Un théâtre sous la neige - Pierre Alexandre Carré - E-Book

Un théâtre sous la neige E-Book

Pierre Alexandre Carré

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Beschreibung

Après tout c'est Noël, tous les rêves sont permis chez les enfants. Pourquoi ne pas avoir le panache de Cyrano de Bergerac, le temps d'une soirée ?

C'est bientôt l'hiver à Gulliver Creek, un petit village aussi méconnu que charmant. C'est là-bas qu'Everett, un adolescent rêveur cherche à donner du sens à sa vie. Passionné par la langue française et les textes, ses parents décident de l'aider. L'inscrire au théâtre ? Peut-être. Trouver des amis proches et apprendre à aimer plus qu'on ne le pensait ? C'est possible...

En attendant, il y a un défi est de taille : Gulliver Creek n'a pas de spectacle à proposer pour les fêtes. Il décide d'en écrire un dans le plus grand secret au sein même de son lycée. Cette affaire n'est pas de tout repos surtout quand les doutes s'en mêlent : musique, costumes, dialogues… il faut penser à tout, presque sans un sou.

L'Horloge tourne... c'est l'heure de la première, de l'espoir pour le jeune homme avant que des choix ne s'imposent à lui

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né à Amiens, en Picardie, Pierre Alexandre Carré a passé son enfance dans le Nord de la France avant de découvrir, à l’adolescence, le Pays Basque, son climat et ses richesses culturelles. Ces deux territoires ont profondément façonné son parcours.

Après des études en commerce, marketing et communication, il s’est donné pour objectif d’intégrer le monde de la presse. L’écriture a toujours occupé une place centrale dans sa vie, nourrie dès l’enfance par les aventures d’Harry Potter et la saga littéraire La Croisée des Mondes de Philip Pullman.

En 2020, en pleine crise sanitaire, il devient correspondant local pour le journal Sud-Ouest, avant de couvrir le championnat de hockey sur glace à Anglet. Ces expériences, marquées par des rencontres avec des personnalités enthousiastes, sportives et engagées, l’ont profondément touché et lui ont donné l’envie de raconter.

Depuis toujours, la période de Noël représente pour lui des moments simples et précieux, partagés avec ses proches. C’est dans cet esprit qu’il a décidé d’écrire son premier roman, "Un théâtre sous la neige".

À travers cette œuvre, il rend également hommage à sa famille, à ceux qui croient en lui, ainsi qu’à la commune de Cambo-les-Bains, où le destin d’Edmond Rostand continue de l’inspirer chaque jour davantage.

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Veröffentlichungsjahr: 2025

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Couverture

Page de titre

 

 

 

Un théâtre sous la neige

 

 

de Pierre Alexandre Carre

 

 

 

 

 

 

 

 

Le temps d’un roman

Editeur

Collection «Roman»

 

 

 

1.

 

Quelques mois avant Noël…

C’était la mi-Septembre et le paysage du village de Gulliver Creek changeait dejà. Les enfants ne se souciaient plus de la rentrée et ils profitaient tous de la couleur orangée qui parcourait les feuilles des arbres. L’automne qui se profilait allait être « ensoleillé mais froid » selon la chaîne météo qui tournait en boucle à la maison.

Everett Sinclair étudiait constamment les mouvements de la nature. Ses professeurs voyaient en lui un élève prometteur mais inconstant. Son comportement lui valait d’être régulièrement convoqué avec ses parents dans le bureau du directeur, Calum Chambers.

Le mercredi après-midi, Everett s’échappait des cours de mathématiques pour se rendre à quelques kilomètres de son lycée. Comme chaque année, un chemin caillouteux bordé de vieux arbres lui permettait d’être isolé, loin de cette matière qui torturait son esprit. Il posa son vélo près de son arbre préféré, à l’écorce un peu usée et qui laissait filtrer les rayons du soleil.

Il tapa dessus avec vigueur et avec un grand sourire lui parla comme s’il était son seul ami.

- Tu m’as manqué mon vieil arbre. Tu sais bien que je ne peux pas venir te voir souvent… mais dès que l’automne pointe le bout de son nez, j’ai hâte de te retrouver…

Il prit son sac à dos en cuir et fit glisser la fermeture éclair. Il en dévoila un épais livre noir à la couverture biscornue et tourna frénétiquement les pages. Elles étaient toutes plastifiées.

- Mon vieux, tu m’as toujours donné tant de feuilles. Je ne désespère pas de pouvoir toutes les présenter au musée d’histoire naturelle de la ville. Quand j’y pense, tu connais mes secrets…

Il s’asseyait dans l’herbe humide en posant sa tête contre le tronc tout en fermant les yeux. Il prit une profonde inspiration.

- Tu sais que j’aime mes parents mais ils sont parfois étouffants. Parlons du lycée aussi tiens. Il ne se passe pas une journée sans qu’on me rappelle ce que je devrais faire. Alors, qu’est-ce que tu me conseillerais de faire ?

Bien entendu, l’arbre « sans nom » ne lui avait jamais répondu mais il avait une action positive sur son jeune allié. Même si les végétaux ne seront jamais doués de parole, la vie coulait en lui. Sinon comment expliquer qu’à chaque saison, les couleurs et la pousse des feuilles varie ?

Le temps était comme suspendu mais au bout d’un moment, il regarda sa montre qui indiquait dix-sept heures. Rappelons qu’à cette époque, les téléphones portables n’existaient pas encore. Everett savait que s’il ne rentrait pas très vite chez lui, les réactions de ses parents seraient terribles…

- Merci de m’avoir écouté mon pote. Je reviendrai très vite mais tu sais comment sont mes parents, je dois vite rentrer. Je t’embrasse.

