Une amitié éternelle et sacrée - Annie Joan Gagnon - E-Book

Une amitié éternelle et sacrée E-Book

Annie Joan Gagnon

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Beschreibung

Collège St-Maurice, Québec, 1990. Annie et Karine, quinze ans, sympathisent lors du cours d’histoire dispensé par Réal. Depuis cet instant, les deux adolescentes deviennent inséparables, et leur amitié, plus qu’une sororité, se consolide au fil des années. Une amitié éternelle et sacrée est le récit poignant de Annie Joan Gagnon, insufflé par les souvenirs et les folies contagieuses avec sa complice, Karine, le portrait d’un noyau d’étudiantes désinvoltes de la Love Generation.


À PROPOS DE L'AUTEURE 


Pendant douze ans, Annie Joan Gagnon travaille en milieu scolaire auprès des sourds comme interprète. Elle est l’auteure de Dandy et Love Without Theatrics publiés respectivement en 2006 et 2017 aux éditions Les messagers des étoiles et Novum publishing. Aujourd’hui artiste peintre et romancière, elle partage son quotidien entre le Québec et l’Allemagne, s’inspirant de ses nombreux voyages pour écrire des histoires et donner vie à ses tableaux.

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Seitenzahl: 99

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Annie Joan Gagnon

Une amitié éternelle et sacrée

© Lys Bleu Éditions – Annie Joan Gagnon

ISBN : 979-10-377-7673-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Récit écrit et illustré par

Annie Joan Gagnon

— Au début, il y a eu une grande explosion, ça s’appelle le « Big Bang ! »

— Ensuite est apparue la vie. Il y a eu de gros animaux, puis la nature s’est transformée pour devenir la réalité actuelle.

— Oui, mais Réal ! Quand est-ce que la terre a commencé à tourner ?

— De deux choses l’une : la première c’est que je peux dire que c’est une bonne question ; la deuxième,j’y répondrai quand Karine et Annie auront fini de se jouer dans les cheveux.

Depuis leur rencontre dans le cours d’Histoire de Réal, Karine et Annie étaient devenues inséparables, et ce, pour la vie entière…

Elles allaient à la pêche ensemble et elles aimaient aussi chasser le gibier.

Celle qui avait les idées les plus folles était Annie, mais la première à les exécuter, la plupart du temps, était Karine.

C’est comme ça qu’un jour elles ont fait une fugue et se sont retrouvées très loin dans la nature.

— T’entends du bruit ?

— Oui. Qu’est-ce que ça peut bien être ?

— As-tu ramassé les restes de notre souper de ce soir ?

— Non.

— Je ne vois qu’une chose ; c’est un ours qui rôde.

— Merde ! Qu’est-ce qu’on fait ?

— As-tu le Wipon ? Je vais tenter de le tuer.

— Il est resté dans la grotte.

— Dans ce cas-là, je ne vois qu’une solution… c’est de faire une incantation pour être sauvées.

— Bonne idée ! Je vais préparer la formule.

« Oh, grand Esprit, sois gentil et fais que l’ours nous laisse en paix ! Oy oy oy oy y yah yah yah yay… » et ensemble elles chantèrent une bonne partie de la nuit.

Leur transe fut si intense qu’elle les catapulta à travers un voyage dans le temps. C’est ainsi que Karine et Annie se retrouvèrent en 1990…

Le Vieux

Je me prépare. J’écoute l’album Mixed up de The Cure en m’habillant. J’ai un miroir à la verticale qui tient en équilibre sur un tabouret, dans le fond de ma garde-robe, à travers lequel j’observe mon allure frivole. J’ai les cheveux longs, droits, décolorés par le Sun-in. Mes cheveux châtains, je les voulais blonds.

