Trois mois, trois semaines et trois jours - Claude Ramirez - E-Book

Trois mois, trois semaines et trois jours E-Book

Claude Ramirez

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Beschreibung

Sandrine est une artiste qui n’a pas rencontré le succès qu’elle estime mériter. Dans un temps circonscrit elle va s’obliger à l’atteindre. La gloire cependant à l’instar des sommets ou des abysses, provoque parfois de dangereuses ivresses.
À PROPOS DE L'AUTEURAprès avoir raccroché son brassard « police » et écrit la petite histoire d’un grand amour entre un père et sa fille, Claude Ramirez récidive et il ne s’agit toujours pas d’un roman policier.

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Claude Ramirez

Trois mois, trois semaines et trois jours

Du même auteur

– Elle est trop grande, la mer !

Roman, 5 Sens Editions, 2018

 

 

« La race des gladiateurs n’est pas morte, tout artiste en est un. Il amuse le public avec ses agonies. »

 

Gustave Flaubert.

 

Un 7 juillet à 18 h 40.

Dans le salon régnait un désordre harmonieux. Des tableaux avaient été retournés face contre les murs, d’autres étaient empilés et posés sur la table basse. Des cannettes de coca et de bière y avaient apposé des empreintes rondes et sucrées. La grande glace au-dessus du canapé était marquée sur toute sa longueur d’une phrase écrite au stabilo rose fluo : « LE TEMPS N’ATTEND QUE MOI ! »

Depuis que le rap avait cessé de crier ses basses obsédantes, la voix féminine était devenue audible. Elle interrogeait le vide et aussitôt l’insultait. Des objets s’abattaient contre les murs, tombaient parfois par la fenêtre ouverte à l’été et s’effondraient deux étages plus bas sur un véhicule, un lampadaire, un promeneur ou le chien qui le tirait par la laisse. Des mains claquaient sur une peau nue, avec toujours plus de violence, pour se faire entendre au-delà de la pièce, plus loin que la rue, le lac ou la cité, aussi loin que sa haine était susceptible d’être perçue ! Et la ville dehors, saoule de reproches, semblait s’être tue.

Les policiers progressaient avec précaution, à petits pas, patinant, pour ne pas écraser d’objets abandonnés là, cendriers débordants, ciseaux, stylos. Le commandant Bonnard, qui connaissait bien les lieux, montrait la voie. Derrière allait le capitaine Montil avec qui il partageait un bureau à la PJ d’Annecy. Le stagiaire Nolan, arrivé la veille, suivait, attentif. Après des mois de théorie, il s’avançait vers un cas concret, un peu comme l’astrophysicien qui, gavé de chiffres et d’équations, pose enfin sa rétine émerveillée dans l’optique d’un télescope.

– Ça va gamin ? demanda sans se retourner le vieux moustachu dont le strabisme divergent envoyait un œil ici et l’autre là.

La voix sous la porte se fit sensuelle et intime, diaboliquement plus précise :

– Et maintenant, ducon, ça te dit quelque chose, la grossesse de la truie ?

Les yeux de mademoiselle Chazel, que les flics ne pouvaient pas voir, s’enfonçaient dans le passé, par-delà les parois de béton. Ils s’arrêtèrent sur ce matin-là, voici trois mois, trois semaines et trois jours, juste la période nécessaire à une gestation porcine.

 

Certains contemplatifs du règne animal ou des mathématiques ajouteront trois heures. Il en faut toujours pour se faire remarquer !

*

Le 14 mars à 6 h 40.

À l’intérieur de l’étroit ascenseur gris qui indiquait l’étage de sa voix suave, mais lassante, Sandrine Chazel entrevit son regard dans le miroir trop fortement éclairé. Et si le rouge à lèvres s’était fait plus discret, le rimmel s’était épanché, conséquence peut-être des deux ou trois larmes abandonnées quand elle claqua sur elle la porte de l’auto.

– Ils sont bien trop jaloux, avait-elle laissé échapper en s’asseyant au volant de sa petite Audi coupée, filant d’un faux mouvement le collant couleur chair.

Son roman, l’histoire un peu trop poétique d’une femme trompée qui retrouve les maîtresses de son mari pour les abattre dans une impitoyable vengeance, n’avait pas plu. C’était un bouquin sans cible ; trop violent pour une lectrice et trop féministe pour un lecteur ! On lui avait pourtant dit de privilégier les éditeurs locaux, mais elle avait refusé de se trouver entre l’autobiographie d’un bouseux et les déclamations d’un provincial béat. Elle voulait Paris et Paris n’avait pas voulu d’elle !

La créatrice n’avait décidément pas plus de chance avec l’écriture qu’avec la peinture.

