Une seconde chance - Nadine Deconinck-Cabelduc - E-Book

Une seconde chance E-Book

Nadine Deconinck-Cabelduc

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Beschreibung

Grâce au destin, Sarah et Maxime finiront par se rencontrer...

Sarah Belmont a quitté son emploi et a trouvé refuge auprès de Mina, une amie de sa mère, qui l’embauche dans la brasserie Le Pyé koko qu’elle tient avec son frère. Quand Sarah découvre qu’elle est enceinte alors que son compagnon Romain ne veut pas de cet enfant, elle doit prendre une décision difficile : va-t-elle assumer seule sa grossesse ?
Le docteur Maxime Kervalen, quant à lui, vient d’être abandonné par Laure, sa femme, qui lui reproche la perte du bébé qu’elle attendait. Il emménage dans le quartier du Pyé koko
et devient un habitué de l’établissement.
De la percutante rencontre entre ces deux personnages va naître une amitié amoureuse troublée par les non-dits. Mais le destin s’acharne sur Sarah : son ancien patron a été assassiné et les soupçons du commandant Kovinsky se portent sur la jeune femme.

Entre romance et thriller, découvrez ce roman palpitant dans lequel un homme et une femme se rencontrent et doivent affronter le destin ensemble.

EXTRAIT

Les jours s’écoulaient doucement. Mars touchait à sa fin et laissait espérer l’arrivée proche des beaux jours. En tous les cas, quelque chose dans l’air le laissait supposer.
Ce matin-là, Maxime était sorti faire son jogging quotidien sous un soleil timide. La fraîcheur matinale acheva de le réveiller et il courut le long du bord de mer, croisant d’autres joggers, toujours plus nombreux le samedi, tout en admirant le paysage côtier qui défilait devant ses yeux.
Il s’étonnait encore de trouver du plaisir à courir. Ce qui avait été une contrainte deux mois plus tôt ne l’était plus et il était convaincu qu’il continuerait de courir une fois tous ses démons disparus. Il en ressentait à présent un besoin viscéral. Tout comme il savait déjà qu’il ne retrouverait pas ses plaisirs d’antan.
L’ancien Maxime appartenait au passé. Il se sentait un autre homme à présent, loin de celui qu’il avait été. Un homme qui ne voulait plus s’encombrer de superflu. Un homme qui voulait jouir de la vie et de ses petits bonheurs, tout simplement.
Il n’avait pas bu une seule goutte d’alcool depuis plus de huit semaines. Jamais il n’avait connu une telle abstinence et il ne pouvait que s’en réjouir. Même s’il avait conscience que le combat ne faisait que commencer. Le chemin serait long, il le savait. Mais il était sûr d’y parvenir.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jeune quinqua débordante d’imagination, Nadine Deconinck-Cabelduc inventait déjà des histoires enfant, avant de prendre la plume à l’adolescence pour écrire des nouvelles. Commencé en 2007, Une seconde chance est son premier roman qui a connu moult réécritures durant ces dix années pour atteindre sa forme finale.

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PREMIÈRE PARTIE

1

Elle n’avait jamais de retard. D’aussi loin que remontaient ses souvenirs, il n’y en avait eu aucun. Elle abaissa l’abattant en bois laqué des W.-C. et s’y assit avec une anxiété grandissante tant elle avait l’angoisse chevillée au cœur. Il n’y avait pas pire que l’incertitude.

Heureusement, l’attente ne dura que quelques secondes, même si à ses yeux, cela lui sembla une éternité. Ses mains, aux longs doigts fins ornés d’une seule bague en or gris surmontée d’un oxyde de zirconium, tremblaient légèrement tandis que les battements désordonnés de son cœur se répercutaient dans tout son corps. Elle se demanda un instant si elle n’aurait pas dû acheter un second test de grossesse par sécurité. Oui, elle aurait dû le prévoir.

Quand elle osa poser ses yeux noirs sur le test, un « plus » bleuté apparaissait tout juste, ôtant les derniers doutes auxquels elle tentait désespérément de se raccrocher. Ce n’était pas possible ! Elle ne comprenait pas pourquoi ni comment une telle chose avait pu lui arriver à elle. Elle se croyait tellement à l’abri d’un tel accident.

À peine deux jours de retard dans son cycle et sa vie basculait. Deux jours durant lesquels elle avait senti grandir en elle une tension étouffante. À présent qu’elle savait, un grand désarroi l’envahissait. Elle ne parvenait même pas à pleurer. Elle ferma les yeux un instant pour ne plus voir l’objet qui venait de déterminer une partie de son avenir.

Comment l’annoncer à Romain ? Il n’avait jamais été question d’enfant entre eux. Comment réagirait-il lorsqu’il apprendrait la nouvelle de sa grossesse ?

À cet instant, elle se rendit compte que la réaction de son compagnon l’inquiétait plus que le fait même d’être enceinte. L’idée d’avoir un bébé faisait lentement son chemin dans son esprit encore tourmenté. Après tout, elle venait de passer la trentaine et il était temps de songer à fonder une famille. Question d’horloge biologique, peut-être. De toute manière, elle adorait les enfants qui le lui rendaient bien et ne doutait pas de ses capacités à être une bonne mère.

Elle se rendit alors compte que l’idée de franchir le pas ne l’avait jamais effleurée. Elle n’imaginait pas Romain être le père de ses enfants même si elle se sentait incapable d’en donner les raisons.

Ils s’étaient rencontrés deux ans plus tôt et vivaient ensemble depuis plus d’un an déjà. Il aurait été tout naturel, dès lors, de le voir assumer ce rôle. Cependant, Sarah rêvait de fonder une famille unie, elle qui en avait été privée enfant. Elle devait reconnaître que l’égoïsme caractérisé de Romain cadrait mal avec l’idée qu’elle se faisait de la vie familiale. Le sport et les copains primaient sur les activités partagées avec elle. Leur manque de centres d’intérêts communs l’avait fait soupirer de nombreuses fois, bien qu’elle s’y fût désormais accoutumée, mais la vie de famille revêtait un minimum de concessions de part et d’autre qu’elle refusait de voir sacrifier. Romain pourrait-il s’y plier ? Elle en doutait fortement.

Pourtant Romain n’avait pas toujours été cet être égoïste, dépourvu de tendres sentiments à son égard. Elle ne l’avait pas jugé ainsi lors de leur rencontre, en tous les cas. Ils s’étaient croisés chez un fleuriste, un dimanche de fête des Mères. Il lui avait demandé conseil pour le bouquet qu’il voulait offrir à sa génitrice, ce qu’elle avait accepté en souriant aimablement.

En remerciement de son aide, il lui avait proposé un café. Elle avait poliment décliné l’invitation, non pas que le jeune homme lui déplaise, elle n’avait seulement pas pour habitude de se laisser ainsi courtiser par un inconnu, fût-il plutôt séduisant. Le jeune homme en question ne se laissa pas décourager pour autant et, quelques jours plus tard, elle eut la surprise de se voir offrir un énorme bouquet de roses à son domicile.