Il enfourcha son vélo rouge et dévala la pente à toute vitesse pour revenir des routes en lacets. Au loin, il entendit quelques klaxons de voiture.

- Ce n’est pas pour moi j’espère… je fais toujours attention… murmura-t-il

Quelques minutes plus tard, après un dernier dérapage digne des plus grands films d’action, il se précipita dans l’allée de garage de sa maison. Il scruta l’entrée et rien ne bougeait. Ses parents n’étaient pas encore rentrés.

- J’ai encore le temps de prendre une douche… continua-t-il

Son jean bleu était tacheté de boue, ses baskets grises étaient devenues noires et son long manteau polaire était humide. Il plongea sa main au fond de sa poche gauche pour en sortir une petite clé étroite et dorée. Il l’enfonça dans la serrure jusqu’à entendre un petit « clic » et la porte s’ouvrit.

Il jeta son pardessus sur un porte-manteau à proximité et grimpa les marches de l’escalier en vitesse pour y jeter son sac sur son lit. Dans le couloir, la porte en face menait directement à la salle de bains qu’il déverrouilla.

Le poste radio situé sur le meuble près de la cabine de douche était son second ami. Il l’alluma et les premières voix s’élevèrent. Il s’agissait encore d’un débat de football à propos des performances du PSG. Dans la cabine, il fut parcouru d’un frisson lorsqu’il posa ses pieds sur le marbre froid. Son corps se réchauffa instantanément au contact de l’eau chaude.

Dix minutes plus tard, il se sentait mieux, propre et coiffé. Il enfila son tee-shirt préféré à l’effigie des « Houston Rockets » et un short gris. En redescendant, il prit sa paire de chaussons dans le placard situé sous l’escalier.

Dans la cuisine, on entendait seulement le bruit de réfrigérateur qui maintenait les produits à bonne température. Il ouvrit le micro-ondes et en sortit une brioche réalisée par sa mère. Il prit un couteau et en coupa une tranche avant d’y rajouter une bonne dose de confiture à myrtilles.

Il se déplaçait prudemment jusqu’au salon pour regarder par la fenêtre à l’extérieur. Les herbes hautes du jardin étaient balayées par le vent et les éclats du soleil brillaient comme un lustre. Ce qu’il n’avait pas encore vu, c’est qu’une jeune fille le regardait juste en face. Depuis sa chambre, elle n’arrêtait pas de le fixer.

Quand il s’en est aperçu, il referma vite le rideau et s’affala dans le canapé. Peut-être n’aurait-il pas dû partir sans rien dire mais la fatigue resserrait son étreinte et il s’endormit.

Nul ne sait combien de temps il avait fermé les yeux. Ses rêves étaient à la fois beaux et aléatoires dans lesquels il se voyait apprécié voire estimé pour son travail de préservation de la faune et de la flore.

Quelque chose lui intima de se réveiller. Un souffle chaud et l’impression de regards insistants. Il tenta d’ouvrir les yeux pour diminuer son impression d’épais brouillard et il ne s’était pas trompé. Deux personnes l’observaient.

- Maman… Papa… dit-il avec surprise
- Bonjour, fiston. Bien dormi ?
- Je peux vous expliquer….
- Nous voulons. D’ailleurs, nous revenons du lycée ou Monsieur Chambers nous a appelé.
- Vous n’allez pas croire Monsieur Chambers. Il me déteste depuis mon arrivée !

Il savait que ses protestations ne changeraient rien. Il regarda Magda et Brandon Sinclair se lever et le regarder d’une manière menaçante.

- Quand on paie pour le lycée, c’est pour y recevoir une éducation !
- Je m’ennuie là-bas…
- A 17 ans, il faut se construire un savoir et une opinion. Tu ne peux pas choisir tes matières, ce n’est pas possible. C’était dejà le cas l’année dernière. Tu n’as rien appris de ce que nous avons dit.
- Je ferai des efforts…
- Avec ta mère, nous ne comptons pas nos heures pour t’offrir ce qu’il y a de meilleur !
- Le problème, ce n’est même pas tes notes, c’est ton comportement. Tu travailles mais tu t’en fous.
- As-tu un problème d’inattention Everett ? Tu peux nous parler de tout…
- Non mais… parfois, je m’intéresse à la nature, à d’autres choses….

Il commençait à rougir, Magda et Brandon se regardaient.

- La nature n’a rien te donner pour le moment mon garçon. Ce sont les choses utiles qui te permettront d’avoir un salaire…
- Je suis encore jeune, Maman. Laissez… laissez-moi respirer.
- Voyez-vous cela. Ce jeune homme veut respirer… file dans ta chambre et ne descends que lorsque l’on t’appelle !

Everett se leva et se dirigea vers l’escalier en baissant la tête. Il monta bruyamment les escaliers avant de claquer sa porte. Il se jeta sur son lit et des larmes commençaient à perler sur ses joues.

Ses parents se dirigèrent vers le salon en soupirant. Ils s’asseyaient avec la ferme impression qu’ils ne réussiraient pas à convaincre leur fils de se concentrer.

- Le pire, c’est qu’il n’est même pas stupide. Quels parents peuvent se plaindre de ses excellentes notes ? Personne. Ce garçon n’est pas comme les autres, j’ai l’impression qu’il a besoin d’un loisir qui pourrait l’émanciper et l’intéresser dit Brandon
- Tu penses à quoi en disant cela mon chéri ?
- C’est sûr que ce ne sera pas un professionnel des maths, je pense qu’il a les capacités pour se plonger dans les livres et le théâtre…
- Tu penses qu’il peut devenir écrivain ?
- Il faut d’abord éviter de lui mettre la pression. C’est vrai, c’est encore un adolescent. Il a encore tout une vie à construire… alors…

Quelques heures plus tard, la nuit était tombée. Everett avait encore les yeux rougis par sa peine mais il se redressa. Au rez-de-chaussée, il entendait encore ses parents discuter. Il décida d’ouvrir délicatement la porte et d’aller les écouter en s’installant sur les marches.

