce vol vous a été agréable, et que nous aurons le plaisir de vous revoir lors d’un prochain voyage, lui dit la charmante hôtesse de l’air.

Marc lui sourit. Il faut dire qu’il avait un peu fantasmé sur elle durant la traversée aérienne. Il descendit de l’avion avec son bagage à main. Il se dirigea vers le poste de contrôle où il présenta son passeport ainsi que son visa. L’agent s’en saisit et il y eut un moment de tension, car il garda un peu plus longtemps que d’usage les documents de Marc. Faisait-il un excès de zèle ? Probablement ! L’agent avait le passeport bien en main et son regard allait de la photo au visage de Marc qui stoïquement ne laissait rien paraître de son anxiété grandissante. L’attente s’éternisait en se transformant en une situation de plus en plus gênante et insupportable. Son voyage allait-il se terminer ici, dans ce bled perdu au milieu de nulle part ? Après toutes les épreuves qu’il avait vécues et endurées depuis Madagascar, cela paraissait incongru, d’autant qu’il avait passé sans aucun problème tous les autres postes de sécurités des plus grands aéroports ! Il avait en face de lui l’exemple même d’un petit fonctionnaire mégalo pourvu d’un sentiment d’infériorité, et ce petit pouvoir que lui conférait son emploi le conduisait à une volonté de toute-puissance. Cet individu commençait sérieusement à l’agacer. De plus, le manque de sommeil ne contribuait pas à apaiser la situation.

— Quel est le motif de votre venue et combien de temps restez-vous à Coober Pedy ? lui demanda l’agent de contrôle.

— Je viens en vacances en Australie et j’en profite pour rendre visite à des amis, et je reste quelques semaines à Coober Pedy !

— Avez-vous rempli le formulaire de déclaration d’adresse durant votre séjour chez nous ?

— « Ce petit fonctionnaire commence sérieusement à m’exaspérer ! » Sa petite voix intérieure le raisonna. « Calme-toi, Marc, ce n’est pas le moment de t’énerver, tu as là un beau spécimen de la théorie du darwinisme. »

— Oui, j’ai complété ce document et je l’ai remis à l’hôtesse de l’air. Je résiderai pendant mon séjour chez mon ami Paul Vander.

— Je connais très bien Paul le Belge, répondit cet abruti d’employé.

Au bout d’un temps qui lui parut interminable, il tendit le passeport à Marc qui s’en empara, mais l’agent le tenait toujours à l’autre bout et son regard se porta sur deux agents de police qui attendaient visiblement un geste pour venir. Le fonctionnaire leur fit un signe négatif et lâcha le passeport. Marc le remercia et se dirigea vers le carrousel à bagages.

— « Il s’en est fallu de peu, j’ai bien cru ma dernière heure arrivée », pensa-t-il tout en récupérant ses valises.

***

En attendant la venue de son ami, Paul se remémora sa propre arrivée en Australie. C’était dans les années 2000. Sa décision fut prise à la suite d’une grande déception amoureuse. Vingt ans après, il en conservait toujours une certaine mélancolie. L’idée de quitter Bruxelles germait dans son esprit depuis plusieurs mois déjà. Cette rupture douloureuse fut le déclenchement de ce qui se profilait comme une évidence. De l’air ! De l’air ! Il avait besoin d’air.

La vie de « bobo » qu’il menait lui paraissait vide de sens. Il ne supportait plus son travail de banquier et ses soi-disant amis, dont certains se trouvaient être de véritables parasites, l’agaçaient. Quitter ce quotidien fait de futilité lui semblait le seul recours et l’unique voie de sauvetage. À ce moment-là, deux choix s’offraient à lui : soit il passait à l’acte ultime en se suicidant, soit il partait vers un ailleurs, et c’est la seconde option qu’il choisit. En se remémorant ce passage difficile de son histoire, il en éprouvait toujours une grande tristesse.