Elle avait été, tour à tour, étonnée et amusée d’apprendre qu’il avait mené sa petite enquête auprès de la fleuriste pour la retrouver. Elle s’était finalement laissé séduire par le charme qui se dégageait de sa personne. Beau brun aux yeux marron, il plaisait indéniablement et en avait conscience.

L’image qui émanait de lui, pourtant, était bien loin de supposer l’égocentrisme qu’elle avait découvert par la suite. Avait-il délibérément caché ce trait de caractère au début de leur relation ou s’était-elle menti à elle-même ? Peut-être, tout simplement, avait-il fait des efforts au commencement de leur idylle, mais une fois acquis les sentiments qu’elle lui portait, avait-il relâché toute attention comme cela arrivait fréquemment dans les couples ?

Sarah inspira profondément avant de sortir de la salle de bains pour se rendre dans la chambre attenante. Levé depuis moins de cinq minutes, Romain avait déjà enfilé un pantalon de coton noir et fermait à présent le dernier bouton de sa chemise blanche. Il ne prenait jamais de petit déjeuner. Il se contentait d’un café noir quand il arrivait à son travail.

Sans le quitter du regard, elle lui tendit le test qu’elle tenait encore d’une main tremblante. Le jeune homme fronça les sourcils avec une certaine indifférence.

— Qu’est-ce que c’est que ça ?

Le cœur de Sarah poursuivit sa course effrénée et elle se mordit la lèvre inférieure.

— Un test de grossesse, répondit-elle dans un souffle.

Elle se demanda si les mots avaient bien franchi le cerveau de Romain quand il réitéra sa question d’une manière différente, mais tout aussi impassible :

— Qu’est-ce que tu fais avec ce truc ?

La jeune femme aspira une nouvelle bouffée d’oxygène avant d’expliquer d’une voix qu’elle aurait voulu plus naturelle :

— Je vais avoir un bébé, Romain.

Cette fois, les mots semblèrent pénétrer l’esprit de Romain.

— Qu’est-ce que tu me racontes là ? Tu ne peux pas être enceinte. Tu prends la pilule, non ?

— Je ne sais pas ce qui s’est passé, balbutia-t-elle, se sentant inexplicablement coupable d’être tombée enceinte malgré sa contraception, comme si elle pouvait être fautive de quoi que ce soit.

— Tu ne sais pas ce qui s’est passé ? répéta Romain d’une voix dure où perçait une note de scepticisme. Tu ne m’as quand même pas fait un enfant dans le dos ?

Elle fit un pas vers lui et posa une main conciliante sur son avant-bras.

— Je te jure que non, se défendit-elle, blessée qu’il lui prête de telles intentions. Je ne sais pas. Peut-être ai-je oublié de prendre un comprimé. Je peux vérifier, mais cela m’étonnerait fort. Ou, ou… je n’en sais rien, répéta-t-elle en secouant la tête, aussi incrédule que lui de ce qui leur arrivait. Ce sont des choses qui arrivent, voilà tout. Ce genre d’accident n’est pas si rare, crois-moi.

— Débarrasse-toi de ça ! dit-il en se dégageant d’un geste brusque.

Elle crut un instant qu’il parlait du test de grossesse, comme si le jeter nierait son état. Elle tenta une nouvelle approche, mais il la repoussa vivement. Elle perdit l’équilibre et se cogna violemment le bras contre la commode en rotin qu’elle s’était offerte deux ans auparavant, avec une prime de fin d’année. Sarah réprima un cri de douleur en entendant Romain prononcer d’une voix sans chaleur :

— Tu m’entends : je ne veux pas de ce bébé. Débarrasse-toi de lui.

Il sortit de la chambre d’un pas rageur, sans plus se soucier d’elle. Ni de sa douleur au bras ni des sentiments qui l’agitaient. Pour lui, le problème était déjà réglé. Elle devait avorter. Point final.

Quand elle entendit la porte d’entrée claquer, elle frotta son bras endolori et se laissa choir sur le lit. À ce moment-là seulement, elle s’autorisa à pleurer.

Combien de temps resta-t-elle ainsi, recroquevillée sur le grand lit défait ? Elle l’ignorait. Suffisamment longtemps cependant pour que ses larmes se tarissent. La douleur lancinante de son bras la ramena à la réalité. Elle aurait un bel hématome d’ici peu, à n’en pas douter. Mais pour le moment, elle n’avait pas le temps de le soigner.

Elle jeta un œil sur le radio-réveil posé sur la table de chevet de Romain. Près d’une heure s’était écoulée depuis qu’elle avait la certitude d’être enceinte. Elle émergea de l’état de léthargie dans lequel elle s’était lentement enfoncée. Encore hagarde, elle se hâta, car elle était en retard à son travail.

Elle enfila rapidement les mêmes vêtements que la veille : un jodhpur marine et un pull-over écru. Sarah attrapa son imperméable couleur chocolat suspendu au portemanteau et saisit ses clés qu’elle avait laissées, comme d’habitude, sur le meuble à chaussures dans l’entrée. Elle se précipita dehors. Heureusement, son travail n’était qu’à un petit quart d’heure de l’appartement. Elle s’y rendit donc à pied en pressant le pas, même si elle savait que sa patronne ne lui tiendrait nullement rigueur de son retard.

Le ciel, d’un gris très sombre, était menaçant, mais pour le moment il ne pleuvait pas. Le vent fort, qui venait de l’océan, balaierait peut-être les nuages obscurs avant les premières gouttes.

Son humeur s’harmonisait avec le temps. Romain avait été clair. Il ne voulait pas de ce bébé. Il doutait presque que cette grossesse fût accidentelle, lui reprochant à tort de ne pas avoir pris de précautions alors même qu’elle n’oubliait jamais de prendre sa pilule. De toute manière, elle n’aurait jamais délibérément fait un bébé sans le consentement du futur papa. Ce n’était pas dans sa nature d’agir ainsi.

Le manque de confiance que Romain venait de lui montrer la blessait plus qu’il l’aurait fallu. Même si les sentiments qu’elle éprouvait à son égard s’étaient émoussés au cours des derniers mois, un fil ténu existait encore malgré tout dans son cœur. Elle se demandait d’ailleurs bien pourquoi.

Maintenant qu’elle était enceinte, elle se sentait irrémédiablement liée à lui. Elle ne se résignait pas encore à l’idée d’avorter comme il le lui avait clairement ordonné. Elle n’avait certes pas désiré cet enfant, mais il était là et elle acceptait sa maternité comme un fait accompli.

Perdue dans ses sombres pensées, Sarah s’engagea sur la chaussée sans prendre garde à la circulation généralement peu dense dans cette rue qu’elle connaissait si bien. Un grand coup de frein la fit violemment sursauter tandis que résonnait un retentissant coup de klaxon qui lui vrilla les tympans. Le visage furieux d’un homme apparut par la vitre entrouverte.

— ça ne va pas la tête ? l’invectiva-t-il d’un ton cassant. Vous traversez la rue n’importe où et sans regarder ! Vous vous croyez seule au monde ou quoi ? J’aurais pu vous tuer !

