Une vie de marin - Pierre ALLAIN - E-Book

Une vie de marin E-Book

Pierre ALLAIN

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Beschreibung

Une vie de marin c’est l’histoire singulière, de sa naissance à ses quatre-vingts ans, de Pierre Allain

Élevé dans un milieu maritime, dans le sillage de son grand-père paternel et de son père, tous deux officiers de marine, l’auteur plonge le lecteur dans ses années de service militaire dans la Royale et celles de son frère devenu contre-amiral. 

Marqué par cet ascendant militaire familial et l’éducation affectueuse de sa mère, Pierre vit la guerre entre Grenoble, Dakar et Casablanca. Plus enclin à l’écriture qu’à la parole, cet ingénieur informaticien, marié à un médecin anesthésiste, transmet aux générations suivantes la mémoire de son passage.

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Seitenzahl: 232

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Pierre Allain

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une vie de marin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Pierre Allain

ISBN : 979-10-377-7230-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

Introduction

 

 

 

3 janvier 2022

 

Les fêtes de fin d’année sont terminées. La dernière terrine de foie gras est presque vide. Un vrai régal. Marie-Françoise est une spécialiste. Le 24 au soir, nous étions 12, tous diagnostiqués négatifs au Covid. Bénédicte nous recevait au Chesnay. Il pleuvait. Lucille nous avait rejoints de Montréal pour les fêtes.

Le 25 au matin, je me suis levé tôt pour aller chercher les gâteaux préférés de tous : 2 merveilleux au chocolat blanc et noir. Boulogne était désert à 8 heures et je me suis perdu. Nous avons enchaîné sur la messe de Noël. C’était tout simple et recueilli. À midi, nous nous sommes retrouvés chez notre deuxième fille, Isabelle, à 15. Pénélope, 5 ans, nous avait rejoints avec ses parents. Il y avait beaucoup de cadeaux. Les adolescents ont offert leurs propres cadeaux et nous avons été tous gâtés. Je n’ai jamais reçu autant de cadeaux. Cela a bien pris une heure et demie. Nous sommes passés à table. Elle prenait toute la largeur de la salle à manger avec deux belles nappes qui devait venir de Madagascar. Huîtres de Cancale, Foie gras de Marie-Françoise arrosé de Sauternes, Dinde aux marrons arrosée d’un Gevrey-Chambertin 2000, Salade, Fromages, et 2 merveilleux au chocolat. Je n’ai pas eu besoin de me reposer, n’ayant rien bu pour m’éviter les maux de tête fréquents.

Le soir du 31, après avoir dîné avec notre fille Bénédicte, nous avons regardé un Netflix : « Rien ne va plus » avec Isabelle Huppert et Michel Serrault. Amusant, mais difficile à suivre. J’ai lu une heure puis me suis endormi.

Au cours de la nuit, je me suis souvenu de mon projet de début d’année : écrire avec ma sœur l’histoire de nos familles. Elle m’a fait lire ses premières lignes. Il y a beaucoup de détails, mais c’est orienté sur elle seule. Je lui en ai reparlé plus tard et elle m’a laissé entendre qu’elle n’avait pas terminé. C’est alors que j’ai eu l’idée d’écrire « Mes 80 ans ». Dans la nuit, je me suis souvenu de détails importants de mon enfance qui peuvent entrer dans mon livre. Je me suis relevé et ai noté dans mon relevé d’actions : « Mes 80 ans ».

J’ai commencé à organiser mes fichiers Word pour la saisie de mon texte dès le 1er janvier et j’ai commencé à écrire et à réfléchir.

Essentiellement autobiographique, il me permettra de m’étendre sur mes centres d’intérêt familiaux, professionnels, culturels, religieux, médicaux, industriels, politiques, géopolitiques, archéologiques et militaires.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

I

Mes souvenirs

 

 

 

 

 

 

1

Mon enfance

 

 

 

Je suis né le 29 janvier 1939 à Brest. Je n’ai pas connu mon grand-père maternel, maître-tailleur, dirigeant plusieurs milliers d’ouvriers à l’arsenal. Il avait une carrière professionnelle supplémentaire étant commerçant dans la rue de Siam d’un magasin important de gants et de lingerie féminine avec sa fille Gilberte. Il est décédé, quelques jours après ma naissance, d’un cancer. J’ai souvent pensé que je tenais de lui, car j’ai été industrieux comme lui devait l’être.