Sa famille réprouvait sa décision. Son frère le traita de pleutre et de dégonflé. Mais comment arrêter une machine en marche, surtout quand elle tourne à plein régime ? C’est contre l’avis des siens qu’il partit, certes, le cœur lourd, mais les jambes légères. Son sac à dos de trekking d’une contenance de quatre-vingts litres fut très rapidement bouclé et il donna son appartement en gestion à une agence immobilière.

Avant de monter dans le taxi qui l’amenait vers l’aéroport, il prit le temps de regarder autour de lui, comme s’il voulait graver à jamais, et au plus profond de sa mémoire, cette existence qui se révélait à présent superficielle. Il se souvint d’une phrase que lui avait dite un jour son professeur de français du Lycée Jean Monnet, un soir après l’étude, « Réalise tes rêves, mais en ayant toujours en tête de n’avoir aucun regret ni aucun remords ». Cela demande beaucoup de courage de partir sans se retourner, en laissant le confort d’une vie bourgeoise, où tout est sous contrôle, où rares sont les moments de surprise, où tout est réglé comme une horloge suisse, où l’entourage de la famille et des amis devient un rempart contre les agressions et les mésintelligences. Ce rêve d’enfant de faire le tour du monde se concrétisait, et il le réalisa.

Après avoir bourlingué aux quatre coins de la planète en menant une existence aventureuse, le conduisant vers des contrées pour certaines étranges, pour d’autres, surprenantes et même folkloriques, c’est en Australie qu’il décida de poser son sac. Il traversa cet immense continent de long en large, rencontrant des personnages de caractères, découvrant des endroits insolites, se nourrissant, par moment, à la manière des aborigènes, il sourit en se remémorant la première fois qu’il mangea une chenille Witchetty, « Il faudra que j’en fasse goûter à Marc ! »,dormant plus souvent à la belle étoile que dans une chambre d’hôtel, se lavant dans les cours d’eau. Puis arrivé à Coober Pedy, il fut subjugué par cette ville Far West de l’Outback, située au milieu de nulle part, dénuée de tout charme, mais entourée d’un désert envoûtant au paysage lunaire. Et c’est là qu’il décida de poser ses valises et de s’y installer.

Sur ce continent plus grand que l’Europe, il respirait ce doux parfum de liberté, le délivrant de toute contrainte, faisant éclater cette chape de plomb qui pesait depuis tant d’années sur son thorax. Cette contrée située aux antipodes lui donnait l’impression que tout était possible. En contemplant les différents paysages que lui offrait l’Australie, il se sentait envahi d’une capacité de conquête lui permettant de mener à bien de nombreux projets des plus audacieux, et cela sans limites. Il se souvint de ce moment intense et presque indescriptible, où seul face à l’immensité du désert rouge, il poussa involontairement un cri libérateur venu du plus profond de ses entrailles. Une phrase de Victor Hugo lui revint alors en mémoire : « Le plus lourd fardeau c’est exister sans vivre ». La vie lui offrait une seconde chance, celle de vivre ses choix.

À son arrivée, Paul rencontra Günter, un Allemand, qui traînait derrière lui un parcours chaotique. C’était l’un des premiers mineurs à être licencié à la suite de la fermeture d’une partie de la mine de charbon en Rhénanie près de la ville de Jüchen. En discutant avec lui, un projet germa dans son esprit : celui d’acheter une concession minière. L’équipe était déjà formée, Günter comme professionnel en travaux miniers, et lui, en tant qu’expert en finances, quel meilleur binôme ? L’affaire fut décidée par les deux hommes entre deux bières sur un coin du bar de Francine.

La ville de Coober Pedy était rythmée par l’opale, on parlait d’opale, on respirait l’opale, on vivait pour et par l’opale. Après avoir trouvé un logement de fortune, ils se rendirent dans le seul drugstore, à l’époque, de la ville. Ce magasin regorgeait de matériels et d’objets les plus insolites les uns un que les autres, un véritable bric-à-brac. Le commerçant qui flaira en Paul l’occasion favorable de gagner beaucoup d’argent lui prêta les premiers outils. Avec Günter, ils creusèrent jour et nuit et la chance leur sourit, ils découvrirent le filon, celui que tous les mineurs attendent et dont ils rêvent.

