Une Coupe, un Diable - Emiliano Bonfigli - E-Book

Une Coupe, un Diable E-Book

Emiliano Bonfigli

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Beschreibung

Juin 1930, l’équipe nationale belge de football embarque à bord du Conte Verde. Ce paquebot les emmène à Montevideo en Uruguay. C’est là, en effet, que se déroule la toute première Coupe du monde de l’histoire. De Mexico à Kobe en passant par Rio ou Bordeaux, les Belges enchaînent ensuite les compétitions mondiales, forgeant ainsi quantité de souvenirs gravés à jamais dans la tête et le cœur de leurs supporters. Dans Une Coupe, un Diable, Emiliano Bonfigli vous invite à revivre chaque Coupe du monde jouée par les Belges à travers les yeux d’un joueur emblématique de l’époque. La fabuleuse aventure de Georges Grün au Mexique en 1986, le but de Philippe Albert face aux Pays-Bas en 1994 à Orlando, la victoire face aux États-Unis au Brésil en 2014... Autant de moments de joie inoubliable. D’autres Coupes du monde évoquent plutôt de cruelles désillusions : le but de David Platt à Bologne en 1990 ou encore ce huitième de finale épique face au Brésil de Ronaldo, futur vainqueur du tournoi... Toutes, en tout cas, ont contribué à écrire l’histoire de notre football national et continueront à être racontées de génération en génération.Journaliste à RTL Sport, Emiliano Bonfigli, a suivi l’actualité des Diables lors de la Coupe du monde 2014 au Brésil et de l’Euro 2016 en France. Il est aussi commentateur de la Ligue des Champions depuis 2005. Une Coupe, un Diable est son premier ouvrage.
Préface de Thomas Meunier Avec PAUL VAN HIMST, ALEX CZERNIATYNSKI, GEORGES GRÜN, ENZO SCIFO, PHILIPPE ALBERT, ÉRIC DEFLANDRE, JOHAN WALEM, NACER CHADLI, EDEN HAZARD.

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Emiliano Bonfigli

Une Coupe,

un Diable

Avenue du Château Jaco, 1 – 1410 Waterloo

www.renaissancedulivre.be

fRenaissance du Livre

l@editionsrl

    

Une Coupe, un Diable

Couverture et mise en pages    : Philippe Dieu (Extra Bold)

Illustration de couverture et intérieur : Shutterstock    (1020169549)

    

isbn : 978-2507-05601-8

    

© Renaissance du Livre, 2018

Tous droits réservés. Aucun élément de cette publication ne peut être reproduit, introduit dans une    banque de données ni publié sous quelque forme que ce soit, soit électronique, soit mécanique ou de    toute autre manière, sans l’accord écrit et préalable de l’éditeur.

À Axelle, pour ce livre et

pour tout le reste...

« Ô Belgique, ô foot chéri… »

La Coupe du monde 2002 en Corée du Sud et au Japon. La téméraire Belgique affronte en huitième de finale un resplendissant Brésil. Une écharpe autour du cou, bien installé sur mon lit, j’ai à peine dix ans, et je me mets à rêver devant ma minuscule télévision et ce match de légende. En compagnie de ma sœur – qui, de son côté, cherche à occuper sa journée de façon intelligente ;-) –, je fixe l’écran avec une très grande excitation et l’espoir d’un possible exploit. Encore aujourd’hui, ce moment est toujours inscrit dans ma mémoire. Je n’oublierai jamais, lors de cette rencontre, le vol de l’arbitre jamaïcain Peter Prendergast, plutôt « arbitraire » ce jour-là, vous en conviendrez (en fin de première mi-temps, un but belge est annulé pour une faute peu évidente, voire inexistante). Cet épisode marque pour ma part, je le pense fortement, le début d’un amour de la patrie sans limite ! Imaginez un peu si ce coup de tête rageur de Willy (Marc Wilmots) avait permis à notre pays d’éliminer les artistes brésiliens de façon aussi brillante que le coup franc de Johan Walem l’avait fait face à la Russie quelques jours plus tôt! Je peux vous le dire sans crainte de me tromper, mon petit village de Lavacherie dans les Ardennes se serait littéralement embrasé !

