Troubled Hearts - Tome 1 - Marie Anjoy - E-Book

Troubled Hearts - Tome 1 E-Book

Marie Anjoy

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Beschreibung

Les débuts tumultueux d'une romance sous haute tension.

En week-end dans une maison d’hôte à l’occasion d’un anniversaire, Meg assiste involontairement à des ébats torrides entre deux invités. En plein acte, Nick l’aperçoit, mais ne dit rien. Déstabilisée par cette rencontre conjuguant voyeurisme et érotisme, Meg se laisse progressivement apprivoiser par Nick, même si tout les oppose dans leur quête individuelle du bonheur et de l’amour. Nick pourra-t-il aimer à nouveau après la mort de son ex-femme ? Meg sera-t-elle condamnée à rester dans l’ombre de la disparue ? Entourés d’amis cabossés par des passés douloureux, Nick et Meg nous plongent à tour de rôle dans les débuts tumultueux de cette romance sous haute tension.

Plongez dans cette romance contemporaine, et laissez-vous emporter par l'histoire de Meg et Nick, qui aborde des thèmes tels que l'épanouissement, le deuil et le harcèlement.

EXTRAIT

— Non, tu n’es pas désolé. Elle te résiste, bien que tu l’attires, alors tu en fais un défi à relever. Tu t’es tellement pris à ce jeu depuis deux ans que tu ne peux plus t’en passer. Je t’ai vu faire, Nicolas. Les filles se pâment à tes pieds, elles prennent les miettes que tu leur donnes. Meg n’est pas ce genre de fille que tu pourras laisser derrière toi et tu risques d’être pris à ton propre piège. Mais comme tu te crois plus fort que tout le monde… Cependant je te fais cette promesse. Si tu lui fais du mal, je te jure que je te démolis, et pas sur un ring cette fois et crois-moi, notre amitié en pâtira. – Sur ce, il quitte la pièce. – Il est tard, je vais me coucher. Tu devrais en faire autant. J’ai laissé quelque chose pour toi sur la commode de ta chambre.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Marie Anjoy est infirmière et vit dans le Sud de la France. Rêveuse, elle écrit pour son plaisir depuis l’enfance, de la prose comme de la poésie. Des histoires pour faire rêver, avec de beaux happy-ends, des romances à l’image de celles qui lui permettent de décompresser après des journées difficiles. Désormais à la retraite, elle s’est lancé le défi d’écrire sa première romance. Juste un défi entre nous est son premier roman.

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À Gaëlle

« Aimer, ce n’est pas emprunter des routes toutes tracées et balisées. C’est avancer en funambule au-dessus de précipices et savoir qu’il y a quelqu’un au bout qui dit d’une voix douce et calme : avance, continue d’avancer, n’aie pas peur, tu vas y arriver. »

Philippe Besson

Prologue

Aujourd’hui.

Épuisée, le corps douloureux, l’esprit enfin serein, libérée de mes peurs jusqu’alors enfouies au fond de moi et cachées à mon entourage, je me laisse aller dans ses bras. Je perçois son souffle chaud à mon oreille tandis qu’il murmure ces trois petits mots, cette douce musique qui berce mes nuits et mes jours, inlassablement fredonnée et dont je ne m’ennuie pas : « je t’aime. » Il resserre son étreinte autour de ma taille, nos mains se cherchent, nos doigts se trouvent et s’entrelacent, complémentaires. Sa tête se niche dans le creux de mon épaule après un baiser léger comme une plume déposée sur le grain de beauté au creux de mon cou, mon point sensible. Je frémis sous la caresse, il rit. Il connaît mon corps mieux que moi-même. Nous restons là, silencieux, les yeux rivés sur le même point. Les mots sont inutiles, je sais que nos pensées et nos émotions en cet instant sont au diapason.

Alors que je glisse dans les bras de Morphée, la porte s’ouvre et Florence fait une entrée fracassante. Je sursaute. Derrière moi, je le sens se raidir. Il soupire, agacé par l’arrivée intempestive de la plus théâtrale de nos amies, et je resserre ma prise autour de ses doigts pour le calmer.

Tandis qu’elle s’arrête au milieu de la chambre, les mains sur les hanches, me dardant de son regard furieux, Suzie, Robert et toute la petite bande la bousculent pour se précipiter vers nous. Florence reste imperturbable et me menace d’un doigt accusateur.

— Mégane-Marie-Louise Dumont Blennac, tu as gâché ma journée, comment as-tu pu me faire ça ?

Je hausse les épaules et lève les bras en signe d’impuissance. Nous sommes le 6 juillet 2016, une date qui deviendra inoubliable, bien plus importante encore que celle du jour où ma vie a basculé, deux ans plus tôt…

1Une rencontre inopinée

4 juillet 2014

À l’écart, j’observe les invités qui se pressent autour du bar, tentant de repérer sans succès Florence et Élisa. La fête bat son plein. Nous célébrons le baptême de Nina, dont je suis la marraine. Du haut de ses deux ans, cette enfant, aux yeux aussi doux et bleus que ceux de son père me fait fondre au moindre de ses regards. Elle vous mène par le bout du nez, séduit tout son petit monde en digne fille de sa mère, ma meilleure amie Éléonore. L’enfant rêvée que toute femme souhaiterait avoir.

Pour la circonstance, mon amie a réservé une maison d’hôtes, anciennement une colonie de vacances, ce qui permet d’héberger pour les quarante-huit heures à venir la centaine d’invités. Je partage une chambre avec mes amies Élisa et Florence. J’espère qu’elles n’y inviteront pas leur conquête cette nuit ! Tout est possible avec Flo, la plus délurée des deux.

Personnellement, je ne suis pas du tout style « plan cul », comme elle aime les appeler. Je suis plutôt « plan rien du tout » pour tout dire vu le désastre récurrent de mes relations amoureuses. Malgré les incitations de mon entourage à lâcher-prise, je n’y parviens pas. J’ai bien essayé depuis que Paul m’a « jetée » en me traitant de frigide, mais j’ai fait machine arrière au premier rencard du genre concocté par mes amies.

Comment pourrais-je sauter le pas alors que je dois me préparer psychologiquement à tout moment d’intimité, même quand je fréquente mon partenaire depuis un certain temps ? M’imaginer dans un lit avec un inconnu de surcroît ! Impossible ! L’angoisse me vrille le ventre dès que je pense « sexe » ! Au fil des ans, j’ai appris à maîtriser la situation, je pense être devenue experte dans l’art de la simulation. Facile quand vos partenaires ne s’intéressent pas à ce que vous ressentez, trop concentrés sur eux-mêmes et leur plaisir personnel. Flo se plaît à dire que j’attire les pires amants !

Malgré le déplaisir que je ressens, je m’obstine, espérant un jour rencontrer la personne qui me fera vibrer, éclipsant du même coup, toutes ces séances de sexe éprouvantes. Au fond de moi, je sais que ce problème est en lien avec mon passé, mais je refuse de l’admettre. C’est un sujet que je n’aborde jamais, dont je ne débats pas, même avec Éléonore, encore moins avec cette délurée de Florence. Je soupire en songeant à nos derniers ébats avec Paul, à la dispute mémorable qui s’en est ensuivie. Je sens les yeux me picoter à ce douloureux souvenir et revis l’humiliation de ses propos cinglants et grossiers. La porte qui claque derrière moi, les larmes qui roulent sur mes joues tandis que je ramasse mes affaires qu’il a jetées à mes pieds. Il est 3 heures du matin et il vient de me mettre dehors comme une malpropre pour lui avoir refusé quelque chose qui était au-dessus de mes forces.