Une bousculade le ramena à la réalité. Une belle jeune femme venait de le heurter, le choc fit tomber son sac à main et son contenu s’éparpilla sur le macadam.

— —I’m sorry, dit-elle avec un charmant accent grec, en se baissant pour récupérer ses affaires.

— —Ce n’est rien, madame.

Paul, en parfait gentleman, se baissa à son tour pour l’aider à ramasser les quelques objets dispersés sur l’asphalte. À un moment donné, leurs mains se frôlèrent, ils tressaillirent en même temps à leurs contacts, un courant électrique lui traversa le corps. Leurs yeux se croisèrent, de couleur noire pour elle et bleu azur pour lui. Il se surprit à sourire béatement et comme aucun son ne sortit de sa bouche, il lui tendit sa carte de visite qu’elle prit. Puis, lentement et de façon sensuelle, elle se releva. Son regard de braise, toujours accroché au sien, l’hypnotisait. Il tomba littéralement sous son charme, incapable de dire un seul mot.

En plissant ses jolis yeux légèrement bridés, elle lui dit :

— Je m’appelle Éva Paros.

— Ce nom vous va à ravir.

— Puis, tout en se raclant la gorge, il arriva à dire :

— —Je me prénomme Paul.

Elle sourit et tout en regardant la carte de visite, elle dit d’une voix suave à faire chavirer les cœurs des plus endurcis :

— Je vous appellerai. Puis elle s’éloigna et d’un signe délicat de la main, elle héla un taxi.

— J’y compte bien ! répliqua-t-il.

Il la suivit du regard tout en admirant son déhanché. Elle portait avec élégance un pantalon blanc qui laissait deviner de longues jambes fuselées, sa démarche féline faisait danser sa chevelure blonde. Il la vit prendre son téléphone portable et composer un numéro. Il était trop loin pour entendre.

— Contact établi, dit-elle à une voix féminine à l’autre bout du fil.

— Se sentant observée, elle se retourna, affichant un magnifique sourire et lui fit un ultime signe de la main.

Perdu dans ses pensées et troublé par cette merveilleuse et inattendue rencontre, Paul sursauta quand une main se posa sur son épaule. Il se retourna à regret de cette vision de rêve. Derrière lui se trouvait Marc, il arborait aux lèvres un sourire complice et opinait du chef dans un mouvement approbateur.

— Très jolie en effet, si je peux te prodiguer un conseil : méfie-toi des belles femmes ! dit Marc.

Les deux hommes tombèrent dans les bras l’un de l’autre. D’un geste affectueux, il lui ébouriffa les cheveux, puis il mit son bras autour de l’épaule de Paul, et ils se dirigèrent vers un 4x4 Chevrolet, puis ils prirent la direction du dugout{3} de Paul.

— Je suis courbaturé de partout, j’ai besoin d’une bonne douche, et surtout de repos. Il me semble avoir vécu durant ces quelques semaines, plus d’expériences, d’aventures, qu’une personne ne pourrait en traverser dans toute une existence. Cela a été très éprouvant. De plus, je me fais vieux pour ces longs voyages. Je suis parti du Surinam depuis trois jours{4} et tous ces décalages horaires m’ont littéralement lessivé. À mon arrivée à Coober Pedy, un agent a fait du zèle en contrôlant mon vrai faux passeport, j’ai bien cru que j’allais me faire serrer et finir dans une geôle de la ville. J’ai eu une montée d’adrénaline et je peux te dire que la crise de panique n’était pas loin, dit Marc.

—Maintenant, tu es en sécurité avec moi, tu vas pouvoir te reposer, je t’ai préparé une chambre avec tout le confort. Nous parlerons de toutes tes aventures plus tard, pour l’instant profite du paysage.