Cette élimination face au Brésil en 2002 a représenté à mes yeux une déception immense. Mais après tout, le meilleur reste peut-être à venir ! Pourquoi ne pas y croire ? Seize ans plus tard, le jeune garçon assis sur son lit devant un match des Diables sera peut-être l’un des porte-drapeaux de notre fabuleuse Belgique lors de la prochaine Coupe du monde en Russie ! L’apothéose du football, l’apogée d’une carrière, le rêve de tout footballeur… La finale sera suivie par plus d’un milliard de personnes dont, on l’espère, onze millions d’habitants vibrant de bonheur. Nous avons bien le droit de rêver, non ? Notre équipe est belle, forte, habile et aussi séduisante que nos prédécesseurs de Mexico 1986… Tous ensemble, nous devons mettre le feu et graver à jamais nos couleurs au palmarès de cette magnifique compétition.

#TÔTOUTARD #WEAREBELGIUM

Le foot était, est et sera pour toujours l’une des raisons de vivre de beaucoup de personnes sur terre. J’en fais évidemment partie !

Merci à vous tous, supporters et patriotes, pour le soutien que vous nous accordez à chaque rencontre. Et merci à Emiliano de m’offrir la possibilité de participer, même légèrement, à la rédaction de son livre.

Thomas Meunier

introduction

De Montevideo à Lugano,

Les premières Coupes du monde des Diables

En cette fin d’après-midi du 1ermai 1904, il règne un parfum d’excitation et d’aventure dans les travées du petit stade du Vivier d’Oie à Uccle. L’équipe nationale belge dispute, sous un soleil généreux quoiqu’agrémenté d’une légère brise, le premier match de football de son histoire. Pour ce véritable événement, 1500supporters sont présents, intrigués par le spectacle promis. Sur la pelouse, les joueurs posent pour la postérité. Dans leur maillot blanc impeccable, les Français imposent le respect. Les Belges, eux, évoluent en rouge, dans des tenues, il est vrai, moins seyantes. Qu’importe ! Si cette rencontre amicale se termine sur un anecdotique 3-3, elle reste un moment important de l’histoire du football européen puisqu’il s’agit de la première rencontre internationale entre deux nations du Vieux Continent. Trois semaines plus tard, à Paris cette fois, la FIFA est officiellement créée, et la Belgique est l’un des pays fondateurs.

À ses débuts, l’influence de la FIFA est assez limitée. Pour accroître sa légitimité, elle se doit de rallier à sa cause le pays du football, l’Angleterre. Un aristocrate belge amoureux des sports, le baron Édouard de Laveleye, se rend, un soir d’avril 1905, dans les locaux du club londonien de Crystal Palace où se joue un très attendu Angleterre-Écosse. Celui qui est à l’époque le président de l’Union belge des sociétés de sports athlétiques (UBSSA)1 parvient à convaincre les Anglais de la Football Association de la nécessité de rejoindre la FIFA. Une étape cruciale pour sa reconnaissance et son développement ! Au fil des tournois olympiques et de la fin progressive de l’amateurisme, la FIFA prend de l’épaisseur. En 1928, quelques jours avant le début des Jeux d’Amsterdam, elle décide d’organiser un tournoi mondial de football sans la collaboration du Comité international olympique (CIO). Un an plus tard, le 18mai 1929, lors du Congrès de Barcelone, l’Uruguay est désigné pays hôte de la première Coupe du monde de football. Le Mondial est né ! Quatre nations européennes seulement participeront au long périple vers la capitale Montevideo. Parmi elles, la Belgique et ses Diables Rouges, ainsi surnommés depuis 1906 par le journaliste de La Vie Sportive Pierre Walckiers à la suite de trois rencontres amicales brillamment remportées par l’équipe belge.

Uruguay 1930 : la star belge est… un arbitre !