J’étais entouré par mon père et quatre femmes que j’ai beaucoup aimées : ma mère, ma grand-mère maternelle, ma tante, sœur de ma mère et ma sœur Soizic. Maman était une jolie femme, mère au foyer et femme d’officier. Mémé était tout amour, absolument pas commerçante, femme au foyer, dirigeant sa bonne et sa fille, Gilberte, divorcée à la suite d’un mariage convenu et raté. Mamy était une seconde mère pour moi et me gâtait beaucoup, elle dirige le magasin de gants, Soizic est ma sœur aînée de 4 ans plus âgée que moi. Elle n’a pas froid aux yeux et s’est occupée de moi et de mes frères pendant toute notre enfance.

Mon père était officier de marine comme son père qui finit sa carrière comme Capitaine de corvette après avoir été affecté toute sa vie à Brest. Mon père, lui, fait sa carrière dans l’aéronavale, excepté après 1943.

 

Son CV Sa formation aéronautique cf. Annexe 1

En 1941, nommé à entre deux Guiers près de Grenoble, sa famille l’y rejoint avec Mémé. Ils se retrouvent dans le train Lyon-Grenoble avec enthousiasme. Mémé rentrera seule, sans ausweis et passera la ligne de démarcation à Vierzon dans un enterrement. Ils y perdent un bébé nouveau-né, Catherine, faute de tente à oxygène à l’hôpital de La Tronche.

La famille rejoint Dakar où mon père a été affecté : il m’arrive un accident qui aurait pu me tuer : jouant sur la dune au-dessus de la plage, je tombe à travers des planches disjointes, dans un puits d’aération de 15 mètres de profondeur. Mon père présent s’y jette et me remonte à la surface couvert de sang, mais sans blessures graves, on ne sait comment. Je suis conduit à l’hôpital dans une calèche passant par là. C’est mon premier traumatisme.

Nous passons deux années agréables à Dakar, dans une belle villa, entourés d’un personnel nombreux. Je vais à l’école des sœurs avec Soizic, en barboteuse, remplie de nonnettes. Mon père fait ses surveillances aériennes en hydravion accompagné de la terreur, jusqu’à sa mort. Il a pour pacha le commandant Dailliére. Mon frère Patrick naît à Dakar.

En fin 1942, le gouvernement français décide de ramener en France, les familles des militaires vivant en AFN soit 7 000 personnes. Le paquebot La Providence arrive à Casa le jour du débarquement des Américains au Maroc. La Providence, chargé de 2000 familles, coule avec l’équipage dans le port de Casa. L’équipage se sacrifie, nous débarque et nous abrite des attaques de chasseurs américains derrière des balles d’alpha, attendant sur le quai leur chargement. Je vis mon deuxième traumatisme et bégaierais de peur pendant un an.

Ma mère et ses 3 enfants vont vivre 3 ans à Casablanca, dans la mouvance franco-américaine, aidés en l’absence de leur mari et père par des amis et des parents. Ils ont tout perdu à Brest puis à Casablanca. Mon père est parti à Alger créer le Groupe spécial de la marine de parachutistes en vue des débarquements en Europe. À Casablanca, nous vivons dans un grand appartement, situé dans un immeuble moderne, Avenue Damad, au-dessus du parc Lyautey. Les premiers jours, nous avons été hébergés par une femme d’officier de marine, Mme Yvonne Querré dont le mari, CSD du cuirassé Jean Bart a été tué lors du débarquement des Américains par une porte d’écoutille soufflée par une explosion qui l’a découpé en 2. Nous y sommes restés 2 mois entourés d’officiers américains, admirateurs de notre amie. Nous retrouvons des familles rapatriées de Dakar et notamment les 2 filles, Gisèle et sa sœur, du commandant Dailliére, disparu au-dessus de Freetown. Je vais à l’école des sœurs avec ma sœur et mon frère. Ahmed, l’épicier, admirateur et soutien de ma mère, nous apporte chaque semaine dans sa grande djellaba des fruits secs et des dattes. C’est l’ami de la famille. L’été, nous allons au frais en montagne à Ain-leuh. Mon père passe de temps en temps à Casablanca. Il s’occupe à Alger, de la création du groupe des commandos parachutistes de la marine. cf. annexe2