Le lustre éclairait leurs visages et il observa qu’ils n’avaient aucune inquiétude. Au fond, même s’il n’en faisait qu’à sa tête, il les aimait et c’était bien suffisant. Une crampe à la jambe avait bien failli le faire remarquer. Il s’apprêta à retourner se coucher quand il entendit :

- Tu veux qu’il fasse des cours de théâtre ? demanda Magda
- Exactement, je suis sûr que ça peut être intéressant pour lui.
- Tu sais combien ça coûte, tu as vu les prix ?
- Non mais je pense que nous pouvons nous arranger avec le directeur…

Magda arrangea sa mèche de cheveux et disparut du champ de vision d’Everett avant de revenir, une mallette à la main gauche. Elle l’ouvrit et Everett remarquait qu’elle tremblait. Brandon coupa net son geste. Magda lui transmit une lettre. Everett se pencha pour tenter d’apercevoir un détail, sans succès. Tout ce qu’il a pu entendre c’est :

- Qu’importe notre situation financière, nous aiderons ce petit

Pour la première fois, Everett ne ressentait plus la traditionnelle colère que chaque adolescent peut ressentir au moment de grandir. Il ressentait de la compassion et s’interrogeait sur ce que venait de dire son père. La famille Sinclair avait-elle des soucis financiers ?

Sur cette question, il décida d’aller dans sa chambre et de recouvrir sa tête avec sa couverture comme pour mettre fin à une journée qui lui semblait une éternité.

Le lendemain matin, à la suite de cette « discussion parentale », Everett se sentait en pleine forme, prêt à retourner au lycée. Il s’installa sur un tabouret pour déjeuner avec deux muffins et un bol de lait de soja. C’est Magda qui le découvrit en premier.

- Eh bien, fiston. Tu es bien matinal !
- Figure-toi que j’ai bien dormi Maman. Aujourd’hui, je suis prêt à soulever des montagnes !
- Tant que tu ne te fais pas convoquer tous les jours, ça nous va ! ajouta Brendon
- Salut Papa. Ne t’inquiète pas.
- Nous connaissons le bureau du directeur mieux que n’importe qui maintenant.
- Avant que tu ailles en cours, il faut que l’on te parle… demanda Magda

Il voyait bien à l’intensité de son regard que c’était particulièrement important.

- Ta mère a raison dit Brendon en buvant un verre de jus d’orange
- Oui ? Je vous écoute ?
- Everett. Tu as d’excellentes notes. Le problème ne vient pas de ton travail comme nous l’avons dejà dit…
- De mon comportement, je sais ça oui….
- Nous pensons que pour t’aider à travailler ta concentration, tu pourrais…
- Prendre des cours de théâtre ajouta Brendon.

Les révélations de ses parents n’étaient pas un choc pour lui mais il ne pouvait le montrer.

- Des cours de théâtre, vous êtes sûrs ?
- On se base sur nos ressentis et sur le fait que de nombreux jeunes commencent à s’intéresser à la littérature.
- Tu aimes les livres n’est-ce pas Everett ? demanda Magda avec un sourire
- Bien sûr Maman. Je trouve que j’y apprends plein de choses !
- C’est bien ce que nous pensions. A Tonamond Collège, il y a bien des cours non ?
- Oui mais il faut s’y inscrire en début d’année….
- C’est là que notre rôle est important. Monsieur Chambers est conscient de ton potentiel. Il peut t’inscrire si en échange tu…
- Je, quoi ?
- Tu t’excuses dit simplement Brendon.

Les derniers mots de son père sonnèrent comme un uppercut.

- Je dois m’excuser de quoi ?
- Tu dois simplement te montrer plus attentif en cours, c’est ce que ton père veut dire.
- Tu n’as pas vraiment le choix coupa Brendon.
- Fais-le ce matin et tu verras ce que Monsieur Chambers va te dire.
- Mais enfin Maman…
- Tu nous raconteras ce qu’il t’a dit. Souviens-toi que l’on sait tout maintenant

Son père souriait et Everett se sentait vexé. Brendon regardait sa montre.

- Petit, il est 8h20. Tu vas être en retard non ? dit-il avec un clin d’œil.
- Oui, j’y vais, j’en ai assez entendu
- Mon grand, tu comprendras plus tard. On compte sur toi !

Everett se leva de la chaise tout en contenant sa colère et il leur adressa un geste de la main.

- Ne claque pas la porte s’il te plait ! dit Magda
- Ne t’en fais pas chérie, il s’adapte toujours très bien.

Il revenait dans la maison à toute vitesse et ouvrit la porte avec fracas.

- Désolé, j’ai juste oublié mon sac… je…
- N’oublie pas ta tête non plus ! dit Magda en souriant
- A ce soir !

Everett sprintait jusqu’à la station de bus située à 700 mètres et il regarda sa montre qui indiquait : 8h30. Dans exactement, une dizaine de minutes, le bus allait arriver pour le mener jusqu’à Tonamond Collège. Son sac était secoué dans tous les sens et il redoutait l’état dans lequel il allait retrouver ses cahiers.

Enfin l’arrêt de bus aux vitres taguées se profilait. Il allait pouvoir reprendre son souffle et observer comme toujours le paysage. Il allait rarement dans cet endroit mais il reconnaissait que le travail d’un artiste le touchait beaucoup. Sur un mur de briques rouges juste derrière lui, une fresque gigantesque de « Captain America » brandissant son bouclier l’inspirait.

- Ce type me donne toujours de la force c’est incroyable pensa-t-il
- Excuse-moi mais tu parles tout seul ?