C’est un saut dans l’inconnu. Une folle traversée de l’océan Atlantique à bord d’un somptueux paquebot italien nommé le Conte Verde. Pour ces seize internationaux belges partis depuis le port de Barcelone, le football offre alors la chance incroyable de découvrir un nouveau monde et de faire partie, à tout jamais, de l’histoire de ce qui deviendra l’un des plus grands événements sportifs de la planète. Durant ce voyage long de 11000km, effectué en compagnie des équipes de France et de Roumanie, les entraînements sont, par la force des choses, peu nombreux, au contraire des fêtes et des bals ! On raconte ainsi que l’attaquant du Lierse, Bernard Voorhoof, prend lors de cette traversée transformée en croisière festive, rien de moins que huit kilos ! Un détail pondéral somme toute insignifiant au regard de l’expérience extraordinaire vécue par ces jeunes Diables acclamés et salués en héros lors de leur arrivée à Montevideo après quinze jours de voyage éreintants…

Si l’Uruguay avait été sélectionné pour accueillir la première Coupe du monde de l’histoire, c’est parce que le pays fêtait son centenaire cette année-là. Sur place, toutes les rencontres se disputent à Montevideo, dans trois stades différents. C’est d’ailleurs la seule fois de l’histoire qu’un Mondial se jouera dans une seule et même ville. Au total, treize équipes participent à cette première édition2.

Pour la Belgique, l’expérience au point de vue sportif n’est pas une réussite, loin de là... Un vent de polémique a d’ailleurs soufflé sur la délégation belge au moment de la sélection des joueurs : celle-ci doit renoncer à la participation de son meilleur élément, le flamboyant Raymond Braine. L’attaquant du Beerschot est en fait suspendu pour… « professionnalisme » ! À l’époque, le règlement de l’Union belge interdisait à tout joueur de posséder également un café ou un autre commerce. Or, le Diable Rouge avait repris à son compte l’établissement Le Matador à Anvers, qui se situait à l’ombre du stade olympique. Las, Raymond Braine avait finalement pris tout le monde de court en s’exilant pour défendre les couleurs du club professionnel du Sparta Prague.

Sans Braine, en Uruguay, notre équipe fait pâle figure. Versée dans le groupe4, elle s’incline 3-0 lors du premier match face aux États-Unis, disputé au Parque Central. Un match au cours duquel le jeune gardien Arnold Badjou, dit « Nolle », est incontestablement le meilleur homme sur le terrain. Sans lui, la Belgique aurait été, dit-on, tout simplement ridicule !

À l’Estadio Centenario, une semaine plus tard, dans une enceinte construite spécialement pour l’événement et inaugurée cinq jours après le début de la compétition, la Belgique est battue 1-0 par le Paraguay. Après deux matchs, les Diables sont éliminés sans gloire et sans avoir marqué le moindre but. Le retour à la maison sera chaotique, certains Diables comme Badjou ou De Bie en venant même aux mains sur le paquebot.

Finalement, le Belge le plus en vue de cette première Coupe du monde sera l’arbitre anversois John Langenus. Arrivé également à bord du Conte Verde, Langenus siffle toutes les rencontres au sommet. Sans surprise, il est choisi pour arbitrer la finale entre les frères ennemis du Rio de la Plata, l’Uruguay et l’Argentine. Avec tact et un certain sens du compromis (à la belge ?), de façon à contenter les deux équipes, il utilise un ballon argentin lors de la première mi-temps, puis un ballon uruguayen en seconde période. Une fois la rencontre terminée sur la victoire de l’Uruguay, Langenus file au port pour embarquer et écrire l’article que la revue allemande Kicker attend de lui. Car en effet, chose à peine croyable, il cumule deux fonctions lors de cette Coupe du monde : arbitre mais aussi journaliste !

Italie 1934 : les touristes d’un jour !