Le conducteur, furieux exagérait un tant soit peu, car il ne roulait pas assez vite pour provoquer un choc mortel. Elle prit malgré tout conscience qu’elle venait d’échapper de peu à un accident. Sans les réflexes du chauffeur, le camion de déménagement l’aurait sans aucun doute heurtée. Les conséquences auraient pu être plus importantes que la simple frayeur qu’elle ressentait.

Rouge de confusion, elle murmura une vague excuse à l’intention du conducteur et, les jambes flageolantes, parcourut les quelques pas qui lui restaient pour gagner son lieu de travail.

Quand elle poussa la porte de la brasserie où elle travaillait, elle fut accueillie par le regard scrutateur de sa patronne.

— Excuse-moi, Mina. Je suis en retard.

Les larmes au bord des yeux, elle ne put ajouter un seul mot.

— Assieds-toi, intima la femme noire dont les formes généreuses s’épanouissaient de plus belle avec la ménopause. Je te rejoins tout de suite. Tu m’as l’air d’avoir besoin d’un bon remontant.

En d’autres temps, Sarah aurait protesté. À cette heure de la matinée, les tâches ne manquaient pas à la brasserie. Plusieurs clients s’attardaient en sirotant leur café, avant de se rendre à leur travail. Mais pour la jeune femme, ce matin-là n’était pas un matin ordinaire. Depuis qu’elle avait la certitude d’être enceinte, tout allait de travers et Sarah se sentait anéantie par tous les bouleversements qui en découlaient. Elle se conforma donc aux ordres de sa patronne sans plus d’objections.

Un groupe d’adolescents d’une quinzaine d’années, venus bruyamment attendre le début des cours matinaux, quitta la brasserie dans un grand brouhaha de voix et de rires pour rejoindre le lycée privé situé dans une rue parallèle. D’autres clients emboîtèrent le pas des jeunes gens. Et bientôt, on n’entendit plus que les bruits étouffés provenant de la rue.

Après avoir servi un client qui patientait tranquillement dans un coin tout en lisant son journal du matin, Mina s’approcha de la table de la jeune femme avec deux cafés forts et s’installa en face de Sarah. Elle posa sa large main noire sur la sienne.

— Alors, raconte-moi : qu’est-ce qu’il t’arrive ?

La jeune femme plongea son regard perdu dans celui de sa patronne. Mina faisait partie de sa vie depuis de longues années déjà, l’Antillaise étant la meilleure amie de sa mère depuis l’adolescence. Si la vie avait parfois séparé les deux amies, elles avaient pourtant réussi à partager les moments forts de leurs existences respectives, comme le mariage de l’une ou la naissance du bébé de l’autre.

Sarah aimait cette femme au fort caractère qui, depuis l’enfance, lui témoignait une tendresse particulière. Ses rapports avec sa mère ayant toujours été superficiels, parfois même conflictuels, c’est à Mina qu’elle s’était tout naturellement confiée lorsqu’elle avait quitté précipitamment son précédent emploi, un mois plus tôt.

L’Antillaise tenait la brasserie Le Pyé koko qu’elle avait achetée avec son mari, deux ans à peine avant que celui-ci ne succombe d’un cancer du poumon. À présent, elle était associée à l’un de ses frères, Ambroise, cuisinier de formation, tandis que Mina s’occupait du service et de la caisse. Si la brasserie marchait plutôt bien, ils n’avaient pas réellement besoin de personnel, mais quand Sarah était arrivée en larmes après avoir abandonné son travail dans une agence immobilière, Mina avait prétexté qu’une aide serait la bienvenue. La jeune femme n’avait pas été dupe et avait remercié Mina de la dépanner le temps qu’elle trouve un autre emploi. Elle n’avait pas encore réellement cherché, désireuse avant tout de se reconstruire. Ici, entourée de ses amis, elle se sentait en sécurité.

Sarah essuya d’un revers de main les larmes qu’elle n’avait pu retenir.

— J’attends un bébé.

Le visage de Mina s’éclaira.

— Et alors quoi ? C’est cela qui te met dans un état pareil ! Dis-toi que ce bébé, c’est un cadeau du ciel, Sarah.

Mal à l’aise, Sarah baissa les yeux.

— Excuse-moi, Mina. Je…

La jeune femme ne sut que dire. Elle se trouvait soudain égoïste de se plaindre de son état auprès d’une femme qui n’avait jamais pu avoir de bébé. Le vide d’une vie sans enfant, Sarah ne pouvait l’imaginer. Difficile d’accepter l’inéluctable verdict. Il y avait tant d’enfants abandonnés, tant d’enfants maltraités ou délaissés. Comment vivre avec ce sentiment d’injustice de ne pouvoir soi-même concevoir d’enfant ?

Mina avait dû faire face à la frustration et à l’amertume de ne pas devenir un jour la mère aimante et attentionnée qu’elle aurait souhaité être, sans jamais comprendre le sens d’une telle cruauté de la vie. Elle avait reporté sur ses neveux et nièces, et surtout sur la petite Sarah si délaissée, tout l’amour dont son cœur débordait. La petite fille, avide de tendresse, avait su combler une partie de son mal d’enfant, mais cela n’avait jamais pu remplacer le lien puissant qui existait entre une mère et son enfant, elle en avait conscience.

— Je suis désolée, répéta Sarah en relevant la tête. Je n’ai pas le droit de me lamenter d’être enceinte. Surtout pas auprès de toi.

Mina balaya ses excuses d’un revers de la main. Le temps lui avait appris à accepter cet état de fait : elle ne serait jamais mère. Pourtant, tapie au fond d’elle-même, la douleur était toujours là, prête à ressurgir à tout moment. Elle s’en voulut de la vague de jalousie ressentie envers la jeune femme à l’annonce de sa grossesse, mais on ne commande pas ce genre de sentiments, elle le savait pertinemment.

— Le problème, poursuivit Sarah, c’est Romain. Il ne veut pas de cet enfant.

Cela ne surprit nullement Mina qui avait une piètre opinion du jeune homme. Elle s’était toujours demandé comment Sarah avait pu choisir un type comme lui et pourquoi elle vivait avec un homme qui ne la méritait pas. Elle avait toujours espéré secrètement que leur liaison prendrait fin. L’arrivée inopinée de cet enfant bouleversait malheureusement ce rêve qu’elle caressait depuis le début de leur fréquentation.

— Et toi, tu le veux, ce bébé ?

— Je ne sais pas, murmura Sarah d’un ton hésitant. Oui… Enfin, maintenant qu’il est là…

Elle secoua la tête, troublée par le doute qui l’assaillait.

— Romain veut que j’avorte. Il me l’a dit clairement. Mais moi… Je ne suis pas contre l’avortement, en général. Seulement, je…

La jeune femme avait du mal à remettre de l’ordre dans ses pensées.

— En ce qui me concerne, je ne sais pas. Je ne sais plus.

— La décision t’appartient, Sarah. Ne laisse pas cet imbécile décider pour toi.

La jeune femme amorça une mimique attristée.

— Tu ne l’as jamais apprécié, n’est-ce pas ?

— Il ne mérite certainement pas une fille comme toi !

Mina pressa sa main sur celle de Sarah.

— Et s’il décide de vous laisser tomber, l’enfant et toi, ajouta-t-elle, tu ne seras pas seule. Tu pourras toujours compter sur nous, tu le sais très bien.