Everett n’avait jamais entendu cette voix auparavant. Ce ton presque hautain le faisait sortir de ses pensées les plus positives. Lorsqu’il tourna la tête en sa direction, il fut surpris de voir autant de gentillesse, de charisme et de froideur sur un seul visage. D’ailleurs, celui-ci ne lui était pas si étranger. Il lui répondit poliment :

- Pardon ?
- J’ai dit : tu parles tout seul ?
- Je suis parfois dans mes pensées, c’est vrai dit-il en rougissant
- Ce n’est pas grave. On fait tous ça parfois dit-elle en souriant
- Je t’ai dejà vu quelque part.
- Moi aussi. Je sais que tu me regardes, c’est moi la fille a qui tu fermes le rideau quand tu regardes dehors.

Devant l’incrédulité d’Everett, la jeune fille tendit sa main.

- Moi, c’est Violette et toi ?
- Everett, Everett Sinclair.
- Enchantée, Everett. Regarde le bus arrive !

Un bus jaune typiquement américain où il était inscrit « School Bus » arriva en trombe. Il dégageait de fortes odeurs de pot d’échappement. Le chauffeur fit coulisser la porte d’entrée et leur adressa un grand sourire.

- En voiture les jeunes ! Vous allez bien au Collège ?
- Bien sûr Monsieur ! répondit Violette

Ils allèrent s’installer à la dernière rangée juste avant le fond du bus. Il y avait bien longtemps qu’Everett n’avait pas été installé sur des sièges aussi inconfortables.

- Tu peux venir près de moi, je ne vais pas te manger ! dit Violette
- D’accord, c’est si gentiment proposé…. Excuse-moi de te dire ça mais tu es aussi à Tonamond Collège ?

Le bus démarrait en trombe.

- Je suis arrivée l’année dernière. A vrai dire, j’ai une vie assez compliquée.
- C’est-à-dire ? dit Everett avec curiosité
- Disons que mes parents aiment beaucoup voyager alors je ne suis jamais présente bien longtemps au même endroit.
- Comment tu fais pour t’en sortir et avoir les diplômes que tu mérites ?
- Je me concentre sur l’instant présent, on verra bien.

Soudain, une balle de baseball rebondit sur la vitre. Everett et Violette se fixent du regard.

- Tu en as pas marre de ces enfants gâtés ? demanda Violette
- Au bout d’un certain temps, je ne fais plus attention. J’essaie de faire ma vie tranquillement.

La discussion continuait mais elle fut une nouvelle fois interrompue par le chauffeur qui les regardait dans son rétroviseur.

- Dites-moi les petits, nous sommes arrivés. Vous pouvez descendre.
- Excusez-nous Monsieur. On y va.
- Pas de problèmes, bonne journée les petits et peut-être à ce soir !

Le chauffeur referma les portes derrière lui et redémarra en trombe. Son départ provoqua un courant d’air dans les cheveux de Violette tandis qu’Everett ajustait son sac. Le portail métallique était grand ouvert et ils pénétraient ensemble dans la grande cour.

A l’ouest, des élèves écoutaient leur professeur au moment de creuser dans un potager aménagé qui devait servir à alimenter le collège en produits de proximité. Plus à l’Est, d’autres construisaient des cabanes.

Tous les cours commençaient à neuf heures et chaque élève se pressait dans les couloirs pour rejoindre sa salle. Ces situations faisaient transpirer Everett qui ne pouvait cacher quelques rougeurs et il se rendit compte que parler à Violette l’apaisait un peu.

- J’ai toujours détesté l’agitation pour aller en cours dit Everett
- Je n’osais pas te le dire mais ça se voit, détends-toi un peu ! répondit Violette
- Alors, tu vas dans quelle salle toi ?
- Je vais à l’étage, j’ai cours d’Histoire.
- Je t’accompagne jusqu’à l’escalier !
- C’est gentil à toi !
- Oh non, ce n’est pas vrai !
- Quoi ?

Everett désigna d’un geste de la tête un homme qui se tenait droit comme i devant lui. Violette savait qui il était et elle rigolait.

- Calum Chambers, le principal du lycée. Qu’est-ce que tu as encore fait ?
- Rien du tout mais bon, si je te dis la vérité… est-ce que tu me jures de garder ça pour toi ?
- Tu peux me faire confiance ! dit-elle d’un ton sincère.
- Mes parents veulent que je lui parle…
- De quoi exactement ?
- Je ne sais pas combien de temps cela va durer mais… si tu veux, on peut manger ensemble ce midi….
- Oui, je t’attendrai devant son bureau dès que ce sera fini.
- Allez vas-y.

Calum Chambers avait un costume gris avec une chemise bleue. Quand Everett s’approcha de lui, il ajusta ses lunettes rondes pour le regarder droit dans les yeux. Ses yeux noirs donnaient l’impression d’aspirer les âmes. Il avait des cheveux frisés poivre et sel impeccablement coiffés en arrière. Cet homme avait du charisme et n’avait peut-être qu’un seul défaut. Il boitait de la jambe gauche.

Il se pencha vers Everett avec un sourire malicieux et s’exprima d’une voix claire :

- Monsieur Sinclair. Quelle jolie façon de démarrer la journée par un entretien en votre compagnie.
- Bonjour Monsieur Chambers. Mes parents m’ont prévenu.
- Je n’en doute pas. Mademoiselle Hutchinson, vous pouvez y aller. Monsieur Sinclair est entre de bonnes mains.

Calum Chambers passa devant lui d’un pas lent en boitant et Everett adressa un geste de la main et il s’engouffra dans un sombre couloir vers lequel il n’était jamais encore allé. Toutes les sections administratives travaillaient ici et bouillonnaient d’idées, les machines à café fumaient et les secrétaires tapaient comme des automates sur leurs ordinateurs.