Nous quittons Casablanca pour la France en novembre 1944, à bord de la Savoie. Le voyage est très long. Nous arrivons à Marseille, détruits. Je passe mes journées à ramasser des boulons sur le quai dévasté. Un ami de mon père, tenancier à Toulon, propose à maman de la faire quitter le bord. Elle refuse, ne voulant pas quitter les autres familles. Finalement, nous prenons le train pour Paris. Dans le train, nous avons la surprise de retrouver papa qui nous cherche.

Il fait froid et nous sommes habillés comme au Maroc. Papa a réquisitionné un appartement à Paris, 67 boulevard des Invalides au grand dam des habitants de ce bel immeuble, aidé par un ami, M. Faure qui a fait fortune pendant la guerre en construisant le mur de l’Atlantique. Je me souviens de mon 1er mai sous la neige. Puis c’est la Bretagne. En juin 1945, nous découvrons nos grands-parents avec plaisir. Mes parents m’envoient à Pont-l’Abbé chez mes grands-parents paternels. Ils habitent Place de la République dans un appartement au 1er étage. Tout se passe bien hormis la toilette ; je me retrouve intimidé tout nu dans une bassine d’eau chaude, entouré de mes grands-parents. Je vais pendant un mois à l’école des frères avec mes cousins, Yves Criou, Patrick Criou et Bernard Moysan.

Maman, ma sœur et Patrick sont à Quimper chez Mémé et mamy, Place Terre au duc, au-dessus du magasin de mamy. Papa prend ses vacances et nous emmène à l’Île-Tudy. C’est mon premier souvenir de vacances. La maison est sur le bord de l’océan. C’est une ancienne maison de sabotier aménagée par mes parents avant-guerre et qui a supporté les années d’absence dues à la guerre. Les enfants ont leur chambre au 1er étage, près de celle des parents. Mémé et mamy ont leur chambre au deuxième. La cuisine, la salle à manger, l’entrée et les toilettes sont au rez-de-chaussée.

Nous avons des cousins de nos âges, les Bargain : Françoise, Hervé et Alain. Leur père, Edgar est imprimeur à Quimper. Ils habitent chez leur grand-mère paternelle, à quelques maisons de chez nous à côté de l’église et du cimetière. Nous jouons dans le sable et pêchons à la crevette. De l’autre côté de l’estuaire, il y a Loctudy. Nous y avons 3 familles de cousins : Les Criou, quincaillier à Pont-l’Abbé, le docteur Criou et les Moysan, marchands de vin à Pont-l’Abbé. Cela fait une tripotée de cousins. Je les rencontre parfois ; ils font de grands trous dans le sable et se battent avec des boules de sable : une équipe s’appelle Les Karaboudjan du nom d’un cargo de cigares du livre « Les cigares du pharaon » de Tintin. J’ai d’autres cousins plus éloignés : Les Jugeaud et les Pierre Allain, professeurs.

Nous allons avec Soizic chercher le lait et le beurre chez Marie du Nan en longeant l’étang et la digue. J’apprends à faire du beurre sur la terre battue de la salle commune. Le chemin est étroit, car bordé de champs de mines. Nous vivons au rythme des marées. Tous les jeudis, jour de marché, nous allons à Pont-l’Abbé déjeuner chez mes grands-parents paternels. Mon grand-père a passé sa matinée à décortiquer des crabes et araignées pour nous préparer à chacun une assiette de crabe. C’est délicieux. Nos parents profitent pour faire les courses au marché. Mon grand-père, Léon, est retraité de la marine nationale. Il a fait toute sa carrière dans la rade de Brest. Ma grand-mère, Clémentine, qui a élevé ses 2 enfants, dont sa fille Suzanne.

