Un avenir à construire ensemble - Jean-Claude Bidaux - E-Book

Un avenir à construire ensemble E-Book

Jean-Claude Bidaux

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Beschreibung

Matérialisme et individualisme, que notre société a privilégiés, aimeraient bien accueillir maintenant transhumanisme et intelligence artificielle. La transition sociale et environnementale que nous avons à faire devra au contraire s’alimenter de nos facultés psychologiques et spirituelles, nos véritables moyens d’évolution. La technologie nous a certes apporté des progrès mais elle n’a pas empêché la débâcle mondiale qui se présente déjà. Et donc cette transition, pour être réussie, va nous pousser à coopérer, soit à sortir de nos barrières individualistes.
Pour cela nous ne manquons pas de bonnes intentions. Mais quand nous voulons les mettre en pratique nous butons souvent sur l’obstacle du hiatus, sorte de frein qui s’exerce quand nous percevons, pour nous-mêmes ou pour notre entourage, des inconvénients – des pertes et des peurs – à faire ce que nous souhaitions.
Dépasser le hiatus permettrait de progresser dans notre rapport avec les autres et de compléter le développement personnel (qui permet certes de gagner en maturité mais reste individuel) par une démarche de développement collectif.
La transition à faire va nous amener à choisir collectivement une nouvelle direction de société (non transhumaniste et respectueuse de l’environnement) qui soit, dès le départ, libérée de la puissance attractive de l’argent, laquelle est destructrice des rapports sociaux et du bien-être des laissés pour compte.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Claude Bidaux a fait grosso modo ce parcours puisqu’ingénieur au départ (donc bien dans le matériel), il a ensuite écouté son intuition qui le guidait vers la qualité du décor et a ainsi réalisé ses agencements d’intérieurs de maisons en formes courbes. Puis la voie était libre pour toute l’attention à accorder à ce que nous vivons dans cette société où les puissants tirent la couverture à eux, ignorant tous les autres et notre maison commune : le monde.

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Jean-Claude Bidaux

Un autre chemin pour l’avenir… aux antipodes du transhumanismePréfacé par Olivier Giscard d’Estaing

***La Compagnie LittéraireCatégorie : essai

www.compagnie-litteraire.com

Exergue

Si je savais quelque chose qui me fût utile

et qui fût préjudiciable à ma famille,

je la rejetterais de mon esprit.

Si je savais quelque chose utile à ma famille

et qui ne le fût pas à ma patrie,

je chercherais à l’oublier.

Si je savais quelque chose utile à ma patrie

et qui fût préjudiciable à l’Europe,

ou bien qui fût utile à l’Europe et préjudiciable au genre humain,

je la regarderais comme un crime.

Montesquieu

Histoire véritable, vers 1731

Remerciements à

Armelle Thomas, Cédric Arnaud, Christiane Lambert, Christine Langlet, Gil-Bruno Baud-Saurus, Gregg West et Nicole Moussier

pour leur relecture attentive et leurs avis pertinents dans un contexte d’échanges amicaux et chaleureux.

PréfaceVoici un livre majeur...

Le travail, le génie et les comportements humains ont transformé lesconditions de vie sur la planète. En bien et en mal.

Le monde a changé grâce à l’imprimerie de Gutenberg (env. 1450), à la machine à vapeur de Denis Papin (1647-1713), à la conquête des océans et de l’espace, avec les aventures de l’aviation, des satellites, la présence de Neil Armstrong sur la Lune et maintenant, Franky Zapata, l’homme volant dans les airs, grâce enfin à la naissance et à l’immense croissance des industries. Maintenant le monde est bouleversé par l’informatique, la cybernétique et d’inimaginables découvertes scientifiques.

Depuis le milieu du XXe siècle ces changements ont pris une telle ampleur et une telle rapidité, accompagnés de leur mondialisation, qu’il en résulte une impossibilité à la fois de les maîtriser et de supprimer leurs atteintes à l’environnement et à la vie, celle des êtres humains, des animaux et de la nature.

Il en résulte aussi une remise en cause de la démocratie et des gouvernements, quotidiennement accusés d’incompétence et de corruption.