Le principal ouvrit la porte de son bureau et rentra le premier. A l’intérieur, les dossiers étaient parfaitement classés dans des chemises et d’autres papiers débordaient de sa poubelle. Ses murs d’un aspect jaune citron contrastaient avec la couleur marron de son bureau. Everett avait la sensation d’être dans un gâteau géant plein de limoncello, cet alcool italien que rajoutait sa mère lors du dessert, le dimanche.

Calum se laissa tomber dans son fauteuil en cuir et se redressa en croisant ses doigts. Everett était enfoncé sur une chaise beaucoup plus dure et n’osait pas le regarder dans les yeux. Chambers avait perçu le malaise et dit :

- Je pense que tu es courant de toutes nos conversations avec tes parents Everett.
- Monsieur. Je ne fais rien de mal, je me consacre à d’autres choses.
- En 30 ans d’existence, ce lycée permet le développement de chaque potentiel. Quand je discute de toi avec les autres professeurs, tu as de très bonnes notes mais nous aimerions que tu sois plus concentré.
- C’est ce que mes parents m’ont dit. Vous savez, j’aime simplement la nature, me ressourcer.
- Est-ce qu’avec tout ce que tu fais, tu as une idée du métier que tu voudrais faire plus tard ?
- Je ne sais pas encore. J’aime beaucoup tout ce qui est artistique, c’est reposant.
- Tu voudrais être un artiste c’est cela ?
- Je pense que ça pourrait être une expérience formidable.
- Est-ce que c’est ce que tes parents pensent aussi ?

 

Il marqua un temps d’arrêt et Chambers souriait.

 

- Tu n’as rien à craindre de nous ici Everett. Dans la société, il y a simplement des règles qu’il faut respecter.
- J’essaie Monsieur.
- Est-ce que tu veux un thé ?

Everett n’osait pas l’avouer mais le froid comprimait doucement ses mains depuis le début de l’entretien.

- Ce thé est à la menthe et il te réchauffera
- Merci Monsieur.
- Dis-moi, je vois que tu t’es fait une amie en la personne de mademoiselle Hutchinson ?
- Elle est venue gentiment me parler. Je crois que je l’avais dejà vu quelque part. Je pense qu’elle est gentille mais je ne la connais pas plus que ça.
- Prends le temps, j’ai le sentiment qu’elle pourra t’aider. Est-ce qu’une inscription aux cours de théâtre t’intéresse Everett ?
- Je… je ne sais pas. Je n’ai pas encore décidé.
- Tu pourrais y apprendre plein de classiques. Tu as un style particulier, est-ce qu’il t’arrive d’écrire chez toi ?
- Non… non… je n’écris pas. Je collectionne des feuilles pour un jour, en parler au musée d’histoire naturelle.
- Tu t’en sors très bien en français. Ta professeure me dit qu’au niveau des rédactions, tu as toujours des idées.
- J’aime beaucoup imaginer des choses mais parfois mon esprit fatigue…
- Les cours de théâtre pourront peut-être t’aider à atteindre un bon niveau. Ne te sous-estime pas !
- Est-ce qu’il y a des animations ?
- Bien sûr, ça démarre avec Halloween dans quelques semaines puis Noël avec un spectacle.

Chambers tira sur son tiroir gauche pour en sortir un document avec un stylo qu’il glissa sous les yeux d’Everett. Il examina le document. C’était un formulaire d’inscription aux cours de théâtre du lycée à raison de deux à trois séances par semaine. Son regard se dirigea instantanément vers la dernière ligne qui indiquait : « possibilité de voyages à l’étranger pour ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances »

- Des voyages à l’étranger c’est-à-dire ?
- On a un partenariat privilégié avec la France. Non seulement vous pouvez partir pour apprendre le français mais aussi vous produire devant des spectateurs pour développer votre carrière.
- Combien ça coûte ?
- 400 dollars par an

Un silence accompagna cette proposition. Est-ce que ses parents allaient accepter de débourser près de 400 dollars pour une hypothétique carrière artistique ?

Chambers reprit la parole et se déplaça jusqu’à la porte d’entrée.

- Je pense que votre futur intéresse toujours Mademoiselle Hutchinson.

Violette apparaissait dans l’encadrement de la porte en lui adressant un signe de la main et rougissait.

- Que décidez-vous Monsieur Sinclair ?
- Pourquoi est-elle toujours ici ?

Chambers la regardait en souriant.

- Nous vous devons la vérité Monsieur Sinclair. Mademoiselle Hutchinson fait partie du club de théâtre du lycée.
- C’est elle qui organise tout depuis le début ?

Everett se leva et faisait face à Calum Chambers.

- Elle croit en votre talent, c’est différent.
- Je n’ai jamais écrit une ligne de théâtre !
- Et bien, vous le ferez et je suis sûr que ça va marcher !

Violette se rapprocha d’Everett et dit avec sincérité :

- Ne fais pas comme si tu ne savais rien faire, Everett. Une fois, je t’ai entendue réciter un texte pour ton exposé de fin d’année. J’ai demandé : « qui est cet élève ? » et on m’a dit : « C’est Sinclair en Terminale » voilà…
- Ton boulot, c’est de chercher des têtes ?
- Voulez-vous signer le document, Sinclair ?

Soudain, il se souvenait de la promesse qu’il avait fait à ses parents en sortant de chez lui.

- Je… je vous préviens. Si ça ne marche pas, j’arrête tout de suite.
- Bien entendu. En attendant, ça va vous aider. Je suis ravi de votre signature.
- Nous allons voir ça. Au revoir Monsieur Chambers.
- Bon courage Monsieur Sinclair. Mademoiselle Hutchinson veillait sur lui.