Elle est mariée à un officier qui a fait carrière dans la coloniale en Extrême-Orient et a passé la guerre dans les camps japonais. Mon cousin Jacques est un peu plus âgé que nous, mais il se souvient bien de l’occupation japonaise en Indochine dont il a souffert. Ils passent leurs vacances chez mes grands-parents. Mon oncle Jean est très drôle bien qu’il y ait une sorte de jalousie entre nos deux familles. Tous les étés, ils passent un mois en cure à Vichy. Fin septembre, nous rentrons à Paris pour aller en classe. J’ai 6 ans et rentre en 9e au Collège Stanislas près de chez nous. Soizic nous conduit à l’école tous les matins. Elle va à l’école des sœurs de Sion mitoyenne du collège. À midi, nous rentrons déjeuner ensemble à la maison. Le soir, mes parents reçoivent à table des Anglo-saxons et des marins. Mémé et Mamy ont décidé de retourner à Brest ; elles habitent dans un des rares immeubles resté debout rue Jean-Jaurès et le magasin est transféré de Quimper dans une baraque de la cité commerciale, rebâtie sur les ruines à côté de la mairie.

À chaque vacance, papa nous emmène en voiture à Brest chez Mémé. Le voyage est long, car la voiture tombe en panne fréquemment. Je découvre la rade de Brest, ses bateaux de guerre, l’arsenal dévasté et les environs de la Pointe Saint-Mathieu couverts d’ajoncs et de genêts fleuris de jaune. Les Abers sont merveilleux. C’est de cette date que j’aime cette région et je m’y rends dès que je suis à Brest. C’est l’atavisme ! Mémé nous invite au restaurant gastronomique qui domine l’océan. Et en juillet, toute la famille s’installe pour 3 mois à l’Île-Tudy. Mamy a deux fidèles employées, Mlle Juliette et Mlle Huguette, sur lesquelles elle peut s’appuyer pour nous rejoindre avec Mémé.

Papa a ramené de Toulon à Lanvéoc-Poulmic son cotre de Carantec, le Miqaik abréviation des diminutifs de Miquette et de Soizic, et nous faisons de la voile avec lui et maman.

Les grands jours, nous allons à l’Île aux moutons. Il le barre avec deux ou trois cousins chaque été de Lanvéoc dans la rade de Brest à l’Île Tudy en passant par le Raz de Sein et la pointe de Penmarch. C’est toute une expédition, car le temps n’est pas toujours maniable. Nous suivons son avancée en téléphonant à chaque sémaphore. Il arrive parfois avec 1 ou 2 jours de retard sur l’horaire prévu. Les grandes marées de septembre nous enchantent. La mer se retire loin à marée basse et nous allons pécher dans les rochers et dans les goémons. Nous allons à pied jusqu’au phare de La Perdrix situé dans l’estuaire. Il y a des pardons religieux tout l’été : île Tudy en juillet, Loctudy en août, Pont-l’Abbé en septembre avec la fête foraine de la Tréminou, La Clarté en septembre sur Combrit avec sa fontaine miraculeuse pour soigner les yeux. Je monte sur les casse-gueules avec mes cousins et dans les auto-tamponneuses. C’est la joie. Papa nous a acheté une plate à voile. Nous jouons beaucoup avec mes cousins et moi. Nous récoltons des kilos de moules à marée basse et allons les vendre dans les villas de Sainte-Marine. C’est toute une expédition ! Nous faisons la connaissance de cousins éloignés de papa, les Coatalen, dont le père a fait fortune pendant la guerre de 14 avec les bougies KLG. Hervé est un navigateur, mais il n’a aucune activité, Anna est peintre et mère de 6 filles, dont une, Carole, d’un premier mariage. Annick a mon âge. Ils viennent à l’Île Tudy embarqués sur leur misaine passer les soirées chez Riou dit Bec en Zinc, car il est couvreur de métier. Il y a de l’ambiance dès qu’ils sont là.