Quatre ans plus tard, la Coupe du monde de football suscite cette fois davantage d’intérêt médiatique puisque pas moins de 249journalistes sont envoyés en Italie pour couvrir l’événement. Au total, seize équipes disputent la phase finale, ce qui permet dès lors un système intégral de coupe. Huit stades sont sélectionnés parmi lesquels le stade Giovanni Berta de Florence où les Belges défient l’Allemagne dans un huitième de finale déjà décisif. Malheureusement, sur les 46000places disponibles, à peine 8000 sont occupées. L’explication ? Tous les huitièmes de finale se tiennent le même jour et à la même heure, soit le 27mai 1934 à 16h30. Pas l’idéal pour intéresser les foules italiennes, plus captivées par le sort de la Squadra Azzurra aux prises avec les États-Unis à Rome, au stade du Parti national fasciste, sous les yeux attentifs du Duce, Benito Mussolini ! Cette désaffection du public n’empêche pas les Belges de mener au score face aux Allemands grâce à deux buts de Bernard Voorhoof, avant de s’écrouler littéralement en seconde période. Au final, la Belgique s’incline 5-2 et est éliminée. Une déroute peu étonnante tant les Diables ont abordé la compétition en dilettante. Ainsi, la veille du match, toute la délégation belge préfère faire du tourisme et visiter le magnifique et imposant Palazzo Vecchio de Florence plutôt que de se reposer avant leur entrée en lice. Après la défaite et leur élimination, les Belges partent sans traîner pour Rome où un divertissant city trip de trois jours les attend dans la Ville éternelle. Une autre époque !

France 1938 : un air de déjà vu !

Cette fois, les Diables nourrissent de plus grandes ambitions avant de se déplacer en France. N’ont-ils pas battu la reine des nations du football, l’Angleterre, à peine deux ans avant la compétition ? À l’époque, ce match du 9mai 1936 avait provoqué un véritable séisme dans le football international. Pensez donc : la petite Belgique composée d’amateurs venait de battre l’intouchable Angleterre composée, elle, de joueurs professionnels. Le score ? 3 buts à 2. Le lieu ? Un stade du Heysel en délire. À ce jour, cela reste la dernière victoire de notre équipe nationale sur celle des Three Lions, ce qui situe bien l’ampleur de l’exploit.

Malheureusement, le sort nous accable une fois de plus. La Belgique affronte dès son premier match, et en huitième de finale, la France, pays organisateur. Et une nouvelle fois, les Diables arrivent à Paris la veille de la rencontre, là où les Français se préparent paisiblement depuis un mois à Chantilly. Sur le terrain du stade de Colombes, la différence saute aux yeux et les Diables sont battus 3-1 par des Français soutenus par plus de 30000personnes. Le soir même, la délégation belge rentre penaude par le premier train. Il n’empêche, à l’instar du Brésil, de la France et de la Roumanie, la Belgique vient de participer à une troisième Coupe du monde d’affilée, ce qui n’est pas anodin !

Quant à ce Mondial, il voit l’Italie conserver son titre alors que s’ouvre en Europe une période très sombre. La Seconde Guerre mondiale est en gestation et ses prémices sont déjà visibles sur le terrain de jeu : abandon de l’Autriche à la suite de l’annexion par l’Allemagne, l’Italie jouant avec un maillot noir à des fins de propagande… La prochaine Coupe du monde n’aura lieu que douze années plus tard, en 1950 au Brésil, mais sans notre pays, cette fois.

Suisse 1954 : enfin le premier point !

Dans une Europe divisée par le rideau de fer, la Suisse, pays neutre, accueille la cinquième Coupe du monde de l’histoire, la première à être diffusée à la télévision. Est-ce pour cette raison que les Diables se déchaînent lors de leur premier match de groupe face à l’Angleterre ? La rencontre jouée au stade Saint-Jacques de Bâle fut en tout cas belle et intense en émotion. Emmenée par un Rik Coppens intenable et un Pol Anoul impitoyable tant en défense que devant le but adverse, la Belgique ne se laisse pas impressionner par l’Angleterre et son joueur le plus emblématique, Stanley Matthews, jeune quadragénaire toujours vif ! Menés 3-1 par les Britanniques, nos Diables se rebellent et arrachent un nul qui les envoie en prolongations (oui, il y avait bien des prolongations lors de cette phase de groupe). Dans la demi-heure supplémentaire, chaque équipe marque encore un but fixant dès lors le score final à 4 partout. Ça y est : les Diables viennent de récolter leur premier point en Coupe du monde ! Il aura fallu attendre vingt-quatre ans depuis la fameuse traversée de l’Atlantique en 1930.