Le principal referma la porte et ils s’éloignèrent ensemble. Dans le couloir qui menait aux casiers, la sonnerie s’activa. Il était dejà midi.

- Attends, je suis resté une matinée entière dans son bureau ?
- Et oui, je croyais que tu étais séquestré…
- Non n’importe quoi, il ne faisait que parler mais de là à savoir que tu es complice de cet homme…
- Je ne suis pas complice. Je suis là pour te soutenir. Tu ne peux pas rester dans ton coin tout le temps, c’est dangereux.
- Tu es psychologue ?
- Non mais…
- De toute façon, j’ai faim. Ça me fatigue entre mes parents et toi qui sort de nulle part…

 

Ils avancèrent vers un couloir où de larges portes battantes protégeaient une vaste salle de restauration. La cantinière Isabella leur adressa un grand sourire à leur arrivée. Everett et Violette prenaient des plateaux, verres et couverts avant d’être servis par ses soins.

- Alors les jeunes, un peu de pain, un peu de pâtes et un peu d’eau ?
- Un peu de tout ça oui, Isabella. Merci ! dit Violette
- Merci beaucoup ! ajouta Everett

La salle était à peine pleine car à cette heure, tous les élèves n’avaient pas terminé leurs cours et mangeaient aussi vers treize heures. Violette indiqua à Everett une table grise qui sentait fort le désinfectant. Une nouveauté qui date de 2020 puisqu’une crise sanitaire sans précédent continue de s’abattre sur le monde entier.

Everett tire sa chaise et s’installe près d’une grande fenêtre pour pouvoir regarder le paysage qui mène vers la grande cour. Violette avait repéré ce trait de caractère chez lui et en souriait. Elle se racla la gorge comme pour le sortir de ses rêves.

- Excuse-moi Everett mais tu ne manges pas ?
- Si…si bien sûr Violette…. Excuse-moi.

Elle prit une bouchée de pain avant de reprendre la parole.

- Je me demande ou est-ce que ton esprit part quand tu ne parles à personne ?
- Je suis parfois trop compliqué. Je suis désolé d’être comme ça, il n’y a pas de mots.
- J’espère que tu seras plus concentré au moment des premiers cours de théâtre….
- C’est stressant ce truc, je le fais avant tout pour mes parents….
- Crois en toi. On t’aidera.
- J’espère que vous êtes sympas sinon….
- Sinon tu vas partir ? Tu vas encore gâcher ton potentiel ?

Everett ne disait pas un mot et la regardait fixement. Soudain, les portes battantes s’ouvrirent et un jeune homme plutôt costaud entra. Violette passa sa main devant les yeux d’Everett et tourna la tête. Elle rougissait et préféra cacher sa tête dans sa serviette.

-  Pourquoi fais-tu ça ? Tu le connais ce type ? demanda Everett
- On va dire ça oui. C’est terrible !
- Calme-toi, enfin, calme toi ! dit-il d’un ton désemparé

Le jeune homme en question s’approcha de leur table et tapota le dos de Violette. Everett était totalement intrigué. Ce garçon était tout le contraire de lui, à la fois grand, élancé, sportif. Il avait toutes les qualités pour plaire.

- Violette, te voilà ! On ne devait pas manger ensemble aujourd’hui ? s’exclama le garçon en retirant ses lunettes

Il tira une chaise vers lui et s’installa à leur table en fixant Everett d’un air hautain.

- Et toi, tu es qui ? demanda-t-il
- Everett. Everett Sinclair. Je suis un ami de Violette.
- Tiens, un ami. Qu’est-ce que vous préparez ici tous les deux ?
- Matthew, ne commence pas… tenta Violette
- Elle m’aide pour mon inscription au club de théâtre du lycée… dit simplement Everett
- C’est sûr que si on regarde ta morphologie … soupira Matthew

Everett fut pris d’un accès de courage et de rage pour lui répondre droit dans les yeux :

- Tu te prends pour qui toi exactement ?
- Quoi ? répondit Matthew
- Je te demande pour qui tu te prends à vouloir tout contrôler comme ça d’un coup ?
- Non, Everett ça ne sert à rien… murmura Violette
- Tu sais à qui tu parles ?

Matthew et Everett se faisaient face et Violette redoutait un affrontement inattendu. Même Isabella qui ne se laissait jamais perturber par des évènements extérieurs regardait les deux garçons se faire face.

- S’il vous plait, ne vous frappez pas… implora Violette
- Tu as entendu Everett ? Je te laisse une chance de t’en sortir, la prochaine fois, je t’aplatis c’est compris ?

Everett s’approcha de son oreille et murmura :

- On verra ça plus tard mon grand.

Everett le poussa et deux élèves se précipitaient pour le retenir. Matthew remit son blouson en cuir et s’installa au fond de la pièce en les foudroyant du regard. Everett avait le feu aux joues et tremblait de tout son corps.

- A cause de ce connard, ça va être froid ! pensa-t-il
- Tu n’aurais pas dû t’énerver comme ça, maintenant il va te poursuivre dans tout le lycée et pour n’importe quel sujet !
- Tu es avec ce type c’est ça ? C’est le gars de l’équipe de basket-ball et qui joue pivot ? Je ne l’aime pas.
- Everett, je ne te pensais pas comme ça….

Il pointa sa fourchette vers elle en essayant de trouver le bon argument qui pourrait apaiser cette tension passagère.

- Je n’aime pas la façon dont il te parle. Ça me surprend beaucoup même si je ne te connais que depuis peu, il y a quand même des manières… Je ne suis pas quelqu’un de méchant mais il ne faut pas dépasser les bornes.

Violette lui adressa un léger sourire en lui demandant de garder toute son énergie pour les cours de théâtre qui commençaient le lendemain.