Autour de moi les invités, ignorant mes tristes pensées, s’amusent, ne me prêtant pas attention. J’en ai l’habitude, je me tiens souvent en retrait. Je sais que mon langage corporel n’incite pas aux rapprochements. Je ne suis pas toujours à l’aise en société malgré tous mes efforts, contrairement à Florence. Pourtant, a contrario, je peux être pétillante, drôle et diserte dans mes zones de confort : mon boulot, mon groupe d’amis, des endroits familiers. Nous sommes dehors et une légère brise estivale soulève les nappes blanches des tables dressées pour le repas qui va suivre l’apéritif. La décoration est magnifique grâce au talent d’Éléonore. Un mélange de brun et de vert anis, des jetés de table en toile de jute, des fleurs des champs dans des bouteilles d’eau, une superbe déclinaison sur le thème champêtre. Sous un grand chapiteau, le bar retient l’attention. Boissons et victuailles de toutes sortes, tapenades, crème de petits pois, anchois et canapés divers attirent les invités assoiffés et affamés après une cérémonie religieuse interminable. Des groupes se forment, amis d’Éléonore, familles respectives, amis de Ludovic. Les enfants, pris en charge par des animateurs, s’égaient dans le champ voisin où châteaux gonflables et trampolines les tiendront occupés, soulageant ainsi les parents et leur permettront de profiter sans contraintes de cette belle journée festive. Éléonore est une organisatrice hors pair. Je lui rabâche souvent qu’elle devrait profiter de ses talents pour faire de l’événementiel. Elle refuse d’y songer, arguant qu’elle n’a pas le temps. Il est vrai qu’être épouse et mère l’occupe pleinement et elle adore son statut de femme au foyer. Je dois avouer que parfois je l’envie.

Toujours à la recherche de mes amies, je sirote mon cocktail, laissant porter mon regard sur la foule, lorsqu’il croise celui de mon ex, Paul, cousin de Ludovic, justifiant sa présence en ces lieux. Je constate qu’il m’a déjà remplacée par une plantureuse blonde alors que notre séparation ne date que de quinze jours. Il m’adresse une petite moue narquoise, puis embrasse goulûment sa compagne, cherchant bêtement à me narguer. Au même instant, Éléonore, passant de groupe en groupe, me repère et lève son verre vers moi, trinquant à distance en me souriant. Elle glisse le bras sous celui de son mari, se penche et dépose un tendre baiser sur ses lèvres. Je devrais me sentir à l’aise et heureuse de partager ce moment de bonheur avec mes amis, ma famille. Cependant ce n’est pas le cas. Je cherche un peu de réconfort en tentant de croiser à nouveau le regard de notre hôtesse. Nous avons grandi ensemble sous l’œil bienveillant de nos parents unis par leur propre amitié indéfectible. Lucille est devenue une seconde maman lorsque la mienne n’a plus pu assurer son rôle, clouée sur son lit d’hôpital jusqu’à ce que ce fichu cancer l’emporte. J’avais dix ans. Depuis, Éléonore joue le rôle de grande sœur et veille sur moi. Mon père, accablé de chagrin, n’est jamais parvenu à faire le deuil de sa femme adorée. Je le trouvais pourtant exceptionnel, bien qu’il ait confié mon éducation à une institution religieuse. Les moments que nous passions ensemble étaient certes rares, mais tellement intenses. Il m’a quitté à son tour, victime d’un chauffard ivre, il y a deux ans. Il me manque terriblement.

Je sens les larmes poindre au coin de mes yeux. Bon sang ! Mais qu’est-ce qui cloche chez moi ? Je me sens si mal. Je ne parviens pas à cerner les raisons de ce malaise. Outre l’envie de pleurer, un nœud me serre le ventre, une sensation annonciatrice d’un événement fâcheux, le plus souvent une catastrophe. Je déteste cette impression, ce pressentiment. Je ne le connais que trop bien, l’ayant déjà perçu « entre autres » le jour de la mort de mon père. Un bruit de fond gronde à mes oreilles, désagréable, montant en puissance. Il faut que je m’isole un instant. Je pose mon verre sur une des petites tables disséminées ici et là autour du bar, esquisse un sourire à l’intention d’Éléonore qui me regarde, et m’avance d’un pas décidé vers la bâtisse. Dans la salle principale transformée en salle de détente, des adolescents avachis sur des canapés pianotent sur leurs portables, tandis que d’autres jouent au ping-pong, au billard… Ici encore, un brouhaha perturbant.

Je saisis mon téléphone dans mon sac. Il ne me reste plus qu’à trouver un endroit tranquille pour me calmer en bouquinant sur mon téléphone, puis une fois l’angoisse passée je retournerai à la fête. Pour être déjà venue avec Élo, je connais l’endroit, je trouverais sûrement une des petites pièces vides côté sud ou bien quelques fauteuils libres sur la terrasse face au jardin.

« Flûte ! », pestai-je.

Je ne suis pas la seule à la recherche de calme. Quelques couples d’ados se bécotent, partageant le même fauteuil sous le regard imperturbable d’un jeune garçon, nez rivé sur son téléphone. Les autres sièges sont inutilisables, trempés par l’arrosage automatique défaillant de la pelouse.

Je fais demi-tour et me rabats vers un des réfectoires réaménagés afin que les hôtes puissent y cuisiner en toute autonomie. Un comptoir relativement grand sert de table, des tabourets de bar sont disposés tout autour, à gauche de la porte un évier et des placards, en face plusieurs frigos ainsi qu’un plan de travail avec cafetière et grille-pain. Ce n’est pas la pièce idéale pour venir lire, mais au moins je suis au calme. Malgré ma robe et mes escarpins, je décide de m’installer par terre comme à mon habitude. Je retire mes chaussures, m’assois en tailleur, me cale contre le mur après avoir rabattu ma robe sur mes cuisses nues. Je me trouve quelque peu désinvolte, mais peu importe, personne ne peut me voir.

Je suis là depuis un petit quart d’heure lorsque la porte de la cuisine s’ouvre à la volée et qu’un couple pénètre dans la pièce. La femme glousse tandis que son partenaire la pousse vivement contre la porte qu’il referme d’un coup de pied. Je m’apprête à signaler ma présence d’un toussotement avant de me lever, mais n’en fais rien, scotchée par le spectacle. Par-dessous le comptoir, j’assiste, sidérée à la scène. L’homme remonte la robe de sa compagne jusqu’à sa taille tandis que cette dernière dénoue avec dextérité la ceinture de son pantalon puis, libre des contraintes vestimentaires, se caressent mutuellement. Je déglutis. Trop tard pour me signaler ! Je m’éloigne d’eux autant que possible, terrorisée à l’idée qu’ils me découvrent. La fille extrait le sexe de son compagnon de son boxer et s’accroupit devant lui. De ma nouvelle place, je ne vois plus grand-chose désormais, cependant les gémissements de l’homme suffisent amplement à débrider l’imagination. Je me bouche les oreilles, mais perçois, bien qu’étouffé, le cri que pousse la jeune femme alors qu’il la dépose sur la table face à moi. Je me décale à nouveau pour sortir du champ de vision de ce dernier. Je ne vois désormais que ses jambes. Il est toujours habillé, elle aussi d’ailleurs. Étrangement, le premier choc passé, je trouve ce spectacle surréaliste et bien qu’inconvenant, terriblement excitant.

Il semble en être de même pour la jeune femme vu les soupirs qu’elle laisse échapper. Son langage trivial me fait rougir tellement il m’embarrasse et m’affole. Je ferme les yeux, tente d’occulter autant les sons que les images perturbantes, mes jambes repliées, la tête calée sur mes genoux et les pouces dans les oreilles comme une gamine qui chercherait à ignorer l’orage.

Pitié, je ne veux rien entendre !

C’est impossible ! Ses gémissements de plaisir envahissent la pièce, me font sursauter tant ils résonnent se répercutant sur les murs. On a dû les entendre jusque dans la cour !

Ouf ! C’est terminé ! Je rouvre les yeux pour voir reculer le fameux Nick, dont elle vient de hurler le prénom. J’aperçois son sexe d’une taille impressionnante qu’il habille d’un préservatif d’un geste assuré, avant de glisser en elle. Ah non, nous n’en étions qu’aux préliminaires ! Les choses sérieuses ne font que commencer !