Je sens que je vais bien m’amuser ce soir. Karine arrive dans quelques instants. Ensemble, on va se maquiller et se crêper les cheveux. Je ne peux pas dire que je ne m’aime pas, au contraire, je me sens bien dans ma peau. Je suis la fille qui rigole tout le temps. J’ai du succès avec les garçons, même si je n’ai jamais connu d’expérience sexuelle, sauf avec Junior, l’été dernier. On n’était pas allé jusqu’au bout. Je devrais plutôt dire qu’on n’avait pas fait l’amour ensemble totalement, mais presque. C’est juste que sa mère était arrivée du travail alors qu’on s’apprêtait à vivre notre première expérience tous les deux, et ensemble. On s’est rhabillés en vitesse quand on a vu arriver son auto dans la cour. Par chance qu’on ne l’ait pas fait, car quelques semaines plus tard, Junior et moi,on s’est quitté. Je pense que l’un et l’autre on savait que cette relation n’était qu’une amourette. Je n’avais pas particulièrement de grands sentiments pour lui.

J’habite un duplex. Le salon, la chambre de mes parents ainsi que la cuisine sont au rez-de-chaussée. Ils ont fait construire un escalier en colimaçon qui mène jusqu’à l’étage où est ma chambre et celles de mes deux sœurs plus âgées et de mon jeune frère, ainsi que notre salon personnel. À l’origine, le duplex était constitué de deux appartements séparés. Nous, les enfants, avons aussi un balcon et surtout un escalier à l’extérieur. C’est pratique, car Karine et moi, on sort en cachette quand mes parents dorment et l’on revient sur la pointe des pieds à l’heure qui nous chante. Je l’entends. Elle arrive enfin !

Karine, elle est comme ma sœur, essentielle et vitale. Quand on est ensemble, on ne s’ennuie jamais. On rit de tout. On s’est connues dans le cours d’Histoire de Réal. Il nous avait placées toutes les deux en avant du grand tableau, croyant qu’on n’allait déranger personne. Son plan a échoué. Nous nous sommes retrouvées, elle et moi, comme deux complices et pendant qu’il donnait ses explications à la classe, nous étions toutes les deux en avant et avions tout le loisir de nous connaître. Réal nous lançait parfois des craies derrière son dos. Il avait sans doute compris qu’il venait de provoquer une grande amitié.

— Bien alors, me dit Karine en arrivant dans ma chambre, as-tu une idée de ce qu’on fait, ce soir ?

— Ma sœur Martine a accepté de venir nous reconduire au Vieux St-Denis. Elle pourra venir nous reprendre aussi. Qu’est-ce que tu en dis ?

— Je ne suis jamais rentrée dans un bar. Les amis de mon frère se tiennent là. J’espère qu’on ne les croisera pas, sinon ils iront tout raconter.

— T’inquiète pas, on va transformer notre look. Personne ne nous reconnaîtra. Ce soir, on aura l’air d’avoir au moins 16 ans.

On était encore des gamines de 14 ans, mais c’est vrai qu’avec nos lèvres peintes rouge vif et notre mascara on se sentait comme des filles matures. Dotées d’une grande assurance.

— Embarque debout sur la chaise ! m’ordonne Karine.

— Pourquoi ?

— Ingrid m’a montré la nouvelle mode.

Ingrid, c’est sa voisine dans le quartier Pré-vert à Belœil. Elle vient de la Pologne. Avant moi, c’était la fille la plus proche de Karine. Ingrid couche déjà depuis longtemps avec les gars. Ça fait partie de ses priorités. Elle habite une grande maison avec une piscine creusée intérieure, mais on ne peut s’y baigner. L’eau qu’elle contient est verte et moisie. Son père est vétérinaire, il invite un groupe d’hommes la fin de semaine, dans le salon du sous-sol, et ils écoutent des films toute la soirée. On se demande lesquels ! Bref, Karine est arrivée chez moi avec un paquet d’épingles à couche.

— Qu’est-ce qu’on va faire avec ça ?

— Laisse-moi faire.

Karine commence à agrafer mes jeans noirs en les resserrant à l’aide des épingles à l’horizontale à partir des mollets. Elle pose une dizaine d’épingles qui montent jusqu’au genou pour chaque jambe. Ensuite, c’est elle qui monte sur la chaise et je fais la même chose pour créer son style. Un peu de parfum Cacharel comme touche finale, et on passe rapidement devant la chambre de mes parents pour se donner bonne conscience, je lance :

— On s’en va au Vieux ! C’est Martine qui vient nous reconduire !