- J’ai fini de manger, c’est bon on peut sortir où ton garde du corps va encore me dire quelque chose ?
- Everett, c’est bon. Laisse tomber un peu.

En sortant, il fit exprès de claquer une des portes pour que l’air s’engouffre jusqu’à son nouvel ennemi. Intérieurement, il était très satisfait mais Violette n’avait pas à le savoir.

À sa table, Matthew ruminait et se demandait bien qui pouvait être cet Everett Sinclair qui apparait comme par magie dans la vie de sa petite amie. Il les regarda partir sans dire un mot.

Dans l’après-midi, après une énième leçon soporifique, il décida de se balader seul dans les couloirs du premier étage pendant que Violette s’époumonait en sport sur la piste d’athlétisme d’un terrain abîmé à la pelouse jamais tondue.

Il décida de s’orienter vers une porte bleue sur laquelle un écriteau indiquait « Théâtre » et hésita à frapper mais la curiosité l’emportait avant tout. A sa grande surprise, elle s’ouvrit d’elle-même et se dit que quelqu’un avait oublié de la refermer en partant. Tout en regardant autour de lui, il avança prudemment dans cette grande salle qui sentait le renfermé.

De grandes étagères en bois renfermaient des ouvrages parmi lesquels beaucoup d’auteurs français. Sur une table, des articles de presse qui vantaient les exploits de la troupe du lycée pour les spectacles de fin d’année depuis 1970. Certains étaient parfois amers et d’autres dithyrambiques sur les performances des élèves.

Il voyait seulement des jeunes souriants dans leurs costumes d’aventuriers et cela le touchait beaucoup. Il se dirigea ensuite vers la scène dont le plancher en bois craquait sous son poids et tenta de travailler sa posture en se redressant face aux chaises vides. Everett ressemblait à un fantôme qui aurait peur de la lumière si les projecteurs s’allumaient d’un coup.

Dans ses pensées, seulement quelques mots de la célèbre tirade de Cyrano de Bergerac lui venait en tête. D’ailleurs dans sa chambre, n’a-t-il pas une version traduite en anglais de la célèbre pièce d’Edmond Rostand ?

Il décida de mettre en application les nombreux conseils qu’il avait pu voir sur Internet. D’abord, prendre une profonde inspiration. Ensuite, ancrer son corps dans le sol, bien statique. Enfin, fermer les yeux et prendre la bonne intonation.

D’une voix grave, il déclara : « C’est un roc, c’est un cap, que dis-je c’est un cap ? C’est une péninsule ! ». Sa voix prenait tout l’espace et des larmes coulaient sur ses joues.

Dans tous les spectacles qu’il avait vus, les rideaux noirs derrière la scène renfermaient souvent bien des mystères. Il les souleva et avait vu juste. Les coulisses offraient une pléiade de costumes et il prit dans sa main gauche, un chapeau de mousquetaire.

- C’est le chapeau de Cyrano… pensa-t-il fasciné

Soudain, des yeux noirs lassés d’observer le jeune Everett sortit de l’ombre pour avancer vers la scène. Une femme brune, longiligne, s’avançait. Elle portait un haut beige et robe noire. Everett qui ne regardait toujours pas droit devant lui fut surpris lorsqu’elle frappa dans ses mains plusieurs fois.

- Si j’étais vous, jeune homme, je poserais ce chapeau par terre. Tout de suite ! Dit la femme.

Elle grimpa sur scène pour le scruter de haut en bas. La réaction effrayée d’Everett la fit sourire. Allait-il encore se faire dévorer par la fureur des adultes ?

Après de longues minutes de silence, il se rendit compte qu’il s’en sortait plutôt bien. La femme lui tendait la main, une petite main douce, une main d’artiste. Everett était craintif mais il était prêt pour ce combat.

- Savez-vous qui je suis jeune homme ? dit-elle
- Non, pas du tout… répondit sincèrement Everett

Son accent indiquait qu’elle n’était pas américaine. Elle roulait les « r » quand elle parlait. Il essaya de deviner sa nationalité mais avant qu’il n’y pense, elle continua :

- Je suis sûr que vous vous dites que mon accent n’est pas américain. Vous avez raison. Jeune homme, je me présente, je suis Claire Koublakis, française d’origine grecque et professeur de théâtre à Tonamond Collège.

Elle serra sa main aussi fort que possible pour tester sa détermination. Il fut surpris qu’une femme ait autant de poigne mais il tenta de résister.

- Vous avez une bonne poigne, cela veut dire que vous avez une bonne détermination. La question que je me pose en vous regardant c’est pourquoi êtes-vous venu jusqu’ici ?
- Je suis… je suis Everett Sinclair, madame.
- Everett Sinclair ? Ce nom me dit quelque chose mais où ai-je pu bien entendre parler de vous…

Elle frappa sa main gauche sur son front et redescendit de la scène pour se diriger vers les articles de presse éparpillés sur la table.

- Pardon de vous demander ça mais que cherchez-vous madame ?
- Ce n’est pas ça, ce n’est pas ça… ah si peut-être dit-elle…
- Madame ? dit-il avec inquiétude
- C’est bien ce que je pensais ! dit-elle avec rage.

Claire se précipita sur lui pour le trainer par le col en direction de l’entrée.

- Je suis désolée mais vous devez sortir maintenant !
- Nous venons à peine de nous rencontrer, c’est totalement ridicule !

 

 

2.

 

Une journée interminable dans laquelle il a pu rencontrer une jeune fille, son hypothétique petit-ami, le directeur et sa professeure de théâtre si elle voulait encore de lui. Assis à la table du salon, ses parents l’écoutaient se plaindre que tout allait une nouvelle fois de travers.

Brandon regardait sa femme avec douceur, qui elle aussi souriait de ces situations complètement folles.