Pour la première fois depuis ce qui lui sembla une éternité, Sarah esquissa un sourire timide.

— Merci Mina. Merci d’être toujours là pour moi.

— Bah, protesta l’Antillaise qui ne voulait pas céder au sentimentalisme, ce n’est pas grand-chose. Allez, au travail maintenant ! Il y a des clients qui s’impatientent.

Une partie de sa sérénité retrouvée, Sarah s’activa auprès d’un habitué qui la hélait pour une nouvelle commande. Oui, la vie continuait, malgré tout.

2

— Je rêve, là… Tu ne vas quand même pas tout lui laisser ?

— C’est le moins que je puisse faire, laissa tomber l’homme avec désinvolture en engageant le véhicule de location dans la ruelle étroite.

De toute manière, plus rien ne compte vraiment maintenant, ajouta-t-il en son for intérieur.

— Maxime, la culpabilité a des limites, quand même ! protesta Charles, ahuri par l’attitude incompréhensible de son meilleur ami.

Le conducteur lui jeta un regard noir dont il ne tint aucun compte. Tout cela était vraiment trop absurde.

— D’accord, tu te sens responsable de cet accident et il est plus que regrettable que Laure ait perdu le bébé. Ce n’est pas une raison pour quitter ton domicile comme un vagabond en emportant seulement tes vieux livres, quelques CD et tes vêtements, avoue-le !

— Et la voiture. Tu oublies la voiture, ajouta Maxime avec un sourire désabusé.

— Je te l’accorde, un vagabond avec une BMW, c’est trop classe ! ironisa Charles avec une grimace. Sincèrement, tu crois vraiment que cela vaut votre superbe appartement et tout ce qu’il y a dedans ? À propos, quand la récupères-tu, ta précieuse voiture ?

Depuis quelque temps, Maxime n’avait plus vraiment le cœur à rire. Pour quelques verres de trop qu’il n’avait pas su refuser, sa vie avait volé en mille éclats.

L’image de sa femme, allongée sur son lit d’hôpital, le visage crispé de douleur par la perte du bébé qu’ils attendaient, le hantait chaque instant depuis l’accident. C’est donc un sourire sans joie qui se dessina sur ses lèvres quand il répondit :

— L’expert n’est pas encore passé.

— Je l’ai trouvée plutôt bien.

Maxime haussa un sourcil interrogateur.

— Je veux parler de Laure, précisa Charles dans un mouvement de tête. Elle avait l’air en forme quand on est passés tout à l’heure.

— C’est une façade, objecta le conducteur d’un ton bas. Tu la connais, elle a toujours su maîtriser ses émotions devant les autres. Elle tire une grande fierté de cette capacité : ne rien laisser voir de ses faiblesses. Ne rien montrer. Jamais. Cela a toujours fait partie de ses principes.

Charles resta silencieux un instant comme pour méditer les propos de son ami. Pour lui, cette séparation n’avait aucun sens. Maxime et Laure s’aimaient. La chose était évidente aux yeux de tout le monde. Alors pourquoi s’obstinaient-ils tous les deux dans cette mascarade ? Quel profit l’un et l’autre pensaient-ils en tirer ? C’était stupide comme conduite. Stupide et vraiment puéril.

— Et toi ? Tu t’en sors comment ? demanda-t-il enfin en scrutant attentivement son ami.

Maxime ne répondit pas tout de suite, se remémorant l’émotion ressentie lorsque Laure lui avait annoncé la nouvelle de sa grossesse trois mois plus tôt. Ils revenaient d’une soirée entre amis. Une soirée où il avait trop bu, comme d’habitude. Il ne se souvenait plus à quel moment cela avait commencé, toujours est-il qu’il glissait lentement vers une dépendance certaine à l’alcool sans s’en rendre compte. Cela n’allait jamais jusqu’à l’ivresse totale, mais avec le temps, il avait toujours besoin d’un verre supplémentaire pour se sentir bien. Jusqu’à ce fameux soir.

Depuis l’accident, une semaine plus tôt, fidèle à la promesse qu’il s’était faite, il n’avait plus touché une seule goutte d’alcool.

Ses yeux bleus brillants de larmes, il poussa un profond soupir. Il se maudissait de ne pas avoir pris cette décision plus tôt. Rien de tout cela ne serait arrivé s’il avait cessé de boire avant. Il aurait pu éviter un tel gâchis. Mais il était inutile d’éprouver de tels regrets. Ce qui était fait était fait.

— Peut-être qu’en laissant tout à Laure, je garde en moi l’espoir que tout n’est pas fini entre nous, confessa-t-il plus pour lui-même que pour son ami. Même si au fond, je sais qu’on ne pourra jamais effacer le souvenir de ce bébé et qu’il restera comme un fossé entre nous. Laure s’était rendu compte depuis longtemps que je buvais plus qu’il ne le fallait. Nous en avions déjà parlé et elle m’avait conseillé de me faire soigner. Mais je refusais d’admettre que j’étais devenu alcoolique. Il aura fallu que je perde tout pour le reconnaître.

Une femme, surgie de nulle part, entra dans son champ de vision au moment où Maxime allait signifier à son ami qu’ils arrivaient. Il donna un grand coup de frein, évitant de justesse l’imprudente qui s’engageait sur la chaussée sans jeter un œil sur la circulation. Il foudroya l’inconsciente du flot d’émotions qui le submergeait déjà.

Le visage sombre, Maxime la vit lui murmurer un vague mot d’excuse et la poursuivit d’un regard noir jusqu’à ce qu’elle atteigne l’autre côté de la chaussée, manifestement bouleversée par ce qui aurait pu se passer sans ses réflexes.

Les deux mains sur le volant, il tendit les muscles des bras pour atténuer leurs tremblements et lâcha un profond soupir.

Des coups de klaxon retentirent. À l’arrière, les automobilistes s’impatientaient. Avec un large geste qui hésitait entre plates excuses et indifférence, Maxime appuya doucement sur l’accélérateur tout en scrutant la rue à la recherche d’une place où se garer.

— Ce n’est pas croyable le nombre d’inconscients qu’il y a sur terre ! grommela Charles en faisant allusion à la piétonne. Puis, reprenant la conversation là où elle avait été interrompue, il poursuivit :

— Je suis heureux que tu ne tires pas définitivement un trait sur Laure. Laisse-moi te dire que votre attitude à tous les deux, c’est du grand n’importe quoi !

Maxime ne répondit rien. Il avait conscience que pour les autres, sa séparation avec Laure n’avait aucun sens malgré ce qui s’était passé. Pour leurs amis, ils auraient dû se serrer les coudes pour surmonter leur drame au lieu de s’éloigner l’un de l’autre comme ils le faisaient. Personne ne parvenait à comprendre le fossé qui s’était creusé entre eux après la perte du bébé. D’ailleurs, lui-même n’était pas sûr de le comprendre vraiment.

Ils étaient arrivés au pied de l’immeuble où il allait désormais habiter, seul avec ses remords et sa douleur.

