Un malentendu - Frédéric Sandras - E-Book

Un malentendu E-Book

Frédéric Sandras

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Beschreibung

Harris et Aldo, les deux personnages de cette pièce, se rendent à la fête de la Nativité après avoir reçu une invitation de Mad, un individu mystérieux. Leur rencontre déclenche un dialogue existentiel portant sur des sujets profonds tels que le sens de la vie et de l’histoire, le tout dans un décor de plus en plus désertique. La pièce explore les défis de l’existence humaine avec une touche d’absurdité, et l’on se demande si c’est un rendez-vous manqué ou le début d’une comédie humaine entre ces deux protagonistes. Leur retour dans un désert symbolique soulève des questions sur leur destin. Le titre, "Un malentendu", reflète le paradoxe qui règne dès le début de la pièce, annoncé par un jeune aveugle.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Frédéric Sandras rédige ce livre pour donner une forme tangible à sa connexion profonde avec l’existence, une relation transcendante, poétique et spirituelle. Son interaction avec les mots, relevant de l’absurde, l’a inspiré à créer cet ouvrage.


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Frédéric Sandras

Un malentendu

Théâtre

© Lys Bleu Éditions – Frédéric Sandras

ISBN : 979-10-422-1484-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Á la mémoire d'Aline Lagrénée

À la mémoire de Pierre Clémenti

et de José Valverde

ces maîtres de la scène et du théâtre,

À Patrick Mac’Avoy

mon indéfectible souvenir

À Nathalie

pour son accueil et son écoute

L’absurde est donc bien une forme d’humanisme tragique.

Alain Robbe-Grillet

Du temps long pour la parole.

Samuel Beckett

Catastrophe

Votre pièce est difficile à jouer. Les personnages ne sont

pas des êtres vivants.

Anton Tchékhov

la mouette

Personnages

– Petit Sam ;

– Harris ;

– Aldo.

Décors

Acte I – Toile présentant un chemin enneigé avec arbres, et dans une trouée d’arbres, une esquisse de l’ombre d’une maison.

Acte II – un désert.

Action – Harris et Aldo se rendent à un rendez-vous chez un dénommé Mad pour fêter la Nativité.

Entre le paradoxe et l'intrigue, la philosophie a de quoi nous rassurer.

Frédéric Sandras

Acte I

Scène 1

(Nuit. Forêt sous la neige. Un jeune enfant [10 ans] aveugle cherche son chemin. Frappe sur les troncs d’arbres. Bruits sourds. On ne perçoit que la canne.)

SAM (le jeune aveugle)Lumière ! Lumière ! Lumière ! (puis disparaît en coulisses la voix de Sam faiblit) Lumière ! Lumière ! Lumière !

(scène faiblement éclairée. Harris est projeté sur le devant de la scène. Contrôle mal son élan. Tombe à terre. Sa mise vestimentaire est négligée (manteau. Chapeau. Besace en bandoulière et gourde.)

HARRIS : Pourquoi moi ? – (Un temps) – je n’ai jamais fait de mal à personne.

ALDO(depuis les coulisses – compatissant) : C’est bien là ton plus grand défaut. (Aldo se présente sur la scène, dans une jolie mise, qui le distingue de Harris (manteau. Chapeau. Canne. Harris est toujours à terre) Reconnais-le ! (un temps) :

ALDO : Mad nous attend…

HARRIS : Mad Mad ? (se traîne cherche à se relever)

ALDO : Tu es mon invité, ne cherche pas à me tromper en jouant les ignorants tu n'auras rien gagner. Le théâtre, c’est toujours du son pour les ânes.

HARRIS : Tu me l’apprends !

ALDO : Tu n’as rien à espérer.

HARRIS : (se gratte la tête – accomplit quelques pas puis

s’arrête et plutôt en aparté) Espérer ! Moi qui ne crois en rien.

ALDO : (ignorant la réplique de Harris) : C’est toujours de la comédie, on en rit ou bien on en pleure.

HARRIS : Et alors ! Et alors Aldo, je suis libre de rire et de pleurer…

ALDO : Tu n’en tireras aucun profit. Si bon que tu sois, tu reviendras toujours bredouille… un peu plus gâteux.

HARRIS : N’en fais pas tout un drame.

ALDO :(compatissant) Tiens, donne-toi plutôt la peine de te relever. Tu as l’air d’un pauvre sire déchu en train de pleurer sur sa couronne. On a rendez-vous chez Mad pour fêter la Nativité.

HARRIS : Et alors !

ALDO : Aurais-tu déjà oublié ?

HARRIS : (se relève péniblement). Il n’y a pas de lifting pour les morts.

ALDO : Comment les morts ? Que veux-tu me faire croire mon bon Harris ?

HARRIS : (vers le public – à l’insu d’Aldo. – dans la confidence) : Ça commence bien mal. Comment ça va finir ?