Je me débats dans un maelström de sentiments contradictoires. Je ne veux rien voir ni entendre et pourtant je ne peux pas m’empêcher de regarder, me penchant pour mieux suivre la scène. Je suis… hypnotisée, je joue les voyeuses. Cette séance de sexe ne ressemble en rien à mes expériences personnelles, mais plutôt à celles que Flo se plaît à raconter souvent avec force détails.

Comme quoi elle n’affabule pas comme le prétend parfois Éléonore.

Très rapidement, il jouit à son tour et s’effondre sur sa partenaire. J’entends leurs souffles courts et erratiques, signes d’un plaisir partagé intense.

— Nick, relève-toi ! Tu m’écrases et froisses ma robe.

Ce dernier se retire, fait un pas en arrière pour s’appuyer contre le mur. Il semble avoir quant à lui encore besoin de quelques minutes pour se remettre. Sa partenaire déjà sur pieds lisse sa robe et se lave les mains, supposai-je en entendant le bruit de l’eau. Nick lui, reste immobile, la main sur son sexe. Je ne parviens pas à en détourner les yeux. Il est là, juste à hauteur de regard. La jeune femme revient vers lui et le débarrasse de son préservatif d’un geste que je trouve plutôt intime.

— Je sors la première, mon cœur, rejoins-nous dans un moment.

Je sursaute tandis que la porte claque et détourne mon attention de ce sexe toujours turgescent. Ai-je vraiment assisté à une petite baise entre époux, entre amants ? Tandis que je m’interroge, Nick se laisse glisser au sol. Je panique. Il va me voir ! Mais il ferme les yeux. Je reprends mon souffle, comprenant que j’ai cessé de respirer tandis que mon cerveau carburait à toute vitesse. Devrai-je me déplacer encore ? Échapperai-je à son regard ? Mes chances sont minces vu sa position actuelle et moi je suis bêtement bloquée dans ce recoin. Je n’ai qu’à prier pour qu’il se lève dès à présent et quitte la pièce. Malheureusement, il tourne la tête et nos yeux se croisent dans la pénombre. Je suis terriblement honteuse. Que suis-je censée dire ? Comment puis-je justifier ma présence, mon comportement ?

Il ne m’en donne pas l’occasion. Après m’avoir fixée une seconde qui m’a semblé durer une éternité, il ferme à nouveau les yeux et entreprend de se caresser. Je retiens mon souffle. Encore une fois, je trouve cette scène hallucinante, excitante, provoquant des frissons dans tout mon corps et plus particulièrement dans mon entrejambe. Waouh ! C’est… nouveau et déconcertant. M’ayant vue, je m’attendais à ce qu’il dise quelque chose. Mais peut-être est-ce à moi de le faire ? Je n’y parviens pas et reste muette à contempler le spectacle, comme envoûtée. Que pourrai-je dire de toute façon ? Présenter des excuses ?

Après s’être masturbé sans aucune gêne, les yeux clos, les miens grands ouverts le fixant sans vergogne, il se lève sans me regarder. J’entends l’eau couler puis la porte de la cuisine claquer. Je reste là, ébahie et somme toute un peu choquée, pendant je ne sais combien de temps, suffisamment j’espère pour ne pas le croiser dans le couloir quand je sortirai.

Seigneur, qu’est-ce qu’il vient de se passer ?

Quelle voyeuse tu fais ! scande ma conscience.

Eh ! Ce n’est pas ta faute, ce mec est un dépravé de première, renchérit-elle.

Certes, mais regarde-toi, tu es tout émoustillée !

N’importe quoi !

Je secoue la tête pour chasser ces pensées dérangeantes tandis que je me relève. Je défroisse ma robe, remue un peu mes jambes engourdies par ma position désagréable, remets mes chaussures et quitte la salle en jetant des regards inquiets autour de moi.

Ne t’angoisse pas, il ne va pas te reconnaître, il t’a juste entrevue dans la pénombre. Il était bien trop occupé avec sa nana !

Il t’a regardé. Je serais mortifiée en bonne petite oie blanche, si nous venions à nous croiser !

Je veux croire ce que me dit ma petite voix intérieure, je veux m’en convaincre parce que cet interlude lubrique que je viens de vivre est incontestablement… surréaliste.

Je rejoins Éléonore, me composant un sourire de façade pour ne pas lui laisser deviner mon trouble. L’apéritif touche à sa fin, les enfants sont déjà à table. Ayant récupéré Nina au passage, je l’accompagne jusqu’à sa place. Les adultes s’installent, se repérant aux petites ardoises à leurs noms sur les tables.

En tant que marraine, je partage la table familiale avec le parrain, le frère de Ludovic. Nous nous connaissons aussi depuis l’enfance, mais aujourd’hui je vais rencontrer sa femme. Mon meilleur ami Robert, de retour parmi nous après presque dix ans d’absence ponctués de nombreux séjours à Soulac pour les vacances, vient d’ouvrir un cabinet d’avocats à Bordeaux depuis quelques mois. Parti pour ses études de droit à la Sorbonne, il est resté à Paris pour son travail et sa compagne. Une ville qui le déprime cependant. Comme nous tous, il est attaché à notre région. Suzie, son épouse, est une cent pour cent parigote à ce qui se dit, et Éléonore se demande comment elle s’adaptera à son nouvel environnement. Je ne la connais d’ailleurs qu’à travers les photos de leur mariage, il y a de cela deux ans. Une femme superbe, toute en jambes, sportive probablement, silhouette élancée, et sympathique aux dires de mes amis malgré des a priori infondés sur ses origines bourgeoises. Je n’avais pu assister à l’événement, hospitalisée pour une appendicectomie, et très déçue de n’avoir pas partagé ce merveilleux moment avec celui que je considère comme mon frère. Toutefois, aux dires des convives, j’avais aussi échappé à un mariage guindé dans lequel je ne me serais probablement pas sentie à ma place.

Alors que je ris d’une plaisanterie lancée par Robert, une magnifique femme se penche pour l’embrasser. Mon regard se porte sur sa tenue, les petites bretelles dorées, le haut en dentelle ajusté sur sa taille fine au bas bordé de tulle et de soie et pour finir sur ses escarpins assortis aux tons de sa robe. Non, elle ? La jeune femme qui vient de s’envoyer en l’air avec le fameux Nick s’avère être la femme de Robert et j’en tombe presque de ma chaise. Elle se glisse avec grâce à sa place et me tend la main.

— Bonjour ! Mégane, je suppose ?

— En effet, parvins-je à confirmer, sous le choc en avançant mécaniquement ma main pour la saluer en retour.

— Enchantée, j’avais hâte de faire ta connaissance. Robert parle si souvent de toi !

— Je suis également ravie, Suzie, lançai-je en mentant effrontément.

En réalité, j’étais impatiente de la rencontrer jusqu’à cet instant où je me surprends à la détester simplement parce qu’elle trompe Robert. Je suis surprise par cette femme qui semble si différente de celle qui proférait, il y a juste cinq minutes, des vulgarités dans les bras de son amant.

— Dois-je prendre rendez-vous auprès de ta secrétaire ? s’enquiert Suzie.

Un rendez-vous ? Pour quoi faire ? Puis je me souviens que j’ai promis à Robert de lui trouver un logement à Bordeaux. J’ai en tête quelques appartements sur le marché immobilier voire quelques belles demeures dans le Médoc qui pourraient lui plaire. Je connais parfaitement ses goûts, mais je m’interroge sur ceux de Suzie.

— Tu as ton agenda sur toi ?

Je cherche mon téléphone, et m’apercevant que je l’ai oublié dans la salle du petit déjeuner, me mords la lèvre, manquant faire une gaffe en le révélant.

— J’ai dû le laisser dans mon sac. On verra tout à l’heure ?

— Comme je suis heureux d’être de retour ! lance Robert.