La route de l’aéroport jusqu’à la ville de Coober Pedy était en ligne droite tracée à la règle, à travers l’Outback. On aurait pu conduire sans les mains sur le volant (à condition d’avoir un bon équilibrage de roues) et même, mettre un pilote automatique. Marc remarqua une longue clôture en grillage qui semblait n’avoir ni début ni fin. Il s’en étonna :

— On l’appelle Dingo Fence, « la barrière à dingos ». Cette clôture fait environ cinq mille trois cents kilomètres. Elle commence dans le Queensland jusqu’en Australie-Méridionale. Les premiers piquets ont été plantés au XIXe siècle, pour protéger les animaux des fermes et notamment les moutons contre l’attaque des dingos qui sont les chiens sauvages australiens.

— Et qui l’entretient ?

— C’est de la responsabilité du gouvernement qui a affecté une équipe d’une vingtaine de personnes dispersées le long de cette clôture.

— Si je compte bien, chaque agent doit surveiller et entretenir environ deux cent soixante kilomètres de clôture, qui paie ?

— C’est nous, par des taxes annuelles !

— Il ne doit pas pleuvoir beaucoup ici, je regarde de tous les côtés, devant, derrière à gauche, à droite, le désert est de toute part, comme c’est étrange tous ces milliers de petits monticules de graviers, qu’est-ce donc ?

— Ce sont des terrils d’extraction d’opales, pour les trouver, il faut creuser, c’est mon travail, je cherche des opales. Tous ces monticules sont formés par l’évacuation petit à petit des gravats au fur et à mesure de l’avancée des forages. Le sol est dur, tous les trous que tu aperçois sont des concessions louées à l’État, parfois pour trois semaines, voire plus. Si le forage ne donne pas de résultats, le chercheur d’opales louera une autre concession un peu plus loin. Nous en avons répertorié environ deux cent cinquante mille dans la région.

— Pourquoi ne sont-ils pas rebouchés ? C’est dangereux de les laisser ainsi !

— C’est vrai, le danger existe, même si les autorités ont installé des panneaux pour le signaler, de nombreuses personnes ont été retrouvées mortes ou sérieusement blessées au fond d’un puits de forage. Ils ne sont pas rebouchés parce qu’un autre chercheur d’opales peut reprendre la concession et creuser encore plus profond. Le mot « opale » vient du grec oppallios, ce qui veut dire « changement de couleur ». Certaines opales sont magnifiques, les plus belles, à mes yeux, sont les noires. Dès que tu seras reposé, nous irons dans une de mes mines et je tiens à te présenter Günter, c’est lui le cerveau qui supervise les travaux, moi je m’occupe de la partie financière et des relations avec les acheteurs.

Ils arrivèrent à Coober Pedy, dont l’unique avenue était déserte.

— Il n’y a pas grand monde en ville !

— Ici, tu constateras que nous vivons sous terre.

— J’en ai en effet entendu parler, cela m’intrigue. J’ai hâte de découvrir cette façon de vivre, terrée comme des taupes ! Comment font les claustrophobes ? demanda Marc.

— Les claustrophobes ne résident pas dans ce genre de maison et ne viennent pas travailler dans les mines d’opales ni dans les mines d’or. Si la grande majorité des habitations sont construites de cette manière, c’est que dans cette région tout est à l’extrême, la chaleur et les nuits parfois glaciales. Je te réserve des surprises, et voici la première, nous voilà arrivés, ici c’est chez moi, et maintenant chez toi le temps que tu voudras !

— C’est ici que tu habites ? dit Marc d’un air étonné. Tu m’as parlé d’une chambre avec tout le confort ? Ça ressemble plus à un abri de chantier pour les ouvriers ! Y a-t-il un hôtel dans cette ville ?

— Sa voix trahissait un certain pessimisme.

Paul rit, découvrant une rangée de dents blanches et bien implantées. Il gara son véhicule dans le garage. En cette fin de matinée, le thermomètre affichait déjà quarante-deux degrés. En sortant du 4x4 climatisé, Marc fut étourdi par la chaleur sèche, et ce ressenti lui donna l’impression qu’à chacune de ses respirations, il mettait le feu à ses poumons.