Voilà ! Voilà ! Je t’écoute.

ALDO : Le temps n’est pas notre affaire, c’est celui des philosophes et des coureurs de fond.

HARRIS :(en aparté) Un vrai rouleau compresseur. (vers Aldo) Tu es bien bon Aldo, mais on pourrait tout rater.

(Agacement – impatient Harris s’agite)

ALDO(légèrement agacé) : Arrête de t’agiter comme un épouvantail à moineaux, un mal embouché va bien finir par nous tirer dessus.

HARRIS : C’est humain, non ?

ALDO : Pas de faux pas, Harris. Ne réveillons pas nos ennemis.

HARRIS : On ne va tout de même pas à la guerre.

ALDO : La Nativité, ça ne pouvait pas mieux tomber !

HARRIS : Il n’y a pas de quoi en faire tout un plat.

ALDO : Méfions-nous plutôt des mauvaises langues.

HARRIS : Ne sème pas la terreur…

ALDO : La vigilance est la science des forts, comme le silence est le régime des faibles.

HARRIS : Vas-y ta science.

ALDO : Pas de vague à l’âme Harris, nous rendons ce soir un hommage à un Dieu.

HARRIS : Comment à dieu ? Tu plaisantes Aldo… Et alors la Nativité ?

ALDO : C’est son fils bien-aimé.

HARRIS : (estourbi) Comment ! le fils de Marie ! Je ne peux pas te croire…

ALDO : C’est tout ce qu’il y a de plus conforme à sa divine nature.

HARRIS : Tu n’étais déjà pas drôle, maintenant je ne sais plus quoi à attendre de toi. Tu n’es pas meilleur que moi.

ALDO (vers le public) : C’est bon signe. (se signe)

HARRIS : Abrégeons, Aldo…

ALDO : Ne fais pas la mauvaise tête, c’est notre jour de chance.

HARRIS : Ça me fait une belle jambe.

ALDO : On n’a rien à redouter, pas même nos tracas et le silence.

HARRIS : Un silence à dormir debout… Un silence de mort.

ALDO :(découvre le décor) On n'apas de meilleur décor pour le repos de notre l’âme.

HARRIS :(se prête au jeu) Et pas d’autres chemins que la parole de Mad pour relancer nos ardeurs. (Harris est un peu tassé sur lui-même)

ALDO :(dans l’apathie) Redresse-toi. On dirait que tu portes le monde sur tes épaules… pourtant tu n’as rien d’un Titan. Souviens-toi plutôt du bon temps, tu vois ce que je veux dire ?

HARRIS : Tu as toujours autant le vice dans la peau… Tes désirs ne sont pas ceux des autres.

ALDO : Ne cherche pas à gaspiller la soirée.

HARRIS : Que viens-tu encore à me reprocher ?

ALDO : Regarde où tu mets les pieds.

HARRIS : Encore des mots. Comment mes pieds !

ALDO : C’est bon Harris, on n’a pas toujours le choix des mots.

HARRIS : Tiens ! tu me fends le cœur… dieu est mort !

ALDO : ! Quelle mouche t’a piqué ?

HARRIS : N’enfonce pas le clou trop loin.

ALDO : Non ! laisse-toi plutôt bercer par le vent. Ne sens-tu pas ses caresses, sa respiration ? Son parfum… son souffle… ses prouesses.

HARRIS : Je ne sens rien… Je n’entends rien. Je ne vois rien.

J’ai déjà les pieds en compote. Je ne parviens plus à mettre un pied devant l’autre. Voudrais-tu aussi ma mort ?

ALDO :(au public) : Ça commence toujours comme ça. On commence par boiter, puis on trébuche et enfin on se relève… à force d’avoir mal, on finit par oublier sa souffrance… Lui qui est mort sur la croix en connaissait un rayon.

HARRIS : Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts…

ALDO : Plutôt de faire monter la pression, prépare-toi pour la cérémonie en bon invité que tu es, te connaissant, ne te donne pas en spectacle… On te prendrait pour un fou. Tu me ferais honte. (manifeste une joie de façon inattendue)

HARRIS : Pas de sous-entendus Aldo, sois rassuré, autant je peux être fou, autant je peux être un virtuose de la morale.

(Harris tente alors de l’imiter – trébuche, tombe à terre se relève avec peine puis se met à l’écart pour un besoin pressant sous le regard inquiet d’Aldo. Revient là où il était en scène tout en arrangeant son pantalon)

ALDO : Ah mon pauvre Harris ! Mad finirait par déjanter, s’il te voyait traîner la savate.

HARRIS : Traîne-savates, traîne-savates… toi regarde comment tu es fagoté.

ALDO (remets de l’ordre : Oiseau de mauvais augure.