Je songe à ses parents qui doivent l’être aussi. Robert leur manque énormément. Je les ai souvent entendus se plaindre de la distance qui se créait inexorablement entre eux, d’autant que depuis son accident vasculaire cérébral, son père circule en fauteuil roulant, ce qui limite ses déplacements. Quant au couple Robert-Suzie, il privilégiait jusqu’à ce jour les vacances à l’étranger. Personne ne les avait vus à Bordeaux depuis leur mariage, tout ceci ne favorisant pas les relations familiales.

Suzie sourit et caresse tendrement la joue de son mari. Si je n’avais pas été témoin de la très gênante scène, j’aurais été attendrie par ce geste et les aurais crus follement amoureux l’un de l’autre.

Tous trois assis autour d’une table ronde dressée pour quatre personnes, je m’aperçois que je ne me suis pas intéressée au dernier convive. Apparemment, Suzie le connaît puisqu’elle sourit chaleureusement à quelqu’un derrière moi tout en lui adressant un petit signe de la main.

— Tu viens d’arriver, Nico ? On ne t’a pas vu à la cérémonie. Tu as raté ton train ? demande Robert suivant du regard la personne qui se dirige vers eux pour s’asseoir près de Suzie.

Mon cœur s’emballe en reconnaissant le jeune homme qui s’installe face à moi et me dévisage effrontément avec un sourire en coin. Nico, Nick ! Brun, yeux verts, terriblement sexy et incroyablement bien…

Non ! Il faut que je m’ôte cette image troublante de la tête. Je jette un œil sur mes hôtes, personne ne semble rien deviner de mon agitation. Lui peut-être ?

— Nick pour les intimes, se présente-t-il en me tendant la main, et toi ?

Je déglutis et réponds en la lui serrant en retour.

— Mégane, mais tout le monde m’appelle Meg.

Sa poignée de main me gêne, trop longue, trop insistante et surtout trop caressante. Je la retire vivement, trop vivement. Suzie arque les sourcils, surprise, mon geste n’est pas passé inaperçu.

— Je ne pouvais pas rêver de plus belle compagnie. Deux superbes femmes à ma table !

— Tu ne changeras jamais Nico, tu ne vas pas commencer à flirter ! Je te rappelle que l’une d’elles est ma femme.

— Tu es mariée, Meg ? me demande Nick, ignorant la remarque de Robert.

Je le regarde, hypnotisée par son regard vert lagon dans lequel il me semble me noyer. Je dois absolument me reprendre, déstabilisée par les images de la petite sauterie, et particulièrement les dernières, qui tournent en boucle dans ma tête. Je lui adresse mon plus beau sourire, m’efforçant de soutenir son regard et ne voulant rien laisser paraître du malaise qu’il suscite chez moi.

— Ni mariée ni en couple.

— Pourquoi ? lâche-t-il en avalant une cuillère de risotto aux asperges que l’on vient de nous servir.

Cette question me prend totalement au dépourvu.

— Comment ça pourquoi ?

— Oui, je me demande pourquoi une superbe jeune femme comme toi n’est ni mariée ni en couple. À moins que tu ne sois une de ces célibataires qui n’aiment que les coups d’un soir ? Je me trompe ? ajoute-t-il en me désignant de haut en bas avec sa fourchette.

Je reste sans voix, la bouche ouverte, ma fourchette à mi-course tandis qu’il enchaîne.

— Auquel cas, je ne serais pas contre une petite baise avec toi.

Je rougis, gênée et indignée par ce que je considère comme une insulte. Sous l’effet de surprise, j’en ai le souffle coupé. Mon couvert m’échappe et vient heurter le bord de mon assiette dans un tintement de porcelaine. Robert et Suzie ne semblent guère surpris par de tels propos. Apparemment il n’y a que moi qu’ils indisposent. Il poursuit me fixant de son regard déstabilisant peu soucieux de la réaction qu’il vient de provoquer.

— Je suis là pour quelques jours.

Incroyable, il me propose un rencard ! Un rencard du genre « baise dans la cuisine » ? Tandis que je m’efforce de ne pas baisser les yeux, j’aperçois Suzie dans mon champ visuel qui se rapproche de Nick et glisse sa main sous la table. Ce dernier se tourne vers elle, se fendant d’un sourire mutin. Robert ne semble rien remarquer. Je la suspecte de gestes osés. Mais Nick n’en montre rien. Quelle maîtrise, je suis scotchée ! Le beau brun reporte son regard vers moi et continue son interrogatoire.

— C’est quoi ton boulot ?

— Eh, Colombo, tu n’es pas au commissariat aujourd’hui ! intervient Robert me sentant gênée par le flot incessant de questions. Lâche-lui la grappe.

Le regard émeraude de Nick me fixe toujours avec instance.

— Oh, désolé !

Sauf que je devine au sourire dans ses yeux qu’il est loin de l’être. Il joue avec moi, c’est évident. Une petite vengeance pour ma séance de voyeurisme ? Je tente de paraître bien plus assurée que je ne le suis en réalité, persuadée qu’il perçoit ma faiblesse et s’en amuse. Je décide de rentrer dans son jeu. Je peux le faire, en tout cas je m’y efforce, je ne vais pas le laisser mener la danse.

— Je travaille dans l’immobilier en semaine et je suis escort le week-end, lançai-je en picorant dans mon assiette.

Bon sang, qu’est-ce qui te prend d’inventer un truc pareil ?

C’est dément, j’avoue, mais je persiste dans ce mensonge. Mon démon intérieur se roule par terre pris de fou rire.

Je relève les yeux vers lui et ajoute innocemment :

— Aurais-tu besoin de mes services pour t’accompagner quelque part le week-end prochain ? Ou lors de tes prochains séjours chez Robert peut-être ?

Ce dernier manque de s’étrangler. Les pupilles de Nick se dilatent, Suzie remet sa main sur la table et tout le monde me regarde interloqué.

— Quoi ? C’est un moyen comme un autre d’arrondir ses fins de mois. Mais chut ! Éléonore ne le sait pas, ne dites rien, elle me tuerait.

C’est du délire ! Ce jeu risque de se retourner contre toi.

— Intéressant. Mais je n’ai pas pour habitude de payer des filles, ce serait presque le contraire.

Connard prétentieux !

— Ah ! Bordeaux compte de nombreuses femmes friquées et désœuvrées, je peux t’en présenter. Certaines d’entre elles sont mes clientes. Elles pourraient être séduites par tes attributs, conclus-je.

Je rougis en prenant conscience de l’énormité de mes propos. Nick ne me quitte pas des yeux, je soutiens son regard puis me tourne vers Suzie.

— Il pourrait un peu sacrifier de sa personne, votre ami. Je suis sûre que Madame Delbanc serait sous le charme. En contrepartie, nous pourrions négocier le prix d’une de ses propriétés.

— Je pourrais ! Mais pour l’acquisition d’un bien plus personnel, réplique Nick en me fixant toujours intensément.

Je soupire en pliant ma serviette pour la poser à côté de mon assiette.

— Tu remarqueras, Rob, que les amis sont devenus bien égoïstes. Je suis persuadée que toi par contre, tu donnerais n’importe quoi pour lui, ajoutai-je en regardant Nick bien en face en forçant sur mon sourire. Maintenant, veuillez m’excuser, je vais chercher mon téléphone. Je viens de me souvenir que j’attends un appel important.

Sur ce, je me lève, ayant besoin de m’isoler. Les joutes verbales m’épuisent, je ne suis pas très douée pour les répliques mordantes. Cependant, il me semble ne pas m’être trop mal défendue. Ce type est exaspérant. Ce genre de mecs, qu’habituellement je fuis comme la peste, leur suffisance me faisant sentir inférieure. Mais là… Je ne sais pas… Je me sens attirée par le magnétisme de son regard qui me déstabilise, comme toujours dans de telles situations. Toutefois, j’ai comme le sentiment d’avoir réussi un petit exploit, car mon angoisse ne pèse pas autant sur ma poitrine. Comme si je venais de gagner le premier round d’une partie qui ne fait que commencer et qui n’est pas officiellement déclarée. Mon adversaire est, j’en suis persuadée, du genre talentueux dans ce domaine, voire dangereux, très dangereux. Tandis que je me dirige vers le bâtiment principal, j’entends Robert pouffer et je sens le regard insistant de Nick sur moi.

