Venise est lagune - Roberto Ferrucci - E-Book

Venise est lagune E-Book

Roberto Ferrucci

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Beschreibung

Quand l’invasion croissante des touristes prend la ville de Venise en otage.

Dans une forme littéraire, ce texte raconte l’effet dévastateur des passages ininterrompus des grands paquebots dans la lagune de Venise et les sentiments qu’ils provoquent chez la plupart d’entre nous, les Vénitiens. Un texte qui met face à face le pouvoir et l’indignation, la politique et la résignation, avec la certitude que la seule et ultime ressource que l’on peut opposer à l’arrogance, à l’idiotie, à l’ignorance, c’est la force des sentiments. Le sentiment d’une époque, le sentiment de deux villes (Venise et Saint-Nazaire), le sentiment des valeurs et du bon sens. Et, ce n’est pas le moindre, le sentiment amoureux.

Un court récit qui propose une réflexion sur le tourisme de masse et ses conséquences.

EXTRAIT

Il nous arrive souvent, lorsque que nous nous promenons, d’être surpris par les monstres qui impriment à cette heure-là leur ombre noire sur le paysage. Ils l’effacent, le paysage. C’est comme ça depuis des années. Souvent je les photographie, même si ensuite elles ont l’air d’être toutes pareilles, mes photos, car le rite absurde des croisières dans la lagune n’en finit plus et croît démesurément d’année en année – de par la dimension des bateaux, leur quantité, le nombre des passagers – et moi, je les prends en photo. Je pourrais faire un catalogue des horreurs, une quantité infinie, sous toutes les lumières possibles, par beau ou mauvais temps, à l’aube ou au crépuscule.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

[Roberto Ferrucci] raconte sa ville, Venise, avec l’attention d’un chroniqueur et la profondeur d’un narrateur. [...] Les paquebots qui défigurent le profil fragile de Venise deviennent pour la première fois les protagonistes d’un roman. - Francesca Visentin, Corriere del Veneto

Cri de colère et d'angoisse, Venise est lagune est une méditation sensible sur un imaginaire maritime qui doit rester à l'échelle de l'homme. - Alain Nicolas, L'Humanité

À PROPOS DES AUTEURS

Roberto Ferrucci est né à Venise en 1960. Journaliste et écrivain, ses romans ont été primé en Italie à maintes reprises. Il est notamment l’auteur de Ça change quoi aux éditions du Seuil, préfacé par Antonio Tabucchi. Il a également publié pour la Meet (Maison des écrivains étrangers et des traducteurs) de Saint-Nazaire le roman Sentiments subversifs. Il est par ailleurs le traducteur italien de Jean-Philippe Toussaint et Patrick Deville.

Jérôme Nicolas enseigne à l’université de Rome « La Sapienza », il a traduit romans et ouvrages de sciences humaines.

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VENISE EST LAGUNE

Copyright © Giangiacomo Feltrinelli Editore, 2015.Première publication sous le titre original Venezia è laguna en 2015 par Giangiacomo Feltrinelli Editore, Milan, Italie.© ( Éditions ) La Contre Allée, 2016.Collection Les Périphéries.