Charles prit un carton rempli de livres dans le camion et suivit son ami, également chargé d’un carton semblable. Les escaliers qui menaient au troisième étage étaient plutôt étroits et tournaient en colimaçon. L’homme soupira. Le dernier déménagement auquel il avait participé datait de la faculté. Pourquoi Maxime n’avait-il pas fait appel à des professionnels, comme ils le faisaient tous habituellement ? C’était pour le moins pratique de n’avoir à s’occuper de rien.

Arrivé devant la porte du nouvel appartement de son ami, il posa le carton au sol et, sortant un mouchoir propre de la poche de son pantalon en toile, il épongea les gouttes de sueur qui perlaient à son front.

Maxime tourna la clé dans la serrure et pénétra à l’intérieur de l’appartement sombre qui sentait le renfermé. Il y avait longtemps qu’il était inoccupé, lui avait avoué le fils de la propriétaire. Sa mère était entrée en maison de retraite plusieurs mois plus tôt, mais avait refusé de louer son logement avant d’être certaine de ne jamais y revenir. Ils prévoyaient de le laisser en location pour financer une partie de la maison de retraite.

Les deux hommes posèrent les premiers cartons dans la pièce principale et le nouveau locataire des lieux ouvrit le volet roulant sur la grisaille de ce début de février.

— C’est plutôt cossu ici, remarqua Charles avec une pointe d’ironie.

Il considéra le linoléum crème et la tapisserie d’un vert tendre décati d’un œil critique. La cuisinette attenante à la grande pièce était des plus succinctes : meubles en Formica blanc et évier en inox.

Charles poursuivit la visite par la chambre. La moquette bleue mouchetée s’usait à différents endroits et l’on devinait, sur le mur tapissé de jaune, l’emplacement des tableaux accrochés il y a peu encore. La propriétaire avait laissé une large penderie réalisée dans un renfoncement de la chambre, évitant à Maxime l’achat d’une armoire.

La salle de bains, qui faisait face à la porte d’entrée, comportait une douche, un lavabo avec sous-meuble en Formica et un W.-C. Entièrement carrelée de faïence blanche et jaune, et ornée d’un listel formant des vagues bleues, elle avait été réhabilitée récemment. C’était la seule pièce à peu près convenable de l’appartement.

Habitué à plus d’aisance, Charles trouva le lieu plutôt déprimant.

— Tu comptes rester combien de temps ici ? demanda-t-il à son ami quand il le rejoignit dans le salon.

Maxime haussa les épaules avec indifférence.

— Le temps qu’il faudra.

— Tu sais que tu peux toujours venir à la maison, poursuivit Charles.

Désignant l’appartement d’un geste évasif, il ajouta :

— Avant de retrouver tes esprits et de rentrer chez toi.

Maxime esquissa un sourire de remerciement.

— Je t’assure que je serai très bien ici.

Tapant sur l’épaule de son ami, il continua :

— Tu es venu pour m’aider, non ? Alors au travail, il reste encore des choses dans le camion.

L’homme avait déjà remonté un autre carton rempli de vaisselle dépareillée glanée ici ou là, pendant que Charles faisait le tour de l’appartement d’un œil critique. Il restait encore quatre ou cinq caisses, ainsi que les quelques meubles que Maxime avait dû acheter afin de disposer d’un minimum de confort. Le déménagement serait vite terminé.

Quand ce dernier fut achevé et les meubles montés, Charles grimaça un sourire.

— La prochaine fois que tu déménages, rappelle-moi d’être de garde.

— Allez, viens, lui répondit Maxime avec une nouvelle tape amicale dans le dos. Je t’invite à déjeuner. Quand je suis venu visiter l’appart, j’ai remarqué qu’il y avait, en face, un resto antillais qui a l’air sympa.

Jetant un regard circulaire sur sa nouvelle demeure, Maxime saisit les clés et referma la porte d’un coup sec.

Pressé par les derniers événements, il avait accepté l’un des premiers appartements qu’il avait visités, même si celui-ci ne ressemblait en aucun cas à ce qu’il avait connu jusqu’à présent, hormis peut-être à l’époque de ses études. Pour le moment, cela l’indifférait. Il ne comptait pas demeurer ici très longtemps. Il allait mettre à profit l’année sabbatique qui s’ouvrait à lui pour faire le point sur sa vie et prendre de nouvelles résolutions.

À quarante ans passés, un bilan s’imposait. Il voulait surtout en finir avec ses problèmes d’alcool, d’autant que son métier d’anesthésiste, la seule chose qu’il lui restait, ne pourrait que pâtir de cette dépendance à l’alcool.

Cette première semaine d’abstinence, bien que difficile, voyait renaître un autre homme et même s’il regrettait de ne pas avoir pris cette décision plus tôt, il ne pouvait que se féliciter de s’y tenir. Il commençait à entrevoir un nouvel avenir, quoiqu’encore un peu sombre pour l’instant.

Les deux amis traversèrent la route et entrèrent dans la brasserie qui faisait face à l’immeuble où Maxime allait désormais vivre, bien décidé à tourner la page sur son passé. Ils saluèrent la femme noire derrière le comptoir et tentèrent de repérer une table libre.

Bien que midi fût à peine passé, la brasserie accueillait déjà la plupart de ses habitués, ce qui était sûrement bon signe. Après avoir déniché une place près de la grande baie vitrée, les deux hommes se frayèrent un chemin, zigzaguant entre les tables occupées.

Butant contre un sac de cuir rouge négligemment abandonné aux pieds de sa propriétaire, Maxime perdit l’équilibre. Il se retint instinctivement à la jeune serveuse occupée à prendre la commande d’une table voisine.

— Excusez-moi, mademoiselle, commença-t-il.

Leurs regards se rencontrèrent et il reconnut l’inconnue qu’il avait failli heurter le matin même avec le camion de location.

— Décidément, le destin s’acharne contre nous aujourd’hui, ne put-il s’empêcher de faire remarquer.

Maxime la vit rougir violemment et, désireux de la mettre à l’aise, il déclara :

— Cette fois-ci, c’est moi le fautif, fit-il en lui adressant un clin d’œil qui se voulait complice. Nous sommes donc quittes.

Il la quitta avec un sourire, acceptant au passage les excuses confuses de la cliente qui avait laissé traîner le sac dans l’allée, et rejoignit Charles qui s’était installé à une table voisine.

— Qui est-ce ? s’enquit son ami avec indifférence.

— La fille que j’ai failli renverser tout à l’heure.

— Ah !

Moins physionomiste que Maxime, Charles ne l’avait pas reconnue. Trop commune, elle n’était d’ailleurs pas le genre de fille sur laquelle il avait l’habitude de s’attarder.

Maxime s’assit en face de Charles et jeta un regard en direction de la jeune femme. Leurs yeux se croisèrent de nouveau. Gênée, elle détourna la tête la première et s’éloigna vers le comptoir. Il la suivit des yeux.

Le hasard de cette deuxième rencontre le laissait quelque peu perplexe. Il se reprit aussitôt. Si elle n’avait pas travaillé ici, il aurait été peu probable qu’il l’eût presque écrasée un peu plus tôt dans la matinée. Le hasard n’avait certainement rien à voir là-dedans. C’était juste un concours de circonstances.