 

Instable devant la porte d’entrée, penchée comme pour l’implorer, elle avait bien du mal à situer la serrure. Sa main tremblait et les clés se ressemblaient toutes. L’une d’elles, un peu plus docile peut-être, s’introduisit enfin tandis que la minuterie du couloir s’arrêtait. La blonde propriétaire pénétra chez elle où il flottait une tiédeur confortable. D’un brusque coup de pied dans le vide, elle fit valser au loin les chaussures à talons hauts qui perforaient ses chevilles et put dès lors avec délice goûter la moiteur du parquet poli. Les plantes de ses Dim traçaient de fugaces empreintes humides derrière elle, comme les pas sur une plage. Elle laissa, rêveuse, glisser les bretelles de sa robe de cuir ocre qui, la fermeture descendue, tomba devant le canapé. La jeune femme eut à peine le temps de s’y vautrer avant que Monseigneur, le chat siamois loucheur ne vînt la rejoindre, s’y frotter et s’y abandonner. Elle se sentait protégée avec le doudou ronronnant contre sa poitrine.

D’une main distraite, elle alluma la télé. C’était souvent le somnifère qu’elle privilégiait car ne devant rien à la chimie il n’entraînait aucune dépendance. Et tandis qu’elle visait le sommeil, Annecy, derrière les baies vitrées largement ouvertes, s’éveillait.

Sandrine était encore assommée par cette nuit chez maître Dwiki, voyant extralucide à la fois myope et presbyte qui annonçait des prédictions quand les événements étaient déjà passés. Étaient aussi réunis dans la iourte tous ses amis d’infortune, les coaches de vie qui vous apprennent à supporter, dans une même farce, les surdoses de bonheur et les absences de spiritualité. Il y avait des artistes qui n’exposaient que sur les marchés, entre les courgettes et les trucs poussiéreux et rouillés sortis des greniers, enfin des auteurs, internationalement connus par leur voisin de palier. Tout ce beau monde parlait et buvait, fumait, riait ou pleurait, dansait et souvent mêlait leurs étreintes à défaut de s’aimer. Elle avait consommé des produits pas très nets cette nuit-là, mais était rentrée seule.

– Non Frankie, pas ce soir.

– Oh, mais quoi, la lune est rousse…

– Et moi je suis indisposée, insista-t-elle, réjouie d’un tel alibi.

– Ah ? fit le chasseur déçu dans une moue incontrôlée. Gisèle, ça va toi ?

Et le pesant yogi avait tendu son arc vers un autre objectif.

 

L’artiste allongée jouait de la télécommande pour trouver une raison de garder plus longtemps les yeux ouverts. Des images passaient qu’elle entrevoyait à peine, des gens assis qui parlaient, debout qui marchaient, des lessives à acheter, des trains qui roulaient. Soudain, s’imposant entièrement dans le téléviseur surgirent des cochons, énormes, roses, sales et des paysans tout joyeux et bien enveloppés dans leur combinaison verte et sale pareillement. Elle s’enfonça plus loin dans le fauteuil et monta le son pendant un zoom sur une grosse femelle au regard perdu, aux grands cils de pinups des années cinquante, les yeux blancs, sombres et tristes comme les siens sûrement. Couchée sur le flanc, elle proposait négligemment sa dizaine de tétons violacés, craquelés à autant de porcelets violents et gloutons.

– La gestation chez la truie dure trois mois, trois semaines et trois jours, énonça ravi un éleveur tout rougeaud.

 

On se retrouve parfois, inattentif, dans ce genre d’endroit où les destins se mettent en route. On ne les voit pas venir et l’on se souvient rarement que le chemin emprunté a commencé ainsi. Et l’on s’aperçoit qu’on est parti seulement lorsque l’on est arrivé. Elle s’y trouvait, là, Sandrine, les yeux mi-clos, entre veille et sommeil, la pensée plus trop rationnelle et le rêve pas encore sans limites. Les effluves finissants de l’alcool avaient frelaté son imagination, insidieusement la nourrissaient, à s’en gaver, de ces images animales. Et elle ressassait comme un mantra ce chiffre « trois », pourtant pas très glamour.

Alors après une légère pression sur le bouton rouge de la télécommande, petit à petit, dans le rythme régulier et hypnotique des ronronnements de Monseigneur, la jeune femme s’assoupit, la tête pleine de ces cochons transpirant. Et voici qu’elle les accompagnait maintenant, ces grosses truies couchées sur le béton gris et humide de leur étroite cellule. Pas très captivées, elles éjectaient hors d’elles des jambons, des côtes, des oreilles, des trucs à faire des saucisses ou des andouilles. Et le groin enfoncé dans leur cou gras, les petits surexcités couinaient d’impatience, ignorant que, quelque part, un consommateur affamé avait déjà sorti l’assiette qui les accueillerait.