ROBERTO FERRUCCI

VENISE EST LAGUNE

TRADUIT DE L'ITALIEN PAR JÉRÔME NICOLAS

PRÉFACE

AVALER VENISE

Au-delà de l’éloge de ces deux villes qu’il aime, et dans lesquelles il aime vivre, Saint-Nazaire et Venise, deux villes au bord de l’eau, l’Atlantique et l’Adriatique, deux villes que relie pour le meilleur et pour le pire l’industrie navale, l’une pouvant à juste titre s’enorgueillir de construire depuis plus d’un siècle les plus grands paquebots du monde et l’autre subissant le passage dévastateur de ces milliers de tonnes d’acier dans sa lagune fragile, ce qu’on peut lire dans ces pages de Roberto Ferrucci c’est sans doute davantage encore la déréalisation de notre monde, le refus de l’histoire et de la géographie que concrétisent et symbolisent le grand navire de croisière et la croisière touristique : des monstres qui sont des villes elles-mêmes en mouvement, des villes ou davantage encore d’immenses centres commerciaux et clinquants casinos, galeries marchandes de quinze étages brillant de néons sur le modèle des malls identiques de l’Amérique à l’Asie et rassemblant les mêmes enseignes mondialisées, villes autonomes qui se déplacent vers les lieux des indigènes mais sans manger leur nourriture ni boire leur eau, permettent de les observer de haut et de les photographier depuis le point vertigineux du pont supérieur, et je me souviens de ces lentes murailles de feux clignotants qui sont les flashes photographiques glissant la nuit devant le Danieli de Venise, auxquelles je pensais chaque jour en passant devant le casino The Venetian sur l’île de Taipa à Macao, ou l’ancienne île de Taipa, dont la baie comblée qui la relie aujourd’hui à Coloane sert de socle à ce délirant hôtel-casino de plus de trois mille chambres comme ces enclumes flottantes de plus de trois mille cabines, délire architectural où se voient à l’échelle un-demi le Campanile et le Palais des doges et de véritables gondoles importées avec leurs authentiques gondoliers, et que jouxtera bientôt le casino The Parisian encore en construction en ce début de 2016, et sa tour Eiffel à l’échelle un-demi, et lorsque l’argent sale de la sale politique mal blanchie dans tous ces casinos terrestres ou flottants aura fini de détruire cette planète, d’ébranler les vieux pieux de chêne fichés depuis des siècles dans la vase de la lagune, les monstres marins ouvriront grand la gueule de leur proue et avaleront Venise, décolleront vers le ciel, emporteront vers les vaisseaux intergalactiques quelques souvenirs sous cloche de verre des quelques endroits pittoresques de la vieille Terre ravagée.

Patrick Deville, mai 2016

Nous avons eu peur qu’un jour Venise puisse changer d’avis et repartir ; nous l’avons attachée à la lagune pour qu’il ne lui passe pas par la tête de lever l’ancre encore une fois et de partir au loin, et cette fois pour toujours.

Tiziano Scarpa, Venise est un poisson,éd. Christian Bourgois

NOTE DE L'AUTEUR

Venise n’est pas une ville de mer. Venise est lagune.

Les Vénitiens qui sortent en bateau, qui voguent sur ses eaux vertes, splendides et fragiles, s’éloignent rarement pour fendre les eaux bleues du haut Adriatique. Tel est l’énorme paradoxe de ce débat absurde sur les grands bateaux oui, les grands bateaux non. La lagune n’est pas la mer. C’est surtout pour cette raison que le reste du monde sait parfaitement que la réponse à ce faux dilemme est NON. Seuls quelques Vénitiens cyniques, ceux qui font des affaires avec les croisières, continuent à insister sur l’innocuité de ces monstres faits de tonnes d’acier. Il suffit pourtant de les voir passer ne serait-ce qu’une seule fois, en vrai, pour comprendre l’absurdité d’un tel choix. Un choix motivé par les schei, les sous, car il y a toute une frange de Vénitiens, et cette fois pas seulement une poignée d’individus, qui considèrent leur ville comme une grosse machine à sous : à tous les coups on gagne, pressons-la jusqu’à la dernière goutte. Aujourd’hui, ces Vénitiens ont même un nouveau représentant officiel, un véritable commandant de bord, le nouveau maire, qui n’est pas plus tôt entré en fonction qu’il a censuré l’exposition photographique Monstres à Venise de Gianni Berengo Gardin programmée au Palais Ducal. Pour motiver sa décision, il a déclaré que cette exposition, signée par l’un des plus grands photographes du monde – un artiste qui a exposé au MoMa de New York, qui a collaboré au Time et qui a remporté plusieurs prix internationaux – aurait donné une mauvaise image de la ville. Ce qui est d’ailleurs tout à fait le cas, étant donné que les bateaux qui pénètrent dans la lagune ne se contentent pas de donner une mauvaise image de la ville : ils en donnent une image horrible au monde entier.

Le nouveau maire de Venise, élu au terme d’une campagne électorale pharaonique et bouffie de démagogie, a immédiatement pris pour cible la culture : en 2015, Venise, une ville d’art de niveau mondial, inscrite au patrimoine de l’Unesco, n’a pas d’adjoint au maire à la Culture. Le maire dit qu’il a gardé cette fonction pour lui. En réalité, son geste n’a pas qu’une valeur symbolique. Pour certains politiciens, pour certains hommes de pouvoir, la culture, c’est l’ennemi à abattre, capable de les marquer de près, de se mettre en travers de leur route, de les démentir et pour finir de les démasquer. Or, Venise n’est pas seulement une ville de la culture, Venise est