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure 1 : Île Tudy La perdrix

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure 2 : Île Tudy L’Église

 

 

Figure 3 : Île Tudy 4 Boulevard de l’Océan

 

Mes parents reçoivent beaucoup, il y a une employée à la maison qui aide maman. C’est une Bretonne. Nous avons passé une année à Paris. Puis papa a été nommé comme pacha de la base de Lanvéoc-Poulmic sur la rade de Brest. C’était à la fois un port et un aérodrome militaire. Il y avait également l’École Navale commandée par un autre officier ami de mes parents, le capitaine de vaisseau Cabanier. Nous habitions une villa épargnée par les bombardements au-dessus de la base. Mes parents profitaient d’un personnel nombreux et compétent. Le cuisinier Huguen, le maître d’hôtel Huguen, une employée et 2 prisonniers allemands. Les prisonniers vivaient en liberté et chassaient les lièvres dans la lande bretonne qu’ils nous ramenaient en passant dans un trou du grillage qui entourait la villa. Nous étions très gâtés. Soizic allait à l’école à La Retraite à Brest. Tous les lundis matin, elle prenait le canot-major, quel que soit le temps, et traversait la rade avec les marins. Arrivée au Port de commerce elle traversait les ruines du port pour monter à La Retraite qui surplombait Brest. Elle avait du courage, toute seule à 11 ans. Moi, j’allais à l’école communale de Lanvéoc. J’y allais dans le side-car du vaguemestre avec les sacs de courrier. C’était la belle vie ! J’avais un maître qui s’occupait bien de moi et de tous les petits paysans de la classe. Papa m’avait fait confectionner un jouet par le menuisier de la base : un superbe traîneau à 1 place roulant sur 3 roulements à billes. Je dévalais avec sur la route qui menait à la base.

Papa a acheté un autre cotre, plus petit, le Pen Du. Je n’ai pas compris la raison de son achat, car le Miqaik était un bon bateau. Nous allons à Brest déjeuner au Cercle naval ou chez mémé. C’est, une année, inoubliable de mon enfance.

Puis nous quittons Lanvéoc pour Brest, papa ayant un changement d’affectation. Il est nommé commandant de l’aviso La Gazelle, chef des avisos, en Indochine. Il va y faire la chasse aux jonques du Viet-Minh pendant 2 ans. Nous ne le verrons pas pendant cette période. Maman s’est installée chez mémé et mamy, rue Jean-Jaurès à côté de l’église Saint-Martin et du cimetière. Nous y trouvons les tombes des familles Housset et Allain. Papa a ramené le cercueil de ma sœur Catherine décédée à Grenoble en 1941. Soizic est demi-pensionnaire à La Retraite et moi, je suis à l’école primaire La Providence dans une baraque avec une maîtresse énergique Miss Du. Maman nous y accompagne tous les jours avec Patrick. Nous avons un autre frère depuis quelques mois, Rémi dont je suis le parrain avec Paulette Aragnol comme marraine. Je me fais un ami qui habite à proximité de la maison, rue Saint-Martin. On va au cinéma à l’Eden voir des films de cow-boys et de vieux films d’avant-guerre. Je vais aux louveteaux avec mon camarade. À l’école, j’ai de bons résultats et je suis en tête. Je suis préparé au certificat de fin d’études primaires que je réussis.

Papa est nommé au ministère de la Marine au Service central Aero comme Capitaine de Vaisseau. Il a 44 ans. C’est une belle promotion. Nous rentrons déjeuner à la maison avec Patrick et Soizic. Je suis en 6e bleue au Collège Stanislas ; j’y ferais toutes mes études y compris la prépa. J’ai un préfet de division, l’abbé Chodron de Courcel qui est jeune et très sympathique. Je le suivrais toute ma scolarité à Stan. Pour les vacances, nous allons à Brest ou à l’Île Tudy où nous retrouvons nos cousins.

Je ferais ainsi de la sixième à la quatrième avec des professeurs principaux qui m’enseignaient le Français, le Latin puis le Grec. Chaque année, ils changeaient. Nous avions un professeur de Mathématiques, un professeur de physique, un professeur d’anglais, et le préfet nous faisait l’instruction religieuse. Je servais la messe et faisais provision d’hosties à cette occasion. J’étais en culotte courte et aspirais à porter un pantalon. J’ai fait ma communion solennelle en costume Eton. C’était impressionnant.