Sandrine était admirative de ces bêtes nonchalantes qui approvisionnent les rayons de nos charcuteries, car elle, infailliblement, avait tout raté : ses amours qu’elle n’avait pas su retenir ou ses amis à présent tous mariés, parents et logiquement amnésiques. Elle n’avait pas ébloui la société de ses performances sportives, sociales, intellectuelles ou artistiques. Elle n’était même jamais arrivée à l’heure quelque part. Si le verrat triomphant était passé sur les truies et avait craché dans leur ventre des pièces de boucherie sur pattes, sur sa vie à elle, les fées ne s’étaient pas penchées.

 

Un œil ouvert en milieu d’après-midi ne l’incita pas à quitter le canapé. La tête était bien trop lourde, la bouche pâteuse et les pieds incarnats, enflés, peu présentables.

Sur la petite table se pavanaient, dédaigneux, les courriers de refus des maisons d’édition. Elle s’était essayée dans la nouvelle, la poésie et dernièrement un roman sans plus de réussite. Seul son premier ouvrage, financé par Josh, son ex-mari, avait paru voici plus de quinze ans, à quarante exemplaires. Il en restait environ la moitié, à la cave, dans un carton poussiéreux, derrière des tableaux à peine esquissés ou presque terminés, une caisse à outils rouillée ou des sacs de vieux vêtements qu’elle apporterait un jour à Emmaüs.

– J’en ai publié quinze de plus que toi, se réjouissait-elle désespérément ravie, en pensant à Nietzsche.

Celui-ci, en effet, en manque d’éditeurs fit aussi paraître à son propre compte la quatrième partie d’« Ainsi parlait Zarathoustra » qui n’est pas, il s’en faut, l’objet le moins intéressant de la littérature mondiale.

 

Sandrine s’extirpa enfin du canapé de cuir beige, avala un cachet d’aspirine et quelques cafés puis fila s’asseoir sous la douche pour longuement masser ses chevilles douloureuses. Elle enfila ensuite une petite jupe fripée, un tee-shirt à l’effigie des Stones quand ils étaient encore jeunes, beaux et créatifs. Puis sauta dans une paire de chaussures de tennis d’un blanc douteux, mais confortables et partit trottiner, comme au ralenti, vers le lac d’Annecy, caché juste derrière le carrefour, après le parking et les grandes pelouses. Elle avait besoin de voir des arbres, de l’eau, du ciel.

 

Le week-end, à peine le soleil apparu derrière le Semnoz, comme des marmottes, les agités ou les méditatifs d’un commun élan sortent de leur béton et investissent plages et pistes cyclables qui encerclent le bel écrin bleu. Le printemps les aspire. Certains courent après le corps qu’ils voudraient avoir et d’autres attendent, assis comme on s’assied en orient, l’apparition de la sérénité. Les chairs transpirent et les yeux s’observent, les muscles se tendent et le temps se fige quand des sourires sont échangés. Et parfois, juste intéressés par la main qu’ils tiennent, des amoureux flânent et ne voient que leurs pieds et tout au bout du lac, un petit bout d’avenir. Des vieux poussent de plus vieux qu’eux dans leur fauteuil grinçant et des enfants galopent en criant, se moquant bien de savoir où ils vont.

L’artiste, l’âme plutôt à la dérive avait cherché l’arbre disposé à accueillir son dos, un tronc dont l’écorce ne grattait pas et exempt de déjections canines ou masculines. Son esprit traînait encore à l’intérieur de ces énormes exploitations agricoles, accroché aux grosses choses allaitantes du matin.

Qu’avait-elle de plus que ces bêtes de porcherie si ce n’est l’appartenance à ce chef-d’œuvre d’évolution qu’est l’humanité ? Elle s’était séparée, il y a plusieurs millions d’années, de la branche animale d’où elle était issue et devait légitimement pouvoir revendiquer une intelligence supérieure. Elle avait des mains et non plus des pattes. Elle s’en servait pour allumer des cigarettes ou pour peindre. Elle savait rire et penser. Si elle était malheureuse, elle pouvait chercher à ne plus l’être. Elle avait conscience qu’elle existait et probablement aussi pourquoi. C’est elle enfin qui choisissait le mâle et le moment de l’accepter en elle. La truie, de son côté, ne crie pas quand elle s’ennuie, car elle n’imagine pas, et elle n’envisage rien. Elle ne prend aucun plaisir à la seringue d’inoculation de sperme et ne s’inquiète pas de voir partir ces choses vivantes sorties d’elle que l’on précipite vers le hachoir. L’une sait ne pas aller bien quand l’autre ne se rend pas compte qu’elle va mal. Mais alors, pouvaient-elles intervertir leur vie ? Et voici mademoiselle Chazel qui se présente allongée, la panse étalée et le vagin béant de ses trop fréquentes expulsions. Elle a froid malgré la pesanteur étouffante. Il manque évidemment ces poils qu’elle a perdus en devenant humaine et son odeur est insoutenable. Elle se vomit et regarde atterrée la douzaine de bouches qui couinent, assoiffées, excitées, pressées d’aller se faire trucider dans la chaîne d’un abattoir.