2Jeu set et perd

Ça commence fort !

Meg : 1 Moi : 0

Cette fille étrange remporte le premier set d’une partie qui vient de débuter entre nous. Ce séjour promet d’être très intéressant. Je n’ai plus besoin de me mettre en chasse.

Quand est-ce que tu te mets en chasse ? Les nanas se jettent littéralement à tes pieds !

Je sais, je suis un horrible personnage, je ne prétendrais pas le contraire. Avec moi, les filles savent à quoi s’attendre dès nos premiers mots échangés, enfin, les rares mots échangés. Je n’ai pas toujours été ainsi. Mais comme le dit la pub : « Ça, c’était avant ! »

Je ne veux pas songer à celui que je suis devenu, pas maintenant.

En ce moment, j’ai une irrésistible envie de m’amuser, de poursuivre ce jeu érotique qui a débuté dès l’instant où je l’ai surprise, le souffle court, les yeux brillants rivés sur moi, dans la pénombre, planquée sous la table de la cuisine. J’aurais presque pu la toucher. J’aurais dû lui parler, mais je ne sais pas ce qui m’a pris, au lieu de ça, j’ai fait… eh bien ce que j’avais envie de faire.

Elle ne m’a pas lâché du regard, respirant à peine tandis que je l’épiais à travers mes paupières mi-closes. Bon sang, c’était jouissif de savoir que cette fille avait assisté à nos ébats et de voir qu’elle n’arrêtait pas de fixer ma bite ! Je décidai donc de jouer un peu. J’aurais pu faire pire, sa bouche entrouverte tentatrice incitant à de nombreux fantasmes que j’aurais assouvis sans complexe en d’autres lieux et heures. Mais j’étais invité à un baptême, un peu de décence s’imposait ! OK, ma conscience se roule par terre tellement elle se marre !

Après ma petite provocation, je quittai la pièce sans un regard pour me planquer dans le couloir, me demandant si elle était le genre de fille à se satisfaire en solo, émoustillée par notre petite distraction. Apparemment pas puisqu’elle sortit juste une minute après moi. À croire qu’elle ne craignait pas de me rencontrer, à moins qu’elle n’ait eu l’idée de me rattraper peut-être ?

Petit con prétentieux.

Bah ! On peut y croire ?

Non, c’est moi qui la retrouverai et la surprendrai au moment où elle s’y attendra le moins. Je suis doué pour la traque, c’est mon job.

Elle a surgi en trombe, un peu déstabilisée, me sembla-t-il. J’aimais ça ! J’ai eu le temps de la dévisager pendant qu’elle câlinait Nina, la nièce de Robert. Cette jeune femme était belle, grande, élancée, le buste étroit et la poitrine généreuse mise en valeur par sa robe qui faisait ressortir sa taille fine. Brune, les cheveux relevés en une coiffure assez sophistiquée avec quelques mèches échappées de son chignon adoucissant la sévérité de sa tenue générale. Je discernais mal la couleur de ses yeux. Accroupie à la hauteur de Nina, je ne voyais que son profil, un visage bien dessiné, un petit nez fin, une bouche sensuelle, des yeux clairs, avais-je entrevu dans l’ombre. J’aurais le temps de le découvrir plus tard, mais pour l’instant j’en appréciais l’allure générale. Énormément ! Sa présence silencieuse pendant notre interlude sexuel attisait ma curiosité tout en m’excitant.

Que foutait une fille comme elle, seule dans une pièce obscure ? Était-elle venue pleurer à l’abri des regards ? Son petit ami venait-il de la larguer ? Non, cette fille était canon, elle devait avoir tous les mecs à ses pieds. Elle s’était peut-être juste disputée avec son Jules. Je m’interrogeais sur les raisons de son absence de réaction, n’aurait-elle pas dû se manifester dès notre entrée dans la pièce ? S’en était-elle abstenue par gêne ou au contraire avais-je affaire à une petite voyeuse ayant pris plaisir au spectacle ? Bref, mon cerveau d’enquêteur était en branle. Beaucoup de questions et pour l’instant que des hypothèses. Bien ! Si la demoiselle était disponible, nous trouverions peut-être le moyen de meubler notre temps de façon agréable durant les journées ou les nuits à venir. Il suffirait que je la persuade ! Une simple formalité !

En effet, aucune fille ne te résiste !

Dire que j’avais failli ne pas venir sans l’insistance de Suze qui ne me connaissait que trop bien ! Elle savait que j’avais besoin de décompresser maintenant que l’affaire du meurtre de la jeune Rosalie était élucidée et qu’une certaine date anniversaire approchait à grands pas. Elle m’avait promis quelques moments mémorables quand elle en trouverait l’occasion. En dehors de quoi, tandis qu’avec Robert elle s’attellerait à la recherche d’un logement, cette inconnue de la cuisine — une fois que je l’aurai identifiée — et moi, pourrions consacrer mon temps libre à quelques activités physiques plaisantes. Sauf que Meg n’est autre que ma petite voyeuse, et qu’elle est aussi la personne chargée de trouver un appartement à mes amis !

Suze tente d’attirer mon attention. Perturbé par les derniers événements, je tourne en boucle notre petite joute verbale avec cette fille sublime qui vient de quitter la table après cette allusion tendancieuse. Merde ! Si elle balançait tout ? Je n’avais pas songé une seule minute à cette éventualité. Il me faut en savoir davantage sur cette Mégane. Est-elle du genre à garder des secrets ? Suze s’agite toujours à mes côtés. Sa main posée sur la mienne, elle me regarde inquiète et me demande dans un murmure :

— Est-ce que ça va ?

Robert rit toujours.

Bon sang ! Pendant combien de temps ai-je décroché ? Je reprends mes esprits. Mon ami me regarde d’un air goguenard.

— Ça t’amuse Rob ?

— Tu n’imagines pas à quel point ! C’est la première fois qu’une fille te coupe le sifflet. Que ce soit Meg… Alors oui, ça me réjouit énormément ! Tu viens de proposer un plan cul à la fille la plus réservée de la planète. J’adore !

— Tu la connais si bien, cette fille ? Au point d’être sûr que je n’ai aucune chance ?

Suze maugrée. Elle n’apprécie pas m’entendre parler de mes relations féminines tandis qu’elle n’est juste que… Que quoi ? Ma maîtresse en titre ? Est-ce vraiment le terme adapté ? Je ne lui cache rien de mes aventures, pas d’exclusivité entre nous ! Enfin ma vision personnelle, j’entends. Je partage cette femme avec mon meilleur ami, c’est tout !

Mais t’es vraiment un grand malade ! Tu t’entends ? C’est plutôt le contraire, juste que Robert l’ignore. Mais qu’est-ce qui ne va pas chez toi ? Depuis quelque temps, tu te dis qu’il faut mettre un terme à cette étrange relation. Sans succès ! Tu penses mener la danse ? Il semble bien que non, c’est plutôt Suzie qui te tient par les couilles et pas que littéralement.

Je m’étais laissé embarquer dans une drôle de galère avec Suze. Laissé embarquer ? À vrai dire, on ne savait plus vraiment qui avait entraîné l’autre. En réalité, je me voile la face pour me donner bonne conscience vis-à-vis de Robert. Par moments, je me dis que je lui rends service, empêchant sa femme de courir à droite à gauche au risque de se mettre en danger. En la gardant sous mon contrôle je m’assure qu’elle ne fait pas trop de bêtises, je veille au grain. Une situation tordue ? Effectivement, elle l’est. Parfois je rêve de me libérer de cette étrange liaison, mais elle est essentielle à mon équilibre mental.