3

Après avoir pris note de la commande d’un couple âgé, Sarah se dirigea vers Mina, évitant un nouveau regard vers les deux hommes. Elle se sentait nerveuse, s’imaginant la proie de leur attention, et tenta de se raisonner afin d’éviter une quelconque maladresse. Elle en avait eu son compte pour la journée.

— Tu les connais ? demanda Mina, vivement intéressée, en désignant les deux nouveaux venus.

Sarah se mordit la lèvre inférieure.

— J’étais tellement bouleversée ce matin, après la confirmation de ma grossesse et ma dispute avec Romain, que j’ai traversé la route sans regarder. C’est avec eux que j’ai frôlé de peu l’accident. Une façon comme une autre de se débarrasser de ses problèmes.

Son moral, bien que meilleur, révélait encore le tumulte de ses pensées. Pourtant, la présence et les paroles rassurantes de Mina avaient quelque peu apaisé la jeune femme. Elle tendit une fiche à sa patronne avant de repartir à contrecœur auprès des deux hommes.

La jeune serveuse avança fébrilement vers leur table, s’efforçant de calmer une nervosité grandissante.

Quand, un moment plus tôt, elle avait jeté un œil dans la rue, elle avait instantanément reconnu le conducteur du camion de location qui avait failli la renverser dans la matinée et s’était figée, mal à l’aise, espérant voir les deux hommes passer leur chemin, mais ils avaient poussé la porte de la brasserie. Elle s’était alors hâtée vers des clients qui attendaient de passer commande, prenant conscience de ce que son comportement avait d’enfantin. Après tout, que lui importait ce que ces deux hommes, qu’elle ne connaissait pas, pensaient d’elle ? Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de se sentir comme une petite fille honteuse d’une bêtise face à un adulte.

Tandis qu’elle atteignait leur table, elle s’efforça de prendre un air naturel. Elle frotta machinalement son bras, car la douleur de l’hématome l’élançait régulièrement depuis le matin.

— Voici la carte, messieurs, dit-elle en tendant à chacun un menu. Aujourd’hui, le plat du jour est un cari de poulet.

Sarah fut soulagée de constater que sa voix ne trahissait pas le trouble dans lequel elle se trouvait depuis leur arrivée. Elle tourna les talons, mais le conducteur du véhicule la retint.

— Est-ce que vous vous êtes fait mal au bras ce matin, quand j’ai failli vous renverser ? demanda-t-il, visiblement soucieux.

— Non, le coupa Sarah d’un ton cassant en s’apercevant que sa main avait tendance à revenir inconsciemment sur sa douleur. Je me suis seulement cognée chez moi ce matin.

Elle s’apprêtait de nouveau à partir, mais il l’en empêcha.

— Me permettez-vous de vous examiner ? Je suis médecin, ajouta-t-il devant son regard à la fois surpris et méfiant.

Sarah ébaucha un sourire poli.

— C’est inutile, merci. Mon bras a juste heurté une porte que je croyais fermée. J’en serai quitte pour un bleu. C’est tout.

La jeune femme mentait mal, elle le savait, mais elle n’allait pas raconter sa vie au premier inconnu croisé.

Après tout, qu’il croie ce qu’il veut, se dit-elle, c’est le cadet de mes soucis.

L’homme ne fut pas dupe du mensonge, mais n’insista pas. Il la regarda s’éloigner avant de porter son attention sur la carte.

— Qu’est-ce qu’il te prend ? demanda Charles visiblement surpris par l’échange dont il venait d’être témoin.

Maxime releva les yeux vers son ami.

— Hein ?

Jetant un coup d’œil en direction de la serveuse, il confessa :

— Ce matin, je manque de renverser une femme dans la rue. Je recroise la même femme quelques heures plus tard faisant le service dans un restaurant où je déjeune pour la première fois et que je percute de nouveau… Je me demandais juste si de telles coïncidences ne sont que le fruit du hasard.

Le visage de Charles marqua un vif étonnement. Balayant d’un geste de la main ses propos, Maxime devina que son collègue ne pourrait comprendre le cheminement de ses pensées, qui le laissait lui-même perplexe, et lâcha sans même insister :

— Laisse tomber, je divague.

Charles scruta le visage de son ami, cherchant à deviner ce que cachait ce comportement. Il y renonça. Depuis l’accident, Maxime était devenu incompréhensible à ses yeux comme à ceux de leurs relations. Le choc, peut-être ?

— Avez-vous choisi, messieurs ?

Sarah était de retour. Elle s’efforça de ne prêter aucune attention à l’homme aux yeux bleus qui la dévisageait avec un intérêt non dissimulé. Elle n’y parvint pas et sentit monter une désagréable chaleur familière quand ses joues s’empourprèrent. Elle se maudit intérieurement de son émotivité qui trahissait l’agitation la gagnant.

L’inconnu était fort séduisant, elle devait le reconnaître, mais ce n’était pas tant cela qui la troublait que le fait qu’il fût le témoin de son étourderie qui aurait pu avoir de fâcheuses conséquences, se persuada-t-elle.

De son côté, l’homme se demandait pourquoi la jeune femme avait prétexté s’être cogné le bras à une porte, sachant pertinemment qu’il ne la croirait pas. L’idée qu’elle fût victime de maltraitance l’effleura un instant. Son air de culpabilité, son regard fuyant et le désarroi qu’il devinait dans ses yeux inquiets l’incitaient à imaginer cette hypothèse. Peut-être se faisait-il, malgré tout, des idées ?

— Je prendrai le plat du jour, commanda Charles.

— La même chose pour moi.

— Et avec ceci ? Si je puis me permettre, je vous conseille un Val de Loire rosé.

— Très bien.

— Une bouteille d’eau minérale pour moi.

La voix était chaude et douce. Sarah ne put s’empêcher de relever les yeux vers le conducteur. Leurs regards se croisèrent, ce qui eut pour conséquence d’accélérer le rythme des battements de son cœur. Les joues de la jeune femme se colorèrent une nouvelle fois. Décidément, cet homme avait le don de la mettre mal à l’aise.

Elle reprit les cartes que lui tendaient les deux hommes et s’éloigna rapidement, irritée de sa propre vulnérabilité.

Elle poursuivit le va-et-vient auprès des différents clients durant toute la pause-déjeuner, évitant de regarder vers la table de l’inconnu. Elle comprit qu’elle était particulièrement sous tension lorsque les deux hommes quittèrent la brasserie après leur repas. Le sentiment de légèreté qui la gagna après leur départ occulta totalement la déception ressentie à l’idée de ne plus revoir cet homme qui l’avait légèrement troublée.

Mina la renvoya aussitôt les derniers clients partis. Sarah ne se sentait pourtant guère d’humeur à rentrer chez elle. Qu’aurait-elle fait, seule dans l’appartement, avec ses questions, ses doutes et son mal-être ?

Elle décida d’aller marcher sur le front de mer. Une longue promenade chasserait peut-être le désarroi qui l’habitait encore et apporterait des réponses aux questions que, légitimement, elle se posait.