Et d’un autre côté, la devine-t-on, cette truie parcourant les rues avec ses tétines distendues qui frottent sur le trottoir ? Elle grimpe disgracieusement dans un bus, ratatinée à hauteur de ceinture humaine et n’est remarquée que pour son odeur chaude, de lait et d’urine. Arrivée devant l’immeuble, elle est incapable de monter à son appartement, ses pieds trop petits ne peuvent s’élever dans l’escalier. Et la voit-on, dans l’ascenseur, bloquée face au bouton de son étage inaccessible à sa hure trop basse ?

Elles étaient proches, mais pas interchangeables. La femelle pouvait créer de la chair avec son corps et la jeune femme désabusée, prouver qu’elle était un être supérieur en utilisant des objets. Sandrine ne saurait pas grouiner dans l’attente d’un verrat maladroit ou de porcelets surexcités et la truie ne parviendrait jamais à entrer dans un bustier ou des chaussures à talons hauts. Mais il lui semblait avoir trouvé dans cette comparaison qui est, selon l’adage, forcément déraisonnable, matière à mettre dans sa vie cette petite diversion qui amuse, occupe ou libère. Comme elle ne pouvait, à l’évidence, dans un monde qui ne serait ni absurde ni onirique ni même dans un univers de science-fiction, enfiler l’apparence ou les compétences de l’autre, elle décida de s’inspirer de la bête.

Et la truie connaît le temps. En trois mois, trois semaines et trois jours elle relâche dans la nature ces vivants crachats qui feront de grasses rouelles ou de goûteuses échines vouées à s’exhiber dans un four. Elle sait, de plus, que sitôt sa portée disparue de nouveaux fœtus pressés viendront à nouveau dilater sa panse.

La jolie blonde s’imposa donc le compte à rebours de l’animal, ce temps circonscrit d’une grossesse porcine pour remettre sa vie à l’endroit avec l’art en son centre. Il fallait à présent l’offrir au monde, plus seulement aux losers parasites qui gravitaient autour d’elle, tous ces aveugles qui la guidaient vers des voies sans issue. Elle devait, dans ce délai, réveiller la véritable artiste qui végétait en elle, éliminer les filtres et les chemins obligés, ne plus rien s’interdire pour que germe enfin son art, dans sa forme écrite ou dessinée.

 

Sur le gazon ras, contre le tronc râpeux, elle sanglotait à petites larmes, ses mains, son cœur étaient moites, ses jambes étaient agitées de tremblements nerveux, ses mollets battaient la chamade. Elle était comme intégrée dans la nature et personne ne l’observait, ne s’occupait de cette silhouette qui pleurait contre un arbre. Mais jusqu’où ses yeux pouvaient aller, l’eau plate et tranquille dévoilait un horizon bouché et si elle n’y prenait garde, si elle ne mettait pas un grand désordre dans sa vie, elle serait là encore demain ou dans un an, semblable femme, en plus âgée ! Le temps court plus vite qu’on ne croit, que l’on soit animal ou humain.

 

– Du shit, de la beuh ?

Une adolescente, peut-être alléchée par Mick Jagger, était venue trébucher juste devant mademoiselle Chazel, toute mignonne avec sa jupe jaune canari, ses cheveux en suspension, roux et bouclés, ses petits tétons qui, pointant derrière un tee-shirt de coton, semblaient commander « regarde-moi ».

Dans un réflexe de défense, elle rapprocha ses genoux contre son torse, souleva le cou et demanda, douce et pensive :

– Tu es bien jolie. Et bien jeune.

L’adolescente souriait avec son corps entier.

– Trop jeune pour ça, peut-être ?

– Oh, madame c’est bon, protesta la vendeuse dans un flot de mimiques.

Elle s’essuya les yeux. Elle espérait être utile et tendit une main que la petite n’attendait pas, ne désirait pas :

– Tu le fais pour quelqu’un ?

– Mais qu’est-ce qu’elle me dit ? Moi je veux juste vous proposer un truc à fumer, un truc qui vous aidera sûrement à sortir de votre rigidité.

– Que vas-tu faire de ta vie, toi ?

– Oh putain, l’autre, soupira la gamine.

Un bond en arrière la fit ruer et elle s’enfuit en dodelinant de la tête, comme une vipère sur un tapis herbeux.

– Et à quarante ans, une truie stérile, comme moi ? réfléchit à haute voix la jeune femme assise tandis que la nuit tombait, qu’Annecy allait fermer les yeux.