— C’est ainsi tous les jours ? demanda-t-il.

— Tu t’y feras vite. L’après-midi, la température peut dépasser les cinquante degrés.

— Paul ouvrit la porte de son habitation et fit pénétrer Marc en premier.

— Bienvenue ! dit-il.

Dès que Marc avança à l’intérieur de ce qu’il pensait être un abri pour les ouvriers, quelle ne fut pas sa surprise de constater, tout d’abord, la fraîcheur de cette pièce d’environ trente mètres carrés, décorée d’une façon spartiate, puis il aperçut un magnifique escalier, taillé à même la roche, subtilement éclairé qui conduisait vers le centre de la Terre. Arrivé au bas de l’escalier, l’étonnement fut total. Sous ses yeux, une immense pièce de vie se révélait ; un salon contemporain dont le canapé de très belle facture n’attendait plus que l’on s’y installe, face à une télévision de près de deux mètres de large. Un peu plus loin, une cuisine moderne avec en son centre un grand îlot, entouré de quatre sièges de bar. Tout cet espace semblait inondé de soleil, il avait même l’impression de sentir l’odeur de l’herbe fraîchement coupée. Marc constata que l’éclairage avait été savamment pensé. Une fois l’étonnement passé, il alla s’asseoir sur l’une des chaises de bar de la cuisine. Paul fit couler un café.

— Du sucre ?

— Oui, deux avec un cigare, d’où viennent-ils ?

— De Cuba, c’est notre ami Raoul qui me les fait parvenir, via l’ambassade du Surinam.

Marc regarda autour de lui :

—Je suis complètement scotché par ton installation, même dans mes plus grands délires je n’aurais jamais pu imaginer une telle construction.

— Je comprends ta surprise, dit-il. Ici, la majorité des habitants vivent dans des maisons troglodytes. En été, la chaleur à l’extérieur est assommante et comme je te le disais, elle peut dépasser allègrement les cinquante degrés Celsius. Ce que tu vois, c’est ma première mine. Une fois le filon épuisé, j’ai agrandi le tunnel, pour en faire mon habitation. Quand je me suis installé, je possédais une pièce, maintenant j’ai tout cet espace de vie qui représente plus de cent cinquante mètres carrés, dont trois chambres avec douche, et viens voir, la cerise sur le gâteau, c’est ça !

Il prit Marc par le bras et le conduisit au fond d’un couloir. Il n’y avait pas de porte, une douce lumière émanait de l’ouverture. Marc pénétra dans cette pièce, et alors là, la surprise fut sidérante, il découvrait une piscine de quinze mètres de long sur cinq mètres de large. L’étonnement le laissa bouche bée.

— Alors là, je reste sans voix, un tel confort à dix mètres sous la surface ! C’est impensable, juste inimaginable. Mais comment as-tu pu construire une piscine sous terre ?

— Cela n’a pas été facile, je te le concède, j’ai utilisé plein d’explosifs, et beaucoup de main-d’œuvre locale. Cette rénovation m’a demandé plus d’une quinzaine d’années. Je dois dire que je suis assez fier et satisfait.

— Si tu n’es pas trop fatigué par ton voyage, Francine, qui tient l’un des meilleurs restaurants de la ville, nous attend. Elle a prévu de te faire goûter la spécialité du chef. Puis tu auras droit à une visite guidée de la localité, et des surprises, tu vas en découvrir !

— D’accord pour le déjeuner chez Francine, mais ensuite je vais faire quelques longueurs dans ta piscine, puis je pense tomber dans les bras de Morphée.

— Voici ta chambre, installe-toi, je t’attends en cuisine. Je me permets de te donner un conseil, ne dors pas tout de suite, à cause du décalage horaire. Fais juste une petite sieste après le repas, plus tard tu m’expliqueras pourquoi tu as choisi de venir en Australie. En tout cas, je suis heureux que tu sois là. Je me suis établi dans cette région depuis plus de vingt ans, et maintenant, avec ta présence, j’ai l’impression d’avoir un membre de ma famille à mes côtés et de me sentir moins seul.