En cinquième, j’ai eu un préfet de division, l’Abbé Millé, beaucoup plus dur. Le dimanche, nous allons déjeuner au cercle des armées à La Pépinière. C’est agréable. En 1953, papa a été nommé commandant du porte-avions La Fayette à Toulon puis en Indochine. Maman s’est retrouvée seule avec 4 enfants et m’a trouvé trop dur à diriger. Mes parents m’ont mis pensionnaire au Collège en troisième. J’ai eu beaucoup de mal à m’adapter, car je n’avais que 13 ans. J’étais collé tous les dimanches et ne pouvait pas aller à la maison. Je subissais au dortoir les avances sexuelles d’un camarade et ne pouvais prendre une position ferme à son égard du fait de mon ambivalence personnelle. Ce fut mon quatrième traumatisme. Cela a duré un an puis je suis revenu à la maison en seconde comme externe.

J’étais scout dans la patrouille des ramiers avec Jean-Michel Constant. J’ai participé à des camps de Pâques et d’été mémorables : Morlaix, Huelgoat, Montagnes d’Arrée, Enclos paroissiaux, je saute d’un talus et me fais une entorse que le médecin soigne, Pont de Terennez, Lanvéoc-Poulmic et barge de débarquement pour Brest avec nos charrettes. Je connais Jean-Louis Chatelain, CP des écureuils que je retrouverai en prépa. Les chefs de la troupe, la 40 de Stan, sont formidables d’énergie et de disponibilité ; d’abord Michel Vaubourdolle puis Régis Lefay.

Papa m’a invité à Noël à Toulon à vivre avec lui sur le La Fayette. J’étais soigné par son maître d’hôtel. J’ai découvert par ses absences quotidiennes la présence d’une maîtresse et en ai été très marqué. Ce fut mon cinquième traumatisme.

À partir de ce moment, mes résultats sont devenus médiocres et j’ai dû redoubler la seconde. J’ai fait deux premières et deux maths-elem avec Monsieur Spitzmuller perdant ainsi l’avance que j’avais acquise en primaire. Cependant, mes vacances à L’Île Tudy avec le Miqaik et mes cousins n’ont pas été perturbées.

 

 

Figure 4 : Sur le La Fayette

 

Figure 5 : L’île Tudy, Soizic

 

Figure 6 : Patrick et Remy

 

 

 

 

 

2

Mon adolescence

 

 

 

Finalement, j’ai mon bac et rentre en prépa à 18 ans. Mon professeur de mathématiques, Monsieur Brunel, est jeune et s’occupe bien de moi. Nous sommes 40 élèves par classe. Je suis en Ensi1 comme 1/2. Je me fais de bons camarades. Nous travaillons beaucoup et dès le mois de septembre, je dois passer 2 colles par semaine avec obligation de résultat. Sinon, c’est l’exclusion ! Je passe le cap de justesse. Je suis invité à des surprises-parties auxquelles je participe avec plaisir. J’ai beaucoup d’amis qui en fait sont des concurrents. Ils ont mon âge : Aubriot dont la sœur est avec Soizic, Amunatéguy avec qui je travaille chaque soir pour préparer nos colles, Pierre Charlet avec lequel je rentre par le boulevard du Montparnasse et qui devient mon plus grand ami. Son frère Michel regarde Soizic avec intérêt sans grand succès. Il épousera une de mes amies, Françoise Lecourt, fille d’un député. Dutilleul, Leblanc, Patrick Monier Vinard qui prépare Saint-Cyr et habite rue de Rennes. Je termine l’Ensi1, bien classé et suis admis comme 3/2 en classe de Centrale. Mon professeur de mathématiques Monsieur Lerallut, est un homme jovial tout aussi exigeant sur le résultat des colles de septembre que Monsieur Brunel. Je remonte progressivement ma moyenne et peux poursuivre. En classe de taupe, j’ai été précédé par des camarades, Chatelain, Lucas, Vauclair, Briffod qui intégreront Polytechnique ou l’équivalent.

Pour me faire de l’argent de poche, je donne des cours dans un hôtel particulier, Quai Malaquais à un élève de seconde. Je peux enfin m’offrir un scooter Vespa et prends un nouveau degré de liberté. Mais j’utilise aussi la 2cv de Papa ; Un samedi soir ramenant à minuit Marie-Antoinette chez elle à Asnières, je heurte une voiture, rue de l’université, en face de chez Le Divellec. Mon amie prend un taxi pour rentrer chez elle. Je téléphone à Papa qui vient me dépanner sans m’attraper.