Ils ne confirmeront cependant pas dans le match suivant face à l’Italie à Lugano. Épuisés par la bataille livrée face aux Anglais, les Diables ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Ce match, qui se termine sur le score de 4-1, est un calvaire. Les Belges sont éliminés au premier tour. Maigre consolation, Rik Coppens sera unanimement désigné meilleur avant-centre de la compétition.

1 Qui deviendra l’Union royale belge des sociétés de football association (URBSFA) à partir de 1920.

2 À savoir, la Belgique, la France, la Roumanie et la Yougoslavie pour l’Europe ; les États-Unis et le Mexique pour l’Amérique du Nord et le Brésil, le Chili, l’Uruguay, l’Argentine, le Pérou, le Paraguay et la Bolivie pour l’Amérique du Sud.

« Nous devions jouer au Monopoly pour passer le temps ! »

Mexique 1970

PAUL

VAN HIMST

Né le 2 octobre 1943

Attaquant

81 caps (1960-1974)

30 buts

1 Coupe du monde : Mexique 1970

De toutes les Coupes du monde disputées jusqu’à présent, le Mundial mexicain de 1970 reste assurément l’épreuve la plus mémorable pour tous les amateurs de football qui ont eu la chance de vivre, de près ou de loin, cet événement. Le jeu déployé y est souvent spectaculaire et offensif. Les rencontres sont diffusées en mondovision et, pour la première fois, en couleurs, ce qui confère à l’épreuve une autre envergure. Enfin, le monde assiste au couronnement incontesté d’un roi inégalé à l’époque, le brésilien Pelé, vainqueur pour la troisième fois du trophée Jules Rimet. Ce Brésil-là, emmené par cinq véritables meneurs de jeu (Pelé, Jairzinho, Gérson, Tostão et Rivelino), a longtemps fait chavirer les cœurs des amoureux du beau jeu, et mythifié ce Mundial mexicain ! Parce qu’il a été sans conteste une ode au talent pur et à la classe d’un joueur incomparable, ce Mondial devait aussi couronner celui qui a longtemps été surnommé le « Pelé blanc » : notre Diable Rouge Paul Van Himst, élu, sans discussion, « Footballeur belge du XXesiècle ».

Quatre-vingt-une caps et trente buts inscrits avec les Diables Rouges, quatre Souliers d’or, huit titres de champion avec Anderlecht, quatre Coupes de Belgique… Le palmarès de Paul Van Himst reste, à l’échelle belge, tout simplement unique. Les succès et louanges récoltés au fil des années n’ont pourtant pas altéré l’homme, resté très simple et empreint d’une grande humilité. C’est dans son entreprise de torréfaction de café, à Asse, qu’il me reçoit pour évoquer le Mondial 1970, le seul auquel il ait participé en tant que joueur (il participera également au Mondial 1994 aux États-Unis en tant que sélectionneur). Autour d’une tasse de café fraîchement moulu, il plonge dans les effluves de l’expédition mexicaine. Cette expérience lui évoque toujours un souvenir amer : cette Coupe du monde, au point de vue sportif, n’est pas forcément un grand souvenir de sa carrière. Après la non-qualification de la Belgique à l’édition anglaise de 1966, le tournoi arrive pourtant à point nommé pour celui que l’on surnomme affectueusement « Popol» dans le milieu du foot. Sûr de lui, leader technique d’une équipe qui ne manque pas de hargne et de talent, Van Himst aborde le Mondial de 1970 avec la confiance autoritaire d’un joueur qui n’a désormais plus rien à prouver, mais désire asseoir un peu plus sa domination. D’ailleurs, pour se qualifier, les Belges éliminent deux nations à la fois respectées et craintes : la toujours flamboyante Yougoslavie et l’excentrique Espagne, sacrée championne d’Europe cinq années auparavant, et comptant dans ses rangs l’attaquant madrilène Amancio Amaro. Paul Van Himst se souvient de matchs joués le couteau entre les dents dans des ambiances dantesques :« Nous avions battu la Yougoslavie 3-0 au Parc Astrid. Une véritable démonstration de force et de technique. Puis, à Sclessin, dans un stade surchauffé comme peut l’être ce chaudron, et après un match, disons-le sans forfanterie, fantastique par moments, nous prenons la mesure de l’Espagne, sur le score de 2-1. Le billet pour Mexico est alors dans la poche. L’équipe que nous alignons en Coupe du monde est impressionnante et certainement équilibrée : Piot dans les buts ; Dewalque, Thissen, Heylens et Beurlet derrière ; Semmeling, Van Moer, Puis, Devrindt, Lambert… Une formation finalement très offensive, orchestrée de main de maître, il faut le dire, par notre sélectionneur Raymond Goethals. »