Elle quitta l’endroit pleine de questions, car le lac ne lui avait apporté aucune réponse !

 

Parvenue sur le palier de son logement, elle entendit au loin râler le petit chat très en colère. Elle avait en effet oublié d’ouvrir la baie vitrée, seul accès à sa litière. Et si elle se précipita pour libérer le passage, Monseigneur, dont le caractère rancunier ne différait guère du sien, imposa d’abord des excuses et pour ce faire offrit son ventre chaud à caresser.

 

Le soleil de midi forçait les stores à peine baissés et s’infiltrait facilement sous le léger tweed jaune posé sur son visage. La tête lourde et la bouche sèche, Sandrine Chazel déploya son corps endolori, bâilla à s’en décrocher la mâchoire et traversa tranquillement la salle jusqu’à la cuisine. Elle avait mal dormi dans le canapé, comme la veille, par flemme, avec le félin entre ses jambes pour une vibrante compagnie.

Elle aimait se promener nue dans le vaste et beau trois-pièces qu’elle partageait avec son chat siamois bleu. Idéalement situé au deuxième étage, et dont le salon ouvrait sur un balcon à peine végétalisé, plein sud, tout près de la plage de l’Impérial. Il n’était encombré ni de pots de fleurs qu’un jardinier imbécile lui aurait conseillé d’arroser à ces heures plutôt dévolues à l’apéro ni de bacs en plastique avec ces pétales rouges censés faire fuir les moustiques. Il n’y avait ni grimpées de lierre ni plants de tomates cerises. Elle n’aimait pas la terre quand elle est domestique et rien de ce qui en sort. N’étaient déposées, ici ou là, que quelques œuvres de son ami François, céramiste bohème, qu’elle avait peintes et dans lesquelles trônaient des corolles de roses ou de tulipes en cellophane au bout de tiges en fil de fer. Celles-ci, pas besoin de les arroser, de les tailler. Elle n’avait pas la main verte, Sandrine.

Avec de simples jumelles, depuis les immeubles situés de l’autre côté de la rue, un observateur intéressé aurait pu la suivre dès le milieu de la matinée et jusqu’à ce que les lumières, tard le soir, s’éteignent enfin. Les grandes baies vitrées ouvraient sur sa salle à manger comme le rideau rouge sur une scène. Elle ne détestait pas l’idée d’être contemplée, comme ses peintures, d’être en réalité un désirable objet vivant parmi ses œuvres d’art. Et donc elle ne cachait rien. Du reste, pourquoi aurait-elle eu à le faire ? Au lever seulement, la jolie créatrice les affichait, ses presque trente-huit ans, avant les effets bienfaisants d’une pratique quotidienne de gainage, de steps ou de gymnastique orientale spécialement importée et aménagée pour l’Européen bobo, un peu snob et plus très souple. Et c’est au sortir de la douche, après cet entretien physique intensif et l’application méthodique, soignée, de divers onguents sur tout le corps qu’elle tirait les rideaux pour s’offrir, pouvant dès lors être exposée, aux voyeurs pressentis. L’œil qui viendrait à forcer son espace vital ne devait pas être déçu. La jeune femme se tenait toujours prête pour la représentation. Car le doigt qui montrait ses tableaux devait être le prolongement parfait de cette apparence raffinée, la bouche qui en parlait ne devait ressentir aucune aspérité, les mots devaient s’y sentir à l’aise.

Pour ce qui est des pompes, c’est toute la journée qu’elle en faisait, dès qu’elle le pouvait, dès qu’elle y pensait. Au sol, sur le dossier d’une chaise ou contre un mur, les bras serrés ou écartés, sur le bout des pieds tendus ou sur les rotules, aucune position n’était privilégiée, car toutes apportaient des bénéfices différents à sa silhouette. Et les exercices de piston marquaient le temps comme les cloches dans un village. L’assidue pratiquante n’aura jamais, comme cette présentatrice de la télévision, cette horrible peau en cou de dindon qui pend sous les aisselles. C’était du moins un des objectifs qui la faisait transpirer !

 

Mais tout cela c’était avant qu’elle ne décidât d’arrêter de céder à l’illusoire esthétique.

– Il ressemblait à quoi, Picasso, en short avec sa bedaine qui flottait sur ses petites jambes rachitiques ? Et ça l’a empêché de peindre, d’être l’un des plus grands artistes du vingtième siècle ? demandait-elle à Monseigneur.

Difficile de croire assurément que personne n’aurait remarqué, critiqué un Picasso femme dans un tel vêtement avec un tel laisser-aller. On n’en a pas ri, mais on se serait sans doute moqué d’elle.

– Si j’ai du talent, un peu de graisse ne le dissimulera pas !