Ma vie n’a pas été un long fleuve tranquille. C’est pourquoi je ne peux pas tomber amoureux et je m’assure que cela n’advienne jamais ! Avoir été broyé une fois m’a vacciné, je ne veux plus jamais éprouver cette douleur. Je ne cherche pas non plus à blesser les filles. N’étant pas un salaud, mes aventures se limitent à des séries de one-shot avec des règles bien établies, mes conquêtes d’un soir sachant à quoi s’en tenir. Suze est une exception. Nous entretenons une relation très complexe pour des raisons que nous sommes seuls à connaître, qui nous lient inexorablement et douloureusement.

Robert caresse la nuque de sa femme assise entre nous. Je la vois frissonner. C’est un point très sensible chez Suze, il le sait, moi aussi.

— Enfin Nico ! C’est Meg, mon amie d’enfance ! déclare-t-il comme une évidence.

Robert persiste à m’appeler Nico alors que pour tous je suis désormais Nick. C’est lourd de sens, je ne le sais que trop bien.

— Aussi vais-je te donner ce conseil. Ne joue pas avec elle parce que je serais dans l’obligation de te casser la gueule. Mais je ne pense pas que Meg tombera entre tes griffes. Elle vient de te rabattre le caquet comme aucune fille ne l’a fait depuis…

Il s’interrompt. Je me crispe, espérant qu’il ne prononce pas son nom, mais il poursuit.

—… Puisqu’habituellement elles se pâment toutes devant ta belle petite gueule. Là, j’avoue me demander comment elle y est parvenue. Il semble que « Choupette » ait bien grandi pendant mon absence. Désolé de te le dire, mais tu n’es pas son genre et encore moins celui qu’il lui faut. Écoute-moi bien, je suis sérieux. Elle est fragile en ce moment. Paul vient de la larguer, ce n’est pas le moment de jouer avec elle.

Je reconnais bien là l’instinct protecteur de mon meilleur ami, toujours prêt à défendre la veuve et l’orphelin. Après tout, il n’est pas avocat aux affaires familiales pour rien ! Je porte mon regard vers la table de Paul qui s’affiche avec sa blonde qu’il m’a fièrement présentée quelques instants plus tôt tandis que nous trinquions au bar. Cette nana n’a pas la classe de Meg et je me demande pourquoi ils se sont séparés. Je suis sur le point de répliquer que je n’envisage pas d’entretenir une relation à long terme, encore moins l’épouser. Il me connaît. Il sait que je suis le mec idéal pour des échanges consensuels si elle veut bien me laisser lui faire découvrir mes talents. Mais je n’en ai pas le temps, car Suzie m’interrompt dans ma tentative d’explications.

— Eh bien voilà ! La discussion est close alors on peut passer à autre chose ?

Robert la regarde médusé, les yeux de Suze brillent de colère contenue.

— Mais qu’est-ce qui te prend ?

— Quoi ? Tu lui as donné un avertissement ! Le message est assez clair, il me semble ! Je me demande bien pourquoi tu veux protéger cette sainte nitouche. À mon avis, elle est assez grande pour se défendre toute seule.

— La sainte nitouche vous remercie. En effet elle peut se défendre toute seule.

Meg se tient devant sa chaise. Depuis combien de temps ? Apparemment suffisamment pour avoir entendu la réflexion de Suzie.

3Savoir se défendre

La sale garce ! Elle ne me connaît même pas. De quel droit se permet-elle de me juger ? À la voir minauder avec Robert, on lui donnerait le Bon Dieu sans confession. Franchement, je devrais cracher le morceau ! Comme ce serait jubilatoire de voir leurs tronches…

Mais non, tu ne peux pas ! Robert ne mérite pas de souffrir !

Trouve le bon moment et fais-lui ravaler son air suffisant ! Tant pis pour les dommages collatéraux.

Trop occupée à faire bonne figure, je ne peux me laisser entraîner dans un débat intérieur qui me tiraille dans tous les sens.

Je dois faire un effort pour affronter à nouveau le duo infernal. C’est difficile, je manque cruellement de confiance en moi. Savoir que j’étais leur sujet de discussion n’arrange pas les choses. Mais la haine est un moteur puissant et je déteste cette femme. Je les déteste tous les deux ! Pourtant je ne les connais même pas ! Robert, visiblement contrarié et agacé, lâche d’une voix lasse.

— Je suis désolé Meg.

Moi aussi je suis désolée pour lui ; sa femme et son meilleur ami le trompent effrontément. Pour une raison que je ne comprends pas, cette femme qui m’a fait un accueil chaleureux en début de repas est soudainement odieuse envers moi. J’ai raté un épisode, c’est sûr ! Je souris à Robert tout en agitant la main, lui faisant ainsi comprendre que ce n’est pas grave, puis fixe Suzie quelques secondes avant de tourner à nouveau mon regard vers mon ami et le rassurer d’une voix plus douce :

— Tu es toujours aussi protecteur Robert, mais je ne suis plus une gamine. Je sais me défendre contre le grand méchant loup, ajoutai-je, fixant intensément Nick tout en affichant mon plus beau sourire.

Ce sourire hypocrite que l’on affiche pour ne pas montrer nos blessures devant des propos grinçants, voire offensants de certaines personnes. Un sourire « à la Gaëlle », celle qui m’a enseigné à me protéger, à mettre ce masque parfois nécessaire, qui me répétait souvent comme un mantra : « Affiche ton sourire commercial, ne baisse jamais la garde, ne montre jamais rien ». Nick soutient mon regard quand il le croise, et il me semble y voir briller comme une lueur de défi.

— Si tu cherches une propriété, Nick, je suis celle qu’il te faut.

Merde, merde et remerde ! qu’est-ce que je viens de lui proposer ? Avec son esprit tordu, il va tourner la situation à son avantage.

Et que nous sachions il n’envisage pas de s’installer dans la région. Mais Meg, qu’est-ce qu’il t’arrive ? Tu parles à tort et travers !

Et bang ! Son sourire s’élargit, une petite fossette au coin de sa bouche se creuse. Et re remerde !

Je ne peux m’empêcher d’être sensible à son air enjôleur et cette fossette craquante. Ce mec est magnifique, un physique de mannequin ! Des traits fins et masculins à la fois, un nez droit, des cheveux bruns faussement coiffés en bataille, des yeux verts et une petite barbe naissante. Ce genre de petite barbe qui donne un air négligé, mais qui en fait n’est pas dû au hasard. Sa chemise blanche cintrée laisse deviner un torse large et musclé, des hanches étroites. Un pantalon de costume gris anthracite complète sa tenue.

Waouh ! Mais qu’est-ce qu’il me prend ? Je n’ai plus déshabillé un mec de la sorte depuis le lycée !

— Je te remercie pour ta proposition, assez claire au demeurant. Mais pour l’instant, profitons de cet agréable repas, me répond-il avec un sourire narquois.

Je m’installe dans un silence gêné, me demandant ce qui m’est passé par la tête pour faire une proposition si inappropriée. Nick ne me quitte pas des yeux, Robert baisse les siens sur son assiette, Suzie me dévisage. Tandis qu’elle me regarde avec insistance, un plan germe dans mon petit cerveau perturbé. Si je tentais de lui piquer Nick ?

Une folie ! Tu n’es pas à la hauteur d’un tel challenge me souffle ma petite voix intérieure.

J’écoute toujours les conseils avisés de ma conscience. Mais cette fois-ci, je me sens confiante et téméraire. Je suis persuadée d’y parvenir, poussée par le fait que l’attention que me porte Nick dérange Suzie, voire l’inquiète. Je me demande bien pourquoi, mais je ne suis pas aveugle, ce mec flirte avec moi ! Pourtant, elle n’a rien à craindre ni à m’envier. Cette nana est canon, super-canon même, dois-je reconnaître, et d’une assurance incroyable que je n’ai pas, c’est évident. Je suis juste une très potable concurrente. Qu’est-ce qui peut bien l’attirer chez moi ? J’ai l’intime conviction qu’il m’a reconnue. Le fait de m’avoir surprise en pleine séance de voyeurisme lui renvoie-t-il une image erronée de ma petite personne ? Seigneur, je me sens honteuse brusquement à l’idée de ce qu’il peut s’imaginer sur mon compte ! Je tente d’occulter sa présence qui me rappelle sans cesse cette scène incroyable en reportant mon attention sur Robert, mon seul allié à cette table.