Une préparation chaotique

Le 9mai 1970, soit trois semaines avant le début de la compétition, les Diables Rouges prennent la direction de Mexico City. Trois semaines ! Une éternité par rapport à ce qui se pratique de nos jours. En comparaison, l’équipe belge de Marc Wilmots n’est arrivée sur le sol brésilien que cinq jours avant son premier match lors du Mondial 2014. « Le médecin de l’équipe avait insisté, craignant l’altitude, pour un départ trois semaines avant le premier match. Alors que Raymond Goethals, lui, préférait d’abord un stage à Font-Romeu, comme les athlètes belges deux ans auparavant lors des Jeux olympiques de Mexico en 1968. J’avoue que “Raimundo” avait raison. J’aurais préféré cette préparation, certes en altitude, mais en Europe. Puis on aurait enchaîné avec un autre stage en Colombie avant, finalement, de rallier le Mexique. Le temps nous aurait paru moins long. Cela a été une grossière erreur d’arriver au Mexique trois semaines avant le début de la compétition. » À l’époque, cela fait seize ans que l’équipe belge n’a plus disputé une Coupe du monde. L’organisation fleure bon l’amateurisme, ce qui va s’avérer fatal à l’équipe ! « Que fais-tu avec vingt gars d’une vingtaine d’années pendant trois semaines ? La première semaine, il n’y a pas d’entraînement prévu, et encore moins de ballon au programme. Le mot d’ordre est de s’acclimater en douceur à la chaleur et à l’altitude. Sans faire d’efforts violents ! Puis, le staff te signale que tu ne peux pas te baigner dans la piscine, ni prendre le soleil, et encore moins boire un verre et discuter entre équipiers… Cela risquerait de nous distraire et de nous déconcentrer ! Tout ce que la Fédé trouve, c’est de nous proposer de jouer au Monopoly pour tuer le temps. Jouer au Monopoly ! Franchement ?! On était jeunes !L’ennui nous a rendus fous ! C’était mort avant même de commencer. »

Les Diables sont également très critiqués pendant cette période de latence. On leur reproche de souffrir du mal du pays. Ce qui fait sourire Paul Van Himst :« Je vais te faire une confidence, jusque-là restée secrète. À l’époque, il n’y avait évidemment pas de Smartphone ni d’Internet. J’ai pu pourtant discuter quasiment tous les jours avec mon épouse Arlette, enceinte de notre troisième enfant, par téléphone. Un gars, supporter des Diables, et employé aux télécommunications à Bruxelles, m’a contacté alors que j’étais au Mexique. Il m’a demandé si je souhaitais parler avec ma famille. Évidemment, j’ai répondu oui ! Je ne devais rien dire ni au staff ni à la presse, car cet homme, occupé à la centrale, risquait sa place pour ce qu’il faisait là. Il nous a appelé dans notre chambre, Georges Heylens, Johan Devrindt et moi, et il nous a mis en relation, gratuitement, avec nos épouses. C’était inespéré ! Figure-toi qu’avant ce petit stratagème, j’ai appelé une fois ma femme : cela m’en a coûté 2 000 francs belges, soit 50 euros, pour une minute ! Une véritable petite fortune. »

Volés par l’arbitre !

Sur le terrain, la Belgique est versée dans le groupe1, un groupe peu commode, en compagnie certes du modeste Salvador, mais aussi de la solide Union soviétique, et du Mexique. « Tu sais comment cela se passe quand tu joues face au pays organisateur dont l’équipe est soutenue par des supporters survoltés. C’est toujours un peu plus difficile que face à un autre adversaire. »Lors de la première rencontre, le 3juin 1970, à 16heures, les Diables ne font qu’une bouchée du Salvador, 3 buts à 0, dans le stade Azteca de Mexico City, et devant 92205