L’apparition du transhumanisme, annonçant que les machines se substitueront à l’homme, dans son travail et sa vie culturelle, amplifiant d’inacceptables différences entre les humains et entre les continents, mérite un examen et des remèdes. Les pessimistes y voient une déchéance, les optimistes, un progrès et les réalistes, des inquiétudes et des propositions.

Le remarquable ouvrage de Jean-Claude Bidaux ne se contente pas d’un survol général de ces problèmes fondamentaux, mais il s’attache à analyser les comportements individuels et collectifs, dans leurs vices et leurs mérites, et àproposer les changements pour sauver l’homme et la planète. Je n’en ferai pas ici le résumé, il faut le lire; mais je voudrais indiquer un certain nombre de thèmes où ses engagements peuvent faire l’objet de vastesdébats.

Les humains vont-ils être dépassés par les outils que la science leur procure, dont la capacité et la rapidité sont supérieures à celles de leur cerveau? Cela dépend de l’emploi qu’ils en feront : ainsi un couteau sert à couper le pain; il peut aussi être utilisé à éventrer son voisin.

Les humains vont-ils être à même de remplacer leur appétit d’argent, leurs égoïsmes et leurs ambitions par un sens de leur responsabilité?

Les nations sauront-elles éviter de maintenir leur orgueil, leurs rivalités et leur égocentrisme pour aborder et gouverner ensemble la planète, aulieu de se faire une concurrence désordonnée qui les conduit à des guerres froides ou dramatiques?

Heureusement, ceux qui consacrent leurs efforts à corriger ces maladies du monde sont innombrables; leur formation, leur dévouement, leur expérience et leur connaissance des messages historiques sont à la base de leurs comportements.

Siddhartha Gautama a enseigné la sagesse et la méditation, Jésus-Christ, l’amour et la prière, Mahatma Gandhi, la non-violence, mère Teresa, l’infinie générosité et le don de soi, Nelson Mandela a rejeté l’apartheid et promu l’antiracisme; les religions ont enseigné et répandu les vertus de l’altruisme et del’amour.

Des milliardaires américains ont montré l’exemple par leurs fondations dont les moyens considérables contribuent à lutter contre la misère, à favoriser l’enseignement, à investir dans la recherche, à améliorer la santé et à lutter contre les atteintes à l’environnement.

Jean-Claude Bidaux propose « un autre chemin pour l’avenir », reposant sur l’ouverture spirituelle et la concertation, façonnant de nouveaux comportements. Il combat le poids excessif de l’argent, de l’orgueil et de l’ambition, il réagit contre nos peurs et les forces des habitudes.

Si l’argent est utile, il est nuisible; il récompense le travail mais entraîne jalousie et tromperie; son acquisition ne tient pas compte des intérêts collectifs : la maximisation du profit se ferait au détriment des employés et engendrerait des politiques commerciales basées sur leur rentabilité et non sur leur objetsocial.

En réalité, tout ceci peut être corrigé par une gestion économique équitable tant dans les entreprises que dans les fonds publics.

La concertation est l’outil essentiel de la démocratie, dont le nom d’origine signifie le pouvoir du peuple : c’est celle des élections et des référendums, des activités parlementaires, celle organisée dans les conseils économiques et sociaux régionaux, nationaux et celui de l’Union européenne. Mais il lui manque une double dimension : la globalité des sujets et l’universalité des consultations, comme pourrait le faire un conseil économique et social mondial.

L’ambition, autre moteur d’action, est stimulante, souvent excessive et trop orgueilleuse. Elle fait ressortir les inégalités contre lesquelles certains remèdes conduisent à l’élimination des élites dont on abesoin.

C’est par une ample concertation organisée et mondiale que l’auteur propose d’analyser tous ces problèmes. Il cite l’exemple d’une dizaine d’ateliers qui s’y consacrent (dont cinq ont une présence internationale).

Puisse-t-il être entendu.

Olivier Giscard d’Estaing, août 2019

Avertissement à propos du «nous »

À travers le mot « nous », très utilisé dans le texte qui suit, je m’adresse à chacun(e) parmi vous. Mais cela peut être perçu comme vague ou indéterminé, d’autant plus que « nous » n’avons pas les mêmes positions sociales.