— Alors, Robert, vous avez réfléchi à l’endroit où vous souhaitez vivre ? Bordeaux ou aux alentours ?

— Aux alentours.

— Bordeaux.

Ce n’est pas gagné et sans surprise ! Je ne connais pas Suzie, mais à ce que j’ai entrevu de sa personnalité, je ne suis pas étonnée. Elle n’ira pas s’enterrer à la campagne, il lui faut être sous les feux de la rampe. Quant à Robert ? C’est toujours Robert ! Les années semblent n’avoir eu aucune prise sur lui ni sur sa notoriété d’ailleurs. Brillant avocat, il fut un temps très médiatisé pour une célèbre affaire défendue et remportée avec brio. C’est à cette époque qu’ils se sont rencontrés avec Suzie. Depuis, Robert s’est désintéressé des affaires criminelles pour se consacrer aux droits des familles, branche de sa profession moins honorifique, mais tellement gratifiante. Je retrouve bien là le compagnon de jeu de mon enfance.

— Meg, tu es bien rêveuse, remarque Robert.

— Excuse-moi. Je n’arrive pas à me débarrasser de ce défaut, un rien me distrait toujours. Je me remémorais le jour où tu t’étais battu avec Ludovic pour m’avoir fait tomber de vélo. Nous étions sur la promenade de Soulac. Il était en colère parce que ta mère l’avait puni. Par dépit, il s’était vengé sur moi. Claire était furieuse contre vous, elle n’arrivait pas à vous séparer. C’était à celui qui donnerait le plus de coups de pied et de poings à l’autre.

Mon ami sourit à ce souvenir tandis que Suzie, la tête baissée, marmonne je ne sais quoi entre ses dents tout en piquant rageusement dans son assiette.

— Tu voulais nous dire quelque chose, Suzie ? demandai-je innocemment, percevant un trouble indéfinissable et parce qu’elle m’agace de plus en plus.

Je suis de plus en plus persuadée que quelque chose cloche, son agressivité à mon endroit grandit. Je ne comprends toujours pas ce subit changement de comportement. C’est sûr, j’ai raté un épisode ! Elle lève les yeux et m’adresse un sourire forcé. Elle aussi connaît « le sourire commercial ».

— Je disais que c’est touchant de vous entendre évoquer des souvenirs aussi… Enfin quoi ? C’est tellement rare une amitié de si longue date. Vous vous connaissez depuis quoi, plus de vingt ans ? Tu ne serais pas un peu amoureuse de mon mari par hasard, ce chevalier sans peur et sans reproche ?

Je blêmis, percevant ses propos comme une insulte adressée à Robert plus qu’à moi-même. Celui-ci n’a pas entendu la dernière réplique de sa femme, il vient de s’éloigner pour répondre au téléphone. Moi, ma colère monte en flèche, j’ai beaucoup de mal à me contrôler et une furieuse envie de mordre. Je suis plutôt du genre à éviter les affrontements, mais si l’on agresse mes proches, je sors mes griffes au point de ressembler à une lionne en furie protégeant ses petits. Ce repas va se terminer en pugilat. Suzie vient de dépasser la ligne rouge. Je me penche pour me rapprocher d’elle et siffle en la fusillant du regard :

— En tout cas, mon amitié est sincère, elle ! J’espère autant que ton amour pour lui ?

Elle recule sur sa chaise. Je viens de lui asséner un uppercut en pleine figure. Elle est K.-O. Je prends mon verre de vin et le porte à mes lèvres pour m’obliger à ne pas poursuivre dans une voie dangereuse pour tous. Nick me regarde, ses yeux lancent des éclairs. Il est visiblement furieux, mais je dois admettre que j’ignore contre qui. Cependant, il ne paraît pas particulièrement inquiet que je dévoile le pot aux roses.

— Ce Château Margaux semble un peu bouchonné, tu ne trouves pas Nick ? Ah, peut-être n’es-tu pas assez fin connaisseur dans ce domaine pour le remarquer ! Je pourrais te faire visiter quelques belles propriétés viticoles, t’initier à l’œnologie, te faire découvrir les beautés de notre terroir ? Mais en attendant, je vais en parler à Éléonore, je crois que ça va beaucoup la contrarier.

Tu lui fais du rentre-dedans, ma parole ! Ce n’est pas toi ça ! Fais gaffe !

Sur ce, j’abandonne les deux amants. Ils en profiteront peut-être pour se tripoter sous la table comme deux adolescents en rut. Je quitte la table non pas pour m’isoler, mais pour jubiler. Parce que moi, Meg l’introvertie, je viens de moucher en beauté cette horrible garce. Je souhaite profiter de cette confiance chèrement acquise avant que Nick ne me déstabilise par une nouvelle réplique.

4Petite mise au point

Incroyable ! Comment la situation avait-elle pu dégénérer ? Je me suis lancé dans une partie d’échecs, et je me retrouve dans un combat de boxe. Je n’aurais pas imaginé voir chez cette nana autant de répondant. Une fille tout en contraste, avec son côté doux, fragile et son côté tigresse. Waouh ! Il vaut mieux éviter ses griffes acérées et sa langue bien pendue !

Je fais pivoter Suze face à moi. Elle devine instantanément que je suis furieux et tente de s’échapper. Je bloque ses genoux entre mes jambes et lui saisis les poignets.

— Mais qu’est-ce qui te prend ? Tu cherches la bagarre ? Suze, regarde-moi, sifflai-je entre mes dents, de plus en plus en colère.

Je déteste me donner en spectacle, mais je ne peux pas la laisser faire. Elle ne connaît pas de limites lorsqu’elle part en vrille. Elle lève vers moi des yeux embués de larmes. Je desserre ma prise et porte le regard au loin par-dessus son épaule pour me calmer. À la table d’honneur, Meg se tient assise près d’Éléonore, elles rient aux éclats toutes deux. J’en suis surpris. Malgré son calme apparent, ses faux sourires, j’ai perçu la colère de Mégane. J’ai songé un instant qu’elle saisirait l’occasion de tout balancer à son amie. Il semble bien que j’aie mal interprété ses paroles ambiguës. Je me suis efforcé de ne pas laisser transparaître mon inquiétude à ce propos, ne souhaitant pas qu’elle puisse l’utiliser contre moi. Mais cette jeune femme semble être telle que Robert la décrit, honnête, généreuse et particulièrement loyale envers ses amis, sa famille particulièrement. Très intelligente, et singulièrement dangereuse pour moi, un mélange explosif. Suze chuchote tout bas d’une voix de petite fille inquiète, je l’entends à peine :

— Tu crois qu’elle sait ?

Qu’est-ce qui peut lui faire supposer que Meg sache quoi que ce soit de notre relation ?

Peut-être tout bêtement ses petites remarques acerbes à peine voilées, couillon ?

Actuellement, je suis le seul à savoir. Je ne souhaite pas que ça change. Je me demande toutefois si Suzie n’a pas tout simplement décodé le sens équivoque de la conversation. Elle est loin d’être sotte, intuitive même pour percevoir certaines nuances. Alors, oui… certainement ! Je reporte mon attention vers elle et lui mens sans aucun scrupule. Je me dois de la rassurer.

— Comment le pourrait-elle, c’est la première fois que nous la rencontrons ? Tu l’as provoquée avec ton animosité à son encontre et ta méchanceté à peine voilée envers Robert. Elle a répliqué ou simplement supposé. Elle est certainement douée pour analyser le langage corporel. Elle est commerciale, ne l’oublie pas, et tu n’as pas été particulièrement discrète.

Elle glousse au souvenir de sa main « s’égarant » sur mon entrejambe.

— Elle était assise en face de nous, je te rappelle. Tâchons de nous comporter convenablement et évite-la pour l’instant. Tu n’es pas dans ton état normal Suze ! Combien as-tu bu de cocktails ?