Elle descendit sur la plage de sable fin un peu avant le monument américain. Érigé sur la plage en 1926 pour marquer le passage des soldats américains sur le sol nazairien vers la fin de la Grande Guerre, le monument avait été reconstruit en 1989, après sa destruction par les Allemands durant la Seconde Guerre mondiale.

Pour le moment, une nuée de mouettes tournaient autour avec des cris perçants, avant de se poser sur les rochers qui s’étalaient à leurs pieds. L’odeur du goémon chatouilla agréablement les narines de Sarah. Un sentiment de bien-être l’envahissait déjà.

L’océan remontait doucement et la jeune femme foula le sable qui scintillait de mille feux sous le timide soleil de février. Le vent puissant avait fini par balayer les nuages gris qui s’étaient éloignés vers les terres, ne laissant qu’une traîne blanchâtre dans le ciel.

Des promeneurs savouraient l’intermède accordé par les caprices de la météo, s’attardant sur la plage avant de reprendre le long après-midi de travail qui les attendait. Des chiens, jouissant de la grande étendue de sable fin, se défoulaient, s’élançant vers un bâton lancé au loin par des maîtres heureux de profiter d’un tel espace pour leur animal de compagnie ; tandis que quelques mères de famille s’étaient aventurées avec leurs enfants pour construire des châteaux de sable, malgré la fraîcheur et le temps plus qu’incertain.

Sarah passa sous les pêcheries qui s’étendaient du carrefour de Sautron à la pointe de Villès. Au-dessus de sa tête, les carrelets se balançaient doucement, attendant la marée haute pour être plongés dans l’eau, avant de remonter, les mailles des filets emprisonnant quelques poissons de mer.

La jeune femme traversa la plage quasi déserte et se rapprocha du phare de Villès qui étirait son bras dans l’eau froide de l’Atlantique. Un groupe d’adolescents disputaient un match de volley et Sarah envia un court instant leur insouciance. Elle chassa ce sentiment qui lui ressemblait si peu. D’ailleurs, que savait-elle de leur vie ? Rien. Certains avaient probablement leurs propres problèmes. Elle-même avait traversé cette turbulente période dans une grande solitude.

Elle s’assit sur le sable, replia ses genoux qu’elle entoura de ses bras et contempla la mer à peine agitée. Bercée par le doux ressac des vagues et le cri des mouettes planant au-dessus de l’océan, ses sombres pensées s’apaisèrent. La mer avait toujours eu sur elle ce fort pouvoir relaxant. C’était là qu’elle venait généralement se ressourcer.

La décision s’imposa alors à elle : elle garderait l’enfant. L’idée d’avorter lui semblait si loin de ses convictions qu’elle se demanda comment elle avait pu s’y arrêter ne serait-ce qu’une minute. 

Ce problème résolu, elle allait devoir affronter Romain. Il lui avait clairement fait comprendre qu’il ne voulait pas de cet enfant. Comment allait-il réagir quand il apprendrait qu’elle avait décidé de garder le bébé ? Finirait-il par accepter l’inéluctable ou bien la quitterait-il pour d’autres horizons ? Elle espérait ne pas avoir à affronter seule une grossesse qu’elle n’avait malgré tout pas désirée.

Elle eut un sourire amer en songeant qu’elle suivait les traces de sa propre mère. Enfin presque. Elle, elle saurait aimer cet enfant en lui donnant la tendresse maternelle qui lui avait manqué dans son enfance.

Sarah se releva et frotta les grains de sable collés à son imperméable. Elle était restée longtemps assise à contempler la mer et la marée, haute à présent, l’empêcha de reprendre le même chemin. Elle traversa la petite plage, ôta le sable qui s’était glissé dans ses chaussures, et emprunta le front de mer réaménagé depuis peu avec ses chemins, sa verdure et ses kiosques. De nouveaux lampadaires diffusaient à la nuit tombante une lueur bleutée de Villès à l’entrée du port, invitant les passants à flâner, le soir venu, au bord de l’océan.

Elle passa la soirée seule, comme souvent, dînant légèrement d’une soupe de légumes, d’un laitage et d’une pomme, tout en suivant distraitement le programme qui passait à la télévision, avant d’aller prendre une douche. L’eau chaude détendit ses épaules et sa nuque raidies par la tension des derniers jours. Elle resta un long moment sous le ruissellement de l’eau, goûtant avec un plaisir presque sensuel le relâchement de ses muscles. S’enveloppant d’une large serviette rose en éponge, elle se sécha rapidement et enduisit son corps encore svelte de lait hydratant laissant sa peau douce et parfumée.

Sarah enfila une nuisette en satin couleur bordeaux et brossa ses cheveux bruns qui lui tombaient aux épaules. Elle se jugea d’un œil critique devant la glace jusqu’à ce que ses yeux se posent sur son ventre. Une bouffée de tendresse l’envahit alors à la pensée de ce petit être qui grandissait en elle. Elle esquissa un sourire à son intention et quitta la salle de bains, un souffle de sérénité balayant l’oppression qui la tenaillait encore.

Un coup d’œil au réveil lui apprit qu’il était déjà près de 20 heures. Elle se glissa alors sous les draps en flanelle couleur turquoise et ouvrit le livre posé sur la table de chevet.

Sarah était plongée dans la lecture de son roman policier depuis un moment déjà lorsqu’elle entendit tourner la clé dans la serrure. Romain rentrait souvent tard le soir, s’attardant chez l’un ou l’autre de ses copains. La vie de famille n’était en rien une priorité pour lui. Comment avait-elle pu penser un seul instant qu’il accueillerait le bébé avec joie ? Son cœur s’emballa à la pensée de la confrontation qui allait suivre.

Des bruits étouffés lui parvinrent de la cuisine. Le grincement du réfrigérateur que l’on ouvre. Un tiroir qui se ferme d’un claquement sec. Sarah en conclut que Romain n’avait pas encore mangé. Il n’avait aucun penchant pour une vie aux rythmes réguliers. Elle avait fini par abandonner tout désir de le changer, sachant d’avance que c’était peine perdue.

Elle se leva et frissonna. Elle savait que ce n’était pas seulement de froid. L’idée d’affronter son petit ami lui coûtait. Elle ne pouvait cependant pas se dérober. Elle devait lui faire part de sa décision de garder le bébé, quitte à subir la colère de Romain.

Elle retarda néanmoins ce moment déplaisant en glissant ses pieds déjà refroidis dans ses chaussons fourrés et enfila sa robe de chambre de velours marine. Prenant une profonde inspiration, elle quitta la chambre.

Affalé sur le canapé aux motifs aztèques, Romain mordait avec indifférence dans le sandwich au fromage qu’il venait de se préparer. Les pieds posés négligemment sur la table, il regardait la fin du match de football diffusé ce soir-là.

Son visage fermé trahissait une sale journée. Il y avait d’abord eu Sarah avec son annonce de grossesse alors qu’il n’avait jamais été question d’enfant entre eux. Puis, comme souvent, les réflexions désagréables de certaines clientes au salon de coiffure qui appartenait à son père et où il travaillait depuis peu, faute d’avoir trouvé un autre emploi. Enfin, alors qu’il espérait passer une soirée tranquille avec son meilleur copain à regarder le match opposant les Canaries au PSG, Sandy, la femme de Clément, l’avait littéralement jeté hors de son domicile sous un prétexte futile, alors que la première mi-temps s’achevait à peine. Romain s’était demandé ce qu’elles avaient toutes, ce jour-là, à se liguer contre lui.