En fait, il y a le « nous » valable pour tout être humain, en deçà et au-delà des frontières et des situations sociales, quelles qu’elles soient, et le « nous » plus spécifique aux populations plus engagées dans la culture scientifique et la disposition de moyens financiers plus conséquents, comme c’est le cas notamment en Occident.

Mais je ne peux à chaque fois préciser à qui je m’adresse exactement. Ce sera donc à chacun et à chacune de vous d’attribuer correctement ce « nous », à ce qui semble vous convenir.

Préambuleà propos du transhumanisme

J’avais imaginé auparavant qu’un texte intitulé « 30 jours... pour ouvrir sa Conscience » pouvait contribuer à stimuler un changement de société, afin de se positionner autrement que dans cette course à « toujours plus – toujours mieux1 » qui détruit notre véritable évolution sur cette planète.

J’ai remarqué alors que le transhumanisme, montant en force, était le vecteur privilégié d’une puissante caste financière uniquement préoccupée de sa survie et ignorante de ce qu’est la conscience et notre véritable nature humaine.

Or notre survie à tous et à toutes, en tant qu’êtres humains, ne passe pas par cette technologie et demande que nous soyons très vigilants et vigilantes sur les orientations prises par notre société. Cette vigilance qui manque à nos politiques, trop souvent acquis aux orientations de l’économico-finance mondialisée.

Ma proposition d’ouverture de conscience est donc à l’opposé de celle du transhumanisme, lequel cultive l’« augmentation de l’humain », essentiellement grâce à l’outil numérique2 dont les capacités sont effectivement puissantes et supposées accroître nos performances.

Après la présentation du transhumanisme et les questions que cela pose, j’aborde le fond de mon propos (chap. 1 à 6), à savoir l’ouverture de conscience qui doit mener, dans un premier temps, au développement personnel et ensuite, et surtout, au développement collectif si nous voulons construire ensemble un avenir sain, équilibré et joyeux.

Mais avant de reprendre ce texte, attardons-nous d’abord sur le transhumanisme.

Qu’est-ce que le transhumanisme? Dans un raccourci très éclairant on dit : « Le transhumanisme c’est l’humain augmenté. » Oui, mais alors augmenté en quoi? L’affaire part du postulat que l’humain est mal fait : il est sujet à la maladie, à la colère, freiné dans ses capacités physiques et intellectuelles et, de plus, soumis à la mort. Il s’agit donc d’augmenter nos capacités naturelles, physiques et mentales, de contrôler nos émotions, de supprimer la colère et autres sentiments néfastes à notre performance, et aussi d’augmenter notre durée de vie. Tout ce qui est du domaine du sensible ou de l’émotion, de l’initiative humaine ou de la spontanéité est appréhendé à travers le prisme transhumaniste, comme autant de sources d’erreurs potentielles à éliminer.

Notre corps biologique est donc une malfaçon : la vie est mal faite, jusqu’à dire que l’humain est l’erreur, car il est faible et limité. En fait, l’humain fait honte aux transhumanistes. Ceux-ci aspirent à la perfection, au fonctionnement infaillible et à l’infinité de l’être.

La technologie numérique est l’outil essentiel et indispensable au transhumanisme pour tous ses projets d’augmentation, dont celui d’allongement, sans fin et en bonne santé, de la durée de vie.

« L’humain qui vivra 1000 ans est probablement déjà né »,nous dit Laurent Alexandre3, annonçant déjà la mort de la mort. Et ceci encore : « Aujourd’hui, pour un humain, lorsque le matériel fait défaut, le logiciel – son esprit – disparaît avec lui; mais bientôt nous deviendrons du logiciel, et le matériel sera remplacé. »

Citons aussi l’article 1 de la Déclaration transhumaniste :

« L’avenir de l’humanité va être radicalement transformé par la technologie. Nous envisageons la possibilité que l’être humain puisse subir des modifications, telles que son rajeunissement, l’accroissement de son intelligence par des moyens biologiques ou artificiels, la capacité de modifier son propre état psychologique, l’abolition de la souffrance et l’exploration de l’Univers. »

Les outils du transhumanisme. Les avancées technologiques, depuis deux siècles et notamment depuis plus de 50 ans, permettent de disposer de modes d’action sur le vivant, et maintenant d’outils numériques qui permettent le guidage et la gestion des manipulations projetées (génétiques, neuronales, prothèses numériques...).