Après avoir pris possession de ce qui allait devenir ses prochains quartiers pour plusieurs mois, il alla rejoindre Paul. Il fut surpris de le trouver installé devant un émetteur-récepteur radio, en pleine conversation. Marc s’approcha, intrigué qu’au vingt et unième siècle on ait à recourir encore à ce type de matériel qui datait à n’en pas douter de la Seconde Guerre mondiale !

— Tu utilises ce genre d’appareil ?

— En Australie, beaucoup de territoires sont très faiblement peuplés, voire absents de toute vie humaine, par conséquent, ces régions sont en zone blanche, sans aucun réseau mobile. L’installation coûterait trop cher aux opérateurs de téléphonie, cela ne les intéresse pas. Alors, cet outil est indispensable pour rester en contact. Je parle avec Günter, mon associé, nous irons le rejoindre en fin d’après-midi. Allons chez Francine, je meurs de faim, elle possède la meilleure table à cent kilomètres à la ronde. Je lui ai tant parlé de toi qu’elle a hâte de faire ta connaissance.

Ils arrivèrent à l’OutbackBar. Le restaurant était bondé et très bruyant. Une sympathique cacophonie y régnait. Francine accueillit Marc, les bras ouverts et avec une accolade très chaleureuse. Elle les installa au fond de la salle, à l’abri des discussions.

—Francine, qu’as-tu au menu du jour ?

— Une excellente tourte à la viande, ou une fricassée de queue de crocodile, et à la carte, un steak de kangourou, ou le traditionnel fish and chips.

— Pour ma part, répondit Marc, je reste dans le classique et je prends le fish and chips.

— Vous devriez essayer la fricassée de queue de crocodile, elle est exceptionnelle ! rétorqua Francine.

— Je vous crois sur parole, mais voyez-vous pour l’instant, je ne me sens pas d’âme pionnière, le menu traditionnel sera parfait.

— Je vous précise que dans la tourte nous mettons un mélange de viandes telles que l’émeu, le bœuf et le kangourou.

— Tant qu’il n’y a pas de crocodile, ça ira, répondit Marc.

— Pour moi, ce sera la fricassée de crocodile, dit Paul en regardant Marc avec un sourire, ce dernier haussa les sourcils.

Marc regarda autour de lui, et constata que l’endroit, à l’exception des deux serveuses et de Francine, était fréquenté uniquement par la gent masculine, aucune femme ne s’y trouvait. Il s’en étonna auprès de Paul.

— Le samedi, le beau sexe se trouve au Crocodile Club. C’est le jour où de jeunes hommes aux physiques très avantageux s’exhibent de midi à minuit. Quatre-vingt-dix pour cent des Coober-pédiennes assistent à la représentation de ces chippendales. Ce jour-là, nous évitons d’y aller, nous les laissons entre elles. J’ai pensé que pour ton premier repas en Australie, la véritable cuisine australienne serait plus appropriée. Les autres restos font de la cuisine grecque, italienne, anglaise ou thaïlandaise.

Francine arriva avec les plats, ils prirent chacun une bière pression.

— J’ai remarqué que ta maison est dépourvue de toute trace féminine !

— Détrompe-toi, ma vie sentimentale n’est pas un désert, comme tu le sous-entends. Je fréquente de temps à autre une aborigène : elle se prénomme Naata, répondit Paul. Je te la présenterai. C’est une magnifique « sang-mêlé ». Naata est très fière de sa trisaïeule et elle aime à raconter son histoire, qui a été, je dois le dire, très courageuse. Cette rebelle irlandaise fut arrêtée par la police et jugée par le système judiciaire anglais qui lui donna deux possibilités, soit vingt années d’emprisonnement, ou la déportation en Terra Australis Incognita{5}, ce qu’elle choisit. Elle fit donc partie des convois de femmes venues à la fin du XIXe