Cependant, le travail physique quotidien, au long des décennies avait engendré une véritable addiction et souvent il lui arrivait de partir courir autour du lac non plus pour cultiver son corps, le muscler, l’affiner, mais pour relâcher la pression dans sa chair contractée.

 

Elle s’arrondit donc un peu durant ces premiers jours de gestation et cela l’amusait plutôt quand, nue devant la glace, elle faisait l’inventaire de sa métamorphose, pour tout autre qu’elle, imperceptible. Et d’ailleurs ne disait-on pas que les quelques légers galbes gagnés sur ses os saillants, notamment du visage, lui donnaient un joli air épanoui, fripon, révolutionnaire. Sandrine avait libéré son corps des pénibles exercices de gymnastique pour mieux entraver son mental. Elle, qui avait toujours été, doux euphémisme, bizarre, se refit dès lors un anonymat des plus cohérents. Elle, que l’on avait pu croiser dans les rues d’Annecy autant que sur les pistes d’Avoriaz dans de petites jupes frappées de strass et piquées de dentelles aguichantes, de grosses lunettes roses, passait dorénavant incognito. Elle qui pouvait monter sur la table d’un restaurant et s’envoler dans un brûlant flamenco était devenue une ombre qui avance silencieuse vers son destin. Elle qui se perdait dans des bistrots glauques à se lancer, avec des égarés de la vie, dans de grandes palabres philosophico-psychologiques n’offrait plus ses analyses qu’à des feuilles blanches. Elle qui ne s’accrochait à un homme que s’il était éraflé, abîmé pourvu qu’il fût beau parleur, évitait maintenant ces endroits où elle savait qu’ils traînaient leur ectoplasme. C’est un peu comme si la jeune Annécienne avait dorénavant appliqué sur le monde un filtre rationnel.

Avait-elle acquis dès lors la sagesse de la future maman ?

 

Son domicile était comme une galerie d’art permanente. La jolie blonde l’occupait depuis seize ans.

Après le divorce, en guise d’excuse, Josh le lui avait cédé. Leur union, romantique autant que puérile, idéaliste et finalement, par manque de partage, vouée à l’échec, n’avait duré que quelques saisons. Il avait hérité de l’entreprise Alpmont qu’avait créée son père dans les années soixante et qui, l’un des tout premiers comprit le potentiel économique que recelaient les montagnes haut-savoyardes. Gaspard Fontaine en moins de deux décennies transforma des petits villages en bout de vallées, condamnés à l’exil pendant les semaines froides, en stations de sports d’hiver. Son fils entretint d’abord le développement du tourisme blanc avant d’optimiser les infrastructures, la vie sociale et la formation des travailleurs saisonniers pour pérenniser, en été, l’utilisation profitable de sa généreuse région. Il était donc souvent sur le terrain, un peu trop selon Sandrine. Josh n’était jamais présent pour l’admirer, lui parler d’elle et quand il y était, elle n’avait pas d’oreilles à son écoute, tellement fatigué qu’il s’endormait n’importe où, n’importe quand. Il s’évadait aussi parfois tout le week-end en séminaire, à la rencontre de fournisseurs ou de clients. En réalité, il finissait souvent avec une gentille brune ou une blonde opulente, une rousse joyeuse, des corps un peu moins rétifs que celui de sa propre épouse. Elle avait en effet avec l’amour cette distance de ceux qui établissent une hiérarchie entre l’intellect et la chair, entre la pensée analytique et la turbulence sexuelle. Même avec l’homme qu’elle chérissait tant, elle n’osait s’abandonner, toujours restreinte par l’animal qu’elle refusait d’imiter. Si elle était aguichante, ce n’était que par jeu. Elle séduisait parfois, mais frissonnait peu, et ne se livrait surtout pas. Elle ne s’apercevait souvent pas que les mecs souriaient avec leur braguette quand elle pensait être drôle ou très spirituelle. Mais Josh savait tout cela et donc préférait aller s’amuser ailleurs, sans vergogne, comme l’homme à la réussite insolente qu’il était.

Le moment ultime qui fit capoter leur union avait été quand Sandrine apprit qu’elle ne pourrait porter la vie, que son ventre demeurerait à jamais vide. Bien sûr que la nature est souvent capricieuse, mais elle était là, en l’occurrence, définitive et la femme qui ne pouvait enfanter se mua dès lors en artiste exclusive qui ne penserait obstinément qu’à ses passions. Elle ne fut pas plus tourmentée que cela, contrairement à son mari qui ne concevait pas l’existence sans héritier mâle. Si l’adoption ne fut pas du tout envisagée, c’est que l’impossible mère ne pouvait se résoudre à élever l’objet d’une création autre que la sienne et Josh estimait que son entreprise ne pouvait être gérée que par ses propres gênes. Ils divorcèrent donc par consentement mutuel, mais demeurèrent bons amis. Avec la générosité de celui qui ne compte pas, il lui promit une pension mensuelle de trois mille euros, lui céda une BMW presque neuve et l’appartement.