Le biologiste britannique eugéniste Julian Huxley (1887-1975) est à l’origine du mot « transhumain ». En 1957, il définit ainsi « un homme qui reste un homme, mais se transcende lui-même en déployant de nouveaux possibles. »

Les outils et procédés du transhumanisme sont divers :

– cyborg, ou organisme cybernétique, être humain qui a reçu des greffes de parties mécaniques ou électroniques,

–biotechnologies : eugénisme, génie génétique et ectogenèse (ou naissance hors utérus féminin),

–intelligence artificielle (IA),

–téléchargement de l’esprit,

–le projet ou la promesse d’immortalité.

Ces techniques se rassemblent dans la convergence NBIC pour souligner l’interconnexion entre :

–N : nanotechnologies, l’infiniment petit,

–B : biotechnologies, la fabrication du vivant,

–I : intelligence artificielle, les machines pensantes,

–C : connexion cerveau-machine / le cerveau humain.

Les NBIC représentent des outils idéaux pour « nous transcender nous-mêmes », car ils permettent de manipuler :

N : les atomes, la matière,

B : les gènes, le vivant,

I : les bits, l’information numérique,

C : les neurones, pour les sensations.

Cyborg. En intégrant les technologies dans son corps, par exemple le bras ionique « branché » au système musculaire ou l’œil augmenté, prévu pour 2027(?), l’homme peut se soustraire à la fragilité de l’existence : les êtres humains deviennent des machines aux pièces interchangeables que l’on pourra sans cesse mettre à jour.

Julian Huxley est partisan de l’eugénisme, l’ensemble des méthodes et pratiques visant à améliorer le patrimoine génétique de l’espèce humaine. Cette amélioration est rendue possible par la modification de portions d’ADN4 de l’embryon, la molécule support d’information génétique héréditaire chez les êtres vivants. La transgenèse permet la modification du génome de l’embryon en vue d’améliorer les fonctionnalités futures. La manipulation génétique5 au stade embryonnaire ouvre donc la porte à l’eugénisme technologique.

Le génie génétique propose la sélection des embryons : autant avoir, si possible, un enfant beau, brillant et en bonne santé.

Associée à la recherche de l’enfant parfait – ou du moins indemne de nombreuses affections graves – l’ectogenèse, autre technique, cherche la reproduction humaine en dehors de l’utérus féminin; il s’agit donc de la procréation d’un être humain qui permette le développement de l’embryon et du fœtus dans un utérus artificiel.

L’intelligence artificielle, dite IA. Avec l’IA nous disposerions de « nouvelles capacités d’intelligence ». Ray Kurzweil (ingénieur-informaticien, star du transhumanisme) prédit que dans vingt ans les ordinateurs pourront développer une intelligence supérieure à celle des humains, ce qui représenterait une rupture, nommée « singularité technologique », car les humains fusionneraient avec les ordinateurs, donnant naissance à une nouvelle espèce : les post-humains.

Dans son livre Serons-nous immortels? (éd. Dunod, 2006), Ray Kurzweil fait aussi cette prédiction : l’IA pourra répliquer la pensée humaine et être téléchargeable, nous rendant par là même immortels. Il prévoit aussi que les ordinateurs auront l’intelligence d’un humain, avec ses émotions, son humour, sa capacité d’aimer; intégrés dans nos corps, car de la taille d’une cellule sanguine, ils nous maintiendront en bonne santé, nous rendront intelligents, et nous connecteront à internet et à des mondes virtuels.

Le cerveau-machine. La connexion entre le cerveau et la machine permettra de corriger le vivant, considéré comme une mécanique sophistiquée mais très imparfaite. Par cette fusion homme-machine nous communiquerons les uns avec les autres simplement par la pensée.