Je fais la connaissance de Françoise Mazeaud, fille d’un grand professeur de droit, je tombe amoureux et viens quotidiennement la voir en Vespa à son bureau du ministère des Affaires étrangères. Cela a des répercussions sur mon travail et je me retrouve entre deux chaises. Je sens par ailleurs que je lui suis indifférent. Je suis trop jeune. Je déprime et envisage de me suicider en me jetant par la fenêtre de chambre de bonne que j’occupe au 7e. Je me reprends et viens demander du secours à mes parents en pleine nuit. Finalement, j’arrête les cours, consulte notre vieil ami, le docteur Genévrier, et pars à Brest avec maman où je suis hospitalisé à l’hôpital Ponchelet. Je suis pris en main par ce cher docteur Coulonjou qui, en un mois, va me remettre sur pied avec un traitement à base de mélasse. Je suis bien entouré avec mémé et mamy. Nous rentrons à Paris et partons pour la montagne à Vars, chez mon cousin Jean Housset qui vient nous voir à l’Île-Tudy tous les étés pour s’y occuper de nos voisines, les filles Le Gall. Je découvre la montagne et le ski.

 

 

Figure 7 : Maman à Vars

 

 

La piste de la Mayt n’a plus de secret pour moi. Je rentre à Stan après les vacances de Pâques, ayant perdu 2 mois de scolarité. Je recommence à préparer les concours, les passent, mais les résultats ne sont pas brillants.

Je me prépare à rejoindre l’île Tudy, mais on me vole mon scooter la nuit précédant mon départ. Pas de chance ! Si Monsieur Lerallut accepte, je ferais 5/2 l’année prochaine. Avec mon futur beau-frère, Gino Rannou, à bord de nos deux bateaux, dont le Miqaik que papa me prête moyennant son entretien annuel, nous partons début juillet passer 2 jours aux Glénan avec les frères Wolf, Jean et Guy. Le temps est superbe sur l’île du Loch où nous passons la journée, mais nous n’avons pas anticipé un coup de vent pour la nuit. Nous nous retrouvons le matin, drossés à la côte, nos mouillages n’ayant pas tenu et le gouvernail ayant cédé. Nous embarquons dans l’annexe et nous réussissons à joindre Fort Cigogne. La pinasse du Centre des Glénan vient récupérer mon bateau et celui de Gino. Nous passons 3 jours dans le fort, couchés sur des cartons d’emballage, puis le temps redevient maniable. Je demande aux responsables du Centre des Glénan que la pinasse des Glénan nous remorque à Concarneau. Arrivés au port, Papa reprend les choses en main et fait réparer le Miqaik. Nous avons eu de la chance.

 

Figure 8 : Le Miqaik

 

Des camarades de Stan viennent me retrouver pour passer quelques jours : Patrick Monier-Vinard, Denis-Paul Guillaume, Jean-Luc Breusse. Ils apprennent à aimer la Bretagne et la voile. Denis y achètera sa maison plus tard, rue de la poste. Nous nous amusons beaucoup avec nos amis et amies entre Sainte Marine, Bénodet, Concarneau, Quimper et Loctudy. Nous sommes en surprise-party tous les soirs ou à L’Escale à Bénodet ou chez Riou à L’Île Tudy. Bobette, Françoise et Michel Jambon ont loué une maison sur la plage avec un grand garage pour faire la fête. Gino a son garage transformé en boîte de nuit.

Je rentre en 1960 en Centrale comme 5/2. J’ai de nouveaux camarades : De l’Escalopier, Doligé, Banon, Guillaume, Chin Foo, Charvin, Tardif, Couvreur, Sénéchal. Certains intégreront en 5/2 d’autres en 7/2, comme moi : Centrale, IDN, Enseeiht Toulouse, Ponts, TP… À chaque vacance d’hiver, je vais à Vars chez mon cousin Jean, avec des amis, et m’initie au ski. Je rencontre les Florent, Claude, Nicole et leur frère ainsi que les Fougea. Elles m’invitent à faire du ski à Chamonix, mais nous avons un temps exécrable. Leur père deviendra mon agent d’assurances jusqu’à sa retraite et son gendre, Me Dominique de Frouville mon avocat.