Sarah resta dans l’encadrement de la porte. Le jeune homme tourna la tête dans sa direction un bref instant avant de reporter son attention sur le match. Il n’était pas d’humeur à discuter avec elle, elle le comprit à son visage distant, mais passa outre, préférant le tenir au courant de son choix le plus tôt possible.

— Où étais-tu ?

Nouveau coup d’œil mauvais de Romain. Ordinairement, Sarah se moquait de son emploi du temps, ce qui lui convenait très bien. Ils n’étaient pas mariés et il n’avait aucun compte à lui rendre.

— Chez Clément, répondit-il malgré tout, soupçonnant une ruse de sa part pour aborder le sujet du matin, ce qu’il voulait éviter à tout prix. Pour lui, la question était close. Elle devait se débarrasser de ce fœtus. Point final.

Évidemment, j’aurais dû m’en douter, songea Sarah.

— Ah oui, le match… Comment se fait-il que tu ne sois pas resté jusqu’au bout ?

Leurs « soirées foot » s’éternisaient généralement tard le soir. Ils jouaient facilement les prolongations, discutant autour de quelques bières jusqu’à une heure avancée de la nuit, tentant de refaire le match, quand ce n’était pas le monde. Au début de leur relation, il était arrivé à Sarah de l’accompagner, mais elle avait vite abandonné, n’ayant pas d’affinité particulière avec la femme de Clément.

— Sandy devait avoir « ses machins », lâcha-t-il, agacé, en buvant une gorgée de bière directement au goulot.

Sarah leva les yeux au ciel. C’était si facile de mettre la mauvaise humeur des femmes sur le compte de leur cycle menstruel. Elle n’était pas très proche de Sandy, mais elle imaginait sans mal que cette dernière en avait assez de voir Clément traîner avec ses copains au détriment de leur vie de famille, et de voir débarquer les copains de son mari à tout moment, à leur domicile.

Sarah prit une profonde inspiration avant de lancer :

— J’ai décidé de garder le bébé.

C’était dit avec une assurance qu’elle était loin d’éprouver, mais malgré sa nervosité, elle en fut soulagée. Elle ne supportait ni le mensonge ni les cachotteries.

Romain la dévisagea un long moment, les yeux durcis par la colère qui grondait en lui.

— Je te préviens, menaça-t-il. C’est lui ou moi.

Relevant le menton, Sarah le défia en réaffirmant d’une voix ferme :

— Je garde ce bébé. Que tu le veuilles ou non.

En deux enjambées, il fut près d’elle. Son visage exprimait la rage qu’il tentait de réprimer, mais la jeune femme refusa de se laisser intimider malgré la crainte qui la submergeait. Romain n’était pas particulièrement violent, mais avec l’alcool qu’il avait dû ingurgiter, la méfiance était de mise. Il devina la peur qu’elle tentait d’occulter et en joua un instant. Il lâcha d’une voix sourde :

— Je te préviens, tu n’obtiendras rien de moi. Et surtout pas que je reconnaisse ce bâtard.

— Je ne te demande rien. J’ai décidé de garder ce bébé et je l’assumerai. Seule, s’il le faut.

Ils s’affrontèrent du regard quelques secondes. La détermination de Sarah n’avait d’égale que la colère de son compagnon. Il saisit son blouson de cuir noir qu’il avait négligemment jeté sur le canapé et quitta l’appartement en claquant la porte.

Restée seule, Sarah laissa le chagrin la submerger. C’était terminé entre Romain et elle. Mais est-ce que quelque chose avait véritablement commencé ? Elle caressa son ventre encore plat qu’elle devinait à travers ses larmes. Son bébé n’aurait pas de père. Elle avait joué la fière devant Romain, mais à présent, elle se demandait comment elle assurerait l’éducation et l’avenir de son enfant, d’autant qu’elle avait lâché elle-même un travail intéressant. Elle aurait du mal à expliquer à un futur employeur pourquoi elle avait été conduite à faire ce choix sans dévoiler la vérité. Ce qu’elle se refusait à faire. Pourtant, jouer les serveuses au Pyé koko n’était qu’un job provisoire, elle le savait. Elle ne pourrait assurer une vie décente à son enfant avec ce maigre salaire. Et puis, vivre seule sa grossesse lui paraissait déprimant.

Elle écrasa d’un revers de main les larmes qui débordaient et tenta de trouver refuge dans un sommeil qui la fuyait. Elle s’endormit malgré tout en se demandant si elle avait fait le bon choix en voulant garder l’enfant.

4

— Écoute, Romain, je… enfin, nous…, bafouillait Clément, visiblement mal à l’aise. Non, en fait c’est Sandy, elle…

— Ne te fatigue pas, mon vieux. J’ai compris. Ta meuf veut que je me casse d’ici.

Clément soupira en son for intérieur. Romain et lui se connaissaient depuis l’école primaire, lorsqu’ils s’étaient retrouvés assis côte à côte en classe de cours préparatoire. Ils ne s’étaient plus jamais quittés depuis lors, redoublant leur année de sixième ensemble puis avaient emprunté la même filière au bac. Ils avaient partagé pas mal de choses, de la première cigarette à la première cuite, larguant leur flirt généralement en même temps afin de toujours préserver leur amitié.

À l’âge adulte, ils étaient restés très liés malgré le mariage de Clément avec Sandy et même après la naissance de leur bébé, ils continuaient à se voir plusieurs fois par semaine.

Quand les choses étaient devenues sérieuses entre Romain et Sarah, les deux amis avaient espéré que leurs compagnes sympathiseraient pour se voir davantage encore, malheureusement les deux jeunes femmes en étaient restées à une entente tout au plus cordiale.

Il faut dire, avait songé Clément, que Sarah était du style « petite-bourgeoise ». Il n’avait jamais compris l’intérêt de son meilleur ami pour cette fille. Et voilà qu’elle venait de lui faire un enfant dans le dos. Comme si Romain était du genre à accepter ça. Cette pimbêche s’était vraiment leurrée.

Quand Sandy avait manifesté son désir d’enfant, ils en avaient longuement discuté tous les deux. Il avait un emploi stable chez un petit artisan. Bon, il ne gagnait pas des mille et des cents, mais bon, il pourrait assumer financièrement la petite famille qu’elle désirait fonder. Elle savait déjà qu’ils en auraient trois. Pour lui, deux enfants auraient suffi. Il lui avait promis le troisième, si elle ne l’empêchait pas de continuer à voir ses copains comme il le voulait. C’était leur deal.

Quand Romain avait quitté Sarah et demandé à son meilleur copain s’il pouvait l’héberger le temps qu’il se retourne, Clément avait tout naturellement accepté, sachant que son ami aurait fait la même chose pour lui. Il avait cependant promis à Sandy que ce serait pour une courte durée, mais cela faisait déjà cinq nuits et Sandy lui avait mis le marché en main.

— C’est Romain ou moi.