Vingt-cinq experts des neurosciences, de l’IA et de l’éthique écrivent dans Nature : « Grâce à de puissants systèmes de calcul, directement reliés à leurs cerveaux, les gens seront en mesure d’interagir plus aisément avec le monde, si bien que leurs capacités mentales et physiques en seront considérablement améliorées. »

Plusieurs techniques sont proposées :

–recherches sur la fusion entre biologique et informatique : neuroprothèses, prothèses contrôlables par le cerveau,

–superordinateur capable de reproduire la complexité d’un cerveau humain (human brain project),

–uploading ou téléchargement de l’esprit humain,

–simulation de la conscience par ordinateur,

–connexion cerveau-internet par implant (par exemple des implants cérébraux pour changer la personnalité de quelqu’un qui était anormal),

–introduction sous sa peau d’une puce permettant le stockage de données,

–Google prépare une mémoire de substitution, qui va conduire à la création de notre mémoire virtuelle.

Enfin – pour couronner le tout – la vie est vraiment mal faite, puisqu’il faut mourir, mais voici que devient possible...

... La mort de la mort. Et déjà une première étape : vaincre le vieillissement, la maladie; il est possible d’entreprendre des thérapies de rajeunissement, des thérapies géniques. Une autre méthode est celle de la cryogénisation; elle consiste à congeler le corps en vue de sa résurrection. Encore un autre procédé : pour disposer d’une conscience éternelle, il suffit de transférer l’âme d’un individu sur des circuits intégrés, ce qui permet en plus d’assurer un autre transfert en cas d’accident.

Max More, philosophe anglais, écrit : « Mère Nature... Sans aucun doute tu y as consacré le meilleur de tes forces. Mais sans vouloir te manquer de respect, concernant la constitution humaine, tu n’as pas toujours bien travaillé. Tu nous as faits vulnérables aux maladies et aux blessures. Tu nous obliges à vieillir et à mourir juste au moment où nous commençons à atteindre la sagesse. Tu as été avare en nous fournissant une conscience limitée des processus somatiques, cognitifs et émotionnels qui nous concernent... Tu nous as équipés d’une mémoire limitée, de très peu de capacité de contrôle, d’impulsions tribales et xénophobes. Et tu as oublié de nous transmettre le mode d’emploi de notre fonctionnement! Ce que tu as créé est magnifique, mais pourtant profondément déficient. »

Que penser du transhumanisme? Puisque le transhumanisme a la prétention de ne pas s’en tenir au matériel et d’améliorer aussi certains de nos comportements, il convient de faire le point sur ce que nous sommes, autrement dit sur ce qui est constitutif de l’être humain. En fait, nous sommes, chaque personne est une triade constituée de :

–notre corps, ou organisme, aspect matériel fait de substance physique, visible, palpable, odorante;

–notre esprit, qui échappe au matériel, à l’organique et qui contient les valeurs dont nous sommes porteurs6;

–et entre les deux, ni matériel ni spirituel : nos pensées, notre sensibilité, nos impulsions, nos peurs, nos affects..., autrement dit tout ce qui régit notre vie personnelle et affective autre qu’organique et spirituelle.

Cet entre-deux, on l’appelle la psyché7 (ou l’âme, suivant les cultures). Elle est comme un pont qui relie ces deux substances a priori étrangères l’une à l’autre (le corps et l’esprit) et peut donc les associer dans notre vie. Il se pourrait que les transhumanistes n’aient pas cette notion que je nomme triade. Il se pourrait donc que pour eux la colère, les émotions... –qu’ils veulent corriger – soient comme un prolongement du corps physique, donc de même abordables par les techniques numériques.

Ces derniers temps (depuis quelques siècles) nous avons beaucoup progressé (matériellement, socialement, techniquement), mais nous avons aussi beaucoup stagné dans le développement de nos capacités psychologiques et spirituelles. Autrement dit nous sommes très performants matériellement, avec nos techniques d’utilisation de la matière, et globalement très en retard pour le reste – comme si, dans notre évolution, notre psychisme n’avait pas progressé, autrement dit ne s’était pas actualisé.

Il est vrai que nous sommes facilement manipulés par nos émotions, colères et peurs... Mais ces réactions sont-elles vraiment du ressort d’une machine, fût-elle numérique? Et que dire alors de notre vie spirituelle, nos valeurs profondes que nous souhaiterions manifester et que souvent nous ignorons par crainte des conséquences8? Le transhumanisme ne prend pas en compte ces aspects ou y apporte des réponses inadéquates.