Déjà avant la séparation, elle avait commencé à accrocher des tableaux, uniquement les siens, à suspendre des mobiles un peu partout. Mais plus encore, elle se saisit de tout comme support à sa création ; chaque meuble, chaque porte étaient tagués, souvent de jaune et de violet. De véritables fresques épurées côtoyaient des graffitis plus vindicatifs habillés de collages, une tour Eiffel, un visage ou des yeux de mannequins oubliés, un acteur inconnu, un animal ou une fleur fanée. Traînaient ici et là, dans le coin d’un objet, des dates sans rapport entre elles gravées au fil de son humeur : le jour de sa naissance, de son baccalauréat, la mort de Gandhi, la libération d’Auschwitz, les mariages de Marilyn Monroe. Et souvent, au bas de ces peintures, d’un élégant coup de pinceau plus fin, comme une signature, étaient posés des accouplements saugrenus de mots, des injonctions ou des lamentations, des phrases issues d’un impérieux besoin. Au hasard, sur le montant droit de la fenêtre de la cuisine, s’affichait : « Rire ou pleurer, mais faire ». Sur la machine à laver, dans un rouge noirci : « Ici, nettoyer sa conscience ». Sur l’armoire à pharmacie : « Prendre le temps de mourir heureux ». Jusque sur la lunette des toilettes : « Et pour vivre libre, se séparer du superflu ».

Mais depuis quelques jours, elle n’affichait plus que des photos, en très gros plan, d’œil, de tétines isolées ou de groins de cochons.

 

Sandrine venait de quitter le hall d’entrée quand son portable retentit.

– Non, je ne suis pas en colère, dit-elle dans une sorte de révérence, en saluant très ostensiblement la vieille du dessous qui revenait d’une promenade avec son chien, le petit sachet de récupération dans une main et le courrier pris dans la boîte aux lettres dans l’autre.

– Ne t’inquiète pas, je te le répète, je ne serai pas en retard, mais là, il faut que je conduise.

Quand elle gara son cabriolet blanc, au bord du lac, devant l’établissement de Yoann Conte, élève studieux et héritier gastronomique de l’homme au chapeau noir, Marc Veyrat, il était pourtant déjà vingt-et-une heures trente. Elle contrôla dans le miroir de courtoisie l’état de son maquillage, le rouge à lèvres un peu violent, ses yeux brillants puis sauta du véhicule juste à côté d’une petite flaque qu’une pluie fine troublait à peine. En ouvrant la porte du restaurant, elle souffla dans sa main pour vérifier que l’haleine ne trahissait pas les deux ou trois bières avalées avant de venir. Un chewing-gum aurait été bien venu, trop tard.

– Ah ! Enfin Sandy, merde, fit avec emphase Georgette Dunan dite Djay, sa meilleure amie.

Des bises claquèrent sur ses joues mouillées. La jeune femme assise, presque la quarantaine, le regard vert pomme pétillant en permanence, les cheveux bruns, longs, lisses et le visage presque rond, éclatant était la conseillère éditoriale des éditions « Quelques Sens de Plus » basées à Lyon, entre Saône et Rhône. Elle vivait en parfaite osmose avec son corps, pas enveloppé comme disent les imbéciles, pas gras ou gros comme le pensent les jaloux, non, juste efficacement nourri, resplendissant. Il offrait un aspect rassurant, avenant, qui vous ouvrait les bras avant même qu’elle ne parlât. Elle répétait toujours que le prénom « Georgette » ne pouvait pas être porté par une maigrelette, transparente, polie et sérieuse. On l’attendait pour se faire dorloter, réchauffer, pour se confier comme à un journal intime plantureux.

Les deux copines se fréquentaient depuis les cours de théâtre, au collège. Elles y devaient supporter les garçons qui se moquaient quand elles récitaient, introverties des tirades de Racine ou de Corneille puis quand, totalement délurées, elles s’égosillaient dans des répliques contemporaines qui, hors d’une scène, auraient pu paraître vulgaires.

– Pardon, mais, il faut manger tant que c’est chaud ! marmonna Djay en s’affairant avec délice à la mastication minutieuse d’un pigeonneau rosé sous les yeux terrifiés de l’autre.

Sandrine était en effet une végétarienne convertie par un Don Juan d’une semaine ou deux qui disait n’aimer que la chair féminine et qui, après y avoir goûté, l’avait oubliée un soir sur un quai de la gare de Modane. Et elle n’avait finalement pas vu l’Italie ce soir-là. Pour l’éconduite, ce n’était ni une préoccupation écologique ni un souci de souffrance animale, mais sans plus de considération, c’était bon pour sa peau, ça lui donnait le teint frais et l’intestin apaisé.