HARRIS (souffre dans ses chaussures) : On n’a pas été fabriqué dans le même moule ni sous la même étoile. Notre différence n’est pas dans nos têtes, mais dans nos chaussures Aldo.

ALDO : Diable, avançons Harris, souffrir c’est de la peine perdue.

HARRIS : C’est bien beau, avançons, avançons… tes paroles collent à mes chaussures, comme du plomb mal fondu…

ALDO(aparté) : Trop beau pour être vrai.

HARRIS (un peu affolé) : Je m’embourbe… C’est un complot.

ALDO : Notre route est toute tracée.

HARRIS : Je ne vois pas le bout du bout. Ni Golgotha.

ALDO (regagnant les coulisses) :Bigre ! tu vas finir par me pourrir la vie.

HARRIS (vers le public) : À quoi bon lui tenir tête ? Ce n’est pas un homme. C’est un faux frère. Un imposteur. Un fourbe ! Il finira bien par le payer un jour… comme tous les tyrans.

(Aldo manifeste son impatience dans les coulisses)

ALDO : Oh ! Oh ! Tu arrives ?

HARRIS : Un peu de patience… n’y a pas le feu.

Bonne mère, que la nuit va être longue.

Bon, allons-y, sans plus attendre.

Essayons de lui faire bonne figure sans ronds de jambe.

(se dirige vers les coulisses lorsque Aldo réapparaît sur la scène)

Scène 2

HARRIS(Harris s’emporte) : À l’école… à l’église… tu mentais. Tu ne reconnaissais jamais tes torts. Tu avais le diable dans la peau.

ALDO : Je ne t’ai jamais trahi… regarde-moi bien dans les yeux. (Ils se regardent un peu agressifs.) Oui, voilà comme ça. Lequel de nous deux venait au secours de l’autre ? (Harris l’interrompt)

HARRIS : Je n’ai jamais cru en ta bonté. Pas plus hier qu’aujourd’hui. Bas les masques.

ALDO (un peu perdu dans sa réponse)  : Je ne sais plus… Je ne peux plus. Comme toi, ne plus croire en rien. Nos chaussures ne sont pas du même cuir… de la même trempe.

HARRIS : Je n’écoute plus. Je n’écoute pas. Je ne veux plus t’entendre. Il fait froid. Nous allons mourir de froid.

Il n’y a plus rien à voir ici. Il n’y a rien à manger, rien à boire. Il fait nuit pour tout le monde. J’ai l’estomac dans les talons.

(Un long silence s’installe entre eux dans le comment faire – faible éclairage sur Harris et Aldo)

Scène 3

Harris rompt le silence, comme sortant d’un long rêve, dans une aura de lumière, alors qu’Aldo est plutôt dans l’ombre.

HARRIS (sur le ton de la confidence et dans la mélancolie) : Je ne reconnais plus les lieux… toutes mes pensées me font de l’ombre. Je crains le vide, avec la nuit ma crainte est encore plus forte. (Courte pause. La scène est totalement éclairée dans le sursaut de Harris) Il n’y a plus d’espoir. Va prévenir Mad.

ALDO : (agacé, mais ne dit rien fait tourner sa canne impatient)

HARRIS : Non, ne le préviens pas. Je ne t’ai rien dit.

ALDO : Cette nuit, nous commémorons sa mort !

HARRIS (élan de surprise et d’incompréhension) : Comment sa mort ? Mad t’a bien invité pour fêter la Nativité ! Oui ou non ? Ou bien tu me mènes en bateau… d’ailleurs pourquoi moi ? Notre route est un vrai chemin de croix, de la vraie rocaille.

ALDO : Un peu de retenue, Harris.

HARRIS : Tu vois le mal où il n’est pas.

ALDO : Un mot de trop, tout pourrait tomber à l’eau.

HARRIS : Ne me pousse pas dedans… (coupure)

ALDO : Notre salut tient à son amitié, ne cherche pas à la briser.

HARRIS : Il n’y a pas que ta parole qui compte !

ALDO (en grand seigneur) : Un peu d’éloquence et de noblesse Harris, tout ira mieux dans le meilleur des mondes.

HARRIS : Le meilleur des mondes ! (la tête entre ses mains) le meilleur des mondes, quel foutoir !

ALDO (se livre aux fantaisies de sa morgue). Non, fait comme moi… du charme, de l’élégance, de la propreté…

HARRIS : Et pourquoi pas la curée… Ne te donne pas non plus en spectacle… je te trouve bien mauvais pour ça.

ALDO : Mais voyons Harris, pense un peu à Mad… réjouis-toi. On n’est pas là pour jouer les dandins.

HARRIS : Ne me fais pas croire que tu couches avec lui.

ALDO : Arrête de lui jeter la pierre, elle pourrait te retomber dessus, et adieu la Nativité, les petits fours et les amuse-gueule

HARRIS (lassitude dans son déplacement) :