Si on peut réparer le corps dans ses atteintes physiques et maladies, on ne peut réparer la psyché dans ses déficiences, seulement l’aider (psychologie, psychothérapie, psychanalyse). Quant à l’esprit, il serait bien naïf de le croire accessible à toutes manipulations qui ne sont que des manœuvres matérielles.

De fait, le « progrès » semble maintenant (en ce premier quart de XXIe siècle) se cantonner essentiellement dans le domaine technique (nouvelles technologies numériques, IA et leurs prolongements). Mais est-ce vraiment du ressort de la technique de créer un humain à la psychologie fabriquée et contrainte à passer par des règles qui sont étrangères à sa personnalité? Notre science et notre technique ne permettent déjà pas, pour ce qui est de notre organisme physique, de modifier le fonctionnement des organes, seulement les réparer. Comment alors pourrions-nous avoir la prétention de changer notre constitution et notre fonctionnement émotionnel (et sentimental tant qu’on y est) sauf à les détruire pour les refaçonner numériquement, donc pour les faire dominer... par quelque entité qui nous serait étrangère!

Et comme le souligne Geneviève Azam (économiste, conseillère scientifique d’ATTAC9) : « La mainmise des humains sur la Nature atteint désormais des échelles gigantesques, puisqu’il s’agit de modifier la planète elle-même avec les projets de géo-ingénierie. Mais elle se double d’une mainmise de la technique sur les humains eux-mêmes. La fabrication de la vie, en décomposant le vivant en cellules, tissus, molécules, tend à réduire la vie en une matière à agencer, en un objet privé de toute subjectivité. »

Et puis cette autre information : on nous dit que des robots pourraient remplacer des artistes!

Quel mépris pour notre condition humaine, quelle négation de notre nature et, en même temps, quelle prétention de vouloir remplacer ainsi notre sensibilité. À moins que ce ne soit tout simplement qu’illusion ou méconnaissance ou... arnaque.

Et maintenant les questions déferlent :

–Serons-nous encore nous-mêmes si, artificiellement, nous infléchissons nos impulsions, nos émotions, voire nos sentiments?

–Pourrons-nous dire alors que nous sommes augmentés et non pas déformés? Que devient alors notre personnalité?

–Et si nous sommes colériques, impulsifs ou soumis... et que cela nous dérange, ne nous revient-il pas, dans une saine conception de la vie et de notre parcours individuel, d’entreprendre en nous-mêmes les changements nécessaires... afin de rester au gouvernail de notre vie?

–Sinon, cela revient à accorder à la technologie le pouvoir de réorganiser notre personnalité, et dans quelle direction10?

–Mais alors à ce stade serons-nous encore humains? À moins d’accepter que le transhumanisme nous expulse intentionnellement de l’humanité.

–N’y a-t-il pas un piège dans ce transhumanisme, celui de se laisser séduire par une machine dont le comportement nous ressemble? Et qui pourrait nous amener à nous extasier : « Ça alors! C’est formidable! »

–Ne pourrait-on dire que le courant transhumaniste suscite, par ses chevaliers servants, des talents de démiurges, ceux de créateurs en mesure de fabriquer un être humain? Vraiment? Non pas, certes, une création complète, partant de zéro, mais le perfectionnement matériel d’un organisme déjà existant.

–N’y a-t-il pas là quelque prétention?

Pour l’avoir il faut déjà être investi, imprégné par le pouvoir et nourri par l’argent abondant qui l’autorise. Et puis, à l’attention des transhumanistes-créateurs, cette question d’une autre nature mais tout aussi importante :

–Et l’amour alors? comment ça marche? – que je complète par celle-ci :

–Comment apprécier un beau paysage, une belle personne, une belle musique quand on est un cyborg?

Questionnement par rapport à la technologie.

Jacques Testart, biologiste et critique de science, dans son livre Au péril de l’humain. Les promesses suicidaires des transhumanistes nous dit (éd. du Seuil 2018, p. 133) :

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