- Vous ne me croyez pas c’est ça ?! S’exclama Everett
- Mon chéri. Peut-être que tu t’ouvres un peu plus aux autres et que cela fait beaucoup pour toi mais tu dois t’accrocher.
- Maintenant que j’ai accepté de prendre des cours de théâtre pour ma « thérapie personnelle », c’est ma professeure qui refuse de me parler.
- J’irai parler au directeur si tu veux… dit Brandon
- Je ne veux plus qu’on parle mais qu’on agisse. Pourquoi le nom de Sinclair a provoqué autant de rage chez elle ? Vous me cachez des choses c’est ça ? s’exclama-t-il

Magda se leva et se prépara un café. Après avoir bu plusieurs gorgées, elle regardait son fils avec tendresse.

- Comment elle s’appelle ta prof ? demanda-t-elle
- Claire Koublakis répondit Everett

Brandon réagit instantanément à l’évocation de cette personne.

- Koublakis ? Tu n’avais pas un client qui s’appelait comme ça quand tu as commencé à vendre des costumes ma chérie ?

Magda cherchait dans sa mémoire et Brandon se leva de table pour mener l’enquête. Everett lui emboita le pas.

- Papa, ou est-ce que tu vas ? Je peux t’accompagner ? demanda-t-il
- Viens fiston, on va au grenier pour trouver ce dont on parle à table. Je suis sûr que ça me dit quelque chose. Nous allons en avoir le cœur net.

Magda les regardait partir d’un air amusé. Le grenier, comme la plupart des foyers d’ailleurs était souvent situé en hauteur. Brandon alla chercher une petite échelle dans le garage et mit des morceaux de bois pour bien la caler au moment de monter.

- Ne te casse pas la figure hein, je n’ai pas le permis pour pouvoir te conduire à la clinique ! dit Everett en rigolant
- Je sais bien, ne t’inquiètes pas. Cela fait des années qu’on range les affaires dont on ne se sert plus. Tu veux monter ou tu as le vertige ?
- Je veux bien te suivre mais je te regarde faire !
- Pas de problèmes, fils. Observe bien.

Brandon est un homme soigné de 50 ans, qui depuis quelques mois, soignait son apparence physique pour dit-il « résister aux ravages du temps ». Il grimpa doucement l’échelle, marche après marche avant de pousser la trappe avec sa paume de main.

-  Pourquoi ça résiste ? C’est pénible !

Après plusieurs tentatives, elle céda enfin. Brandon poussa sur ses avant-bras pour entrer dans le grenier. Magda demanda s’il y arrivait.

- C’est bon, tu es dedans ? demanda-t-elle
- Oui, avec du mal mais j’y suis ! Il va falloir peut-être changer d’endroit avec le temps. En tout cas, ça sent le moisi là-dedans. J’allume le lampadaire. Devine quoi, l’ampoule manque de griller.
- Tout va bien papa ? demanda Everett
- Oui, seulement beaucoup de cartons ! Tu peux monter si tu veux.

C’est maintenant qu’Everett allait savoir s’il était agile. Il n’avait pas voulu l’avouer à son père mais il avait souvent le vertige. Après quelques minutes d’efforts, il voyait son père qui soulevait les cartons.

- Qu’est-ce que ça pue ! C’est les moisissures ?
- Je pense qu’il faudra un déshumidificateur, ça fera baisser un peu tout.

Everett poussa lui aussi sur ses bras et observa l’ampoule qui grésillait. Dans ce grenier, environ une soixante de cartons attendait d’être déballés et autant d’électroménager qui ne servait plus.

- Ces cartons doivent être super contents de nous voir, crois-moi !
- Et donc les affaires de Maman, elles sont dans ce foutoir ?
- Je crois…
- Elle ne m’a jamais dit qu’elle bossait autant. Elle ne m’a jamais montré.

Brandon pointa son index vers son fils en disant :

- Ta mère est toujours pleine de mystères ! dit-il en souriant
- Regarde là, il y a ce carton avec inscrit au feutre : « Costumes »

Brandon plongea la tête dedans et en sortit quelques tuniques vertes, orange, bleues parfois avec paillettes parfois sans, avec motifs ou non. Il admirait le travail de sa mère.

- C’est vraiment beau, quelle précision !
- Tu as vu ça ? Je crois que c’était le bon jour et le bon moment pour te présenter son travail. Tu sais que même enceinte, elle n’arrêtait pas de bosser ?
- Et toi, tu faisais quoi ? la partie la moins agréable, c’est-à-dire la comptabilité !

Magda les observait depuis la trappe éclairée et gardait les bras croisés.

- Je vous entends même si je ne vous vois pas ! dit-elle en éclatant de rire.
- Ce n’est pas contre toi mais c’est vrai non ? Tu n’as fait que travailler depuis toujours, sans un jour de repos !

Un vieux bureau intriguait Everett. Il y avait un tiroir cassé dans lequel dépassait quelques documents. Brandon continuait d’observer avec admiration chaque costume mais ne trouvait aucun signe d’un quelconque Koublakis. Everett tira fort sur le tiroir et quelques documents tombèrent.

- Hep, hep, évite de faire tout tomber comme ça…
- Attends, c’est incroyable ce que j’ai dans les mains !
- Quoi ?

Brandon s’épongea le front avec sa main et se dirigea vers le fond du grenier pour rejoindre son fils et lui prendre les documents des mains. Ces documents étaient des articles de presse semblables à ceux qu’Everett avait dejà vus.

Les titres écrits ne laissaient pas de place aux doutes : « Ernest Koublakis entre en piste ce soir à Chicago » ou encore « Humiliation suprême pour le grand comédien Koublakis »

- Ces articles sont en noir et blanc mais attends…


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