Comme un serveur plus très jeune arrivait avec le menu, elle arrêta son bras, lui sourit comme s’ils se connaissaient et murmura :

– Merci, je vais juste prendre la déclinaison de carotte, deux ou trois morceaux de fromage et un dessert, n’importe lequel, ils sont ici tous fabuleux. Et un blanc, vous savez, un qui va avec tout.

– Un Condrieu ? demanda l’autre en repartant sans attendre de réponse.

– J’ai vu que Grasset avait aussi refusé ton roman, osa l’amie entre deux bouchées.

– Je n’en attendais pas moins.

– L’orthographe, Sand, tu ne travailles pas assez cette partie, un peu rébarbative.

– Moi, je fais de la poésie. La littérature oui, mais poétique. Ça m’emmerde cette technique, ces obligations, ces règles désuètes.

– Alors, fais-toi relire par un prof de français !

– Quoi ? Moi, je raconte des histoires, Djay. Après, c’est aux maisons d’édition de corriger les infimes problèmes linguistiques que sont la grammaire et l’orthographe.

– Mais chérie, sans cet effort certainement pénible, tu ne franchiras jamais un comité de lecture. C’est déjà tellement dur d’attirer l’attention quand on n’est pas connu, alors en plus si le texte est imbuvable du fait de fautes idiotes, répétitions, contresens ou incohérences. Tu peux avoir la meilleure histoire du monde, si elle n’est pas bâtie sur de solides fondations syntaxiques, les pages s’abîment dans un panier sans passer par la case « examen ».

– C’est lourd ! Moi je suis une artiste, j’ai des idées, des fulgurances. Je peux faire dans le vague, l’étonnant, le fantastique pas dans le pointilleux !

Georgette poursuivit, résignée :

– Ton bouquin n’était pas nul, c’était…

– C’est bon, chérie. Il a été refusé et moi, j’ai décidé de passer à autre chose. Ça va !

– Tu sais, les gens ne lisent plus ou alors de courtes phrases, sur leur smartphone. C’est difficile de lutter contre l’image.

– C’est bien ton métier, non ?

Georgette Dunan était à court d’arguments. Son amie depuis longtemps ne les entendait plus. Sa petite maison d’édition avançait cahin-caha, au rythme des échecs ou des maigres réussites. Elle faisait paraître des séries heroic fantasy où de grosses haches sont portées tant par des gnomes que par des fées, où de beaux guerriers intègres meurent d’amour pour une princesse vierge et rêveuse, elle-même promise à un seigneur sanguinaire dont le père, etc. Les personnages s’y comptent par dizaines, et comme ils n’ont pas l’épaisseur psychologique d’un Tristan, d’un Jean Valjean ou d’un Bardamu, on les multiplie à l’infini. Ils sont envoyés se noyer dans l’insipidité d’une histoire sans fond. Leurs auteurs, on ne dit surtout pas « écrivains », hantent les salons de dédicaces paumés, travaillent en autoédition ou avec des maisons invisibles qui, ne leur procurant aucune publicité, ne leur octroient que de bien maigres bénéfices.

– Allez mange, ma Djay, ça va refroidir, lâcha l’autre en soupirant.

Le restaurant vibrait de plus en plus à mesure que la soirée avançait, que les conversations et les plaisanteries poussées par l’alcool s’imposaient aux cliquetis des couverts ou du cristal. Il nous fait croire qu’il faut parler plus fort pour être entendu et ne nous force en réalité qu’à répéter ce que notre interlocuteur a déjà compris la première fois.

– Nous devrions repenser la manière initiale d’écrire ton bouquin, continua imperturbablement son amie.

– Ma chérie, tu sais la différence qu’il y a entre une truie et moi, interrompit Sandrine qui ne l’écoutait plus.

Georgette faillit avaler son morceau de Beaufort. Elle engloutit un grand verre de rouge et dans la foulée un autre de blanc en écoutant, perdue, désabusée, triste ou pitoyablement euphorique, l’auteure faire part de ses dernières extravagantes réflexions. Elle entendait incrédule la gestation de ces femelles, la décision de changer tout pour nourrir une hypothétique création, les trois mois, trois semaines et trois jours. Pétrifiée et sonnée, elle essaya pourtant à mi-voix :

– Et quoi ?

– Je vais laisser de côté beaucoup de mes occupations chronophages et souvent sans intérêt.

Elle parlait de la vente sur les marchés de bibelots fabriqués par elle ou par la meute de ses camarades artistes ratés en tous genres qui eux aussi restaient d’obscures célébrités. Elle en avait assez des discussions stériles avec les mêmes à une terrasse de café des après-midi durant, le nez dans la bière et dans l’utopie.