On s’en va au Vieux ou on s’en va aux vues, ça sonne pareil. Ils pensent que Martine vient nous reconduire au cinéma, que je me dis.

Et le plan fonctionne comme sur des roulettes !

D’abord, il y a un line-up. Tous des gens plus vieux que nous. Quand on passe finalement devant le bouncer, il nous regarde, avec un sourire en coin, puis il nous souhaite la bienvenue en nous laissant entrer. Ça nous rend fières, Karine et moi, de passer pour des adultes. On se dirige vers le bar pour commander des cocktails, mais on ne connaît rien d’autre que les Bloody Ceasars. Alors c’est ce qu’on demande à la serveuse.

À côté de moi, il y a un gars assez joli. Il aborde la conversation en me demandant à quelle école je vais. Innocemment, je lui réponds :

— Au Collège Saint-Maurice. Et toi ?

— À la Poly Saint-Césaire.

— Ah ! Mon cousin va là aussi !

— Comment il s’appelle ?

— Alexandre Barbeau.

— Il est dans ma classe !

— Incroyable !

Karine me tire par le bras. Je ne dois pas la laisser seule trop longtemps. On est parmi des gars qui connaissent probablement son frère Pablo. D’ailleurs, il y en a beaucoup qui nous dévisagent. On n’a pas l’impression que c’est parce qu’ils nous trouvent de leur goût, mais plutôt parce qu’ils nous trouvent jeunes. Un grand maigre aux cheveux courts, noirs, se précipite sur nous. Il tient un pichet, mais n’a pas l’air très solide sur ses pattes. Qu’est-ce qu’il a ? Il déparle en plus et nous crie dans les oreilles. Tout à coup, il s’enfarge et échappe son pichet sur nous. Whouah ! Nous sommes éclaboussées par la bière ! Et ça chlingue en plus ! Quel manque de civisme ! Il ne s’excuse même pas, mais hurle à tue-tête :

— Moi, je ne payerai pas un pichet icitte ! en titubant.

Il est barge ou quoi ? Karine et moi, on boit notre cocktail, puis on sort pour se diriger dans le parc. Il fait froid. On s’assied à l’intérieur du pavillon où un itinérant nous remarque. Il vient s’asseoir avec nous et nous demande du feu. J’en ai dans ma sacoche verte d’armée. Je lui file mon paquet d’allumettes. Il commence à nous raconter sa vie, ses passe-temps : aller à l’HôtelOttawa, au bar Jack… ouais, il est temps qu’on parte d’ici. À côté du Van Houtte, il y a une cabine téléphonique. De là, on appelle ma sœur. On l’attend dans un hall d’appartement pour se réchauffer. On ne sait pas quoi faire pour passer le temps, alors on reste en silence et on se demande c’est ça, la vie des vieux ?

Son frère

Il y a les amies de devoirs (celles qui t’aident quand tu es mal-prise avant un examen), les amies de sortie, les amies de sport, les amies pour les lifts (elles ont des chums qui ont des chars). Et il y a les amies de cafeteria, c’est-à-dire que, lorsqu’on fait la file à la cafeteria, quelqu’un nous reconnaît toujours et vient s’infiltrer auprès de nous en passant devant tout le monde. C’est commun et ça va dans les deux sens. Je peux, moi aussi, m’infiltrer à tout moment grâce à une amie de cafeteria.

Notre Collège est un immense labyrinthe. Il n’est fréquenté que par des filles. Il y a la partie des élèves et la partie des Sœurs. Il est interdit d’aller dans la partie des Sœurs, mais nous y allons souvent, Karine et moi, pour prendre l’ascenseur en feignant d’avoir mal au genou ou au talon. Aussi, en secondaire 2, nous n’avons le droit de sortir seulement qu’une fois par semaine, sur l’heure du midi, pour aller en ville. Nous, nous y allons bien plus souvent. On attend que la cloche sonne, que tout le monde soit parti, on traverse du côté des Sœurs et on se rend jusqu’à la réception en empruntant cette sortie. Karine suit des cours de piano. Alors quand on nous interpelle, on dit qu’elle avait un cours avec Sœur Jeanne. En ville, on va au Van Houtte ou au Géant Timothé