— Tu crois que je compte le nombre de verres que je bois ? Nous sommes censés être là pour nous amuser ! Râle-t-elle.

— En effet ! Et c’est ce que nous allons faire. Sois gentille avec Robert, s’il te plaît ! Ta remarque était déplacée et très déplaisante.

Je me lève pour me dégourdir les jambes et m’éloigner d’elle. Elle m’agace avec son air de chien battu et ses yeux quémandant une caresse.

— Nick ! Ne m’abandonne pas, souffle-t-elle en s’accrochant à la manche de ma chemise.

— Je vais juste faire un tour, Suze ! Robert revient vers nous. Et arrête de boire, putain ! Tu vas finir par dire et faire des conneries. En prime, je ne comprends pas ce que tu veux dire.

— Tu sais bien ce que je veux dire Nick. Cette Meg… je t’en prie, ne tente rien avec elle.

— Suze, cette fille est comme toutes les autres. Une nana baisable, sexy et plutôt bandante comme j’aime ! Tu le sais mieux que personne.

— Non, c’est faux, tu la dévisages différemment des autres et…

— Arrête tout de suite ! Pas de scène, n’oublie pas notre contrat !

Au fond de moi, je refuse de l’admettre. Mais oui, elle a raison ! Meg n’est pas tout à fait comme les autres. J’en suis déjà convaincu alors que je la connais à peine. Je n’ai pas de réponses, juste une intuition. Suzie est vraiment très subtile pour le percevoir. Je tente de me persuader que cette fille je la veux dans mon lit pour une nuit, puis chacun sa route, que c’est juste le fait qu’elle me résiste qui perturbe mon jugement. C’est pourquoi, malgré le fait que Robert m’ait menacé le plus sérieusement du monde — et Dieu sait si je suis ses conseils habituellement —, j’ai décidé de jouer, de gagner la partie, une partie plutôt prometteuse. Elle ne lâchera pas prise aisément, ne serait-ce que pour me démontrer que je ne suis pas irrésistible et qu’elle sait se défendre des attaques d’un mec dans mon genre. Robert se réinstalle à sa place la mine sombre, sûrement contrarié par cette altercation entre les deux femmes, ou l’appel qu’il vient de recevoir, mais je penche pour la première hypothèse. Je lui donne une petite claque amicale dans le dos.

— Ça va ?

Il hoche la tête en rangeant son téléphone dans sa veste pendant que je m’éloigne en sifflotant les mains dans les poches, le laissant en tête à tête avec Suzie. Pour l’heure, je décide qu’un temps mort s’impose et que je reprendrai la partie plus tard. Ludovic m’apostrophe pour me proposer une partie de billard, et je le suis sans un regard en arrière. Le rire cristallin de Meg sonne à mes oreilles comme une douce musique. Je résiste à la tentation de me retourner.

Les heures s’écoulent dans une douce langueur. Les femmes papotent entre elles, certaines demoiselles flirtent avec des mecs probablement célibataires ou pas. Au fond de la salle, nous nous affrontons bruyamment au billard. Des ados, avachis dans les fauteuils, pianotent sur leurs portables, certainement connectés sur Facebook ou jouant à tous ces jeux débiles proposés sur les réseaux sociaux. Je soupire en sirotant une bière, appuyé contre le dossier d’un canapé, attendant mon tour pour jouer. Il fait chaud malgré la climatisation, j’ai remonté les manches de ma chemise et en ai déboutonné plusieurs boutons laissant entrevoir mon tatouage, ce qui en règle générale excite les filles. Deux adolescentes d’une quinzaine d’années gloussent en me jetant des regards furtifs. Je leur fais un petit signe de la main accompagné d’un clin d’œil. Elles rosissent, détournent le regard, ce qui me fait sourire. Embarrassées et émoustillées d’avoir attiré mon attention, elles quittent la pièce précipitamment en heurtant Meg au passage. Quelques mèches se sont échappées de son chignon et lui caressent le visage. J’ai l’irrésistible envie de les lui glisser lentement derrière les oreilles et lui frôler la nuque. Elle devance mes intentions en réajustant sa coiffure. Elle balaie la pièce des yeux, croise mon regard, s’y arrête brièvement avant de poursuivre sa recherche. J’ai l’impression de voir une lueur amusée dans ses pupilles. Me cherche-t-elle ? Apparemment non.

— Ah, te voilà Ludo ! lance-t-elle en le rejoignant. Éléonore te réclame, on va couper la pièce montée.

— C’est déjà l’heure ? Bon, les gars, on continuera plus tard. Une petite coupe de champagne sera la bienvenue en attendant de reprendre notre partie, ajoute-t-il à l’intention des joueurs.

Tout le groupe le suit, motivé par cette aubaine. Je fais comme les autres, pose ma bouteille de bière sur une table et prends mon temps pour quitter la pièce en profitant du spectacle de Meg qui tente d’inciter les adolescents à nous rejoindre.

— Allez la jeunesse ! les interpelle-t-elle en frappant dans ses mains pour les motiver.

Mais personne ne bouge, les regards rivés sur leurs téléphones. Elle lève les yeux au ciel devant son insuccès, mais n’insiste pas et quitte la pièce, moi sur ses talons. J’en profite pour apprécier ses courbes et fantasmer sur ses fesses. Elle doit le sentir, car elle trébuche. Comme je suis juste derrière elle, je l’empêche de tomber en la rattrapant par la taille d’un geste ferme et l’attire contre ma poitrine. Je sens son dos nu contre mon torse partiellement découvert. Un frisson me parcourt tandis qu’une étrange sensation m’envahit. Je la maintiens contre moi, respire le parfum de ses mèches rebelles qui effleurent mon visage retenant mon souffle. À ma grande surprise, elle ne se dégage pas immédiatement. J’apprécie cet instant magique, écarte mes doigts posés sur son ventre pour la tenir au plus près de moi. J’ai une folle envie d’embrasser le creux de son cou et d’en lécher son petit grain de beauté. Je ne souhaite pas rompre le charme. Je ne comprends pas ce qui m’arrive. Ces sensations ne ressemblent en rien à celles que j’ai pu connaître jusqu’à présent. Lorsqu’une fille colle ses fesses sur ma bite, mes réactions sont d’ordinaire plutôt primaires. Maintenant aussi, je bande bien évidemment, mais je ne sais comment décrire ce quelque chose d’autre qui me met en émoi.

5Évitement impossible

Je suis presque parvenue à oublier Nick, passant tout le reste de l’après-midi avec Éléonore et Lucille, évitant ainsi délibérément mes compagnons de table et cette peste de femme. L’heure de déguster la magnifique pièce montée vient de sonner, je propose mon aide à mon amie. Bien que des serveurs s’occupent de tout, Éléonore souhaite superviser ce moment précis. Elle m’envoie chercher Ludovic que nous n’avons pas vu depuis des heures.

Je le retrouve jouant au billard avec quelques amis et Nick. Un Nick nonchalamment appuyé contre le dossier d’un canapé, ses longues jambes allongées devant lui, une bouteille de bière aux lèvres, sa pomme d’Adam bougeant au rythme de ses goulées dans un geste très sensuel. Sa chemise ouverte laisse entrevoir ses pectoraux magnifiquement dessinés, la blancheur du vêtement accentue son bronzage et l’on entraperçoit un tatouage. Deux gamines, subjuguées par ce spectacle, me bousculent en quittant la pièce, gloussant comme de jeunes dindes. Moi-même, je me retiens de baver devant ce spectacle particulièrement sexy. Bon Dieu, je suis aussi atteinte qu’elles et je n’ai pourtant plus quinze ans ! Je détourne rapidement le regard. Pas assez vite, il m’a surprise le reluquant. Et zut ! Je sors de ma torpeur et me précipite à la rencontre de Ludovic pour l’informer que sa femme l’attend. Au passage, je tente de motiver la bande d’ados vautrés sur les fauteuils, mais rien ne les intéresse hormis leurs téléphones. Quelle génération ! J’abandonne.